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Sujet : Extrait choquant mais bien écrit ?
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Kosatka
Niveau 10
28 février 2021 à 18:18:14

Bonjour, pour vous quel extrait de livre est à la fois beau par son écriture mais dégoûtant/choquant par ce qu'il raconte ?

SimonCyreneen
Niveau 9
28 février 2021 à 18:49:13

Les scènes de "viols" homosexuels chez Genet, mais j'ai pas d'extrait sous la main.

TresSaintLui
Niveau 6
28 février 2021 à 19:46:19

Le dépucelage de Céline dans Mort à crédit.

EDIT : C'est pas beau, c'est bien écrit.

El_Topo
Niveau 36
01 mars 2021 à 09:22:37

Le 28 février 2021 à 19:46:19 TresSaintLui a écrit :
Le dépucelage de Céline dans Mort à crédit.

EDIT : C'est pas beau, c'est bien écrit.

Ahaha effectivement !

TresSaintLui
Niveau 6
01 mars 2021 à 09:45:24

C'est plutôt le dépucelage de Bardamu d'ailleurs, pas de Céline.

DNK696
Niveau 10
01 mars 2021 à 14:32:29

Gabrielle Wittkop ? Genre "La Marchande d'enfants" et "Le Nécrophile".

Saladin_
Niveau 17
03 mars 2021 à 07:16:49

Le début des chants de Maldoror m'avait bien perturbé perso.

E-180
Niveau 27
03 mars 2021 à 20:39:12

Pas original pour deux sous, et c'est plus dégueulasse que choquant, mais La charogne de Baudelaire ça marche toujours bien pour moi. Il y a un passage des Cahiers de Malte Laurids Brigge de Rilke dans le même genre.

Et sinon dans La colonie pénitentiaire de Kafka, la description de la machine de torture dégage quelque chose de fascinant, malsain, dégueulasse, et la théorie qui l'accompagne me hante encore.

EffetDeBartsch
Niveau 10
03 mars 2021 à 20:48:38

Mais sa petite sœur ! — ô mon Dieu !

Elle était restée chez une tante, au pays. La tante est morte, on a renvoyé l’enfant. Pauvre innocente, chère malheureuse !

Mon cœur a reçu bien des blessures, j’ai versé bien des larmes ; j’ai cru que j’allais mourir de tristesse plus d’une fois, mais jamais je n’ai eu devant l’amour, la défaite, la mort, des affres de douleur, comme au temps où l’on tua devant moi Louisette.

Cette enfant, qu’avait-elle donc fait ? On avait raison de me battre, moi, parce que, quand on me battait, je ne pleurais pas, — je riais quelquefois même parce que je trouvais ma mère si drôle quand elle était bien en colère, — j’avais des os durs, du moignon, j’étais un homme.

Je ne criais pas, pourvu qu’on ne me cassât pas les membres, — parce que j’aurais besoin de gagner ma vie.

« Papa, je suis un pauvre, ne m’estropie pas ! »

Mais la petite Louisette qu’on battait, et qui demandait pardon, en joignant ses menottes, en tombant à genoux, se roulant de terreur devant son père qui la frappait encore… toujours !…

« Mal, mal ! Papa, papa ! »

Elle criait comme j’avais entendu une folle de quatre-vingts ans crier en s’arrachant les cheveux, un jour qu’elle croyait voir quelqu’un dans le ciel qui voulait la tuer !

Le cri de cette folle m’était resté dans l’oreille, la voix de Louisette, folle de peur aussi, ressemblait à cela !

« Pardon, pardon ! »

J’entendais encore un coup ; à la fin je n’entendais plus rien, qu’un bruit étouffé, un râle.

Une fois je crus que sa gorge s’était cassée, que sa pauvre petite poitrine s’était crevée, et j’entrai dans la maison.

Elle était à terre, son visage tout blanc, le sanglot ne pouvant plus sortir, dans une convulsion de terreur, devant son père froid, blême, et qui ne s’était arrêté que parce qu’il avait peur, cette fois, de l’achever.

On la tua tout de même. Elle mourut de douleur à dix ans.

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
De douleur !… comme une personne que le chagrin tue.

Et aussi du mal que font les coups !

On lui faisait si mal ! et elle demandait grâce en vain.

Dès que son père approchait d’elle, son brin de raison tremblait dans sa tête d’ange…

Et on ne l’a pas guillotiné, ce père-là ! on ne lui a pas appliqué la peine du talion à cet assassin de son enfant, on n’a pas supplicié ce lâche, on ne l’a pas enterré vivant à côté de la morte !

« Veux-tu bien ne pas pleurer, » lui disait-il, parce qu’il avait peur que les voisins entendissent, et il la cognait pour qu’elle se tût : ce qui doublait sa terreur, et la faisait pleurer davantage.

