@Shayde
Le mot "français" est une insulte dans leur bouche. Idem pour le mot "blanc" ("arrête de faire ton Blanc !" je l'ai déjà entendu).
Et ça vient d'où ?
Est-ce que ça ne fait pas écho à ce que dit Sayad ?
"Parce que l'immigré se trouve engagé malgré lui dans les luttes sociales, qui sont nécessairement des luttes identitaires, et parce qu'il y est engagé à l'état isolé et presque d'ailleurs sans le vouloir - notamment dans les interactions interindividuelles de la vie quotidienne -, il n'a pas d'autres choix que de surenchérir, dans un sens ou dans l'autre. De nécessité faisant vertu, l'immigré incline, sans doute en raison, pour une large part, de la position dominée qu'il occupe dans la structure des rapports de forces symboliques, à exagérer, l'une comme l'autre, chacune des deux options contradictoires qu'il croit avoir choisies alors qu'en réalité il ne fait que les subir. Il est condamné à la surenchère en tout, dans tout ce qu'il fait, dans tout ce qu'il vit et en tout ce qu'il est. Tantôt, il a à assumer comme immigré (lorsqu'il est au plus bas de la hiérarchie sociale dans le monde des immigrés) les stigmates qui, aux yeux de l'opinion, font l'immigré, acceptant de la sorte (une acceptation résignée ou révoltée, soumise ou revendicative et même provocante) la définition dominante de son identité qu'on se souvienne seulement, à ce propos, du fait que le stigmate engendre la révolte contre le stigmate, et qu'une des premières formes de cette révolte consiste en la reprise en compte, la revendication du stigmate, converti alors en emblème, selon le paradigme classique « black is beautiful», cela jusqu'à l'institutionnalisation du groupe qui se donne ainsi le stigmate pour fondement, c'est-à-dire, en gros, les effets sociaux, économiques, politiques, culturels de la stigmatisation dont il est à la fois l'objet et en partie le produit. Tantôt, au contraire, il se voue à la recherche de 1'« assimilation» comme on dit, ce qui suppose tout un travail de présentation de soi et de représentation (celle que les autres ont de soi et celle qu'on veut leur donner de soi), donc un travail portant essentiellement sur le corps, sur l'apparence physique, sur les comportements extérieurs les plus chargés précisément d'attributs ou de significations symboliques, afin, d'une part, de faire disparaître tous les signes susceptibles de rappeler le stigmate (les signes physiques, le teint, la couleur de peau, des cheveux, etc. ; les signes culturels, l'accent, la manière de parler, le vêtement, le port de la moustache, tout le style de vie, etc.) et, d'autre part, d'afficher par mimétisme l'adoption des traits qui, par contraste, semblent être caractéristiques emblématiquement de ceux auxquels on voudrait s'assimiler. Parfois, sans être exclusives l'une de l'autre, les deux stratégies ou, tout au moins, une partie de chacune d'entre elles se juxtapose simultanément, au risque de multiplier les contradictions".
[...]
"Soit, dans un cas, il lui faut accepter d'être nié, et par là même, accepter de se nier soi-même aussi et de se disqualifier ; et, sans pouvoir se retirer à proprement parler et complètement d'un jeu qu'on sait foncièrement biaisé, qu'on sait imposé et dans lequel on se sait toujours perdant, il est tenu d'accepter, comme on le lui demande, de démissionner seulement des luttes, c'est-à-dire d'y renoncer sans quitter pour autant la partie {i.e. l'immigration) où se jouent ces luttes, accepter de les voir se jouer sans rien de plus, à travers soi et par-devers soi, sans avoir à y intervenir ; accepter de jouer la victime toute désignée, destin auquel on est presque toujours voué quand on est engagé dans un jeu dont on n'a pas les moyens et dont on n'a jamais la maîtrise (un jeu qu'on n'a pas choisi de jouer, un jeu qui se joue toujours sur le terrain des dominants, à leur manière, selon leurs règles, selon les armes qu'ils se sont données). Soit, dans l'autre cas, il faut accepter cette fois-ci le risque que comporte toute entreprise d'assimilation, c'est-à-dire toute conduite pensée, voulue et organisée explicitement et volontairement en vue d'un changement
d'identité, le passage, croit-on, d'une identité dominée à l'identité dominante ; avec le risque de se renier soi-même et, corrélativement, de renier tous ceux d'entre ses semblables qui se refusent à ce choix, qui ne veulent pas ou ne peuvent pas agir ainsi, de sorte qu'ils se renient aussi. Quitter une identité quelle qu'elle soit, sociale, politique (ou nationale plus précisément, comme dans le cas de la naturalisation), culturelle, religieuse, etc., surtout quand il s'agit d'une identité dominée à tous les points de vue, identité stigmatisée, méprisée, ne manque pas d'ambiguïté aux yeux des uns, ceux dont on se sépare et dont on se désolidarise, cela approche de la trahison; aux yeux des autres, ceux qu'on rêve de rejoindre, qu'on ambitionne d'être, cela vaut incontestablement allégeance, mais reste tout de même quelque peu suspect de prétention et de calcul intéressé". [...]
