Deux ans et demi plus tard, Nintendo réitère avec Spirit Tracks. Comment ne pas signer directement après l'excellent Phantom Hourglass que j'ai adoré de bout en bout? Ah bah je me suis précipité dessus comme un demeuré juste parce que c'était écrit Zelda et forcément... La déception a été au rendez-vous. Bon mes critères étaient un peu différents, je cherchais plus la nouveauté, la difficulté, d'ailleurs je cherche encore pour cette dernière. Qu'est-ce qui s'est passé avec les énigmes ? Ça avait le mérite d'être nouveau dans Phantom Hourglass mais déjà que ça s'épuisait vers la fin, là tu sens que c'est archi-pressé , limite t'en fais de la compote.
Deuxième déconvenue mais un peu plus compréhensible, le niveau graphique catastrophique du monde extérieur. Des textures dégueulasse, des arêtes taillées à la hache digne des polygones de Mario 64 et des sprites à foison. Je sais que Nintendo c'est le gameplay mais à un moment merde quoi. Tu sors pas un monde extérieur si t'as un hardware aussi dégueulasse. Dans Phantom Hourglass, c'était de l'eau on s'en foutait. Mais là, des arbres plats, des rochers plats, des textures qu'on dirait volées à Ocarina of Time. J'avais l'impression d'infliger à mes yeux une grosse punition. J'avais déjà des haut-le-cœur en voyant la tête polygonée de Link dans Phantom Hourglass, là vous voulez vraiment m'achever en fait!
Bon à priori c'est pas le Zelda du siècle et vu que ça sort du même moule que Phantom Hourglass, ça ne vaut pas vraiment la peine de s'investir n'est-ce pas? Grosse erreur! Bien que la recette soit proche de celle de son prédécesseur, Spirit Tracks arrive à se renouveler grâce à l'introduction du train. Oui moi aussi j'y ai pas beaucoup cru au départ. C'est que c'est pas engageant de jouer un cheminot, sans doute syndiqué au vu de son uniforme. C'est donc dans les débuts qu'on apprend que l'histoire fait suite à Phantom Hourglass. Link et Tetra ont fondé un nouveau royaume d'Hyrule sur des terres recouvertes de rails divins. Sauf que 100 ans plus tard ces rails disparaissent mystérieusement et Link, lors d'une remise de diplôme par la princesse Zelda en personne, se voit confier la délicate mission d'escorter sa majesté vers la tour des dieux, point de convergence des voies sacrées, pour enquêter. Voilà pour le pitch de départ.
Donc si je résume, on est dans la suite d'une suite. Bon pour ça aussi j'avais gueulé à l'époque mais avec le recul, ça me choque un peu moins, ça n'est pas le plus important à vrai dire parce que j'ai quand même aimé ce jeu. Malgré ses faiblesses graphiques, il y a un charme indéniable qui se dégage de cette locomotive qui fend l'air et le sifflet qui retentit dans l'espace. Phantom Hourglass nous plongeait la tête dans l'océan, Spirit Tracks à l'arrière de la cabine conducteur d'un petit train qui parcourt les voies divines en quête de sa destination future. C'est la principale différence et on sent que Nintendo a fait un gros focus dessus. Comme le bateau, le train est un indispensable et comme le bateau il a ses propres règles. Et sur ce point Nintendo a assurément réussi son affaire.
Oui le monde extérieur est graphiquement faible mais il compense par ses étendues, dénivelés, thématiques, évènements (attaque de monstres, aiguilleurs, trains). Les paysages s'impriment lentement dans la mémoire du joueur qui peu à peu s'approprie ces rails au fur et à mesure qu'il les parcourt et reparcourt. C'est totalement à l'opposé de ce que proposait Phantom Hourglass dans lequel l'océan ne change pas et où chaque tracé de route est unique, le plus souvent en ligne droite. Dans Spirit Tracks, il faudra penser au trajet et voilà que notre mémoire se manifeste à nous. Les distances, les menaces, les gares, les autres trains puis ensuite les portails, les nouvelles voies, notre cerveau nous conditionne et ce qui n'est qu'un jeu devient finalement une planification méticuleuse dans notre esprit. Et plus encore lorsque nous transportons des marchandises et des passagers qui s'attendront à ce que vous respectiez la signalisation. Un concept simple et efficace, c'est tout ce qu'on demande pour un Zelda (oui ça fait deux fois que je le dis).