Elle était gentille, tout rose, toute gaie, toute contente, quand elle arriva, tendant ses petits bras, donnant son petit sourire.

Au bout de quelque temps, elle n’avait plus de couleurs déjà, et elle avait des frissons comme un chien qu’on bat, quand elle entendait rentrer son père.

Je l’avais embrassée en caressant ses joues rondes et tièdes ! aux Messageries, où nous avions accompagné M. Bergougnard, pour la recevoir comme un bouquet.

Dans les derniers temps (ah ! ce ne fut pas long, heureusement pour elle !) elle était blanche comme la cire ; je vis bien qu’elle savait que toute petite encore elle allait mourir, — son sourire avait l’air d’une grimace. — Elle paraissait si vieille, Louisette, quand elle mourut à dix ans, — de douleur, vous dis-je !

Ma mère vit mon chagrin le jour de l’enterrement.

« Tu ne pleurerais pas tant, si c’était moi qui étais morte ? »

Ils m’ont déjà dit ça quand le chien est crevé.

« Tu ne pleurerais pas tant. »

Je ne dis rien.

« Jacques ! quand ta mère te parle, elle entend que tu lui répondes… — Veux-tu répondre ? »

Je n’écoute seulement pas ce qu’ils disent, je songe à l’enfant morte, qu’ils ont vu martyriser comme moi, et qu’ils ont laissé battre, au lieu d’empêcher M. Bergougnard de lui faire mal ; ils lui disaient à elle qu’elle ne devait pas être méchante, faire de la peine à son papa !

Louisette, méchante ! cette miette d’enfant, avec ce sourire, ces menottes…

Voilà que mes yeux s’emplissent d’eau, et j’embrasse je ne sais quoi, un bout de fichu, je crois, que j’ai pris au cou de la pauvre assassinée.

Dans L'Enfant. C'est un peu sur-appuyé, puisque le principe du roman c'est d'imiter l'énonciation d'un adolescent en révolte, mais tomber sur ce passage au milieu d'un livre où, en général, on rit même si on rit jaune, c'est assez saisissant.

TresSaintLui
Niveau 6
04 mars 2021 à 09:19:37

C'est plutôt ici un refus (circonstancié) de reconnaître l'antique autorité du père, qui se définit fondamentalement par le droit de vie ou de mort sur sa famille, droit longtemps légal mais jamais appliqué, toujours symboliquement structurant dans la bonne société. Il est présent tacitement dans les mœurs. Son affranchissement et sa révolte permettent ce saut vers l'humanité. Un peu comme le Bon Samaritain n'était pas tenu par le judaïsme moral du Temple.

ElMacaronv2
Niveau 5
08 mars 2021 à 02:28:06

L'ambiance de 1984 est oppressante tout du long mais la scène de torture des rats odieusement bien écrite

steph_lebel
Niveau 2
10 mars 2021 à 10:57:52

Je trouve ta question super intéressante.
J'ai toujours aimé l'histoire, depuis que je suis enfant, et je me suis rendu compte durant mes études d'une chose qui m'a marqué. Les personnes qui maitrisent l'art en général, écrit mais aussi l'art oratoire. Les personnes qui maîtrisent l'un de ces deux arts c'est à dire qui emploient des belles phrases et qui trouvent les bons arguments pour expliquer leur point de vue, que ce soit via un discours ou par le biais de l'écriture, ont bien plus de chance de se faire entendre. Dans l'histoire, ces personnes ont pu être dangereuses (un exemple évident, lorsque Hitler a écrit Mein Kampf : il trouve des arguments logiques pour justifier l'injustifiable : cela a été possible car il a maitrisé l'art écrit comme oratoire). En ce sens l'art peut s'avérer être dangereux mais ceci est un autre sujet.
D'ailleurs pour ceux que ça intéresse et qui aiment l'histoire, j'ai entendu dire récemment qu'une nouvelle version de Mein Kampf allait sortir : une version intégralement commenté par des historiens qui expliquent les arguments de l'auteur (attention : sans les "accepter" mais plus en les commentant.) Cette initiative a été très critiquée mais personnellement je trouve que c'est une tres bonne idée sachant qu'aujourd'hui ce livre est disponible en vente sans aucun commentaires. En ajoutant des remarques d'historiens une dimension éducative est ajoutée à ce livre qui reste malgré tout un livre d'Histoire. Je suis de ceux qui pensent que ce n'est pas en occultant le passé que nous effaçons le mal qui a pu être fait : le devoir de mémoire est important et cela passe par la transmission d'une connaissance claire.