Quant aux asiatiques, que je sache, et ta façon de parler d'eux en témoigne, ils ne sont pas stigmatisés de la même manière que les descendants d'Afrique. L'étiquette qui leur est attribuée est celle des bons immigrés. C'est d'autant plus facile pour eux, dans ce contexte où ils sont justement valorisés relativement par rapport aux autres immigrés, de se conforter à ce rôle. Et inversement pour les descendants d'immigrés d'Afrique.
On se conforte souvent à l'identité à laquelle les autres nous assignent.
Un élève qui entend dire qu'il est nul plusieurs fois de suite va finir par être dans le renoncement et dans le rejet de l'institution scolaire. Il sera dans l'impuissance apprise.
Et inversement pour un élève qui entend dire qu'il a des capacités et qu'il est intelligent.
Pour autant, ce ne sont là que des mécanismes psychologiques. Il ne faut pas surestimer leur pouvoir face aux déterminants sociologiques. Il n'y a rien de plus faux que de dire "quand on veut on peut".
Certainement que si les asiatiques ont le bon rôle, c'est que leur répartition par statut socioprofessionnel est plus favorable que celle des Africains. Et c'est par ailleurs une histoire d'histoire. Les asiatiques sont arrivés après les années 80, soit après les Maghrébins, et ils sont restés très minoritaires parmi immigrés. Ce qui fait qu'on peut d'autant plus leur attribuer le bon rôle qu'ils représentent une proportion résiduelle d'immigrés. Je ne doute pas qu'on entendrait les mêmes critiques contre eux s'ils échangeaient leurs proportions avec les immigrés d'Afrique.
Le problème de la reproduction sociale que tu soulèves s'applique indifféremment à toutes les races, et aux immigrés comme aux natifs.
Tout à fait. À ceci près que, comme le partage de ce graphique visait à te montrer, le mécanisme de la reproduction sociale est d'autant plus défavorable aux enfants d'immigrés que leurs parents occupent une position sociale subalterne :
Par bienveillance j'entends toutes les formes de nivellement par le bas, la surnotation
Je ne vois pas en quoi la surnotation peut s'assimiler à un nivellement par le bas. La notation intervient après l'enseignement, elle est sensée valider l'acquisition de connaissances. Ce n'est donc pas la surnotation qui provoque des acquis de connaissance défectueux.
Comment veux-tu que je prenne au sérieux un type qui parle de "faute première d'être immigré", et qui prétend expliquer le clivage racial par un refus du pays d'accueil à accepter la différence des gens venus d'ailleurs ?
Et quand il dit : "on n'a jamais autant parlé en France de « valeurs républicaines » que pour dénoncer les comportements déviants, au regard de la morale sociale et politique de la société française, des immigrés musulmans port du voile à l'école, statut discriminé de la femme, usage politique de la religion que l'on désigne sous le nom d'intégrisme, etc", c'est le pompon. La dernière proposition subordonnée relative est d'ailleurs détestablement ambigüe, je trouve. Ce mec, vraiment, je ne le sens pas.
Il est tout à fait normal qu'un peuple rejette des comportements trop déviants
Tu reproches à Sayad de dire ce qu'il ne dit pas. Sayad ne prend pas parti. Il énonce un fait. Il fait de la sociologie, pas un essaie politique. On ne lui demande pas de donner son opinion, ce qui le ferait dès lors sortir de la neutralité scientifique justement.
Or pour le coup, l'énoncé factuel de sa phrase est conforme à la réalité.
Et par ailleurs, c'est une assez forte évidence que ces sujets sont instrumentalisés pour stigmatiser les musulmans. Typiquement, il n'est question, pour la droite, de parler de féminisme et de sexisme que pour dénoncer la culture musulmane. Comme si la droite n'était pas elle-même vecteur d'un sexisme très prononcé.
À titre d'exemple, on reprochait encore récemment le fait qu'à Trappes (la fameuse), les femmes ne sont pas bien venues dans les bistrots. C'est certainement vrai, dans le sens où c'est une réalité répandue sur presque l'ensemble du territoire, dans les zones populaires, qu'elles soient caractérisées par une forte population issue de l'immigration ou bien sans ascendance migratoire et rurale.
Tout l'enjeu de cette stigmatisation, c'est de vouloir faire passer l'islam pour le seul obstacle, et les musulmans pour les seules personnes problématiques, face à la question de l'égalité hommes/femmes.