Chapitre IV : La première croisade celtique
Les membres du Conseil étaient enthousiastes à l’idée de s’en prendre aux Saxons fraticelles. Non seulement cela nous permettrait-il de massacrer l’ennemi impur, mais en plus cette action serait-elle bien vue par les autres royaumes saxons, heureux de se débarrasser d’hérétiques. Sans compter le plaisir que cela procurerait au pape.
Seul un membre du Conseil suggéra de plutôt attaquer les Irlandais, mais les autres se moquèrent de lui. Il n’était pas temps de lutter entre Celtes, mais bien de faire payer notre ennemi héréditaire. Le moment était d’ailleurs idéal, car la Mercie était en pleine guerre civile, le roi hérésiarque cherchant à s’emparer illégitimement des terres d’un de ses propres vassaux.
Les Gallois envahirent la Mercie, et remportèrent plusieurs grandes victoires sur les troupes saxonnes. Hélas, l’on finit par apporter à la reine Sara une nouvelle désastreuse, qui la mit dans tous ses états et la fit bouillonner de rage : son cousin et époux, le roi Cadell ap Cadell, qui menait le flanc droit de l’armée, avait été encerclé par les Saxons sous le commandement de l’évêque hérétique Ceolwulf, et percé de nombreux coups de lance. Il n’avait pas survécu.
Deux années plus tard, alors que la guerre se poursuivait, l’évêque fut capturé au combat. Alors que Sara permettait toujours aux nobles de payer leur rançon, pour financer sa guerre, elle fit une exception pour l’évêque en le faisant noyer dans un tonneau d’urine, avant d’ordonner que son corps soit brûlé, lui refusant des funérailles chrétiennes et le privant de toute résurrection au jour du Jugement, et ce malgré l’opposition de ses conseillers, qui estimaient que la sanction était démesurée.
Sentant que la guerre n’allait pas en son sens, le roi de Mercie fit appel au roi d’Est-Anglie, hérétique comme lui. Ce dernier accourut à l’aide de son allié, avec une armée de quatre-cents hommes. Sara la prit en embuscade et la massacra ; au cours de la bataille, la reine de Powys affronta le roi saxon en duel. Selon les témoins du combat, après lui avoir brisé la rotule d’un violent coup d’épée, Sara lui aurait enfoncé son épée dans la gorge, sans même pensée à ce que pourrait représenter un tel otage.
Pendant que les Gallois se battaient en Mercie, les Irlandais de Connacht leur déclarèrent la guerre pour tenter de conquérir le Gwynedd. Le Conseil était fou de rage en apprenant la nouvelle, mais l’un des conseillers se gaussait de la situation. « J’vous avais bien dit qu’on devait attaquer ces foutus Irlandais », marmonnait-il d’un air victorieux.
Tenue au courant de l’attaque, Sara envoya un messager au Conseil : « Tenez les Irlandais à l’écart. Je reviens avec l’armée bientôt. »
Sara n’était en effet pas loin de soumettre les Merciens. Ce qu’elle fit, s’emparant d’une large bande de terres qui traversait toute l’île de Bretagne. Sara demanda à ses clercs de retrouver les noms que portaient ces provinces et ces villes avant l’arrivée des Saxons, et les rebaptisa selon leurs noms originels, en langue celtique, ou en langue latine pour les villes fondées lors de la période romaine. Ainsi Lincoln redevint Lindum, Leicester redevint Cair Lerion, Warwick fut rebaptisée Luidced, et Worcester redevint Cair Guiragon.
Après la conquête, Sara laissa quelques troupes sur place pour s’assurer de l’obéissance des Saxons conquis. Elle nomma également l’un de ses commandants, son neveu Iorwerth ap Asaph, comme duc de Pengwern, avec autorité sur les anciens territoires du roi de Mercie.
Ceci fait, Sara accourut en son pays pour affronter les Irlandais. Elle s’offrit une nouvelle tête couronnée en tuant de ses mains la reine qui menait l’offensive. Massacrant les armées irlandaises, elle les contraignit à s’avouer vaincus, mais les humilia en obligeant leur roi, récemment veuf, à contracter avec elle une union matrilinéaire avec elle. Elle approchait des quarante-cinq ans, de toute façon, et le mariage serait sans doute stérile.
Les Irlandais repoussés, Sara affronta le comte de Derby, successeur de l’ancien roi hérésiarque de Mercie, sur les dernières terres que celui-ci avait réussi à conserver après sa défaite. Prétextant toujours la guerre sainte, elle les chassa et renomma le comté en Coritani, du nom de l’antique peuple celte qui habitait la région, puis confia la province à la gestion de son neveu Asaph ap Asaph.
Contrariée par le fait que les Saxons du tout petit royaume de Hwicce, qui ne possédait que la ville de Gloucester, aient rejoint le comte de Derby, Sara l’attaqua par la suite. Elle détruisit ce petit royaume, renomma Hwicce en Guenet, et voulut également offrir cette ville à son neveu Asaph, avec le titre de duc. Elle apprit que, sur le temps de sa brève expédition, ce dernier était tombé malade et avait trépassé, aussi nomma-t-elle son unique enfant, la jeune Llear, comme duchesse de Guenet.
Après ces victoires, Sara retourna en sa capitale de Cornovii, où elle fut accueillie par un triomphe sans précédent, tant par les nobles que par le petit peuple. C’était là, pour les Gallois, le début d’une nouvelle ère, et tous soutenaient leur héroïne, leur reine, celle qui, sans doute, rachèterait les erreurs de Vortigern.
Quelques jours après son retour en sa demeure, Sara convoqua le Conseil. Elle avait en effet besoin de leurs lumières, et d’écouter leurs opinions, pour savoir quoi faire ensuite. Il fut longuement débattu de ce que devait être la suite des événements.