Beau travail
De Claire Denis
Sortie: 2000
Genre: Drame (vite fait, c'est pas vraiment le propos)
Durée: 1h29min
Pays: France
Avec: Denis Lavant, Michel Subor, Grégoire Colin,...
Synopsis: Dans le golfe de Djibouti, un peloton de la Légion étrangère répare les routes et s'entraîne à la guerre. A Marseille, l'ex-adjudant Galoup se rappelle les moments qu'il a vécus avec ses hommes. Il se souvient aussi du commandant qu'il n'a pas accepté de partager avec un jeune légionnaire. (allociné)
fiche CL (avec plus d'images et des avis notamment) http://www.cinelounge.org/?page=film&num=6308
Mon avis :
J'ai été assez fasciné par les images du film mais j'ai lu ici et là que beaucoup avaient trouvé la trame fictionnelle assez superflue - malgré Denis Lavant - et je les comprend parce que finalement le film n'est jamais aussi beau que quand il rend compte de la vie à Djibouti et qu'il montre les corps masculins dans le désert. On touche parfois au sublime notamment dans le premier quart d'heure mais cette (vaine) tentative de laisser une place à une véritable histoire me semble finalement assez contre-productive parce qu'elle n'apporte que peu à l'ambiance et laisse une impression assez mitigée quant à l'objectif initial de Claire Denis. On passe un bon moment et réellement le filmage est de qualité mais il manque à tout ça un véritable souffle abstrait qui transparait parfois mais trop peu, en tout cas pas assez pour que le visionnage du film soit inoubliable. Ceci dit je recommande le film parce que c'est peu commun, que c'est court et qu'en plus ça se regarde très bien.
Le premier mot qui me vient à l'esprit au sortir de Beau travail est "surprenant". Surprenant, déjà, car je me suis senti tenu à distance (volontairement je pense) tout le long du film, jusqu'à cette dernière scène hallucinante qui, d'un seul coup, m'attrape au m'amène au plus près du personnage de Denis Lavant pour que j'arrive bouche bée au générique. Je ne sais pas si c'était forcément une bonne idée de commencer la filmographie de Claire Denis par ce film qui semble témoigner d'une certaine forme de radicalisation d'un cinéma déjà arrivé à maturité à ce moment-là (1999), mais ça m'a beaucoup plu et c'est le principal.
Lorsque je dis que Beau travail est un film surprenant, je ne parle pas de son caractère pour le moins unique mais plutôt de sa recherche constante du sentiment de surprise chez le spectateur. Claire Denis est -dans ce film-là en tout cas- de ses auteurs qui voient dans le cinéma un art de l'étonnement, comme ci un film réussi devait être un film qui prend le spectateur à contre-pied. Et c'est quelque chose qui se ressent jusque dans la réalisation, puisque Beau travail brille avant tout par son montage. Cette façon de cuter abruptement et créer l'émotion avant tout par les changement de plans m'a fait penser à du Garrel. Il y a toujours un décalage entre l'image que l'on s'attend à voir et celle que l'on voit vraiment, et c'est de ce décalage que naît la puissance de ce qu'on a devant les yeux. Je trouve ça assez incroyable, parce que ça nous donne parfois des séquences très belles avec un enchaînement de plans qui, sortis de leur contexte, sont sans grand intérêt.
Surprenant, Beau travail l'est aussi au niveau de l'écriture, puisque c'est un film qui entretient un rapport intime avec la Littérature. Inspiré d'une nouvelle d'Herman Melville, il donne l'impression de rester extrêmement fidèle au texte d'origine. C'est d'autant plus étonnant que c'est une oeuvre qui use sans arrêt d'effets purement cinématographiques. Pourtant, il ne se passe pas une minute sans qu'on sente l'influence de la Littérature, comme si elle était imprégnée dans l'atmosphère. C'est d'ailleurs probablement pour cet aspect-là qu'on a comparé le film de Claire Denis au Petit Soldat, de Godard, lui aussi très écrit.
Puis il y a cette manière de filmer les corps masculins... Claire Denis fait de ses militaires des danseurs. C'est peut-être la plus belle des façons de parler de la violence : en faire quelque chose de beau et doux... Je n'avais encore jamais vu le sujet de la guerre traité ainsi, elle la transforme en un art sensuel et chorégraphique, avec comme apothéose de ce style une séquence mémorable d'échange de regards entre Denis Lavant et un autre soldat, se tournant autour comme deux êtres qui s'aiment d'un amour déchirant...
De cette confrontation naît une ambiguïté dont on ne saura jamais vraiment les conséquences, si ce n'est qu'un homme, en repensant à cette période passée dans la légion étrangère à Djibouti, n'a qu'un seul désir : danser.
