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Chapitre 15 (n°371) : Taking a breather
Dimanche 26 avril 2026, Elroy (TX)
Les réactions sont unanimes ; trois victoires dans une rookie season, c’est du très rare. Trois victoires en cinq courses en Indycar, c’est probablement du jamais vu pour un débutant. Le nom de Niki Kofler est devenu connu de tous car, pour le grand public, je suis un véritable phénomène.
Après la deuxième course de ce week-end si spécial, j’affiche des statistiques impressionnantes et beaucoup pensent déjà que je vais gagner le championnat ; c’est une certitude pour la plupart des gens ici, spectateurs, journalistes et même pilotes. Quand on lui a demandé de commenter mes premiers pas outre-Atlantique, Alexander Rossi s’est fendu d’une remarque qui m’a amusé : “Si vous regardez le sport automobile depuis quelques années, vous savez que, dès que la course est bordélique, Niki va se pointer et vous faire quelque chose de très sale. C'est exactement comme ça qu'il tire son épingle du jeu ici et il n'y a rien d'autre à faire qu'observer”. Venant d’un double champion, cette remarque a énormément de valeur ; rentrer dans la tête de ces mecs, c’est accéder déjà à une forme de gloire.
Plus encore, certains sceptiques comme Herta ou Newgarden n’arrivent plus à attribuer mes résultats à la chance. Ils figurent parmi les plus redoutables de ce championnat et, en interview post-course cet après-midi, ils étaient univoques au sujet de la nécessité de leurs équipes respectives de considérer les stratégies selon un nouveau prisme. Enfermés dans leurs habituelles certitudes tactiques, ils sont en train de concéder des poignées de points face à un type qui n’a aucune idée arrêtée sur des pneumatiques et des voitures qu’il ne maîtrise pas et qui parvient donc à extraire le maximum des situations qui se présentent face à lui. Ayant constaté ma nature économe dès les premiers essais à St. Pete, Moe a essayé d’en jouer en retardant mes arrêts lors de la première course et, depuis, c’est devenue une coutume couronnée de succès. Pour en arriver jusqu’à faire douter des champions de la discipline en matières de stratégie, je crois qu’il faut y aller. C’est une théorie partagée par d’autres grands noms comme Simon Pagenaud - l’un des plus illustres pilotes de la dernière décennie en matière de science de course - ou Ryan Hunter-Reay qui pensent que l’ouragan Kofler laissera des traces ailleurs que dans les livres de statistiques de ce championnat : selon eux, je suis en train d’ouvrir la voie à une diversification des stratégies car j’ai fait payer des choix qui étaient avant considérés comme peu intéressants.
Il y a deux mois, personne n’aurait pu prédire un tel truc, pas même moi. J’étais un mec doué en F1, d’accord, mais de là à terrasser une autre discipline de pointe...C’est insensé. En ce dimanche soir, Sergueï est en train de se délecter du spectacle qu’il a vu ce week-end, lui sans qui rien de tout ça ne serait arrivé. L’équipe est également aux anges et tous les gars et les filles sont ravis de me savoir membre de leur équipe, surtout Bobby. Propriétaire de sa propre écurie depuis 1992, le vainqueur des 500 miles en 1986 n’a remporté qu’un seul sacre pour le compte de son équipe et c’était lors de cette année 1992, alors qu’il était au volant. Depuis, certains ont essayé et ont presque réussi, mais la réputation de loosers qui suit l’écurie est difficile à enlever ; RLR apparaît, depuis bien des années, comme l’écurie qui est très compétente mais qui ne gagnera jamais parce que, à la fin, le titre ira chez Roger Penske, Mario Andretti ou Chip Ganassi, question de moyens. Sauf qu’en cette année 2026, il y a un mec qui remet cette fausse “loi” en question et ce mec, c’est moi.
Ce début de saison et plus particulièrement ce week-end auraient pu être compromis par le moment où Graham est venu dépoussiérer mon aileron arrière, mais fort heureusement pas trop de conséquences de mon côté. Graham s’est empressé de s’excuser dès que je suis revenu dans le garage mais, au vu de mon résultat, j’ai réussi à en rigoler. Même s’il est frustré d’avoir abandonné, le grand gaillard de 1m88 est parvenu à en rire avec moi et c’est ça le plus cool avec mon équipier. C’est l’un des serial blagueurs du championnat et la bonne humeur est de mise, même quand il y a des petits couacs comme aujourd’hui.
