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Sujet : La France est elle néolibérale ?
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Sisypheen
Niveau 9
22 septembre 2020 à 09:58:51

On entend souvent dire que la France suit une trajectoire néolibérale, ce qui serait la cause de tous nos maux.

À cela ceux qui s'opposent à cette conception font valoir que les dépenses publiques n'ont cessé d'augmenter depuis toujours.

J'aimerais donc éclairer ce qu'il en est vraiment.

Tout d'abord il faudrait s'accorder sur ce qu'est le néolibéralisme.
Le suffixe "néo" laisse supposer qu'il se distingue d'un libéralisme originel.
En effet si l'on jette un regard rétrospectif sur l'histoire du capitalisme, dès ses origines au XIX-XXe siècle ce fût un libéralisme débridé qui régnait.
Il n'y avait que très peu d'entrave au commerce et à la circulation des capitaux. Le quasi-ensemble des barrières au commerce international au été levé.
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Le droit du travail n'existait pas. La fiscalité était très sommaire, ne servant qu'à financer le dépenses régalienne de l'État.
Alors que la société se transformait en profondeur, passant d'une économie rural dominée par les propriétaires foncier et les privilèges seigneuriaux vers une économie fondée sur la domination des propriétaires mobiliers, marchands et industriels, d'innombrables travailleurs ont été jeté dans l'indigence et une pauvreté sans précédent.

Les mouvements révolutionnaires ont trouvé dans ce contexte un terreau fertile à l'expansion de leurs idées. En 1848 Marx publie le Manifeste du parti communiste. En 1870 une révolution éclate à Paris et donne naissance à ce qui marquera l'histoire comme l'épisode de la "Commune de Paris". En 1917 les bolcheviks renversent le Tsar en Russie. Dans les immédiates années qui suivent un ensemble de mouvements sociaux eurent faillis faire du vieux continent un continent communiste
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En conséquence un compromis s'est progressivement installé. Les ébauches d'une fiscalité progressive ont commencé à émerger avec la création, en France, de l'impôt sur le revenu en 1917. L'État commença progressivement à développer des systèmes d'aides aux infortunés. Ce sont là les prémisses de l'État providence.
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Le renforcement des sentiments nationalistes fût également le moyen de détourner les prolétaires de leur identité de classe au profit d'une identité nationale.
Tout ceci déboucha sur la première guerre mondiale.

Puis, en 1929 la grande dépression intervint.
La production se mît à dégringoler durant plusieurs années.
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Elle se résolue aux États-unis par le New Deal et l'essor des politiques keynésiennes...
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...Et déboucha en Europe sur la seconde guerre mondiale.

La victoire des résistants, gaullistes et communistes en France fût un moment propice au développement de la Sécurité sociale. Son créateur, Ambroise Croisa, n'était autre qu'un ministre communiste. C'est dans ce contexte d'immédiat après guerre que le code du travail trouve également un nouveau souffle.
Toutefois la situation ne dure pas et dès 1947 les communistes sont exclus du gouvernement.

