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Cinéma

Sujet : Un sdf vous culpabilise plus qu'un film sur des pauvres
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AllSunny
Niveau 36
22 août 2019 à 09:22:50

Vous pouvez regarder un bon nombre de film sur la misère ou en partie (en vrac, Bombay, Slumdog Millionaire, Affreux Sale et Méchant, Rester Vertical, Parasite, Greenbook, Troupe d élite). C est un hobby, un divertissement.
Mais combien de fois avez-vous aimé regarder un sdf ? Combien de fois le discours d un clodo vous a plus ému que dans un film ? Et combien de fois croisez-vous leur regard ?

Vous pouvez être admiratif le portrait d un gamin pauvre sur l écran, parce que c est le choix de regard d un réalisateur. Mais quand c est votre regard sur un gamin qui attend sur les marches d un métro, vous vous émerveillez toujours ?

Pour ma part, très souvent je suis focalisé sur ce que je dois faire après, ma destination, pressé par le temps. Et du coup, dès que je vois une personne comme ça, j ai envie de passer à autre chose, comme si "ce n était pas le moment pour ça", comme si "je n avais pas le temps"

Après, il y a le raisonnement comme quoi on ne peux pas soutenir toute la misère du monde 24h sur 24, que ce serait se prendre pour un Jesus Christ.
Mais ce qui m intéresse dans la question, c est le paradoxe qu'on peut avoir entre la réalité que l on supporte et les films que l'on aime voir. Je ne cherche pas à créer un complexe sur ce plaisir de voir des films, si vous me l interprétez comme ça, c est que je ne choisis pas les meilleurs mots pour m expliquer.

Et ça ne s applique pas qu aux films mais à autre chose (Ca m est arrivé d ignorer un clodo et de me réfugier dans un manga... qui parle de pauvreté en général).
Mais pour le topic, ce serait bien de se limiter un peu au contexte du film.

(Note : Ceci est une initiative de débat pour un essai de concept "Un débat épinglé toutes les deux semaines)

(Note 2 : Ayant écrit ça dans le métro, ça aurait été ironique que j ignore un clodo qui passe pendant la redaction du post. Mais ça n a pas été le cas.)

zlhoyr
Niveau 33
22 août 2019 à 09:59:53

Très simple je ne regarde pas ce genre de film societaux, mais je ne vois pas le rapport entre Green book, tropa d'élite avec les SDF

Aurevilly
Niveau 10
22 août 2019 à 10:33:25

Le cinéma est senti comme fondamentalement faux, comme toute entreprise artistique qui médiatise le regard d'un filtre supplémentaire à celui de l'expérience de perception propre (qui elle-même n'est pas moins médiatisée mais qui par contre n'est pas sentie comme telle en général - à part quand tu es dans une situation de retour réflexif).

Si l'immersion fictionnelle existait, il serait impossible de regarder un meurtre au cinéma.

Et donc comme l'émotion n'existe pas la gêne face au dérangeant n'est pas aussi forte. Là où l'art peut concurrencer l'innommable du réel, c'est surtout je crois en créant des images impossibles.

AllSunny
Niveau 36
22 août 2019 à 11:01:26

J ai pas vu Green Book encore, mais il me semble qu il y a de la pauvreté tout comme dans Troupe d Elite (bien que ça soit pas le sujet). En partie. C était surtout pour caser plus de films pour parler à ceux qui en auront vu au moins un.

Sinon, oui, il y a cette analyse-là, sur le rapport à la fiction et notre réalité. Ce qui n empêche pas que l'on base notre réalité sur les films, que ce soit en comportement (ex : séduire quelqu'un comme dans un film) en opinion (ex : se remettre en question sur le pacifisme hypocrite après avoir vu Troupe d Élite).

Ce qui veut dire, que les films que l on regarde devraient nous apporter quelque chose sur notre comportement par rapport aux SDF aussi. Même si un film ne change pas le monde, il devrait influencer.

