Tu peux aussi éviter de suivre les conseils de ceux qui te disent que c'est indispensable de commencer par un ouvrage généraliste, un commentaire ou compte rendu de philosophies diverses, souvent plus historisants, jargonnants, fades, moins bien écrits que l'oeuvre en elle-même, qui te dégoûteraient probablement plus de la philosophie qu'une lecture directe, sans parler du fait que certains auteurs savent s'introduire et s'expliquer eux-mêmes, du moins écrivent suffisamment bien et de manière claire pour qu'on ne soit pas obligé de recourir toutes les deux lignes à un expert : Platon et Nietzsche sont deux écrivains qui soignent la forme, (beaucoup) d'autres ne le sont pas.
Au lieu de cela, tu peux commencer par l'oeuvre, et ensuite te renseigner plus tard sur le contexte historique et toutes ces choses et détails qui te sont passés sous le nez, qui ont leur importance en effet, mais que tu n'aurais pas capté même si tu avais lu un de ces ouvrages complémentaires avant de l'aborder, parce que tu commences au bas de l'échelle comme tout le monde et donc doit apprendre à adopter les bons réflexes de lecture, ce qui est difficile d'acquérir si tu n'as pas de contact avec des oeuvres "difficiles" et te contentes d'ouvrages généralistes, contextualisant, introductifs que tu lis une fois pour ensuite n'en retenir à peu près que du vent. Oui, au début tu vas buter sur des passages difficiles, tu vas écarquiller les yeux comme jamais tu l'as fait, tu vas peut-être te taper des migraines, tu vas t'énerver parce qu'il bouscule tes préjugés, tes nuits vont se raccourcir ... et alors ? C'est normal. La philosophie c'est pas réputé pour être agréable ou facile, ni l'apprentissage en général. Il faut se donner du temps et faire des efforts pour bien l'apprécier et en tirer des fruits convenables. Si tu veux te faire brosser dans le sens du poil, c'est pas de la philosophie qu'il faut lire, mais le dernier livre d'Onfray ou de Zemmour ; si tu veux optimiser ton temps dédié au loisir, il y a ces ouvrages généralistes qui te donnent l'illusion de comprendre un auteur sans l'avoir lu.
Libre à toi de choisir. De mon côté, j'ai commencé la philosophie par la République de Platon (comme mon vdd Baurveaut), et j'ai même eu l'audace de le lire gratos dans une vieille édition début 20ème siècle bourrée de coquilles sur internet et j'ai pas perdu mon âme pour autant - c'est l'inverse, j'ai gagné plus que tout ce que j'aurais espéré. Platon s'est beaucoup investi pour être lisible même par de parfaits idiots (je le sors de la bouche de l'homme, cf le Phédon), et c'est en effet la base de la base (et bien plus) : tu ne peux pas te tromper en commençant par là, même avec une connaissance de l'histoire de la Grèce antique inexistante, même si tu ne piges rien à leur mythologie, même si tu n'as aucune connaissance préliminaire et que ton QI est à deux chiffres. Il y a des notions, raisonnements, observations sur l'homme et de la société qui n'ont pas besoin d'être expliqués par une anecdote historique ou une tournure de langue particulièrement obscure parce qu'ils sont abstraits, intemporels, universels.