Mais que serait cette suite sans le personnage qui a attiré le focus sur lui après l'inimitable Linebeck et l'amicale mais néanmoins colérique Ciela? C'est ni plus ni moins que Zelda elle-même qui s'y colle. La jaquette parle d'elle-même, Link et Zelda seront au coeur du jeu, ce sont eux les héros. Comment ne pas se jeter aveuglément sur cette belle promesse après une suite qui nous soufflait l'espoir d'avoir plus d'interactions avec Tetra qui, est-il besoin de le rappeler, est la meilleure Zelda de tous les temps?
Avec Spirit Tracks, Nintendo tient largement sa promesse. Que ce soit à la première rencontre et pendant toute l'aventure où les petites complexités de caractères se révèlent, on a enfin un épisode qui se consacre à celle qui donne son nom au jeu. Et cette Zelda, bien qu'elle passe après Tetra, endosse sans difficulté cet héritage. Mieux encore, elle crée avec Link une alchimie unique dans la série aussi bien dans l'histoire que dans le gameplay si bien que Link et Zelda deviennent indissociables l'un de l'autre et font corps ensemble face aux fléaux qui se présentent à eux. Ils résolvent les énigmes ensemble et combattent ensemble. Putain que c'est beau.
S'il y a deux raisons d'y jouer et deux raisons qui font qu'aujourd'hui, j'ai encore la nostalgie du jeu, c'est principalement pour ces deux aspects majeurs. Car Spirit Tracks déçoit et pas qu'un peu. Non pas qu'il soit plus faible que son prédécesseur, il en reprend habilement le flambeau mais c'est une torche à la flamme crépusculaire, ravivée de temps à autre d'une ou deux bonnes idées. On le sentait dans Phantom Hourglass et voilà que Spirit Tracks continue de vouloir creuser. Le donjon des sables illustre parfaitement ce que je ressentais à l'époque, une nouveauté très éphémère qui disparaît à l'instant où l'on termine le donjon. On sent que la machine est usée, fatiguée, les donjons plient parfois les gaules bien vite.
Bien que l'aventure apporte des nouveautés par petites touches, l'exploration des donjons n'est plus aussi exaltante qu'avant. Déjà parce que l'effet de surprise est passé avec Phantom Hourglass mais parce que les structures ont été énormément simplifiées. Et c'est pareil pour la Tour des Dieux, qui ne s'articule plus sur la progression du personnage mais uniquement par l'avancée de la quête. Je sais que beaucoup ont préférée cette tour au temple des mers mais pour ma part, on perd la planification qui était le principal intérêt du temple. Dans Spirit Tracks, on ressent un désintérêt criant pour les donjons.
Autre point négatif et pas des moindres, la musique. Oui Jean-Kevin, moi aussi j'adore le thème du train et d'autres que je trouve très bons mais merde, essaie un instant de comparer à la référence en terme d'instruments qu'est Ocarina of Time. Dans Ocarina of Time, on a que des bangers. Le thème de Saria, la berceuse de Zelda, le chant d'Epona, du soleil, des tempêtes, du temps, y'a rien à jeter parce que tout est parfait bordel de merde. T'en connais combien des musiques jouées à la flûte de pan dans Spirit Tracks? Presqu'aucune, parce que c'est nul. Ça a été posé là pour les quelques énigmes, c'est du vite fait bien bâclé loin de faire honneur à un instrument sacré. Ah je déteste quand vous faites ça Nintendo! Et les duos. Là encore compare avec Ocarina of Time. Le menuet des bois, le boléro du feu, la sérénade de l'eau, putain mais j'étais en extase de fou devant ces envolées musicales. Alors que dans Spirit Tracks, non seulement c'est chiant mais on va vite oublier ces fameux duos de merde. Oui je suis énervé, ça m'a énervé.