En 1957 la Communauté économique européenne (CEE) est créée. Ce sont les début de l'union européenne et du "néo"-liberalisme.
Les entraves au commerce international sont bientôt toutes détruites pour laisser place au grand "marché unique européen".
Dès 1987 sous la présidence de Chirac les entreprises publiques commencent à être massivement privatisées.
Une frise chronologique des nationalisations/privatisation depuis 1936 est disponible ici : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/nationalisations-privatisations
Un graphique résume bien l'importance de ces privatisations :
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Le néolibéralisme renvoi donc au mouvement de privatisation massives d'entreprises publiques, à la mise sous concurrence de tous les marchés ainsi qu'à l'imposition de la logique marchande aux modes d'intervention des politiques publiques. Il renvoi également au mouvement de libéralisation des flux de capitaux internationaux.
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Tous les accords visent à supprimer les entraves au commerce international et à accentuer la mondialisation.
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Si la dépense publique continue bien quant à elle d'augmenter, c'est en réalité un effet automatique induit par le fonctionnement de la sécurité sociale française.
La population étant vieillissante, les dépenses de santé et de retraite augmente.
Or si les dépenses publiques françaises augmentes, ce ne sont pas les dépenses de l'État qui suivent cette trajectoire mais les dépenses de la sécurité sociale.
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On le voit, ce sont essentiellement les dépenses de retraites et de santé qui portent l'augmzntation des dépenses publiques.
Or les réformes n'ont fait au contraire que se succéder depuis la dernière décennie du XXe siècle pour réduire les pensions de retraite et contenir cette hausse.
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Il me semble assez claire au vu de ces éléments que la France peut légitimement être accusée de suivre une trajectoire néolibérale.
Et pourtant, on ne peut pas dire pour autant qu'elle est néolibérale. Une partie conséquente de la population rejette fortement cette idéologie. Il semble y avoir une fracture, qui s'incarne entre autre par le mouvement des gilets jaunes, entre la sphère politico-administrative, qui se montre très favorable au néolibéralisme, et la population, qui se voit divisée entre des partis souverainistes et libéraux.

balavo511
Niveau 6
22 septembre 2020 à 10:34:32

oui, et vieillocommuniste

Sisypheen
Niveau 9
22 septembre 2020 à 12:29:03

On peut observer les témoins d'une politique libérale dans le secteur de l'education également.

Dans l'enseignement supérieur le privé croît bien plus rapidement que le public :
https://www.noelshack.com/2020-39-2-1600769839-20200922-121637.jpg
Depuis les années 1980 la part d'élèves du secondaire inscrit dans le public tend à reculer également :
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balavo511
Niveau 6
22 septembre 2020 à 12:31:11

ouai, la privatisation c'est la vie

l'école publique c'est vraiment de la merde en barre, ça fait pitié

Sisypheen
Niveau 9
22 septembre 2020 à 13:10:52

Le 22 septembre 2020 à 12:31:11 BALAVO511 a écrit :
ouai, la privatisation c'est la vie

l'école publique c'est vraiment de la merde en barre, ça fait pitié

Le problème derrière la privatisation et la marchandisation c'est qu'elle exclue la demande non solvable et renforce l'inégalité de l'accès à certaines ressources en créant des barrières financières.

Exemple :
https://www.noelshack.com/2020-39-2-1600773096-20200728-154344.jpg

C0dsw0rth
Niveau 28
22 septembre 2020 à 13:15:07

Tu pourrais presque avoir raison, sauf que tu oublies que :

1) Depuis les années 70, tous les gouvernements successifs se sont systématiquement employés à réduire les cotisations qui permettaient de financer le système initial.
2) ces mêmes gouvernements successifs ont ouvertement transférés une part de plus en plus importante des charges de l’État sur le système depuis cette époque.
3) les cotisations ainsi supprimées et les réductions de csg qui vont avec, en étant systématiquement jamais compensées, permettent justement de maquiller leurs truanderies gouvernementales, et de monter de toute pièce el famoso "trou" afin d'achever le système bâtit par la résistance en 1946.

Tu sors bien les bons graphiques, mais y accole les interprétations tronquées de la propagande dominante, ce qui te fait raconter en gros à peu près les mêmes conneries que les éditocrates de BFMtv... :non2:

balavo511
Niveau 6
22 septembre 2020 à 13:54:08

Le 22 septembre 2020 à 13:10:52 Sisypheen a écrit :

Le 22 septembre 2020 à 12:31:11 BALAVO511 a écrit :
ouai, la privatisation c'est la vie

l'école publique c'est vraiment de la merde en barre, ça fait pitié

Le problème derrière la privatisation et la marchandisation c'est qu'elle exclue la demande non solvable et renforce l'inégalité de l'accès à certaines ressources en créant des barrières financières.