Après avoir fait un peu de "shopping" pour passer la soirée, mes cinq camarades me rejoignent dans ma chambre d’hôtel et le film au programme de ce soir est le Grand Prix du Vietnam, qui a eu lieu la nuit dernière à cause du décalage horaire. Même si l’Indycar est un bien meilleur championnat - tout le monde le sait sur ce continent - nous restons informés de ce qui se passe dans le camp d’en face. Chris n’est pas le plus grand fan de F1 mais, étant donné que c’est une compétition automobile de haut niveau et que nous sommes tous là, il a accepté l’invitation.
La plus mordue du lot est probablement Heather, qui a par chance hérité du virus McLaren comme moi à l’enfance. Ce virus est toutefois peu utile aujourd’hui avec un George Russell en détresse. Leader du championnat après sa victoire en Chine le week-end dernier, GR ne met pas un pied devant l’autre à Hanoï et Nyck de Vries ne parvient pas à sauver la mise. Le tout premier Grand Prix du Vietnam a été assez ennuyant - oh, quel dommage - mais il restera néanmoins dans l’Histoire de par son vainqueur. En effet, après être passé à deux doigts de remporter son premier Grand Prix le week-end dernier, Vojislav Zoranović s’est imposé ce dimanche au Vietnam. Mieux encore, Voji est désormais en tête du championnat du monde et ce pour la première fois, tout comme Aston Martin chez les constructeurs. Le début de saison des verts est impeccable et la gloire de Voji doit rendre Sergueï encore plus heureux, lui qui couve les leaders respectifs des deux plus gros championnats de monoplace au monde. Il ne lui manque plus qu’un poulain en Super Formula, je crois…
Classements en F1 après 5/24 courses :
Après avoir profité de ce Grand Prix autour de packs de bières et autres boissons un peu plus alcoolisées, je ne chasse pas mes invités et on continue à parler, notamment de basket puisque les demies-finales de conférence NBA débutent ce soir. Dans la bande, seul Steve a encore de quoi supporter son équipe favorite, les Dallas Mavericks, qui sont encore engagés. Quant à Chris, Moe et Ryan, les joueurs de leurs équipes favorites respectives ont déjà les doigts de pied en éventail. Heather ne s’implique jamais dans ce genre de discussions car elle n’est pas fan de la balle orange et, de par ma méconnaissance, je suis un peu dans le même cas même si mon ignorance domine sur mon désintérêt. En grand professionnel, je regarde régulièrement les autres sports à la télé pour en tirer des enseignements et, depuis ma migration, je commence à regarder quelques matches de basket, chose que je n’ai jamais fait avant en raison des horaires. C’est le sport américain que je suis le plus, même si tout le monde essaie de me convertir au "vrai football" - quel mensonge - et au baseball. Si la petite balle blanche me repousse car je n'y comprend rien, je me surprend à apprécier regarder quelques passages de la balle orange ou du ballon ovale. Il est néanmoins trop tôt pour déclarer ma flamme à une équipe en particulier et je me place pour l’instant en observateur neutre, surtout face à la connaissance des autres en matière de NBA. Comme je le disais donc, Heather ne participe pas à la conversation et elle est rivée sur son téléphone.
Heather : Oh, ils sont trop mignons tes enfants, Niki !
Ryan : Heather, est-ce que tu peux apporter un contexte s’il te plaît ? On dirait une phrase de pédophile, tu me fais peur...Tu as cinq secondes avant que je compose le 911.
Heather : Tu n’as pas vu le tweet de ta femme, Niki ?
Niki : Je n’ai pas de femme.
Heather : Tu m’as compris, imbécile…
Niki : Je ne t’ai pas compris ! Je n’ai pas encore dépensé trois mois de salaire pour une bague stupide, c’est là toute la différence.
Heather : Regarde ça et tais-toi.
Heather me tend son téléphone où est affiché la dernière publication de Lena, légendée “Pas de doute, ils sont à Niki” et agrémentée d’une vidéo ; Lena a eu la bonne idée de filmer les jumeaux en cachette pendant le dernier tour et plus particulièrement au moment où j’ai dépassé Adam pour m’emparer de la tête de la course. On les voit sautiller et crier devant la télé et, au moment où je vois cette vidéo, je ne peux pas être plus d’accord avec Heather. La vidéo a tatoué un sourire sur mon visage car c’est presque un accomplissement pour moi d’arriver à un stade où mes enfants sont mes principaux supporters.
