J'ai bien aimé la "trahison" d'Ikutsuki, moi, peut-être parce que j'aurais agi comme lui si j'avais été à sa place. (Dès l'instant où l'on m'a parlé de 12 shadows, je me suis demandé quel résultat formidable on obtiendrait en les réunissant toutes. ) Mon seul regret est qu'il soit mort immédiatement après.
J'ai trouvé sa trahison plutôt bien amenée. Elle permet d'expliquer plusieurs éléments du scénario.
- Pourquoi SEES est-il composé de lycéens, d'un enfant, d'un robot, et même d'un chien ? Par quel hasard n'y a-t-il aucun adulte utilisateur de persona ? En réalité, Ikutsuki a probablement uniquement recruté des jeunes parce qu'ils seraient idéalistes, et parce qu'ils feraient spontanément confiance à un adulte. D'ailleurs, c'est réussi : quand il annonce par exemple avoir trouvé le moyen d'éliminer la Dark Hour, personne ne songe à lui demander le moindre commencement de preuve.
- Pourquoi n'a-t-on jamais déclenché une opération contre Strega, même après la mort de Shinjiro ? Avec toutes les ressources dont les Kirijo disposent, il aurait été facile d'éliminer Takaya en dehors de la Dark Hour. Eh bien, Ikutsuki avait besoin de les garder vivants, parce que la présence d'antagonistes voulant préserver la Dark Hour va conforter SEES dans l'idée qu'ils sont bien en train d'éliminer la Dark Hour. Ikutsuki manipulait indirectement les deux camps.
Pendant l'acte, Ikutsuki change complètement de personnalité, mais ça me semble assez logique. Cela fait plus de dix ans qu'il cache ses intentions et doit mentir jour et nuit, même seul dans son bureau au cas où il serait enregistré. C'est normal qu'il devienne un peu fou lorsqu'il peut enfin être lui-même et que son but est à portée de main.
Concernant Persona 5… Bon, finalement, nous sommes apparemment plutôt d'accord sur le protagoniste.
« Ça prouve qu'il est con et qu'il a rien appris de sa précédente mésaventure, pas qu'il a de la personnalité :x »
Disons que je voyais la connerie comme une forme de personnalité. Mais en effet, sa "personnalité" n'est pas très cohérente. À un moment de l'histoire, pour simuler la mort, il devient soudainement un génie. À d'autres moments, c'est un Ryuji… Il est parfois apathique, et parfois impulsif… Oui, je suis d'accord avec toi.
« Mais de base le moyen qu'utilisent les héros est juste profondément discutable, »
Je suis en fait d'accord avec toi. C'est une forme de lavage de cerveau, effectivement. Le jeu essaye d'éviter cette critique en disant que l'on ne change pas réellement la personnalité de nos victimes, mais que l'on ne fait que les libérer de leur corruption. Le jeu s'assure également de ne nous opposer qu'à des adversaires profondément mauvais, dans un cadre toujours très manichéen. On n'a jamais affaire à un antagoniste dangereux mais pas fondamentalement mauvais.
Mais malgré toutes les acrobaties faites par le jeu pour éviter cette question, la méthode des Phantom Thieves reste en effet très discutable. Ils ne sont pas très loin de la Death Note… Ce genre de pouvoir est, ironiquement, d'autant plus dangereux entre les mains de jeunes idéalistes qui, croyant sincèrement œuvrer pour le bien, finissent par se prendre pour des dieux et terroriser le monde bien plus que ne le feraient les criminels qu'ils combattent. Mais ce point n'est malheureusement jamais développé. Il aurait pu constituer une sorte de "bad ending", dans lequel les Phantom Thieves commenceraient par exemple à s'attaquer à tout policier enquêtant sur eux.
« Ce qui m'a donné l'impression d'avoir tout du long des réponses évidentes à des problèmes factices. »
Là encore, je suis de ton avis. Comme j'ai déjà dû le dire, le thème de ce jeu était extrêmement ambitieux, et son exécution a souvent été très simpliste.
Ce défaut est peut-être partiellement justifié. On joue des lycéens un peu simplets, qui s'attaquent aux problèmes simples qu'ils voient. Et, comme on l'apprend plus tard, ils sont en fait manipulés par Shido. Et leurs actions n'ont finalement guère d'impact sur la société. Yusuke lui-même en fait la remarque. Ce développement intervient juste un peu tard dans la narration
Tant qu'à viser une critique de la société, il aurait peut-être mieux valu partir sur des personnages plus adultes, en fait, et assumer pleinement un style plus mature dès le début du récit.
« P4 a offert quelque chose de bien ficelé et une bonne ambiance de groupe »
Persona 5 n'est pas censé, je pense, offrir une bonne ambiance de groupe. Contrairement à Inaba, Tokyo n'est pas censé être accueillant ; on n'est pas censé s'y sentir chez soi. C'est le thème du jeu.
Globalement, je rejoins ta conclusion.
Persona 5 reste un excellent jeu. Certains moments sont particulièrement bien réalisés, notamment quand le protagoniste simule la mort . Mais il est loin de la merveille inoubliable que certains décrivent. Tout l'aspect « critique de la société », par exemple, n'est clairement pas au niveau d'un livre d'Eustace Mullins. Atlus n'est pas allé au fond des choses. Comme je l'ai dit, il aurait probablement fallu choisir entre une intrigue adulte et mature, et une intrigue plus enfantine comme celle de Persona 4. Là, on est un peu entre les deux, et bien souvent, quand on essaye de faire deux choses à la fois, on les fait mal.