steph_lebel
Niveau 2
11 mars 2021 à 10:46:21

Re Bonjour, j'ai pensé à un autre livre hier soir avant de me coucher (comme quoi cette discussion m'a vraiment passionné ^^). Il y a un autre livre qui répond aussi à ces critères, c'est un ouvrage de Maurice Barrès, un homme politique français du 19ème siècle qui s'est fait connaitre durant l'affaire Dreyfus (c'était un antidreyfusard de première). Cet homme de lettre était là encore très cultivé mais tenait des propos extrêmement choquants à entendre (ou plutôt à lire), il a écrit plusieurs ouvrages du même genre, mais celui qui m'a le plus marqué reste "Les déracinés" (le plus connu d'ailleurs). C'est un livre si bien écrit qu'on en vient à "culpabiliser" d'apprécier la lecture (du fait des propos nationalistes et antisémites tenu par l'auteur). En plus, j'ai eu beaucoup de chance car j'ai acheté une édition spéciale de ce livre, il y avait à l'intérieur des commentaires d'un célèbre historien de l'époque qui a lui aussi vécu l'Affaire Dreyfus et apporte son témoignage. Si jamais ça t'intéresses, je l'ai acheté chez cet antiquaire : https://www.lamaisondecristal.be/ en Belgique. Il vend un très grand nombre de livres anciens et de collection, dédicacés par des auteurs connus et/ou commentés par des intellectuels.

Bon je dois avouer que mes deux exemples sont des livres historiques (si tu n'aimes pas l'histoire ça risque de ne pas trop te servir ^^)

manguscarlson
Niveau 10
12 mars 2021 à 14:02:10

Justin ou les malheurs de la vertu - Marquis de Sade

Il la saisit alors avec férocité, il la place comme il avait fait de moi, les bras soutenus au plancher par deux rubans noirs : je suis chargée du soin de poser les bandes ; il visite les ligatures : ne les trouvant pas assez comprimées, il les resserre, afin, dit-il, que le sang sorte avec plus de force ; il tâte les veines, et les pique toutes deux presque en même temps. Le sang jaillit très loin : il s'extasie ; et retournant se placer en face, pendant que ces deux fontaines coulent, il me fait mettre à genoux entre ses jambes, afin que je suce ; il en fait autant à chacun de ses gitons, tour à tour, sans cesser de porter ses yeux sur ces jets de sang qui l'enflamment. Pour moi, sûre que l'instant où la crise qu'il espère aura lieu, sera l'époque de la cessation des tourments de la comtesse, je mets tous mes soins à déterminer cette crise, et je deviens, ainsi que vous le voyez, madame, catin par bienfaisance et libertine par vertu.

Pogo25
Niveau 6
12 mars 2021 à 17:20:18

La poésie de Georg Trakl

SainteBeuglante
Niveau 7
12 mars 2021 à 18:03:12

C'est un livre si bien écrit qu'on en vient à "culpabiliser" d'apprécier la lecture (du fait des propos nationalistes

Sérieusement vous arrivez à culpabiliser pendant une lecture, d'autant plus seulement pour du nationalisme ? Je me souviens pas que les Déracinés aborde frontalement l'antisémitisme de Barrès par ailleurs mais je l'ai lu y a longtemps et ma mémoire défaille

Krovinovic
Niveau 30
19 mars 2021 à 14:25:51

Scène de viol collectif au milieu de L'Aveuglement, de José Saramago. Ce n'est pas tant la scène elle-même - bien que pas grand chose ne soit épargné au lecteur - mais la manière dont elle est amenée, de manière progressive et inéluctable qui la rend choquante. C'est littéralement la genèse d'une société anomique, et elle est amenée de manière crédible. Première fois que j'ai eu la nausée en lisant.

BelinChipster
Niveau 8
19 mars 2021 à 16:38:23

Je reviens à Lobo Antunes avec Jusqu'à ce que les pierres soient aussi douces que l'eau.

Comme dans tous ses bouquins sur l'Angola - comme dans tous ses bouquins- une page sur deux rentre dabs la définition.

BelinChipster
Niveau 8
19 mars 2021 à 20:18:50

Vous pensez à quoi ? Ca m'intéresse.

Je ne l'ai pas lu de manière très attentive mais de ce que j'ai lu de lui çà et là c'était surtout de la description de paysage saisie par un regard un peu halluciné, un peu néo-gothique ou néo-noir.

Il a écrit quoi de choquant ?

Amadalia
Niveau 1
30 mars 2021 à 19:09:03

La queleuleu entre hommes dans "la philosophie dans le boudoir " de Sade.
Je savais plus si je devais trouver ça beau, rire ou pleurer !
(Au final ça m'a fait marrer).

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Sujet : Extrait choquant mais bien écrit ?
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