Dimanche 3 mai 2026, Bolzano
Me voici à Bolzano, bourgade italienne de taille assez conséquente et accessoirement hôte du deuxième des sept rendez-vous de la saison de karting autrichienne. Après Jesolo fin mars, l’Italie accueille à nouveau notre championnat de karting, qui ne comporte finalement que deux meetings sur le sol national, la Slovénie, la Hongrie et la Slovaquie étant également hôtes.
Si j'ai fait le déplacement c'est car ce week-end, pas mal de nos protégés sont à l’oeuvre : Donis Pnishi, Carla Schwegler, Leo Martin, Adrian Gross et Tim Ochs, les cinq engagés en championnat national que nous avons, vont se tirer la bourre contre une armée d'autres gamins.
Je n’avais rien de prévu ce week-end, pas d’Indycar, pas de F1, pas de week-end en famille car Lena est partie retrouver des amies à Vienne, alors j’ai emmené avec moi les jumeaux ainsi que mon père dans le Sud-Tyrol italien. Quatre heures de route pour assister aux hostilités. Werner et David m’avaient envoyé un compte-rendu détaillé du premier meeting à Jesolo, qui s’était déroulé alors que je faisais mes débuts en Indycar à St. Pete alors je suis globalement bien informé de la situation. Werner n’est pas de la partie cette fois car il récupère d’une opération à un genou mais David est là, tout comme Thomas qui gère le matériel, et j’ai donc l’occasion d’échanger avec eux sur leurs impressions vis-à-vis de la cuvée 2026. Celle-ci semble correcte et, sur les cinq engagés, trois ont réalisé un très bon premier meeting ; Donis, Carla et Tim. Tim impressionne d’ailleurs par son sérieux, d’après David il est une sorte de “petit gentil” qui ne fait pas de vagues mais qui s’assure toujours que le boulot soit fait et qu’il soit bien fait. A l’hiver, mes collaborateurs étaient réticents à l’idée de lui offrir un sponsoring mais, personnellement, je suis persuadé que c’était une bonne idée et les deux premiers rendez-vous me le confirment ; après la troisième course disputée aujourd’hui, Tim pointe au sixième rang général. Ce n’est pas la meilleure prestation, puisque Donis est deuxième grâce à deux victoires en six courses, mais c’est impressionnant pour un gosse qu’on a failli recaler.
Le fait de regarder une course de kart de mes propres yeux m’a fait replonger en enfance car je crois que la dernière fois que j’ai observé une course de Rotax, c’était quand Sophia en sortait en 2017. Presque dix ans, putain...
Alors que tous les gamins sont en train de débriefer leurs péripéties du week-end, comme je le faisais à leur âge, je fais une petite apparition pour leur dire bonjour, histoire d’illuminer un peu leur journée. Cette transmission mise en place depuis la création de la Sophiakademie me plaît et, quand l’emploi du temps le permet, je me rend sur place, ce qui m’est cher.
Avoir assisté à ce meeting m’a fait du bien car, sans me prendre trop la tête, j’ai pu regarder ces enfants piloter et que le "pure racing" pratiqué à cet âge est toujours plaisant à regarder. Ma semaine a été relaxante mais, désormais, ce qui m’attend, c’est un emploi du temps chargé : je ne rentrerai probablement pas en Europe avant un bon bout de temps. En effet, je pars mercredi prochain pour Indianapolis pour disputer le Grand Prix sur la version routière du circuit, avant d’enchaîner immédiatement avec une douzaine de jours d’essais et de qualifications sur l’ovale en vue de l’événement de l’année : les 500 Miles. Après ces deux semaines sur l’ovale, nous irons sur l’ovale texan de Fort Worth puis à Road America. C’est peut-être bien le seul moment de mon année où l’emploi du temps sera chargé mais pour être chargé, il est chargé. Cinq week-ends consécutifs, ça va piquer, mais ce sera aussi l’occasion pour moi de découvrir l’un des plus grands rassemblements sportifs au monde. Je trépigne d'impatience.