Bonsoir cher public !
A ma surprise j’ai pu constater que ce manga n’a pas fait l’objet d’un topic dédié sur ce forum jusqu’à présent. Je vais donc m’efforcer de rectifier le tir et de vous le présenter.
Opus
Auteur Satoshi Kon
Editeur IMHO Editions
Registre Action, Fantastique
Origine Japon
Format 14,7 X 21 cm, noir et blanc avec quelques pages couleur au début du premier tome
Nombre de tomes 2 dans la version française, manga terminé mais inachevé (voir note de lecture)
Date de publication juin et novembre 2013 en VF (réédition prévue)
Prix 14€ le tome
Nombre de pages 202 (tome 1), 184 (tome 2)
Synopsis :
L’histoire débute sur des chapeaux de roue durant l’affrontement entre Satoko, une jeune policière douée de pouvoirs psychiques, et un génie du mal qui se fait appeler "Le Masque". Rapidement l’action laisse place à une discussion dans un restaurant, où Chikara Nagai présente les dernières planches de son manga "Resonance", dont Satoko est l’héroïne, à son éditeur. La fin de publication approche et il s’agit de terminer en beauté par le sacrifice de l’un de ses personnages, Rin. Malheureusement pour lui, Rin ne l’entend pas de la même oreille. La réalité et la fiction se confondent quand ce dernier va subtiliser à son créateur la page de sa propre mise à mort. Le mangaka va donc se retrouver aspiré dans son univers de fiction et lancé dans une course contre la montre afin d’empêcher un paradoxe de détruire ce monde.
Note de lecture
Autant ne pas aller par quatre chemins, Opus est une œuvre avortée, donc avis à ceux que cela pourrait rebuter. Pour préciser un peu, le magazine dans lequel le manga était prépublié a été arrêté alors que Satoshi Kon travaillait encore sur son œuvre. Face à cette situation la publication du manga a malheureusement été mise en pause avec éventuellement la possibilité de le reprendre pour une sortie en version reliée. La suite on la connait, le manga n’a jamais repris et Satoshi Kon est décédé voilà quelques années, laissant son histoire sans réel dénouement.
En fait ce n’est pas tout à fait vrai, un petit épilogue crayonné existe et il conclut la version que IMHO nous propose ici, mais autant être honnête il ne s’agit pas d’une vraie fin à l’histoire.
Où les trouver ?
A l’heure où j’écris ces lignes le tome 1 (au moins) est en rupture de stock et atteint des sommets sur internet à cause de la spéculation. On peut toutefois en trouver neuf en magasin au prix normal en cherchant un peu ; et surtout l’éditeur a confirmé qu’une réimpression était prévue.
A priori il n’y aura donc bientôt plus d’obstacles pour ceux qui voudraient sauter le pas.
Visuels :
(tome 1)
(tome 2)
Avis :
Le premier élément que moi et probablement plusieurs autres personnes ont retenu de ce manga est qu’il est l’œuvre de Satoshi Kon. Pour ceux qui ne le resituent pas, Satoshi Kon fut un maître des longs métrages d’animation japonaise dont les réalisations sont largement acclamées par la critique (Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paprika). Malheureusement décédé, sa contribution à l’industrie papier du manga est relativement maigre en fin de compte. Parmi ses titres licenciés en France, on compte un One-shot (Kaikisen) et deux œuvres inachevées (Seraphim et Opus). Opus est donc l’une des rares occasions d’admirer son talent sur papier.
Et c’est bien dommage d’ailleurs, car son style graphique (très proche de Katsuhiro Otomo dont il a été l’assistant) est vraiment bon, tout à fait dans la lignée de la production de l’époque (années 90). Les pages sont dynamiques et bien détaillées mais sans surcharge inutile. Il fallait bien ça pour soutenir l’action des scènes les plus vives et clarifier les différents passages entre réalités. Les personnages ont des designs sobres mais efficaces et les expressions sont très bien rendues. J'aime beaucoup le design de Satoko par exemple, avec son côté Ada Wong par moments.
L’une des marques de fabrique des long-métrages de Satoshi Kon est la thématique des univers ou réalités confondues, une thématique que l’on retrouve de manière évidente au travers du synopsis d’Opus. C’est en partie ce qui m’a motivé pour l’achat de ce manga, car Perfect Blue (et un peu plus tard Paprika que je n’ai découvert que récemment) a longtemps été une de mes références en terme de film d’animation. Avec un maître en la matière comme lui, j’imaginais que le sujet serait traité avec toute l’attention et le potentiel qu’il offre. Et au final je dois avouer que mon avis est mitigé. Certes, Opus est une œuvre qui arrive assez tôt dans la vie de l’auteur et on peut légitimement penser que son talent n’était pas encore arrivé à la maturation qu’on lui connait. Cela-dit je trouve quand même que le médium de la bande dessinée aurait pu être bien d’avantage utilisé. Si je prends par exemple le cas de Julius Corentin de Marc Antoine Matthieu, où le synopsis est bien différent mais qui exploite énormément le thème du voyage du héros au travers des pages de sa propre BD, notamment avec des jeux de perspective ou un dépassement du cadre des cases très fréquent, je trouve que la mise en page et l’audace dont a fait usage Satoshi Kon sont assez discrets voire timides. Le propos n’est pas le même, certes. D’ailleurs Opus met largement plus l’accent sur l’action que sur le voyage entre les niveaux de réalité, mais c’est justement ce que je trouve dommage. En fin de compte, l’intrigue que l’on suit reste donc très limpide, sans les confusions habituelles qu’apportent ses films d’animation. D’après les notes de fin du volume 2, il semble que l’auteur avait néanmoins prévu de faire partir le récit dans une dimension plus métaphysique, mais pour ce que l’on a ce n’est pas vraiment encore le cas. Et pourtant 380 pages de récit sont disponibles, il y avait de quoi faire ! Bref, une petite déception pour ma part car le potentiel était là.
Cela dit, pour ce qu'il est, le récit se laisse très agréablement suivre et on enchaîne les pages à un rythme surprenant. Malgré la timidité d’exploitation du scénario, l’action est constamment présente et nous entraine à fond dans la confrontation entre les personnages et les différents dangers. Si bien qu’à la fin, et vous vous en doutez surement, on est bien sûr frustrés de devoir s’arrêter en plein chemin. Malgré la présence de l’épilogue, qui s’inscrit plutôt bien et avec humour dans l’histoire puisqu’il s’agit d’une confrontation entre Satoshi Kon lui-même avec le personnage de son propre manga , il reste indubitablement ce goût amer d’inachevé. L’avantage est que le thème traité dans le manga raisonne plutôt bien avec la situation de l’arrêt de publication, ce qui permet éventuellement de se contenter de l’épilogue. Sur un récit différent la déception ne passerait pas aussi facilement.
Alors, à lire ou à ne pas lire ? Dans l’ensemble je dirais que oui, Opus est une œuvre vraiment intéressante à découvrir. Le talent graphique de l’auteur et la qualité de l’action (avec sa petite originalité vu le thème traité) font que l’amertume finale est contrebalancée. Malgré tout je pense que le medium offrait d’avantage de ficelles que Satoshi Kon aurait pu employer sur un tel scénario, et il est dommage de ne pas avoir pu assister à l’évolution du scénario vers des considérations plus cérébrales (si j’ose dire) faute de suite.
J’attends maintenant vos retours sur l’œuvre !