Exemple :
https://www.noelshack.com/2020-39-2-1600773096-20200728-154344.jpg

Oui évidemment c'est le problème principal
Quelle doit résoudre

Car l'école publique est dans un tel état que c'est irrattrapable je pense sans révolution totale

le_litchi01
Niveau 49
22 septembre 2020 à 14:08:08

Le 22 septembre 2020 à 13:10:52 Sisypheen a écrit :

Le 22 septembre 2020 à 12:31:11 BALAVO511 a écrit :
ouai, la privatisation c'est la vie

l'école publique c'est vraiment de la merde en barre, ça fait pitié

Le problème derrière la privatisation et la marchandisation c'est qu'elle exclue la demande non solvable et renforce l'inégalité de l'accès à certaines ressources en créant des barrières financières.

Exemple :
https://www.noelshack.com/2020-39-2-1600773096-20200728-154344.jpg

L'éducation nationale est un bel exemple de meurtre camouflé de la bête...

Sisypheen
Niveau 9
22 septembre 2020 à 16:56:35

Le 22 septembre 2020 à 13:15:07 C0dsw0rth a écrit :
Tu pourrais presque avoir raison, sauf que tu oublies que :

1) Depuis les années 70, tous les gouvernements successifs se sont systématiquement employés à réduire les cotisations qui permettaient de financer le système initial.

Oui en effet

2) ces mêmes gouvernements successifs ont ouvertement transférés une part de plus en plus importante des charges de l’État sur le système depuis cette époque.

Le transfert de compétences s'est surtout effectué de l'État aux collectivités territoriales :
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3) les cotisations ainsi supprimées et les réductions de csg qui vont avec, en étant systématiquement jamais compensées, permettent justement de maquiller leurs truanderies gouvernementales, et de monter de toute pièce el famoso "trou" afin d'achever le système bâtit par la résistance en 1946.

La hausse de la dette s'explique forcément par un niveau de recette inférieur au niveau de dépense. Toutefois les recettes, si elles n'ont pas crues autant que les dépenses n'ront cessé de croître.
Mais en effet sans les allègements de cotisations sociales, sans les niches fiscales et les crédits d'impots en tout genre, certainement que la dette ne serait pas à son niveau. Et en effet l'argument de la dette sert à justifier continuellement la réduction des dépenses publiques alors qu'il suffirait d'augmenter ces dernières pour combler le déficit.
Toutefois dans un contexte de concurrence internationale institutionnalisé, la fiscalité joue également à la compétitivité et ce qu'on aurait perdu en dette publique on aurait risqué de la gagner en dette extérieure.
In fine tout ce système paralyse les alternatives à une réduction dépenses publiques. C'est pour ça que ce que je pense qu'il faille c'est une rupture de paradigme et un retour au protectionnisme. Le refus du néolibéralisme donc. Et c'est pour ça que la gauche qui refusait de sortir du paradigme néolibéral a toujours été contrainte de retourner sa veste.
Toutefois sortir du néolibéralisme c'est à coup sûr s'attirer toute l'hostilité de nos principaux partenaires commerciaux et risquer l'isolement. C'est également pour cela qu'un refus du néolibéralisme ne peut faire l'économie d'une réorganisation de nos alliances stratégiques géopolitiques.

Tu sors bien les bons graphiques, mais y accole les interprétations tronquées de la propagande dominante, ce qui te fait raconter en gros à peu près les mêmes conneries que les éditocrates de BFMtv... :non2:

Je ne comprends pas comment tu peux en arriver à une telle conclusion. Il me semble être complètement sur une ligne opposée à celle des éditorialistes des chaînes d'info continu. Je doute du fait que tu ais lu correctement.

C0dsw0rth
Niveau 28
22 septembre 2020 à 19:09:16

Le 22 septembre 2020 à 16:56:35 Sisypheen a écrit :

Le 22 septembre 2020 à 13:15:07 C0dsw0rth a écrit :
Tu pourrais presque avoir raison, sauf que tu oublies que :

1) Depuis les années 70, tous les gouvernements successifs se sont systématiquement employés à réduire les cotisations qui permettaient de financer le système initial.

