Petite dichotomie optimiste : si tu te dis que la vie durera infiniment, tu peux éventuellement perpétuer un impact positif sur la vie jusqu'à la fin des temps. Genre tu transmets un truc cool qui se transmettra, etc, etc. Si tu t'identifies partiellement à certaines de tes idées, ou à ta mémoire, transmettre ceux-ci longuement peut aussi "augmenter grandement ce que tu estimes être ta durée de vie". On pourrait arguer qu'on cesse de vivre d'abord et meurt plus tard. Cesser de vivre, c'est quand ton cerveau dégage : dès lors, tu ne penseras plus jamais rien de nouveau. Mais mourir, c'est plus tard : c'est quand tes pensées ont disparu ! Mais comme tes pensées peuvent subsister dans la mémoire d'autrui, dans tes topics JVC, etc, cela peut survenir bien plus tard ! Si tu penses que la vie s'éteindra en temps fini, et bah l'étendue de ta vie occupe une proportion non-nulle de toute la période vécue de l'univers : quand bien même tu n'aurais pas d'impact sur le futur, ta période de vie à elle seule ne représente pas 0% de tout ce qu'il y a comme temps à vivre ; un petit pourcentage, mais bien strictement positif.
Si la Vie est mortelle (au sens où il y a un instant à partir duquel toute vie cesse), c'est déprimant a priori, ou alors ça rend juste toute sa valeur au présent. Pourquoi seul le futur (voire le futur à l'infini) serait-il de valeur ? D'ailleurs, certains louent le passé, dont tu ne t'échapperas jamais :
https://www.poetica.fr/poeme-777/guillaume-apollinaire-cortege/
Bon, la dichotomie d'en haut, je dis pas qu'il faut la prendre comme des mots super sérieux ou profonds, c'est plus pour induire un mouvement dans l'esprit. Comme ce paragraphe, c'était des cailloux que je jetais dans un étang, et qu'il ne fallait pas regarder les piètres cailloux mais les cernes à la surface de l'eau.
Enfin, le Temps, c'est assez compliqué. J'ai toujours pas les idées bien au clair, mais j'ai l'impression qu'Alain Connes et Thibaut Damour s'accordent pour dire que "le temps est une illusion". Enfin, disons que c'est un phénomène émergent, que c'est pas un truc fondamental indécomposable. Mais je ne crois pas comprendre en très grand détail de quoi il retourne. Après, les deux ont écrits des trucs de vulgarisation grand public, et au moins Connes a fait des vidéos assez accessibles dispos sur internet. Je ne sais pas si celle-ci est d'un niveau adapté :
https://vimeo.com/24504403
J'avais beaucoup aimé cet exposé sur la différence physique entre le passé et le futur :
https://www.youtube.com/watch?v=rEr-t17m2Fo
Mais bref, si t'es dans une vision déterministe du monde, chaque instant contient de quoi reconstruire le passé et le futur. Ou, si tu veux, tu peux imaginer que l'univers est juste un objet statique qui a des tranches d'espaces superposées selon un axe qu'on appelle le temps. Nous, on ressent cet objet comme si on voyageait page après page dans l'axe du temps, mais l'univers lui n'a pas besoin de dire "telle page cesse d'exister et on passe à celle-ci". Le fait que le passé ait exister, est-ce que ça ne le fait pas exister (en tant que passé) pour toujours ? Je ne dis pas que ces visions du monde sont spécialement valides : je dis juste que y a beaucoup de formulations de l'écoulement du temps qui donnent exactement les mêmes prédictions en pratique mais qui donnent des visions émotionnelles très différentes. Par exemple dans la vision "l'univers est un livre où les pages sont l'espace et la numérotation des pages est le temps", bah l'univers est statique et , depuis l'extérieur de l'univers, ta vie sera là pour toujours, de telle page à telle page, dans telle petite zone de la page.
Si plusieurs formulations sont indistinguables par l'intégralité des expériences faisables en pratique, il est raisonnable de les considérer comme équivalentes (on peut envisager que y ait une réalité des choses à laquelle on n'a pas accès et sur laquelle on se trompe mais bon... disons qu'au pire, si on n'y a pas accès, osef) ; dès lors, si c'est seulement les formulations usuelles qui te font frissonner mais que t'es paisible avec d'autres formulations équivalentes, bah autant ne pas frissonner de terreur. Pas juste en mode "se mettre des œillères" : si ta peur dépend de la formulation alors que toutes les formulations rendent compte du même phénomène, c'est que ta peur ne portait pas sur le phénomène, mais sur les mots exprimés pour en rendre compte ; bref, un truc de surface quoi.
Ah, et sinon, Hoftsdater peut éventuellement être un auteur intéressant pour toi aussi.
Faut vraiment que j'arrête de paver...
Pas lu + go muscu + quand t'arrêteras de tout analyser en arrêtant de croire que ta logique est un outil adéquat pour appréhender la réalité tu seras libre et en paix
J'isole cette pensée planquée dans mon pavé plus haut dans un spoiler car c'est le truc que j'ai découvert ce soir à mesure que je contribuais à ton topic ; les autres points, je les restituais mais les connaissais déjà.
C'est que mourir, ce n'est pas pareil que cesser de vivre. Cesser de vivre, c'est ne plus jamais penser rien de nouveau : ça arrive quand ton cerveau signe le dépôt de bilan. Mourir, c'est que tes pensées soient perdues : ça, ça peut survenir bien plus tard, car tes pensées peuvent avoir été transmises à d'autres, consignées dans des livres, des topics, etc. Il existe deux peurs différentes : la peur de cessation de vie, et la peur d'effacement, d'anéantissement.
