Champion de Bosnie-Herzégovine deux années de suite, le Zrinjski a crée la surprise en s'imposant dans "son" stade du Bijelim Brijegom face à l'AZ Alkmaar il y'a deux semaines. Mais d'où sort ce club méconnu en France et dont l'histoire en dit pourtant long sur l'ex-Yougoslavie ?
Le club possède en fait une double fondation, en 1905 et en 1992, due à son histoire compliquée mais nous y reviendrons plus tard.
En 1905, la "Société Culturelle Croate" de Mostar fonde un club dans le Condominium de Bosnie-Herzégovine, sous contrôle de l'Empire Austro-Hongrois. Le club est néanmoins totalement croate dans son identité, les membres y sont catholiques et y parlent le croate.
Le club vit sa petite existence tranquille jusqu'en 1914. La Première Guerre mondiale éclate et le club est interdit, l'Attentat de Sarajevo ayant forcé l'Empire à grandement étouffer les représentations culturelles trop marquées au sein d'un état devant lutter pour sa survie.
En 1918, la guerre se termine sur une défaite des grands empires centraux et aboutit à la formation d'un état nommé "Royaume des Serbes, Croates et Slovènes" dans les Balkans qui deviendra le "Royaume de Yougoslavie" en 1929.
Le club revoit le jour dès 1918 en conservant son identité croate, malgré l'opposition serbe et musulmane au sein de la ville, remportant son premier trophée majeur en 1923. Le club continue ainsi à jouer au sein du Royaume jusqu'en 1941, quand l'Allemagne envahit la Yougoslavie. Le pays est dépecé en de multiples états dont "l'État indépendant de Croatie" (en réalité un état fasciste mis en place par Berlin et auteur dirigé par des fascistes croates nommés Oustachis).
Le Zrinjski joue alors le championnat croate jusqu'en 1945, année où le club est, à nouveau, banni, car trop connoté "Croate" et donc incompatible avec le modèle sociétal voulu par la Yougoslavie du Maréchal Tito. Officiellement cependant, le club est banni pour avoir été un club collaborateur.
Le seul club de Mostar à partir de 1945 est le Velez, symbole de la ville multiculturelle qu'est devenue la capitale de l'Herzégovine. Le Zrinjski, lui, reste endormi pendant 47 longues années. C'est en 1992, alors que la Yougoslavie est en pleine implosion, que le symbole des Croates de Mostar renaît.
Après les accords de Dayton en 1995, le football s'organise en trois championnats dans le pays, un championnat d'Herceg-Bosna, malgré que l'État illégal du même nom n'existe plus, un championnat de la Republika Srpska (la République serbe de Bosnie) et un championnat de Bosnie-Herzégovine.
C'est d'abord dans le championnat de la République Croate d'Herceg-Bosna que le Zrinjski retrouve les places d'honneurs : deuxièmes en 93/94, durant la première saison du championnat, quart de finaliste en 95/96 et à nouveau deuxièmes en 97/98.
Le championnat de Bosnie s'unifie enfin à partir de la saison 2000-2001 avec des clubs venant de la partie bosniaque et croate du pays s'affrontant (les clubs de la Republika Srpska ne rejoindront le championnat qu'en 2002-2003) et pour la première saison du Zrinjski dans ce nouveau championnat, le club se maintient difficilement.
Mais en 2003, un nouveau management arrive à la tête du club. Le club renforce ses liens avec les clubs croates dont le puissant Dinamo Zagreb qui lui prêtera régulièrement ses pépites les plus prometteuses. Parmi les nombreux joueurs croates qui joueront à Mostar grâce à ce partenariat, le plus célèbre se nomme Luka Modric, qui jouera la saison 2003-2004 sous les couleurs du Zrinjski.
Les résultats arrivent très rapidement et en 2005, le club des croates de Mostar devient champion de Bosnie. Le club atteint les sommets pour son centenaire. Depuis ce premier titre, le Zrinjski à remporté le championnat national à huit reprises, un record.
Localement, la rivalité avec le rival du Velez est également l'une des plus intenses et marquées au monde. L'opposition est ethnique, culturelle, religieuse mais aussi politique : être supporter de l'un ou de l'autre, c'est donner sa vision sur ce que devrait être Mostar mais aussi la Bosnie, et donc l'Herceg-Bosna d'une certaine manière, dans son ensemble.
Mais derrière cette longue histoire, il se cache aussi un évènement majeur dans l'histoire du club mais aussi de la ville de Mostar : Le vol du stade.
Le Stadion pod Bijelim Brijegom, construit en 1958, accueillait, depuis sa création, le Velez Mostar, l'autre club de la ville, celui de la Yougoslavie et du multiculturalisme.
Mais entre 1992 et 1995, la Guerre de Bosnie-Herzégovine ruine le pays. Entre 1992 et 1994, la Guerre croato-bosniaque, qui oppose les partisans de l'Herceg-Bosna à ceux de la Bosnie-Herzégovine, touche grandement Mostar. La partie occidental de la ville devient Croate alors que la partie orientale devient Bosniaque, tout cela étant démarqué par le Bulevar narodne revolucije, un boulevard qui a servi de ligne de front pendant la guerre.
Le stade étant à l'ouest de la ville, il devient donc propriété du Zrinjski, qui s'en sert toujours aujourd'hui là où l'historique Velez doit se contenter du Stadion Rodeni. Le Zrinjski s'approprie alors l'identité du Velez, les archives du club, ses trophées, son matériel, tout ce qui faisait le Velez est resté dans le Bijelim Brijegom et a été "souillé" par les rivaux croates du Zrinjski. Encore aujourd'hui, on note dans la Red Army Mostar (groupe ultra le plus important du Velez) la volonté de récupérer le stade chez certains mais également le dégoût que ce dernier provoque maintenant que les Croates l'ont rendus "impur".
Pour les Ultras-Zrinjski, le stade est devenu symbole de leur propre identité, où l'on peut trouver des signes rendant hommage aux oustachis, des croix catholiques, en opposition à l'identité musulmane qu'à pris le Velez depuis la chute de la Yougoslavie, mais aussi des messages de soutien aux militaires croates inculpés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Le club multiethnique de la ville, autrefois symbole de la grandeur sportive de Mostar en Yougoslavie (deux fois vainqueur de la Coupe de Yougoslavie, plusieurs fois auteur de parcours mémorables en Coupe d'Europe mais aussi club formateur de Curkovic, Halilhodzic ou Salihamidzic) est aujourd'hui un club de second plan dans le pays, qui fut plusieurs années durant en deuxième division bosnienne, là ou le club deux fois banni, celui des Croates qui revendiquent leur identité forte au mépris des autres, est devenu un grand dans le pays et réussit des exploits qui n'ont pas été vus en Bosnie depuis l'ère yougoslave...