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Crash Course

Sujet : rdrdh
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IciZolaski571
Niveau 5
31 mars 2024 à 14:24:11

Certains, plutôt des "cadres dynamiques" comme on les appelait à l'époque, sont apparus le week-end à Marseille et dans la région, il y a deux décennies, avec l'arrivée du TGV. Puis le mouvement s'est essoufflé, Marseille traînant sa mauvaise réputation. Mais les confinements poussant à l'introspection, l'avènement du télétravail et la "hype" autour de notre ville, si belle et rebelle, ont relancé cette migration.

Un pied à Paris, l'autre à Marseille : ces "Parseillais" en mouvement pendulaire, qu'aucune institution ne sait dénombrer, et à l'inverse des Marseillais accros à leur job parisien, s'offrent au prix de quelques sacrifices, comme l'analyse le spécialiste des modes de vie Jean-Laurent Cassely, " le meilleur des deux mondes ".

Julien, 51 ans

Julien et sa compagne sont des Parisiens pur jus. " Mais il y a 7 ans, elle a craqué, elle n'en pouvait plus de la grisaille parisienne ", dit-il. Par chance, sa femme décroche une opportunité dans son groupe, la Poste. " Il nous a fallu plusieurs mois de réflexion mais on a sauté le pas et elle s'est installée avenue de Mazargues à Marseille avec sa fille, qu'elle a eue d'une première union mais que j'ai quasiment élevée ." Julien a gardé son appartement à Neuilly, il a deux filles d'un précédent amour aussi : une est au collège et l'autre au lycée, elles ont besoin de présence... " C'est moi qui bouge donc, j'ai la chance de bosser 100 % en télétravail dans le digital pour le secteur du notariat ! J'ai mes filles 50 % du temps, mais pas une semaine sur deux, je fais 10 jours à Paris et 5 jours à Marseille ", détaille le quinqua. Au début, il faisait l'aller-retour même pour deux jours mais facture salée et grosse fatigue ont eu raison de son élan : " J'ai dû calmer le jeu. Je fais entre cinq et six allers-retours par mois. Ça fait déjà entre 35 et 42 heures passées dans le train, une semaine de boulot quoi !"

Le TGV est devenu un bureau. " Je fais l'effort financier de voyager en premièrepour avoir du calme, et bosser de manière effective. Mais malgré les abonnements et cartes avantages, je m'en colle pour un millier d'euros par mois ! Parfois, suivant l'état de mon compte en banque, le 20 du mois, je stoppe et j'attends, surtout si des vacances se profilent car souvent je descends avec mes filles".

Julien et sa femme mènent une vraie double vie, Marseille n'est pas simplement une bulle d'oxygène : " On est devenu très amis avec des voisins de notre copropriété, et ma compagne est impliquée dans la vie associative." Et le "célibat" géographique a ses atouts : " On est ensemble depuis dix ans et quand je viens, on fait plus attention à notre relation et à organiser des activités en commun, pas comme quand on est pris dans la routine du quotidien ." C'est un équilibre précaire tout de même : " Comme un gamin de divorcés qui passe de chez un parent à l'autre, j'ai besoin d'un temps d'adaptation quand j'arrive à Marseille, c'est un autre rythme ici... Niveau professionnel, j'y gagne, ça m'offre deux ambiances de boulot. La luminosité est tellement différente, ça joue sur le moral : quand je suis à Marseille je suis comme en vacances même si je bosse, on voit la mer depuis la terrasse ."

Si ses deux filles de la capitale " en profitent, elles adorent marcher dans les calanques, faire de la voile, découvrir les nouveaux restos de la ville", dans cette existence, rien n'est jamais simple : " Le moindre grain de sable dans mon planning fout tout en l'air, il faut jongler avec des affaires de part et d'autre : il m'est arrivé de faire un aller-retour juste pour récupérer un document important pour le boulot ! Et il y a la frustration d'être à Marseille quandmes filles ont besoin de moi ou à Paris quand c'est ma compagne qui aurait aimé que je sois là... On se sent écartelé et je suis confronté à la grande question que posent les psys : elle est où ma maison ? "

Cécilia, 48 ans

Cécilia est une Parisienne longtemps convertie à la movida brésilienne. " J'ai vécu à Rio alors quand j'ai quitté mon job dans un grand journal parisien, je voulais vivre autrement, la mer me manquait, c'est comme ça que je suis arrivée à Marseille ." La quadra trouve alors une ville "cousine" de la mégapole auriverde : " On est nombreux à retrouver un peu de Rio ici : une ville populaire, jeune, qui assume un certain chaos où il y a quasiment tout à faire, avec une culture orale, ce goût de la tchatche, de la relation à l'autre. " Cécilia prend soin de préciser : " Ça n'est pas un choix de résidence secondaire, je sais que les Marseillais pur jus détestent ça !" En 2017, alors que le télétravail n'est pas encore démocratisé, Cécilia ne sait pas de quoi elle va vivre, alors elle " crée la possibilité d'une autre vie" en achetant un petit appartement dans le quartier de Notre-Dame-de-la-Garde. " J'ai commencé à être consultante pour les médias et je suis rapidement passée à 50 % Paris - 50 % Marseille. C'était même un deal avec la société qui m'a embauchée ensuite : pouvoir être à Marseille du jeudi soir au lundi soir et le milieu de la semaine à Paris ." Pour cette maman de grands enfants, " c'est comme une nouvelle vie, et même en tant que journaliste, j'ai pris une baffe sociétale ici. C'est satisfaisant ce sentiment de mouvement, la complémentarité de ces deux villes. Ça a créé un nomadisme chez moi qui est accentué par le fait que je loue mes deux appartements parisien et marseillais quand je ne suis pas là : je me sens encore moins chez moi, chez moi ! " Ce qui n'est pas sans créer des remous émotionnels : "Ça n'est pas toujours évident ce sentiment de ne pas être au bon endroit au bon moment, de vivre avec un sac à dos, ça crée même une sorte de désociabilisation, les routines sont éclatées. C'est comme si on était toujours de passage, les gens ne m'incluent plus naturellement dans leurs plans, alors il faut se signaler ! Cela questionne des amitiés et ça en crée d'autres." Pour autant, rien ne saurait changer ladonne : "Pour l'heure, je ne me vois pas bousculer cet équilibre parfait, quand j'arrive à Saint-Charles et que je découvre cette lumière, c'est de l'amour qui m'envahit... "

