CHAPITRE 10
Quelques jours étaient passés depuis la capture de mon premier Pokémon dans l’ancien cimetière d’Ekaeka. J’avais beaucoup plus traîné en route que prévu mais ce fut pour de bonnes raisons. Sur ma route, j’avais croisé quelques Dresseurs qui revenaient de l’épreuve d’Althéo, dans la Grotte Verdoyante. Et tous étaient unanimes sur le fait que le Pokémon Dominant était un dur à cuire et aucun d’entre eux n’avait réussi le défi de le vaincre.
Avec cette information en tête, il était évident que me rendre à cette Épreuve sans préparation, la fleur au fusil, serait parfaitement inutile et que je devais mettre au point une stratégie rigoureuse avant de m’y attaquer. J’avais donc décrété de mettre mon voyage en parenthèses afin d’entraîner Otaquin face aux autres Dresseurs ou aux Pokémons sauvages, des Soporifiks, des Tadmorvs sous une autre forme et des Makuhitas notamment, lui permettant d’apprendre une nouvelle technique : Aqua-Jet.
J’avais également envisagé de grossir les rangs de mon équipe avec un troisième Pokémon mais je ne le fis pas pour deux raisons. La première était que les Pokémons sauvages dans les environs ne m’intéressaient pas tant que ça, notamment les Tadmorvs qui me donnaient plus l’envie de vomir, et la seconde, plus importante, était le fait qu’au point où j’en étais, il valait mieux pour moi de ne pas trop me disperser et déjà me concentrer avec mes deux partenaires avant d’en songer à un nouveau.
Je pensai un moment à Tili, avait-il déjà relevé l’Épreuve, lui qui était parti d’Ekaeka aussi vite qu’une comète ? Ou alors était-il également en train de travailler d’arrache-pied pour être prêt ? Par chance, un Centre Pokémon situé au milieu de la Route 2 m’avait permis de faire une pause sans avoir à dormir à la belle étoile chaque nuit.
Nombreux étaient les Dresseurs qui fréquentaient cette portion de route. Sans doute, comme moi, étaient-ils là pour se présenter devant Althéo ? Je n’avais donc eu aucun mal à trouver des adversaires, tout le monde cherchant à se tester et à se jauger avant d’arriver à la Grotte Verdoyante.
- « J’ai déjà beaucoup travaillé avec Otaquin ces derniers jours… Maintenant, c’est à ton tour, Rocabot ! »
Défiée par un randonneur et son Papillusion, je vis là l’occasion de faire mon premier combat avec mon tout nouveau compagnon. Contrairement à Otaquin, Rocabot se mit à grogner agressivement dès la sortie de sa Pokéball. Je savais qu’il avait un caractère plus dur et que j’allais devoir faire un effort d’adaptation et ne pas faire l’erreur de le dresser de la même façon qu’Otaquin.
- « C’est notre premier match en équipe, je compte sur toi. Fais de ton mieux, lui dis-je.
- À nous la première offensive, Papillusion, commence avec ton Choc Mental ! » ordonna mon adversaire.
Le papillon voleta autour de Rocabot et ses yeux brillèrent d’une couleur violette alors qu’une violente décharge psychique frappa l’esprit de Rocabot. Celui-ci serra les crocs, aboya et grimaça comme s’il était pris d’une terrible migraine.
- « Ne te laisse pas faire ! criai-je. Riposte avec ton Crocs Feu ! »
À ma surprise, Rocabot ne lança pas immédiatement son attaque Crocs Feu. Il se jeta sur le Papilusion d’un bond prodigieux avec son attaque Charge, l’attrapa en plein vol et le plaqua au sol ! Ce fut à ce moment-là où sa cible, immobilisée sous son poids, tentait désespérément de s’échapper qu’il la mordit violemment en pleine tête avec son Crocs Feu !
- « Papillusion ! » s’exclama le randonneur, horrifié en voyant un assaut aussi bestial sur son Pokémon.
Papillusion se mit à geindre de douleur sous la morsure enflammée de Rocabot et chercha à se débattre en agitant ses ailes dans tous les sens. Mais mon chien de roc ne semblait pas enclin à s’arrêter en si bon chemin. Il ouvrit de nouveau sa gueule et mordit une nouvelle fois sa cible dans les ailes avec son Crocs Feu. Complètement pris de frénésie, Rocabot enchaîna les Crocs Feu, mordant toutes les parties du corps du Papillusion qu’il pouvait toucher !
- « Héééé ! Arrête ! Stop ! ordonnai-je en le voyant s’acharner alors que sa malheureuse cible ne bougeait déjà plus.
- Papillusion ! Nooooon ! Mais rappelle ton Pokémon ! Rappelle-le vite ! paniqua mon adversaire.
