Point de vue de Célestin.
Les néons blafards du couloir vacillaient encore, témoins silencieux d’un massacre à peine évité. Le sang séché de Bernard Cibot tapissait le sol, et Roxane restait immobile, adossée au mur, les yeux perdus dans le vide.
Célestin, lui, ne pouvait s’arrêter de marcher. Il arpentait la pièce comme un animal en cage, les poings serrés, jetant des regards réguliers vers la porte blindée qu’ils avaient franchie plus tôt.
- Roxane... soupira-t-il en s’arrêtant enfin. Tu comptes rester là à te morfondre ? Parce que là, on est dans la merde. 
Elle ne répondit pas. Ses mains tremblaient encore, et il devinait le conflit interne qui la rongeait. Il grogna et lui tourna le dos.
- Parfait. Une tueuse sans nerfs, on va vraiment aller loin comme ça. 
Il s’approcha de la petite fenêtre donnant sur la cour extérieure de la prison. Dehors, l’alarme ne retentissait plus, remplacée par un silence oppressant. Trop oppressant. Il plissa les yeux et distingua des ombres en mouvement.
- Hé, y’a du grabuge dehors. 
Pas de réponse. Il se retourna et marcha jusqu’à elle, se penchant pour capter son regard.
- Roxane, on se bouge. Maintenant.
Elle leva enfin les yeux vers lui, mais ce qu’il y vit le fit reculer d’un pas.
- Ils nous attendent, murmura-t-elle. 
- Qui ça "ils" ? T’es en train de... 
- Numéro Un. Et les autres. 
Un frisson parcourut son échine. Ce n’était pas tant ses mots qui le glaçaient, mais la façon dont elle les avait prononcés. Une voix neutre, dénuée de toute émotion, comme si elle acceptait déjà leur sort.
- On s’en fout, on va s’en sortir. Ton père était une erreur. Je t’ai laissée faire, mais maintenant c’est moi qui décide, compris ? 
Elle acquiesça mollement, et il en profita pour la tirer par le bras.
- Allez, debout. 
Ils sortirent de la salle en silence. Le couloir semblait encore plus long qu’à l’aller, chaque pas résonnant comme un coup de marteau dans une tombe.
Lorsqu’ils atteignirent la porte principale, Célestin s’arrêta. Il plaqua une oreille contre le métal et resta immobile, le souffle coupé.
- Qu’est-ce que tu fais ? chuchota Roxane. 
- Y’a des voix. Juste derrière...
Il se tourna vers elle, l’expression grave.
- On va devoir improviser. 
Elle sortit une lame, la serrant dans sa main toujours tremblante.
- Tu veux vraiment y aller ? On est deux, eux... 
Un cri perça l’air, puis un bruit sourd, suivi d’un silence encore plus pesant. Célestin échangea un regard rapide avec Roxane avant de pousser la porte doucement.
Dehors, l’air semblait lourd, chargé d’électricité statique. Deux corps gisaient au sol, des gardes, les yeux grands ouverts dans une expression de terreur. Au milieu de la cour, une silhouette familière se tenait debout, le dos tourné.
- Alan ? souffla Roxane. 
Il pivota lentement, révélant son visage marqué de cernes profonds. Ses vêtements étaient déchirés, tachés de sang. Il semblait à peine tenir debout, mais ses yeux brillaient d’une détermination brûlante.
- Roxane... Célestin... Vous êtes en retard. 
