Blabla 18-25 ans

L'oasis Al-Qaryatayn toujours occupée par l'État Islamique subissait les tirs de l'aviation. Le chapelet de Merrino gesticulait entre les mains tremblantes ; confession ou prière pour ne pas être pris pour cible, je ne saurais le dire. Nous filions droit vers le Nord en suivant la route dangereuse signalée par Robotomique. Hors de question de s'attarder en pleine zone de guerre, malgré le FN FAL fixé au-dessus des pare-soleil. L'épais nuage de poussière obstruait complètement la vitre arrière. Seul le point de fuite importait.

Les paysages secs de l'Anti-Liban succédèrent aux plaines rocheuses du désert de la radicalisation. Alors que nous pénétrons dans des contrées plus familières, la route décrit une large courbe et ouvre sur une vaste plaine.

Le soleil approchait du zénith, dominant le ciel et chauffant à blanc l'ocre profond du désert. Au-dessus des collines qui entouraient la plaine du champ de bataille tournoyaient des busards dont les cris abrasifs restaient suspendus en l'air, comme solidifiés par la chaleur. Du côté ouest, là où les pentes nues des collines s'étiraient vers le sable, se tenaient deux mille hommes sur des chevaux cuirassés. Sabres et boucliers étincelaient, si bouillants qu'on pouvait à peine les toucher, et les tuniques et les turbans n'atténuaient en rien la férocité du soleil. Cependant, personne ne se plaignait. Au centre Wastormq et Robotomique se toisaient.

Les épées décrivirent un arc de cercle avant de s'entrechoquer, acier contre acier. Le bruit métallique résonna brutalement et se répéta en gagnant en intensité. Les coups se succédaient, portés avec de plus en plus de violence, et leur force menaçait presque d'arracher les armes des mains des combattants. Le soleil rendait brûlants les pierres couvertes d'une fine poussière rouge et frappait durement les crânes des deux hommes qui s'époumonaient à botter et à parer. Le plus petit des deux suait à grosses gouttes, ses cheveux blancs plaqués sur le front, les lèvres retroussées en une attitude concentrée. Sa chemise trempée lui collait au dos. Ni lui ni son adversaire ne portaient d'armures. Il prenait l'initiative de la plupart des attaques, faisant soudain un pas en avant après des séries de parades circulaires d'une grande rapidité. Mais ses coups commençaient à être désespérés. Il y mettait puissance et précision, mais chacun d'entre eux semblait près d'être le dernier, comme s'il pensait n'avoir plus la force d'en donner d'autres. Il ne pourrait plus tenir bien longtemps à un tel rythme. Il était épuisé et son adversaire, plus grand et plus athlétique que lui, continuait à lui faire barrage avec une facilité déconcertante. Et plus les attaques du petit devenaient désordonnées et vaines, plus le sourire de l'autre s'élargissait. Plutôt qu'un sourire, d'ailleurs, c'était une grimace semblable à celle d'une gueule de requin sur le point de se refermer sur sa proie. Le rictus était un peu forcé, la mâchoire crispée, mais il était clair que Robotomique s'amusait.

Lâchant un dernier « satanique ! », Wastormq s'écroula, le dos fendu d'une large balafre rouge. Ce général en chef — ayant pris la place vacante de Cody-M le Maudit —, vaincu lamentablement au sol, invoquait l'Apocalypse en annonce de sa vengeance prochaine. Trois émissaires, FanDeManga1, Dhul-Qarnayn et MotorcycleMan, armes au fourreau, vinrent demander aux Soldats du Kryss de retourner dans leurs murailles pour Pâques, bénissant d'intentions aimables cette journée sans qu'on daigne leur répondre. Le corps d'armée se mit en marche mais je verrouillai les portières : aucun des soldats n'étaient catholiques, rien qu'une bande de Protestant épars, évangéliques en tête. Leur étendard parti d'argent et d'azur à la devise sainte de sable sur le tout trahissait leur appartenance. Jn 14 : 6, un triste souvenir du fanatisme qui ne tient même plus compte de ses propres jours saints.