En résumé, on a un bon concept avec le train, un personnage de Zelda bien développé avec une alchimie qui marche du tonnerre avec Link au point que ça se ressent dans le gameplay et quelques bons thèmes. Et le reste, bah c'est pas bon du tout. Prenons l'histoire par exemple et reprenons à Phantom Hourglass puisque c'est un bon point de comparaison. On sait juste que le jeu se passe après la défaite de Ganondorf dans Wind Waker, dans les eaux du roi des mers. Link se réveille sur une plage et est lentement introduit à l'univers du jeu. Les modes de vie des habitants, leurs dialogues, les divers personnages, on a un univers bien fourni dans lequel on s'immerge. D'ailleurs s'il y a quelque chose qui change comparé à Spirit Tracks, c'est que nous ne sommes pas seuls en mer. D'autres bateaux voguent sur les mers alors que dans Spirit Tracks, on est visiblement le seul conducteur qui ne s'est pas mis en grève. Il y a bien d'autres trains mais ceux-là sont maléfiques et invincibles. Vous êtes pour ainsi dire bien seul face à l'immensité du monde (Il y a bien Terry mais c'est une galère d'accéder à son magasin).
L'immersion dans Spirit Tracks a été un de mes problèmes avec le jeu. Déjà parce que Spirit Tracks reprend grosso merdo la structure et un univers similaire à Phantom Hourglass mais aussi parce que sa narration manque cruellement de profondeur. On apprend qu'une guerre a éclaté entre Mallard, Roi Démon et les dieux de cette terre. Mallard fut vaincu puis scellé. Attends mais pourquoi t'as besoin de le sceller si tu l'as vaincu? Soit t'as gagné soit t'as perdu soit tu fais match nul. Tu ne parles pas de victoire si le machin est encore vivant même si tu l'as scellé bon sang. Bref, on n'en apprend pas beaucoup plus sur l'antagoniste ni sur le ministre ni Traucmahr ni Bicelle ni les Locomos, peuple du ciel. Attends quoi? Encore un peuple venu du ciel? Mais y'en a combien au juste comme ça ?
Bref le jeu nous pose son univers et part comme ça, sans nous fournir trop d'explications. Non mais je sais pas, dans Phantom Hourglass on avait le roi des mers, on apprenait que Bellum y était retenu par son pouvoir, que si notre vitalité était drainé, c'était à cause de l'antagoniste, c'est pas compliqué de développer un peu son scénario bordel de merde! Et si vous croyez que je demande la lune, regardez juste Phantom Hourglass. Que ce soit la révélation auprès de Ciela ou celle de fin, me faisant penser à la fin de Link's Awakening, tout ça avec rien. La simplicité à l'état pur. Voilà l'excellence dans un jeu Zelda. Et là dans Spirit Tracks on y arrive pas parce qu'on a trop pressé le fruit et il manque le plus important, l'amour. Ça se sent dans un jeu vidéo.
Et ce sera ma conclusion. On sent que Nintendo a essayé de bien faire, qu'il a tout tenté pour rendre cette expérience agréable car elle n'est pas avare en contenu et en secrets. Mais on sent très vite qu'il n'y a plus de jus, que les rares bonnes idées s'évanouissent aussi vite qu'elles apparaissent. On ne sent plus cet amour qui dictait la conduite du jeu dans Phantom Hourglass. Sans doute que Nintendo est responsable, soucieux de rentabiliser le développement des outils créés pour ces deux jeux DS. Mais malgré ce désamour, il reste dans notre mémoire ce thème incroyable qui accompagne chacun de nos trajets en la meilleure des compagnie. Et c'est ça qui sauve le jeu. Ouais.
Zelda c'est la vie. Et là j'me casse.