Je ne dis pas qu après avoir vu des films de Bergman, tu deviens rodé contre tes mauvaises passes de couple, ou qu'en regardant un film de zombie tu sauras quoi faire en cas d invasion de zombie. Mais ça devrait comment dire... t ouvrir un peu.
Quand tu regardes en masse des films néorealisme par exemple et qu après tu restes toujours aussi paralysé et inactif devant des clodos, ça me ferait poser des questions sur la valeur de ta cinéphilie sur le néorealisme. Par exemple.

LeDarkSoulsDes
Niveau 28
22 août 2019 à 11:05:48

Non dans Green Book y a pas de "pauvreté", juste que le chauffeur est de la classe moyenne et le musicien de la haute, c'est tout. :(

AllSunny
Niveau 36
22 août 2019 à 11:28:26

Ah okay zut.

Serval94
Niveau 62
22 août 2019 à 11:54:47

Comme beaucoup ici je pense (la majorité d'entre nous ?), je suis plus touché par certains films (et livres) décrivant la misère de personnages que par les mêmes miséreux que je peux croiser tous les jours dans la vraie vie. Tu cites certains films que j'aime bien, mais pour le coup, aucun ne m'a particulièrement ému sur la condition de ses personnages. Rester vertical m'interpelle particulièrement : il est énorme, mais la seule scène impliquant des SDF, c'est celle dans laquelle le personnage se fait agresser par les SDF et c'est tout sauf émouvant, c'est terrifiant. Je ne l'aurais pas forcément cité ici. Alors que dans Parasite ou Slumdog Millionnaire, les pauvres (qui ne sont pas SDF si je ne dis pas de bêtise) sont bien les "héros". Mais ils sont tellement débrouillards et malins que le spectacle de leurs aventures m'a plus amusé et excité qu'ému.

J'aurais plutôt cité certains films de Ken Loach, notamment son dernier, qui pour le coup, illustre vraiment de manière cruelle la misère de certains, et l'humiliation qui en découle (la scène dans le "resto du cœur" local, où la mère se fait surprendre à manger en cachette une boîte de conserve et craque, tout ça sous les yeux de sa fille). Ca, par exemple, c'est une scène qui m'a fendu le cœur. Mais je croise des personnes que je sais dans une situation encore plus précaire tous les jours sur les trottoirs parisiens et j'avoue que je m'en fous. Et je ne crois pas avoir déjà été ému par le discours d'un mendiant dans le RER.

Parce que, comme toi, comme beaucoup, je suis occupé, je me rends quelque part. Pas forcément focalisé sur ce que je dois faire après - ça peut être sur ce que je viens de faire avant voire sur tout autre chose - mais bien parce que j'ai le nez dans mon livre ou sur mon écran et je m'en fous. Et puisque tu nous tends la perche, j'ai envie de sortir la bonne vieille tarte à la crème du "Je ne peux pas soutenir toute la misère du monde bla bla" (j'aurais spontanément plutôt sorti un bon petit "Chacun sa croix", mais l'idée est la même). Je ne me sens pas l'âme d'un Coluche ou d'une mère Teresa. D'autres font de l'aide aux plus démunis leur cheval de bataille, leur raison de vivre, très bien, je n'y vois aucun inconvénient (:hap:) mais moi, ça ne m'anime pas. Je suis égoïste, je l'assume sans problème. Le sors de mes proches m'importe, mais celui des inconnus m'indiffère. Comme la majorité d'entre nous je pense.

Du coup, pour répondre au cœur du sujet, à savoir le paradoxe que l'on peut avoir entre la réalité que l'on supporte et les films que l'on aime voir : eh bien écoute, j'ai envie de te dire que c'est grâce à la puissance de l'art. :hap: Ce même mécanisme qui peut te faire adorer un film (un livre) traitant d'un sujet (une époque, un métier, un personnage, un évènement) dont tu te fous totalement par ailleurs. Comme je peux avoir adoré le film Saint Laurent de Bonello alors que je me fous totalement du personnage et que le monde de la haute couture m'indiffère. Comme je peux avoir été profondément touché par le personnage de Banderas dans Douleur et gloire alors que je suis ni vieux, ni malade, ni artiste, ni homo et qu'a priori, rien ne nous rassemble. Ce sera la même chose pour le SDF. Un bon film saura me toucher à ce sujet, un mauvais film me laissera indifférent et une fois sorti de la salle, la vie reprend son court. C'est la magie du cinéma ! :hap:

[Hobbs-Hoxton]
Niveau 10
22 août 2019 à 14:00:39

Le 22 août 2019 à 11:54:47 Serval94 a écrit :
Comme beaucoup ici je pense (la majorité d'entre nous ?), je suis plus touché par certains films (et livres) décrivant la misère de personnages que par les mêmes miséreux que je peux croiser tous les jours dans la vraie vie. Tu cites certains films que j'aime bien, mais pour le coup, aucun ne m'a particulièrement ému sur la condition de ses personnages. Rester vertical m'interpelle particulièrement : il est énorme, mais la seule scène impliquant des SDF, c'est celle dans laquelle le personnage se fait agresser par les SDF et c'est tout sauf émouvant, c'est terrifiant. Je ne l'aurais pas forcément cité ici. Alors que dans Parasite ou Slumdog Millionnaire, les pauvres (qui ne sont pas SDF si je ne dis pas de bêtise) sont bien les "héros". Mais ils sont tellement débrouillards et malins que le spectacle de leurs aventures m'a plus amusé et excité qu'ému.

J'aurais plutôt cité certains films de Ken Loach, notamment son dernier, qui pour le coup, illustre vraiment de manière cruelle la misère de certains, et l'humiliation qui en découle (la scène dans le "resto du cœur" local, où la mère se fait surprendre à manger en cachette une boîte de conserve et craque, tout ça sous les yeux de sa fille). Ca, par exemple, c'est une scène qui m'a fendu le cœur. Mais je croise des personnes que je sais dans une situation encore plus précaire tous les jours sur les trottoirs parisiens et j'avoue que je m'en fous. Et je ne crois pas avoir déjà été ému par le discours d'un mendiant dans le RER.

Parce que, comme toi, comme beaucoup, je suis occupé, je me rends quelque part. Pas forcément focalisé sur ce que je dois faire après - ça peut être sur ce que je viens de faire avant voire sur tout autre chose - mais bien parce que j'ai le nez dans mon livre ou sur mon écran et je m'en fous. Et puisque tu nous tends la perche, j'ai envie de sortir la bonne vieille tarte à la crème du "Je ne peux pas soutenir toute la misère du monde bla bla" (j'aurais spontanément plutôt sorti un bon petit "Chacun sa croix", mais l'idée est la même). Je ne me sens pas l'âme d'un Coluche ou d'une mère Teresa. D'autres font de l'aide aux plus démunis leur cheval de bataille, leur raison de vivre, très bien, je n'y vois aucun inconvénient (:hap:) mais moi, ça ne m'anime pas. Je suis égoïste, je l'assume sans problème. Le sors de mes proches m'importe, mais celui des inconnus m'indiffère. Comme la majorité d'entre nous je pense.

Du coup, pour répondre au cœur du sujet, à savoir le paradoxe que l'on peut avoir entre la réalité que l'on supporte et les films que l'on aime voir : eh bien écoute, j'ai envie de te dire que c'est grâce à la puissance de l'art. :hap: Ce même mécanisme qui peut te faire adorer un film (un livre) traitant d'un sujet (une époque, un métier, un personnage, un évènement) dont tu te fous totalement par ailleurs. Comme je peux avoir adoré le film Saint Laurent de Bonello alors que je me fous totalement du personnage et que le monde de la haute couture m'indiffère. Comme je peux avoir été profondément touché par le personnage de Banderas dans Douleur et gloire alors que je suis ni vieux, ni malade, ni artiste, ni homo et qu'a priori, rien ne nous rassemble. Ce sera la même chose pour le SDF. Un bon film saura me toucher à ce sujet, un mauvais film me laissera indifférent et une fois sorti de la salle, la vie reprend son court. C'est la magie du cinéma ! :hap:

visse, +1

Pseudo supprimé
Niveau 10
22 août 2019 à 14:53:54

J'ai jamais été touché par la pauvreté dans un film, mais en même temps j'ai pas de film en tête qui montre la même chose que ce qu'on voit quotidiennement dans le métro. Et bien sûr je suis touché par des personnages en lutte sociale comme dans Deux jours une nuit ou I, Daniel Blake. Mais ça n'a pas grand chose à voir je trouve ; leurs problématiques je les connais personnellement, cette précarité, cette urgence, et s'ils me touchent, c'est par leur combat, leur histoire, leur personnalité, pas par leur statut social.
Donc je comprends pas vraiment la question. Ce que je peux dire c'est que, quotidiennement, j'ai trop d'empathie pour les sdf, les mendiants, ceux que tu peux croiser plusieurs fois par semaine dans le métro et qui ont encore la force de faire un speech tous les jours dans chaque wagon. Je lis un bouquin ou suis sur mon tel et je suis incapable de continuer mon activité pendant un moment. Je donne pas forcément de thune, mais je me sens mal la plupart du temps, surtout quand ce sont des jeunes.

Par contre j'ai une expérience à ajouter, qui contredit ce que j'ai écrit plus haut.
A une époque où j'étais assez mal, j'ai regardé quelques fictions et documentaires sur la Shoah. A ce moment-là j'étais très réceptif à ce sujet, au point d'en rêver, de me retrouver en pleine guerre, dans des ghettos, au milieu de tout ça, et c'était effrayant bien sûr.
Je croisais à cette même époque (qui a duré deux-trois semaines) un type dans mon quartier, que je n'avais jamais vu traîner près de chez moi. Je le connaissais déjà depuis plusieurs années sans le savoir, mais ailleurs dans ma ville. C'est un clochard de la soixantaine, sûrement sorti d'un camp de roms. Il est habillé comme un clochard d'une autre génération, le clochard romantique, comme si ses vêtements dataient du temps où il n'errait pas encore dans les rue.
Je l'ai vu plusieurs fois en l'espace de quelques jours, marchant dans la direction opposée de la mienne, la tête vers le bas, le pas lent mais toujours en quête de quelques choses qui se trouveraient par terre. C'était très troublant, pour deux raisons. Déjà je pensais au cinéma, à des scènes qu'on peut retrouver dans Mort à Venise par exemple, quand le personnage principal voit ce genre de scènes (un type mourir dans la rue sans que les passants daignent le regarder), et qu'il est comme prévenu de sa propre mort à venir (impression que je ressentais donc à cause du cinéma). La deuxième chose qui m'a troublée c'est que, en voyant documentaires et fictions sur la shoah, j'étais très ému par toutes ces personnes, tous ces visages anonymes. En voyant ce type dans mon quartier, j'avais l'impression qu'il n'y avait aucune différence entre ces anonymes immortalisés par des photos et vidéos, et lui, qui errait en dehors du temps, qui avait perdu son statut d'homme depuis longtemps, qui était en quête de je ne sais quoi par terre, des mégots ou des centimes.
Ce que je veux dire c'est que je n'aurais sûrement pas été touché par cet homme (un clochard parmi les autres) si je n'étais pas influencé par la force évocatrice des images.

VonRoust
Niveau 10
22 août 2019 à 15:55:01

Est-ce que des images, des dialogues ou une voix off nous présentent le clochard du quartier quand on le croise dans la rue? Non.
Lorsque Mimosa meurt dans Une époque formidable je lâche ma petite larme mais je n'ai plus aucun remord à ignorer Régine du Carrefour Market parce que ça fait 42 fois qu'elle me demande une piècette.

Rozewicz
Niveau 10
22 août 2019 à 17:09:39

Le 22 août 2019 à 11:01:26 AllSunny a écrit :
Quand tu regardes en masse des films néorealisme par exemple et qu après tu restes toujours aussi paralysé et inactif devant des clodos, ça me ferait poser des questions sur la valeur de ta cinéphilie sur le néorealisme. Par exemple.