Bon je ressors ce topic de Claire psq pour moi c'est son chef d'oeuvre, mais surtout psq j'ai le flemme de créer un topic général sur Claire Denis. J'avance dans sa filmo, étonné a chaque fois, et qui finalement fait son p'tit effet malgré les mésaventures avec des films comme Vendredi soir, Les Salauds, ou J'ai pas sommeil. Mais j'viens pas pour faire un bilan de c'que j'ai vu..
J'viens demander si quelqu'un a une idée d'ou j'pourrais trouver U.S Go Home son téléfilm ?
En échange un lien youtube vers Jacques Rivette le veilleur, un épisode de cinéaste de notre temps qu'elle a réalisée avec Daney : https://www.youtube.com/watch?v=iwHmkbwgZEk&t=84s
Bon film, Denis Lavant joue bien son rôle. Très agréable de voir ces corps se mouvoir comme dans un ballet.
Regardez-le.
Le film est très bon, néanmoins je le mettrais pas dans mes films préférés mais il fait clairement parti du patrimoine cinématographie. Ne cherchez pas de messages dedans, car ce serait demander pourquoi danser, pourquoi chanter. Appréciez les corps, les mouvements, les chorégraphies, les jeux de regards qui en disent plus que des paroles.
Et puis cette fin magistrale.
Mais quelle claque !
J'ai regardé Beau travail, entre tous les films de Claire Denis qui m'intriguaient (notamment S'en fout la mort et Nénette et Boni), parce qu'il était dans le top Sight and Sound des meilleurs films de tous les temps. Sans prêter une grande importance à ces classements, ce n'est pas une raison plus mauvaise qu'une autre pour lancer un film.
Et plus ça va, plus je me rends compte que j'aime vraiment le cinéma de Claire Denis, et ce film-ci est peut-être son meilleur dans ceux que j'ai vus.
Déjà on peut oublier tous les clichés qu'on pourrait avoir sur un film de légionnaires perdus au beau milieu de l'Afrique. On a un film d'une grande sensualité, on est pas loin de l'homoérotisme on ne va pas se le cacher. Denis filme admirablement bien ces corps d'hommes s'entraîner, inlassablement, on ne sait pourquoi... et avec la musique, ce qui pourrait être un éloge de la brutalité, de la force, se transforme en ballet... en chorégraphie...
On a donc l'aspect aliénant, répétitif de ces entrainements qui n'en finissent plus, qui n'ont même pas véritablement de sens, puisqu'il n'y a pas d'ennemi, il n'y a même pas réellement de personnes extérieures au camp de légionnaires (des petites copines tout au plus... vite fait...) et elle arrive à la transformer, par sa mise en scène en une fascination pour ces corps à demi-nus dans le désert.
Cette fascination permet d'être happé par ce film dans lequel il ne se passe pourtant rien, il n'y a pas même pas réellement d'intrigue... Pire encore, le seul moment où il semblerait y avoir un enjeu : se fera choper/se fera pas... c'est réglé en 2 minutes. Et pourtant on est toujours là à regarder ces corps creuser, courir, casser des cailloux, on ne sait pourquoi.
Forcément on se pose la question : à quoi ça sert ? à quoi ces gens là servent ? Et on n'aura pas la réponse hein... C'est toute la beauté de la chose. Des corps nus dans le désert, à faire du sport... pour rien...
Sublime.
Et ca décrit aussi Sebastiane de derek jarman
Baheuu mwé, je considère comme un contresens de sortir des lieux communs sur l'homoérotisme lorsqu'on voit des mecs à demi-nue qui s'enlacent à l'écran.
On s'éloigne même du vrai sujet cette thématique nous distrait, en tout cas on réduit la perceptive qu'offre le film. Non le vrai sujet, à la fois et qui n'a pas vraiment été évoqué ici est ce que réprésente la création artistique pour l'artiste puis la monstration de son art. Le film marche sur ces deux jambes. L'artiste sans son art, sans son absolu n'est plus rien et puis comme le film est beau aussi lorsqu'il le montre.
Super film, oui.
Mouais au sujet de l'homoérotisme, Pouerte a raison.
C'est surtout la danse et la transe qui m'ont marquées.
+ la mer de sel
Le 05 juin 2022 à 13:12:50 :
Ne cherchez pas de messages dedans, car ce serait demander pourquoi danser, pourquoi chanter. Appréciez les corps, les mouvements, les chorégraphies, les jeux de regards qui en disent plus que des paroles.