Le nihilisme c'est cool, ça permet de prendre du recul sur tout et de garder la tête froide quoiqu'il arrive même si la vie peut paraître un peu plus terne et cynique.
J'ai laissé ce topic ouvert sur mon pc hier à 3h quand je suis parti me coucher pour lire vos échanges ce matin
Merci les gars, j'ai noté toutes les refs au passage
Meilleur topic de l'année après celui sur comment bien choisir ses pastèques
Le 24 novembre 2018 à 12:39:16 Solilps a écrit :
J'ai laissé ce topic ouvert sur mon pc hier à 3h quand je suis parti me coucher pour lire vos échanges ce matinMerci les gars, j'ai noté toutes les refs au passage
Meilleur topic de l'année après celui sur comment bien choisir ses pastèques
Lien du topic pastèques ?
+ ne pas sous-estimer le beulobwa
https://www.jeuxvideo.com/forums/42-51-57781484-2-0-1-0-se-kon-po-l-beul.htm
Le 23 novembre 2018 à 23:47:30 GohanClubDeter a écrit :
Bah sors
Tu parles au début du premier post de l'incommunicabilité. Ca m'évoque notamment ça :
https://www.youtube.com/watch?v=YVR0G4Nluao
Je suis à la fois d'accord sur le fait que l'incommunicabilité n'est pas purement théorique, qu'elle a aussi quelque chose de tangible, pratique, et sur le fait que "ouais bon, on peut pas sortir de sa tête ou y faire rentrer quelqu'un, mais on peut quand même faire passer des choses intimes/profondes malgré tout". Thématique complexe, c'est pas tout blanc ou tout noir...
Le 23 novembre 2018 à 12:30:02 Le_Pharisien3 a écrit :
Je tiens à signaler par avance à Jean-Proselyte que je suis trop ravagé par la modernité pour croire en quoi que ce soit, c'est pas faute d'avoir essayé
D'où l'intérêt de se tourner vers Homère, Schubert, Baudelaire, Beethoven, Dostoievski, Nietzsche, Rachmaninov et compagnie pour redécouvrir la fraîcheur.
Si tu peux rester, reste ; pars, s'il le faut.
https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/le_voyage
Edit : La fraîcheur, tu peux aussi la chercher/trouver dans la nature, côtoyer des bambins, des animaux, marcher, profiter du soleil, etc. Faut pas rester toujours dans la sphère intellectualisée.
Je trouve plus le lien du topic sur les pastèques vu qu'on peut plus faire de recherche sur plus d'un mois C'est vraiment nul ce système, on perd plein de topics intéressants
Le 24 novembre 2018 à 15:22:07 Solilps a écrit :
Je trouve plus le lien du topic sur les pastèques vu qu'on peut plus faire de recherche sur plus d'un mois C'est vraiment nul ce système, on perd plein de topics intéressants
Y a toujours la technique de taper "site:jeuxvideo.com pastèque" dans google, mais je ne sais pas de quel topic tu parles
Eloge de la fuite, de Laborit, est assez intéressant aussi sur la perspective qu'il offre...
Le 23 novembre 2018 à 12:26:58 Le_Pharisien3 a écrit :
Ma vie est une étincelle entre deux néants. Pendant cette étincelle, j'aurai beau me démener, tout ce que je pourrai obtenir, y compris la concrétisation de mes rêves les plus fous, ça ne sera jamais que des stimulis de certaines zones de mon cerveau. Je ne sortirai jamais des 1400 millilitres délimités par ma boîte crânienne et personne n'y entrera jamais: mes états mentaux sont incommunicables, je suis seul.Je suis un membre insignifiant d'une espèce de singe qui commence à peine à penser, un automate shooté aux neurotransmetteurs en passe d'être surpassé en tout point par l'IA, un réceptacle à ADN formé pour le reproduire.
J'orbite autour d'une étoile quelconque parmis des milliards d'autres étoiles en périphérie d'une galaxie quelconque parmis des milliards d'autres galaxies.
Le hasard a fait qu'une molécule d'ADN capable de se répliquer s'est synthétisée ici, mais si ça n'avait pas été le cas, si la vie n'était pas apparue, ça n'aurait rien changé à l'univers. La vie disparaîtra un jour de toute manière et plus personne ne se remémorera jamais la vie de personne.L'homme est incapable de donner du sens à quoi que ce soit, le langage humain n'exprime que des faits, chercher à justifier une proposition éthique revient à se taper la tête contre les barreaux de notre cage, contre les limites du langage.
Que faire ?
Vive la France!
Le 23 novembre 2018 à 23:42:12 RisitasUltime a écrit :
En fait, j'aurais tendance à dire que tu ne crois pas totalement à ton pavé de début de topic. Enfin... Oui, d'accord, tous tes phénomènes psychologiques sont déductibles de ta chimie cérébrale, soit. Mais la détresse qui t'anime et te fait poster ce topic, elle existe (fût-ce comme produit dérivé de réactions en chaîne entre molécule), et visiblement elle t'importe. Et cela est le cas d'un certain nombre des choses qui habitent ta psyché. Bref, en fin de compte, il n'y a pas vraiment d'intérêt à savoir si ta psyché se résume à de la matière ou non. Que cela soit le cas ou pas n'influera pas sur le fait qu'elle est là en tout cas. Emergente et déductible de briques plus élémentaires, mais néanmoins là. Là, et visiblement importante pour toi. C'est à partir de là que tu dois construire ta réflexion.
Freud