Tu noteras cependant que même les personnages les plus miséreux des films néoréalistes conservent une certaine dignité. Tandis qu'au quotidien les types qui font la manche sont soit des épaves absolues, soit des types de moins de 30 piges, qui curieusement sont très bien portants, propres sur eux et ont parfois même un téléphone portable.

Pour avoir discuté plusieurs fois avec de vrais clochards (notamment les trois qui tous les soirs sont à la station Cardinal Lemoine), j'ai aucune envie ni aucune raison de donner de l'argent à quelqu'un qui le dépensera pour s'acheter une maximator ou de la drogue. Quant à faire vraiment quelque chose pour ces gens-là (donc pas seulement leur filer une piécette histoire de se donner bonne conscience et d'entretenir la situation), il y a un système social et des associations de gens remplis de bons sentiments qui font le taff.

Comme quelqu'un l'a dit plus haut, moi non plus je suis pas Mère Térésa. Quand tu apprends qu'un clochard a refusé un petit emploi de jardinier garanti par la mairie de Paris parce que "ça prend trop de temps et ça rapporte moins que de mendier", ou qu'un type t'insulte quand tu lui tend un sandwich sodebo pas ouvert alors que 10sec plus tôt il pleurnichait en disant qu'il avait faim, ton altruisme s'en retrouve étrangement quelque peu altéré. :)

Sinon, entre ceux qui file de la thune pour se donner bonne conscience, et ceux qui font genre d'être occupé en détournant le regard, je sais pas lesquels sont les plus ridicules.

Pseudo supprimé
Niveau 10
22 août 2019 à 17:19:05

Je préfère donner 10 balles à Luc Besson qu'à un SDF perso, il en a plus besoin en ce moment vu l'état d'Europacorp

Serval94
Niveau 62
22 août 2019 à 17:52:52

Le 22 août 2019 à 14:53:54 HenryJames a écrit :

J'ai jamais été touché par la pauvreté dans un film, mais en même temps j'ai pas de film en tête qui montre la même chose que ce qu'on voit quotidiennement dans le métro. Et bien sûr je suis touché par des personnages en lutte sociale comme dans Deux jours une nuit ou I, Daniel Blake. Mais ça n'a pas grand chose à voir je trouve ; leurs problématiques je les connais personnellement, cette précarité, cette urgence, et s'ils me touchent, c'est par leur combat, leur histoire, leur personnalité, pas par leur statut social.
Donc je comprends pas vraiment la question. Ce que je peux dire c'est que, quotidiennement, j'ai trop d'empathie pour les sdf, les mendiants, ceux que tu peux croiser plusieurs fois par semaine dans le métro et qui ont encore la force de faire un speech tous les jours dans chaque wagon. Je lis un bouquin ou suis sur mon tel et je suis incapable de continuer mon activité pendant un moment. Je donne pas forcément de thune, mais je me sens mal la plupart du temps, surtout quand ce sont des jeunes.

