Pour ceux qui ont la flemme de tout lire, rendez-vous au dernier paragraphe (en gras) pour la conclusion et suggestion.
Dans le premier, les Assassins cherchent la paix en toute chose. Ils assassinent donc les ennemis de la paix, et non seulement des Templiers, même si ceux-ci sont leurs ennemies à cause de leur idéologie. Ainsi, lors des Croisades, Al Mualim n'hésite pas à envoyer des assassins tenter d'intimider/menacer les acteurs de la croisade. Ainsi, le père d'Altaïr, lui aussi assassin, déposa un message dans la tente de Salah Al-din afin de l'inciter à choisir le chemin de la paix.
Altaïr a même l'occasion de tuer ce dernier ainsi que le roi Richard, proposant à son maître Al Mualim de les tuer pour mettre fin au conflit, ce à quoi celui-ci lui répond que leur mort ne servirait à rien et qu'elle laisserait des dizaines de milliers de soldats sans chef et assoifés de sang.
Les hashishiyoun avaient notamment historiquement pour mission d'éradiquer la corruption dans le monde arabo-musulman en éliminant les hommes corrompus qui devenaient un obstacle à la paix ou au respect de la religion.
Toujours est-il que dans le premier, le credo a une réelle signification philosophique :
Al Mualim: Quelle est-elle, cette vérité ?
Altaïr: Nous n'avons foi qu'en nous-mêmes. Nous percevons le monde tel qu'il est. Nous prions pour qu'un jour, l'humanité fasse de même.
Al Mualim: Et qu'est-ce que le monde ?
Altaïr: Une illusion. Nous pouvons nous y soumettre, comme beaucoup, ou la transcender.
Al Mualim: Pourquoi la transcender ?
Altaïr: Pour admettre que rien n'est vrai et que tout est permis. Les lois n'émanent pas du divin, mais de la raison. Je réalise maintenant que notre Credo ne nous ordonne pas d'être libres – il nous ordonne d'être sages.
Al Mualim: Comprends-tu maintenant pourquoi les Templiers sont une menace ?
Altaïr: Nous voulons dissiper cette illusion. Eux, s'en servir pour régner.
– Altaïr découvrant la véritable signification du Credo.
Les Assassins souhaitent donc que les hommes deviennent sages, vivent dans la paix pour comprendre l'illusion qu'est ce bas-monde, tandis que les Templiers souhaitent à l'inverse conserver l'illusion pour imposer la paix.
Les Assassins s'interrogent également sur la société, sur les situations afin de décerner le vrai du faux. Ils s'interrogent, tout comme Altaïr le fait au cours du jeu :
Il y a une grande différence, Altaïr, entre la vérité qu'on voudrait nous faire croire et celle que nous percevons. La plupart des gens ne font pas la distinction. C'est la voie de la facilité. Le Haschischiun, lui, ne se laisse pas abuser. Il s'interroge.
Al Mualim lui présente au début ses 9 cibles comme un obstacle à la paix, mais Altaïr s'interroge, comprend que ses cibles sont de simples Templiers pour démasquer la conspiration et le piège d'Al Mualim derrière
Il n'hésite pas à remettre en question les personnes en qui il a confiance, et les fondements de sa pensée afin de se démêler justement de l'illusion dont parlait les hashishiyoun, car "Rien n'est vrai, tout est permis.
Au final, le premier jeu nous offre surtout un réel sur le libre-arbitre que nous avons dans ce monde. Sommes-nous réellement libres de penser comme nous le voulons ? :
Altaïr: Votre plan n'est rien d'autre qu'une illusion. Forcer les hommes à aller contre leur volonté !
Al Mualim: Est-ce vraiment moins réel que les fantômes que poursuivent les Sarrasins et les Croisés en ce moment ? Que la lâcheté de leur prétendu Dieu pour lequel les hommes vont jusqu'à s'entre-tuer ? Ils vivent déjà dans l'illusion. Je leur en propose une autre. Une autre moins sanglante.
Altaïr: Mais c'est à eux de faire leur propre choix.
