Trevor Rhead est installé dans son fauteuil, les yeux rivés vers la télévision qui diffuse un spot publicitaire pour le match entre Tottenham et Chelsea qui se jouera le lendemain. Ce samedi 21 décembre 2019, soir de clôture de la première moitié de saison en Championship, toute la famille Rhead est présente dans le salon. Arthur et Harold se chamaillent sur le tapis, Moira et William Rhead, les parents de Trevor, sont sur le canapé et Mélanie termine de servire tout ce petit monde. Tout le monde attend la reprise de l'émission "Match Of The Day", dont la seconde partie est consacrée au bilan de la mi-saison en Championship.
Le générique résonne alors dans la pièce et Gary Lineker réapparaît à l'écran. Après avoir analysé la première partie de saison des co-leaders Fulham et Leeds, l'ancien international anglais reprend l'émission en évoquant leur poursuivant direct.
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Gary Lineker : Preston est clairement la sensation de cette moitié de saison. Équipe surprise du début de saison, elle occupe à mi-parcours la troisième marche du podium, à seulement 4 points des co-leaders Fulham et Leeds. Alan, faut-il en voir aujourd'hui une prétendante légitime à la montée en Premier League.
Alan Shearer : Aujourd'hui, force est de constater que oui. Si nous arrêtions les compteurs maintenant, Preston figurerait en tête de liste des quatres équipes barragistes. Mais le chemin n'est qu'à moitié fait et qui sait ce qui peut se passer en plus de quatre mois ?
GL : L'équipe a malgré tout montré des choses qui peuvent lui faire espérer une seconde moitié de la même qualité, à commencer par le travail effectué par Trevor Rhead (?)
AS : Absolument ! Rhead a métamorphosé les Lilywhites, tant dans le jeu que dans l'état d'esprit. Celui qu'on appelle "le laborantin" a réussi à faire assimiler à ses joueurs plusieurs schémas de jeu qui lui permettent d'adapter son dispositif en fonction de ses adversaires.
Phil Neville : Effectivement, nous avons vu les joueurs de Rhead passer du 4-2-3-1 au 3-5-2 en passant par un 4-3-3 vite abandonné. Seulement je ne suis pas certain que ces différents changements soient le fruit de sa propre volonté. Je pense plutôt que Rhead a beaucoup tâtonné avant de trouver SON dispositif le plus approprié à son effectif. A Kilmarnock, il était un grand adepte du 4-4-2 resserré, ce qu'il avait testé lors de la pré-saison, mais la longue blessure de Hughes survenue lors de cette préparation a contrecarré ses projets et l'a, je pense, rapidement poussé à tester une défense à trois qui est revenue au fil des matches au point d'être aujourd'hui son dispositif type. D'ailleurs nous avons vu que le retour de Hugues n'a pas poussé Rhead à revenir dans un dispositif à quatre défenseurs et que le latéral a perdu sa place.
AS : Oui, nous avons vu que même lorsqu'il démarrait une rencontre dans un schéma à quatre défenseurs, il terminait la plupart du temps en 3-5-2. D'ailleurs, il a révolutionné ce dispositif à Preston car là où les coaches placent des latéraux défensifs capables en phases de jeu sans ballon de reculer pour passer à une défense à cinq et en phase offensives d'apporter le surnombre, Rhead aligne des ailiers résolument offensifs, apportant ce jeu si spectaculaire du côté de Deepdale.
PN : Spectaculaire mais non sans risque, car nous avons souvent vu les trois de derrière paniquer au moment de relancer et concéder des buts qu'ils auraient pu éviter avec un peu plus de soutient défensif.
GL : Ce qui n'empêche pas Preston d'être la quatrième meilleure défense du championnat.
AS : Absolument, et à cela nous pouvons mettre en avant le formidable travail effectué par la paire Pearson/Browne qui forme à mes yeux le meilleur duo dans l'entre-jeu en Championship.
GL : Vous parliez toute à l'heure d'état d'esprit, Alan. Il est vrai que Preston a su à de très nombreuses reprises retourner des situations improbables dans les dernières minutes.
AS : Effectivement Gary, d'ailleurs vous pouvez voir à l'écran une stat très intéressantes : 43% des buts de Preston ont été inscrits dans les 10 dernières minutes, 27% dans les 5 dernières et 11% dans les arrêts de jeu ! Ces chiffres reflètent à eux seuls la détermination des joueurs de Rhead à pousser dans les derniers instants des matches, quelque soit le scénario.
GL : D'ailleurs Samuel Hoffman a parlé de "Rhead Time", en hommage au "Fergie Time" lors d'une récente interview. Une belle référence pour le tout jeune manager.
PN : Oui, mais attention à l'effet boomerang. Une telle réussite ne peut durer sur 46 matches, ou alors nous pourrons tous aller brûler des cierges en priant Trevor Rhead d'exhausser nos vœux. Il va forcément y avoir une période de la saison où cette réussite va fuire les hommes des Rhead, et là il leur faudra nous montrer leur faculté à gagner les matches dans l'action et non dans la réaction.
GL : Bon, les signaux semblent tout de même positifs pour Preston ?
AS : Oui, à condition que l'équipe conservent son insolente réussite dans le money time et qu'elle parvienne à remporter les matches face aux équipes du haut de tableau, chose qu'elle n'a pas réussi à faire dans cette première moitié de saison.
PN : Effectivement, Preston n'a remporté aucun de ses faces à faces contre Fulham, Bromwich ou Leeds alors qu'elle les a tous joué à domicile. Les hommes de Rhead auront donc le désavantage de jouer tous ses chocs à l'extérieur pour la phase retour.
AS : D'ailleurs ils entament directement la phase retour ce jeudi à Elland Road.
GL : Une équipe qui va être intéressante à suivre, Messieurs. Passons maintenant à Nottingham Forrest, une autre légende en quête de renouveau qui est bien placée également.
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William Rhead prend une gorgée de sa bière et se tourne alors vers son fils, lui souriant :
"A toi maintenant de faire lever leurs doutes jeudi à Elland Road."