Oui en effet

2) ces mêmes gouvernements successifs ont ouvertement transférés une part de plus en plus importante des charges de l’État sur le système depuis cette époque.

3) les cotisations ainsi supprimées et les réductions de csg qui vont avec, en étant systématiquement jamais compensées, permettent justement de maquiller leurs truanderies gouvernementales, et de monter de toute pièce el famoso "trou" afin d'achever le système bâtit par la résistance en 1946.

La hausse de la dette s'explique forcément par un niveau de recette inférieur au niveau de dépense. Toutefois les recettes, si elles n'ont pas crues autant que les dépenses n'ront cessé de croître.
Mais en effet sans les allègements de cotisations sociales, sans les niches fiscales et les crédits d'impots en tout genre, certainement que la dette ne serait pas à son niveau. Et en effet l'argument de la dette sert à justifier continuellement la réduction des dépenses publiques alors qu'il suffirait d'augmenter ces dernières pour combler le déficit.

.

Tu sors bien les bons graphiques, mais y accole les interprétations tronquées de la propagande dominante, ce qui te fait raconter en gros à peu près les mêmes conneries que les éditocrates de BFMtv... :non2:

Je ne comprends pas comment tu peux en arriver à une telle conclusion. Il me semble être complètement sur une ligne opposée à celle des éditorialistes des chaînes d'info continu. Je doute du fait que tu ais lu correctement.

Oui, j'ai été un peu dur avec toi, dsl... mais simplement parce que tu oubliais les 3 points mentionnés plus haut et qui changent de façon assez significative l'interprétation qu'on peut donner à ces données.

Le transfert de compétences s'est surtout effectué de l'État aux collectivités territoriales :
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Comme encore très récemment le transfert de l’État à l'assurance maladie du financement de l'Agence nationale de Santé Publique et de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé et donc sur les collectivités locales. Ou comment faire payer à la Sécu ce que l’État rechignait déjà à payer suffisamment...

In fine tout ce système paralyse les alternatives à une réduction dépenses publiques. C'est pour ça que ce que je pense qu'il faille c'est une rupture de paradigme et un retour au protectionnisme. Le refus du néolibéralisme donc. Et c'est pour ça que la gauche qui refusait de sortir du paradigme néolibéral a toujours été contrainte de retourner sa veste.

Pas n'importe quelle gauche non plus... on parle bien ici de la 2ème gauche soixante-huitarde qui émerge à partir de la révolte estudiantine atlantiste-libertaire de Mai 68 et qui enverra au cimetière autant la droite gaulliste résistante que les communistes de la Résistance qui ont justement bâtit la Sécurité Sociale en 1946.

Toutefois dans un contexte de concurrence internationale institutionnalisé, la fiscalité joue également à la compétitivité et ce qu'on aurait perdu en dette publique on aurait risqué de la gagner en dette extérieure.

(...)

Toutefois sortir du néolibéralisme c'est à coup sûr s'attirer toute l'hostilité de nos principaux partenaires commerciaux et risquer l'isolement. C'est également pour cela qu'un refus du néolibéralisme ne peut faire l'économie d'une réorganisation de nos alliances stratégiques géopolitiques.

Certes mais au bout d'un moment, il serait peut être temps de savoir ce qu'on veut vraiment : 1) soit poursuivrer sur ce long et lent délitement qui déglingue tout depuis plus de 50 ans et qui continue irrémédiablement sa route vers le naufrage néo-libéral ; ou 2) poser nos cojones une bonne fois pour toute et enfin se montrer à la hauteur de notre Histoire comme ceux du CNR - pour ne citer qu'eux - ont sût le faire.

L'heure des vrais choix se fait de plus en plus pressante.

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Sujet : La France est elle néolibérale ?
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