Par contre j'ai une expérience à ajouter, qui contredit ce que j'ai écrit plus haut.
A une époque où j'étais assez mal, j'ai regardé quelques fictions et documentaires sur la Shoah. A ce moment-là j'étais très réceptif à ce sujet, au point d'en rêver, de me retrouver en pleine guerre, dans des ghettos, au milieu de tout ça, et c'était effrayant bien sûr.
Je croisais à cette même époque (qui a duré deux-trois semaines) un type dans mon quartier, que je n'avais jamais vu traîner près de chez moi. Je le connaissais déjà depuis plusieurs années sans le savoir, mais ailleurs dans ma ville. C'est un clochard de la soixantaine, sûrement sorti d'un camp de roms. Il est habillé comme un clochard d'une autre génération, le clochard romantique, comme si ses vêtements dataient du temps où il n'errait pas encore dans les rue.
Je l'ai vu plusieurs fois en l'espace de quelques jours, marchant dans la direction opposée de la mienne, la tête vers le bas, le pas lent mais toujours en quête de quelques choses qui se trouveraient par terre. C'était très troublant, pour deux raisons. Déjà je pensais au cinéma, à des scènes qu'on peut retrouver dans Mort à Venise par exemple, quand le personnage principal voit ce genre de scènes (un type mourir dans la rue sans que les passants daignent le regarder), et qu'il est comme prévenu de sa propre mort à venir (impression que je ressentais donc à cause du cinéma). La deuxième chose qui m'a troublée c'est que, en voyant documentaires et fictions sur la shoah, j'étais très ému par toutes ces personnes, tous ces visages anonymes. En voyant ce type dans mon quartier, j'avais l'impression qu'il n'y avait aucune différence entre ces anonymes immortalisés par des photos et vidéos, et lui, qui errait en dehors du temps, qui avait perdu son statut d'homme depuis longtemps, qui était en quête de je ne sais quoi par terre, des mégots ou des centimes.
Ce que je veux dire c'est que je n'aurais sûrement pas été touché par cet homme (un clochard parmi les autres) si je n'étais pas influencé par la force évocatrice des images.

Ouais, je ne l'ai pas cité parce que Cotillard ne joue pas une SDF dedans, mais Deux jours Une nuit m'est venu en tête aussi en écrivant mon premier post. Je l'avais trouvé assez déchirant. En particulier deux scènes (celle où elle et son mari sont en voiture et un morceau de Petula Clark passe à la radio + celle où elle retrouve l'un de ses collègues sur un terrain de foot et il fond en larmes devant elle parce qu'il culpabilise).

T'es assistant social ? Ou ancien SDF ?

Sinon, pour un film qui "montre la même chose que ce qu'on voit quotidiennement dans le métro" : La faute à Voltaire ? La scène où Sami Bouajila fait la manche dans le métro parisien, c'est un peu ça. L'immigré maghrébin qui vient de débarquer en France et galère. Après, le ton n'est pas franchement dépressif et le personnage y est très chaleureux, ce qui est rarement (jamais ?) le cas de ceux que je peux voir en vrai. :hap:

AllSunny
Niveau 36
22 août 2019 à 18:35:24

La prochaine fois je me contenterais de poser de poser juste une question, j ai l impression de devoir répondre à plusieurs direction de débat à la fois. :hap:

Serval :d) Je vois, mais je pense que ça peut être problématique de rentrer dans un système où le cinéma a la magie de nous faire intéresser à des choses dont on s en fout de base, avant d avoir vu le film et même après. Le film peut être universel mais s il n implique plus son spectateur dans son sujet, des mois après le visionnage, on peut appeler ça un échec entre le film et un spectateur.

HenryJames :d) En effet, on peut être émotionnellement aidé par le film. Mais oui, dans ce genre de débat, on arrive forcément à un moment où il faut confronter nos sensibilités au sujet et ça devient un peu difficile d être clair et objectif sur le sujet. C est pour ça qie oui, la question peut être mal définie dans mon sujet, parce que je fais plutôt appel à un ressenti

Von Roust :d) Oui, c est un autre ressenti

Rastignac :d) Ouais c est sûr que dans le fond des personnages sont différents des sdf chez les ritals. Après y a le rapport personnage réel / personnage imaginaire. Mais je veux pas m égarer.
Après oui, donner la thune n est jamais la solution, autant donner à bouffer pour ceux qui ont vraiment besoin. Et le reste, bah que veux tu que je dise, y a de ces cas aussi.

Serval94
Niveau 62
22 août 2019 à 18:59:42

Le 22 août 2019 à 18:35:24 AllSunny a écrit :
La prochaine fois je me contenterais de poser de poser juste une question, j ai l impression de devoir répondre à plusieurs direction de débat à la fois. :hap:

Serval :d) Je vois, mais je pense que ça peut être problématique de rentrer dans un système où le cinéma a la magie de nous faire intéresser à des choses dont on s en fout de base, avant d avoir vu le film et même après. Le film peut être universel mais s il n implique plus son spectateur dans son sujet, des mois après le visionnage, on peut appeler ça un échec entre le film et un spectateur.