Si tu vois pas que un des thèmes majeurs c'est une réflexion sur la masculinité ce film... Dans toute sa beauté splendide et son absurdité surtout en vase clos comme Denis les filme. Une perte de repère, dans le désert en plus pour bien souligner.
Et puis pour l'homo-érotisme, évidemment que c'est présent, mais c'est pas un gros mot faut pas se facher tout rouge comme ça
Mais non, d'ailleurs le film est sans ambigüité à ce sujet si tu te souviens de la fin. Il n'y a que lui qui danse, le type est un artiste, un chorégraphe. On nous montre bien qu'il est héréro, si Denis le met sur péllicule, ce n'est pas pour rien. Alors bien sûr il s'en moque des femmes ce n'est pas le sujet ce n'est son obsession, son truc c'est l'art, la danse. Si vous n'avez jamais vu de la danse contemporaine c'est ça, pourquoi vouloir mettre la grille de l'homosensualité. Mais on s'en bas les couilles 🙉.
S'il envoie le mec dans le désert, on peut penser à la fois, car il a remis en cause la vision de l'artiste mais en plus et c'est là la beauté du film il est une sorte de muse, mais une muse qui vous les brise, qu'il a envie de punir. Je vous vois venir gneu gneu mais on peut tomber amoureux de sa muse, certes... néanmoins je crois pas que se soit l'élément important du film.
Puis la fin de l'artiste libéré d la contingence est belle et tragique.
On ne dit pas que le héros est gay. On dit que le film est emprunt d'homo-érotisme.
Si filmer des corps d'hommes à moitié nus, musclés, se collant les uns aux autres, n'est pas homo-érotique...
Qu'est-ce qui l'est ?
Je ne vois vraiment pas le problème, c'est factuellement dans le film. Le film pose la question de cette virilité et Claire Denis a toujours été fascinée par les corps masculins.
Le 15 décembre 2022 à 15:02:37 :
Mais non, d'ailleurs le film est sans ambigüité à ce sujet si tu te souviens de la fin. Il n'y a que lui qui danse, le type est un artiste, un chorégraphe. On nous montre bien qu'il est héréro, si Denis le met sur péllicule, ce n'est pas pour rien. Alors bien sûr il s'en moque des femmes ce n'est pas le sujet ce n'est son obsession, son truc c'est l'art, la danse. Si vous n'avez jamais vu de la danse contemporaine c'est ça, pourquoi vouloir mettre la grille de l'homosensualité. Mais on s'en bas les couilles 🙉.
Il peut parfaitement y'avoir de l'homo-érotisme dans des récits héteros... Y'a clairement un trouble dans le film entre galoup et sentein, ça veut pas dire qu'il veut se marier avec ou qu'on parle d'amour ou d'homosexualité. Cette relation trouble et conflictuelle au corps du même sexe rentre bien dans la description.
S'il envoie le mec dans le désert, on peut penser à la fois, car il a remis en cause la vision de l'artiste mais en plus et c'est là la beauté du film il est une sorte de muse, mais une muse qui vous les brise, qu'il a envie de punir. Je vous vois venir gneu gneu mais on peut tomber amoureux de sa muse, certes... néanmoins je crois pas que se soit l'élément important du film.
Puis la fin de l'artiste libéré d la contingence est belle et tragique.
Je trouve ton propos intéressant maintenant que tu l'as un peu explicité. Je vois bien aussi la fin comme une libération de son carcan montré dans le film, mais je ne sais pas si j'irais aussi loin que toi.
Le 15 décembre 2022 à 15:24:01 :
On ne dit pas que le héros est gay. On dit que le film est emprunt d'homo-érotisme.Si filmer des corps d'hommes à moitié nus, musclés, se collant les uns aux autres, n'est pas homo-érotique...
Qu'est-ce qui l'est ?Je ne vois vraiment pas le problème, c'est factuellement dans le film. Le film pose la question de cette virilité et Claire Denis a toujours été fascinée par les corps masculins.
Tu n'as compris mon propos, il y a une raison cinématographique au choix de Denis d'en faire un personnage hétérosexuel, pour moi et l'interprétation que j'en fais, on a un message de la realisatrice comme une mise en garde : voir une thématique homoérotique n'est pas ce qu'elle souhaite exprimer.
Puis là je ne suis pas du tout d'accord avec ton 2e paragraphe. On est dans le langage du corps jusqu'à en faire une figure abstraite qui devient mobile, vidée de toute symbolique liée au sexe, la pure forme de l'art.
Denis est fascinée par le corps de l'homme, peut être, sans doute même, mais à mon avis pas comme tu l'interprètes.