Al Mualim: Un choix ? Se convertir ou passer pour un hérétique ?
– Al Mualim au sujet des Croisades.
Et c'est justement à travers le Codex dans Assassin's Creed II qu'Altaïr laisse épier ses doutes sur la société et la notion de liberté.
Néanmoins, depuis, le scénario reste assez manichéen et les Templiers sont assez souvent présentés comme mauvais, alors qu'au final ils ne sont peut-être pas pires que les Assassins :
Jubaïr: Suis-je différent de ces précieux écrits ? Je suis moi aussi une source de savoir qu'au fond de toi tu désapprouves. Et pourtant, tu as bien hâte de m'éliminer.
Altaïr: Je le fais pour le bien de tous. C'est un petit sacrifice.
Jubaïr: Pourtant, ne sont-ce pas d'anciens écrits qui ont inspiré les Croisés ? D'anciens écrits qui ont mis Salah Al-Din et son armée dans une rage légitime ? Ces textes sont un fléau pour l'humanité car ils appellent la mort. C'est un petit sacrifice que je faisais moi aussi.
– Les dernières paroles de Jubaïr.
Ezio, aveuglé par sa soif de vengeance, ne s'aperçoit que très tardivement (après une quinzaine d'années) que la conspiration qui a fait périr sa famille dissimulait quelque chose de bien plus important. Le reste de sa vie sera constitué d'une quête de lutte face aux Borgia et d'action-réponse et de recherche d'objets d'Eden, mais il s'aperçoit néanmoins que personne ne doit dicter la manière de vivre à personne d'autre, ce qui maintiendrait l'illusion que mentionnait les Hashishiyoun. Il s'aperçoit d'ailleurs lui-même avoir été naïf en s'alliant aux Medecis, car eux non plus ne permettaient pas au peuple d'être totalement libre :
https://youtu.be/FThVFUzol2k
Connor, personnage présenté comme assez naïf pour contraster l'innocence des Amérindiens avec la société occidentale corrompue, ne s'interroge pas sur ses alliés et ne s'aperçoit que tardivement que les Templiers ne sont pas les seuls ennemis de la paix, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il n'arrive à empêcher la migration de son peuple. Il semble néanmoins comprendre ce que veut dire être un Assassin dans l'épilogue, comprenant que ce n'est pas parce que les Anglais sont partis et les Templiers éliminés que la paix est gagnée pour autant :
https://youtu.be/J0irFw3u_2k
https://youtu.be/H6d79JHh3cU
On que les jeux permettent d'incarner des Assassins, mais des Assassins en devenir.
Altaïr est déchu car il n'a pas compris l'importance et la signification du crédo. C'est en le comprenant qu'il ouvre les yeux.
Ezio dédie sa vie au combat de Templiers assoifés de pouvoir afin de conserver la paix en Italie.
Connor comprend finalement dans l'épilogue que tant que la corruption existera, la paix ne pourra exister, et que les Templiers n'en sont pas la seule cause.
Néanmoins, il serait intéressant de varier un peu du scénario manichéen qui nous fait incarner des Assassins et affronter systématiquement les Templiers. Dans le premier et dans AC3, les Assassins ont certes vaincu les Templiers, mais contrairement à ce qu'ils pourraient penser, ils n'ont pas pour autant réussi à leur but premier qui est d'amener la paix puisque la guerre continue alors. Il serait intéresser qu'Ubisoft décentralise un peu le conflit Assassins/Templiers afin de se concentrer sur les notions de paix et de liberté, et de nous apporter un grand débat philosophique sur celles-ci au fil des époques et des lieux comme le premier avait su si bien le faire avec les croisades. Ne pas passer par cette analyse, c'est également rater une partie de l'exploitation du fond historique du jeu.
J'ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie. J'ai compris que cela aussi, c'est la poursuite du vent. Car avec beaucoup de sagesse, on a beaucoup de chagrin. Et celui qui augmente sa science, augmente sa douleur.
- Al Mualim citant la Bible.