Un échec ? Boarf non, pas forcément, pourquoi ça ? Le mot est fort, ton jugement me semble un peu sévère.

Donc, si je te comprends bien, un film dénonçant (pour rester dans le thème) le mauvais traitement des SDF en France aurait donc "échoué", s'il ne m'amenait pas ensuite à revoir ma position sur le sujet et s'il ne suscitait pas en moi l'envie de m'engager pour cette cause ? Ou du moins un net regain d'empathie ? Et ce, quand bien même j'aurais aimé ce film par ailleurs ? Ça me semble un peu déplacé.

Pour continuer avec des exemples déjà cités plus haut : quand j'ai maté Moi Daniel Blake ou Deux jours Une nuit, je me suis ému du sort de leurs personnages. Ces deux films m'ont touché et j'en garde encore un très bon souvenir plusieurs années après : pour moi ce sont donc des réussites. Est-ce que Ken Loach et les frères Dardenne considèreraient que si leur film respectif m'a touché mais n'a pas suscité en moi un regain d'empathie envers ces profils de défavorisés, ce film est un échec ? Je ne sais pas... si oui, c'est tant pis pour eux. Moi je considère toujours ces deux films comme des réussites. Et s'ils ne m'ont pas transformé, ils m'ont touché et je m'en rappelle encore, donc quelque part, j'imagine qu'ils doivent m'influencer d'une manière ou d'une autre, à une échelle aussi infime que l'immense majorité des autres films/livres/musiques que j'ai aimés et digérés depuis ma naissance. Mais bon, je n'en suis pas nécessairement conscient. Et là, à froid, ça ne me semble pas évident.

Pseudo supprimé
Niveau 10
22 août 2019 à 19:18:54

Serval94, oh oui la scène avec l'entraîneur, je m'en rappelais pas, c'était ouf
J'ai pas du tout été sdf haha, juste que j'ai connu, comme beaucoup de personnes qui ont un toit, ces périodes assez absurdes, vécues comme cruelles et injustes, où on court partout pour faire valoir ses droits, et qu'on est dépassé, et qu'on sent notre dignité malmenée peut-être.

Kobaa_
Niveau 10
22 août 2019 à 20:59:26

la seule chose qui me culpabilise c'est d avoir un gouvernement qui laisse des milliers de gens dormir dans la rue

Aurevilly
Niveau 10
23 août 2019 à 14:52:24

Tu voudrais qu'il en fasse de la chair à saucisse ou t'es plus de la team baguette magique on fait ça ça puis ça et hop la pauvreté est supprimée par miracle ?

AllSunny
Niveau 36
23 août 2019 à 15:22:40

Serval :d) L idée que ça t influe d une manière ou d une autre, oui ça peut être une raison pour que le film devienne une "réussite". Après ce n est pas le real qui va te déterminer si tu as bien vu ou pas un film, c est sûr.
En tout cas, c est une supposition, il n y a pas d échec ou de réussite quand tu vois un film et puis tu as je sais plus qui qui disait qu un film n est pas fait pour changer le monde.

C est juste éviter le cliché comme quoi un cinéphile se gave de films sur la misère, mais l ignore complètement dans son quotidien.

Pseudo supprimé
Niveau 10
23 août 2019 à 15:45:10

J'en reviens à ce que j'ai vécu, raconté plus haut, sur le décalage empathique qu'on peut avoir entre les personnages d'un film et ceux-là même dans notre réalité.
A cette période où je voyais films (du gros Pianiste à l'intimiste Fils de Saul) et docus sur les millions d'anonymes de la Seconde Guerre Mondiale, et que j'en étais profondément touché, j'ai rêvé que je me retrouvais avec des rescapés de la Shoah, sur des terres détruites et ténébreuse. Mon père débarquait et me disait :
Alors, ils sont là, tu les vois, maintenant quoi ?

héhé

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Sujet : Un sdf vous culpabilise plus qu'un film sur des pauvres
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