- Ou… Oui… Reviens ! »
Complètement prise au dépourvu par l’excès d’agressivité de Rocabot, je dus mettre plusieurs secondes avant de réagir. Je sortis la Pokéball de Rocabot et le rappela immédiatement. Au sol, le Papillusion agonisait, le corps criblé de brûlures et de traces de morsure.
- « Mais il est complètement cinglé ton Pokémon ! cria mon adversaire en prenant son Pokémon dans ses bras.
- Je… Je suis désolée… J’ignorai qu’il… qu’il ferait… fut tout ce que je pus balbutier, n’en revenant pas moi-même. Tenez, prenez cette Potion. »
Je lui offris une des Potions que je possédais dans mon sac afin de prodiguer des soins d’urgence au Papillusion, grièvement blessé. Puis je le regardai partir à toute vitesse pour foncer vers le Centre Pokémon le plus proche. Tristement, je baissai mes yeux sur la Pokéball de Rocabot que je tenais toujours.
- « Mais qu’est-ce qui t’a pris ? »
J’ignorai ce qui avait conduit Rocabot à se comporter de la sorte mais ce dont j’étais sûre, c’était que je ne pourrais plus l’envoyer au combat tant que je n’aurai pas réglé ce problème. À la rigueur contre des membres de la Team Skull, pourquoi pas… mais pas contre d’autres Dresseurs. Ce n’était pas mon objectif d’envoyer tous leurs Pokémons aux urgences.
- « Allez, viens, il faut qu’on parle… » le libérai-je de nouveau.
Je m’accroupis devant lui l’examinai de près. Il grogna légèrement mais finit par baisser les oreilles, un peu comme s’il regrettait de s’être emporté. Je me souvins alors de son combat contre les spectres l’autre jour, où il avait malencontreusement déclenché un incendie avant de se rendre compte de son erreur.
- « Je vois… Tu as un bon fond… mais tu as le sang chaud, n’est-ce pas ? »
Il laissa échapper un aboiement, que je compris comme un oui.
- « Tu te laisses facilement emporter en combat, tu as du mal à contrôler tes pulsions dans le feu de l’action. Je comprends… Et c’est mon rôle de Dresseuse de t’aider là-dessus. »
Les Pokémons, tout comme les humains, avaient tous leur caractère et leur personnalité propre. Et ce qui s’appliquait à l’un ne s’appliquait pas forcément pour l’autre. La preuve étant mon Rocabot qui différait radicalement de celui du Professeur Euphorbe alors qu’ils étaient de la même espèce. Je ne pouvais pas demander à Rocabot de se comporter comme Otaquin ou bien vice-versa, cela était impossible et contre-nature. Il fallait que je l’accepte et l’entraîne comme il l’était. Je songeai à transformer cette violence naturelle en esprit de compétition sportif plus positif.
- « On va essayer quelques exercices de contrôle de soi et de sa colère, d’accord ? » proposai-je en essayant de ne pas rire en songeant au fait que j’avais presque envisagé de faire appel à un psy.
Je passai ainsi le restant de la journée à mieux connaître Rocabot. Je lui proposai différentes épreuves, comme des jeux d’adresse ou de vitesse contre moi ou contre Otaquin. Et je faisais exprès de le désavantager afin qu’il perde le plus souvent possible afin de guetter sa réaction. Au début, il accepta très mal la défaite, se mettant à aboyer ou bien à sautiller de colère. Mais finalement, cette frustration se mua en envie ardente de mieux faire la prochaine fois pour arracher une victoire. Bien sûr, il restait pas mal de travail mais j’étais ravie des progrès effectués par Rocabot sur lui-même.
Après une nuit au Centre Pokémon, je repris la route en direction de la Grotte Verdoyante. D’après la carte de mon Pokédex et l’infirmière, j’étais presque arrivée à destination. J’ignorai quel type de challenge Althéo m’avait réservée mais, à en juger par les Dresseurs qui faisaient le chemin inverse avec la mine déconfite suite à leur défaite, je pouvais deviner que cela ne sera pas de la tarte.
- « C’est étrange que je n’aie toujours pas vu Tili, il devrait sûrement être dans les parages lui aussi. »
Je considérai les deux Pokéballs contenant mes deux Pokémons accrochés à ma taille, sous mon ample top léger. Serait-ce suffisant pour affronter une Épreuve d’un Capitaine ? Étais-je vraiment prête à cela ou manquai-je encore trop d’expérience ? Après tout, j’avais débuté ma carrière de Dresseuse il n’y a pas si longtemps que ça. Alors certes, j’avais une belle petite série de victoires mais entre affronter des Dresseurs de passage ou des Pokémons sauvages et faire face à un Capitaine et son Épreuve, il y avait une différence certaine.
Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir, c’est d’y participer. Un mélange d’appréhension et d’excitation m’envahit alors que je pouvais déjà voir la montagne où se terrait la Grotte Verdoyante, ma destination, apparaître à l’horizon.