Mathilde, 33 ans, et Brice, 38 ans

Dans la tête de Brice, ça a toujours été clair : " Il était hors de question d'élever un enfant à Paris et comme on a passé notre confinement du Covid en Corse, on a complètement changé de rapport à la nature ! " C'est un peu par hasard que, juste après la naissance de leur premier enfant, le destin de Mathilde et Brice a bifurqué vers Marseille. " Ma femme a eu une opportunité dans sa boîte de tourisme à Toulon et après on a basculé à Marseille. On a passé notre vingtaine à l'étranger, moi en Inde où on vit dehors, où c'est le bordel comme ici ! Et ma femme en Espagne à Madrid et en Amérique latine, alors le climat et l'ambiance méditerranéenne, ça nous a séduits ." Le piston de cette aventure, c'est Brice. Il est à la tête d'une start-up de vente d'oeuvres d'art à Paris : " C'est compliqué de gérer les équipes et d'impulser le changement sans voir les gens surtout qu'on a beaucoup de profils internationaux. À ce jour, la boîte ne serait pas transposable à Marseille... " Alors à Paris, du mardi au jeudi, c'est la débrouille : " Je squatte l'appartement d'un pote. Le pire dans ce rythme, c'est le réveil de 4 h du matin le mardi et la préparation du sac la veille, c'est vraiment pas agréable, surtout si notre enfant est malade". Pour autant, Brice ne sent pas le lien avec son fils distendu : " Je compense : je l'emmène à l'école le lundi et le vendredi. J'ai des amis parisiens qui ont beau vivre avec leur femme et leurs gosses, ils ne les voient pas autant que moi. Après, j'avoue qu'il y a des photos qui tordent le coeur, mais en termes de lien et d'éducation, je ne me sens pas déconnecté... "

Pour alléger la charge de Mathilde, consultante amenée à se déplacer, le couple a opté pour une fille au pair. " Je n'aime pas la solitude et elle est un vrai soutien pour nous, même quand Brice est là, ça nous permet d'aller faire du sport ensemble, ou de sortir un peu", raconte la jeune femme, enceinte de leur second enfant. La famille ne sait pas encore si elle s'installera sur le long terme dans la cité phocéenne : " Peu à peu, on crée du lien, c'est un cadre très chouette pour la petite enfance, et on a acheté notre maison à Montredon donc ça nous ancre un peu. Pour autant, ça n'est pas dans nos tempéraments de se projeter trop loin. Une chose est sûre, on est tous les jours encore émerveillés, conclut Mathilde, j'ai encore du mal à m'habituer à ce climat, c'est toujours une surprise ! Et ça joue beaucoup sur le moral... "

Didier, 57 ans

Didier est Marseillais. Mais depuis 33 ans, il n'a rien connu d'autre que ce grand écart entre la cité phocéenne et la capitale où il a gravi tous les échelons de sa société japonaise de solutions d'impression. De simple commercial à président de la filiale française. "Je n'ai jamais pu lâcher Marseille, j'ai toujours eu la possibilité et l'envie de mener les deux vies, précise-t-il d'emblée. J'ai longtemps passé 3 à 4 nuits par semaine dans le même hôtel à Roissy, tout près de mon entreprise, j'y avais mes habitudes mais depuis 5 ans et mon accession à la présidence, j'ai pris un pied à terre." Le quinquagénaire redescend dans le Sud le vendredi, pour bosser en télétravail, "sauf si j'ai un comité d'entreprise". L'homme n'a donc jamais goûté à une vie de couple "classique", ni avec son ex-femme et génitrice de ses enfants, ni avec sa compagne actuelle, ni jamais partagé le quotidien de ses deux fils de 20 et 28 ans. "Je ne l'ai pas mal vécu, et ma famille non plus a priori. À chaque fois que j'ai évolué, on en a discuté en famille, c'était mûrement réfléchi. Et quand on se retrouvait, on avait des choses à se dire et de manière naturelle, on n'était pas dans le côté automatique de la famille qui vit ensemble au quotidien..." Pour lui, la dichotomie franche entre ses deux vies a été "paradoxalement source d'équilibre parce que je suis 100 % disponible quand je suis à Allauch, ça a été le garant de la réussite. Et puis avec l'évolution des technologies, j'ai passé des soirées avec mes enfants en visio à regarder l'OM, le rugby ou partager un dîner."

Sans ces sacrifices, il n'aurait pas connu la même carrière et pas accédé aux mêmes émoluments. "Ça nous a permis d'avoir une belle maison, d'aller au ski l'hiver, d'offrir de beaux cadeaux aux enfants. Je n'ai jamais considéré que cela rachetait mon absence mais ça permettait de profiter au mieux des moments passés ensemble." Côté amour : "La règle, c'est évidemment une acceptation de la situation à la base et ensuite une transparence totale et une excellente communication. Sinon, ça peut vite tourner au vinaigre!"

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