On entend souvent dire que la France suit une trajectoire néolibérale, ce qui serait la cause de tous nos maux.
À cela ceux qui s'opposent à cette conception font valoir que les dépenses publiques n'ont cessé d'augmenter depuis toujours.
J'aimerais donc éclairer ce qu'il en est vraiment.
Tout d'abord il faudrait s'accorder sur ce qu'est le néolibéralisme.
Le suffixe "néo" laisse supposer qu'il se distingue d'un libéralisme originel.
En effet si l'on jette un regard rétrospectif sur l'histoire du capitalisme, dès ses origines au XIX-XXe siècle ce fût un libéralisme débridé qui régnait.
Il n'y avait que très peu d'entrave au commerce et à la circulation des capitaux. Le quasi-ensemble des barrières au commerce international au été levé.
Le droit du travail n'existait pas. La fiscalité était très sommaire, ne servant qu'à financer le dépenses régalienne de l'État.
Alors que la société se transformait en profondeur, passant d'une économie rural dominée par les propriétaires foncier et les privilèges seigneuriaux vers une économie fondée sur la domination des propriétaires mobiliers, marchands et industriels, d'innombrables travailleurs ont été jeté dans l'indigence et une pauvreté sans précédent.
Les mouvements révolutionnaires ont trouvé dans ce contexte un terreau fertile à l'expansion de leurs idées. En 1848 Marx publie le Manifeste du parti communiste. En 1870 une révolution éclate à Paris et donne naissance à ce qui marquera l'histoire comme l'épisode de la "Commune de Paris". En 1917 les bolcheviks renversent le Tsar en Russie. Dans les immédiates années qui suivent un ensemble de mouvements sociaux eurent faillis faire du vieux continent un continent communiste
En conséquence un compromis s'est progressivement installé. Les ébauches d'une fiscalité progressive ont commencé à émerger avec la création, en France, de l'impôt sur le revenu en 1917. L'État commença progressivement à développer des systèmes d'aides aux infortunés. Ce sont là les prémisses de l'État providence.
Le renforcement des sentiments nationalistes fût également le moyen de détourner les prolétaires de leur identité de classe au profit d'une identité nationale.
Tout ceci déboucha sur la première guerre mondiale.
Puis, en 1929 la grande dépression intervint.
La production se mît à dégringoler durant plusieurs années.
Elle se résolue aux États-unis par le New Deal et l'essor des politiques keynésiennes...
...Et déboucha en Europe sur la seconde guerre mondiale.
La victoire des résistants, gaullistes et communistes en France fût un moment propice au développement de la Sécurité sociale. Son créateur, Ambroise Croisa, n'était autre qu'un ministre communiste. C'est dans ce contexte d'immédiat après guerre que le code du travail trouve également un nouveau souffle.
Toutefois la situation ne dure pas et dès 1947 les communistes sont exclus du gouvernement.
En 1957 la Communauté économique européenne (CEE) est créée. Ce sont les début de l'union européenne et du "néo"-liberalisme.
Les entraves au commerce international sont bientôt toutes détruites pour laisser place au grand "marché unique européen".
Dès 1987 sous la présidence de Chirac les entreprises publiques commencent à être massivement privatisées.
Une frise chronologique des nationalisations/privatisation depuis 1936 est disponible ici : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/nationalisations-privatisations
Un graphique résume bien l'importance de ces privatisations :
Le néolibéralisme renvoi donc au mouvement de privatisation massives d'entreprises publiques, à la mise sous concurrence de tous les marchés ainsi qu'à l'imposition de la logique marchande aux modes d'intervention des politiques publiques. Il renvoi également au mouvement de libéralisation des flux de capitaux internationaux.
Tous les accords visent à supprimer les entraves au commerce international et à accentuer la mondialisation.
Si la dépense publique continue bien quant à elle d'augmenter, c'est en réalité un effet automatique induit par le fonctionnement de la sécurité sociale française.
La population étant vieillissante, les dépenses de santé et de retraite augmente.
Or si les dépenses publiques françaises augmentes, ce ne sont pas les dépenses de l'État qui suivent cette trajectoire mais les dépenses de la sécurité sociale.
On le voit, ce sont essentiellement les dépenses de retraites et de santé qui portent l'augmzntation des dépenses publiques.
Or les réformes n'ont fait au contraire que se succéder depuis la dernière décennie du XXe siècle pour réduire les pensions de retraite et contenir cette hausse.
Il me semble assez claire au vu de ces éléments que la France peut légitimement être accusée de suivre une trajectoire néolibérale.
Et pourtant, on ne peut pas dire pour autant qu'elle est néolibérale. Une partie conséquente de la population rejette fortement cette idéologie. Il semble y avoir une fracture, qui s'incarne entre autre par le mouvement des gilets jaunes, entre la sphère politico-administrative, qui se montre très favorable au néolibéralisme, et la population, qui se voit divisée entre des partis souverainistes et libéraux.