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Sujet : [Nouvelle] Le Chat
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Arduilanar
Niveau 10
28 juillet 2015 à 23:11:48

Mise en bouche avant les vacances, la première partie d'un texte prévu pour être un peu plus long que mes nouvelles précédentes.
(Comme ça je ne peux plus reculer et je serai forcé d'écrire la suite. :hap:)
Bonne lecture !

Le Chat

La belle Danatu, étendue sur sa banquette, refusa les olives au citron confit que son esclave lui présentait. Elle refusa encore le plat de boulettes d’agneau au cumin, puis les chaussons au fromage et aux épinards. Quand arriva l’assiette de pâtisseries – de délicates petites merveilles à la pâte doré et croustillante, garnies de noix et d’amandes et nappées d’un sirop au miel de figuier – son estomac vide la tirailla en même temps qu’une lueur d’avidité passait dans son regard. Danatu ne céda pas, néanmoins, et elle congédia l’esclave d’un geste élégant de son bras nu.
Puis elle jeta un œil à son époux, le seigneur-marchand Ishar. Celui-ci, étendu sur sa propre banquette, mâchait son dessert d’un air absent, quelques miettes de pâtisserie fichées dans sa barbe. Danatu soupira intérieurement. Son cher époux n’avait même pas remarqué son petit manège, qu’elle s’était pourtant employée à rendre aussi peu subtil que possible.
Non contente de dédaigner le repas, elle avait volontairement négligé sa parure et sa coiffure ; elle s’était à peine maquillée, se contentant d’un fard léger autour des yeux. Et dans un suprême effort contre elle-même, elle avait été jusqu’à dépareiller les couleurs de sa tenue, choisissant une robe mauve à motifs orpin, et un châle de soie vert anis. Danatu détestait chacune de ces teintes individuellement ; mises côte à côte, elles auraient dû faire frémir de dégoût n’importe quel être doté d’un sens normal de la vue.
Mais le seigneur-marchand Ishar, lui, paraissait ne rien remarquer –ni le petit jeu avec la nourriture, ni le manque de soin apporté à son apparence. L’âge l’avait-il donc rendu aveugle ? Certes, ses tempes grisonnaient, et il avait parfois besoin de stimulants pour honorer sa jeune épouse. Mais enfin, il ne pouvait pas déjà être sénile ? Danatu dut finir par se résigner. Mettant de côté son orgueil féminin, elle se résolut à faire elle-même part de son problème à son vieil idiot de mari.

— Mon tendre époux, commença-t-elle d’une voix plaintive.
Machinalement, Ishar lui répondit :
— Oui, ma douce ?
— Oh, mon tendre époux, répéta-t-elle. Si tu savais, si tu savais comme les jours me sont longs en ton absence…
— Mon absence… parut-il acquiescer. Puis, flairant sans doute le piège et se reprenant : Oui, ma colombe ? Un souci t’affligerait-il ?
— Mon époux, mon tendre époux, reprit Danatu en chargeant sa voix de désespoir. Ô combien je me sens seule loin de toi, dans cette grande maison vide, oui, bien seule !...

Ishar avait certainement reconnu ce ton à présent : celui que sa femme adoptait quand elle cherchait à obtenir quelque chose.
— Seule, ma Danatu ? Allons, tu as deux esclaves rien que pour te coiffer, t’habiller et te divertir. Et j’ai racheté un cuisinier spécialement pour toi il y a trois mois. Ne me dis pas que tu as besoin d’un nouveau domestique.
— Non, non, rien de tout cela, mon tendre époux. J’aurais seulement voulu te parler de… Et bien, mon amie Sawash, la femme du marchand Kadassu, en a eu un il y a quelques semaines, et je ne l’ai jamais vue aussi heureuse. Je me disais que, peut-être, nous aussi nous pourrions avoir…
Danatu vit son époux grimacer. Par les dieux, songea-t-elle, il est train d’imaginer que je veux un enfant. Aussi se dépêcha-t-elle de reprendre.
— Je veux parler d’un animal de compagnie, bien sûr. Oh, tu devrais voir le petit chien de Sawash, il est adorable ! Il est d’une race très rare, Kadassu l’a fait venir exprès des îles de Drayah ; il est gentil et très affectueux, un véritable amour.
— Oh, fit Ishar d’un air ennuyé, c’est donc de cela qu’il s’agit ? Toi aussi, tu comptes céder à ce… cet engouement ridicule pour les animaux pour dames ?
— Toutes les bonnes familles en adoptent, tu sais. Kadassu et Sawash, bien sûr, mais aussi Nidin, la femme de Naqid, et même Azara, l’épouse du Sipparite, qui a reçu un oiseau chanteur. Il y a ce marchand dahirien, Yaya ou je-ne-sais-quoi, qui s’est spécialisé dans le commerce des animaux exotiques ; on dit qu’il vend de vraies merveilles. Allons, mon époux, ne serais-tu pas satisfait de voir la tête de tes amis, si nous leur disions que nous avons un animal de chez le Dahirien ?

Danatu s’attendait à ce qu’Ishar ne cédât pas si facilement ; elle ne s’était pas trompée.
— Vraiment, ma tendre épouse…J’ai été élevé dans un monde où les chiens gardent les maisons et où les oiseaux vivent dans les arbres. Quand je vois de petits animaux frisés être bichonnés par leurs maîtresses, je suis consterné de voir comment nous avons corrompus ceux qui nous servaient. Ces… créatures dégénérées, ne servent plus à rien, hormis à attendrir le faible cœur des femmes. Non, mon rayon de miel, tu as déjà tout ce que tu peux souhaiter : la beauté, la jeunesse, un mari aimant, des domestiques dévouées, autant de robes et de bijoux que tu peux en imaginer. Je ne veux pas céder à ce qui ne me paraît être qu’un caprice.

Un beau discours… qui semblait avoir été préparé. Danatu n’eut d’autre choix que de surenchérir. Ses yeux s’embuèrent de larmes, et elle joignit ses mains dans une attitude implorante, se jetant aux pieds de son mari.
— Ô cruel, dit-elle d’une voix tremblante, ton épouse légitime se confie à toi dans sa détresse, pâle et rendue malade par le chagrin ; mais toi, cœur insensible, plutôt que de compatir, tu préfères encore t’en moquer et la traiter d’enfant capricieuse. Que souhaites-tu, Ishar ? Que je dépérisse d’ennui et de solitude ? Ou bien cherches-tu à nous humilier tous deux, en faisant de nous le dernier couple de la ville à adopter un animal familier ? Aah, qu’ai-je fait, qu’ai-je fait aux dieux, pour mériter…
— C’est bon, c’est bon, la coupa Ishar. Puisque c’est pour le bien de ma jeune épouse, je ne peux pas refuser. N’ai-je pas fait serment devant les dieux de prendre soin de toi ? Nous rendrons visite à ton Dahirien, je te le promets.

Alors Danatu se leva pour aller étreindre son époux, dans un geste d’euphorie soigneusement calculée :
— Oh merci, merci, mon tendre époux ! Mon tendre, tendre…
Tandis qu’Ishar lui rendait ses caresses, Danatu le vit sourire en coin, et elle se demanda fugacement s’il ne faisait pas tout ça pour le seul plaisir de la voir se donner en spectacle.

Chocobo_3
Niveau 15
30 juillet 2015 à 18:57:51

Lu.
Vu le sujet (du moins le sujet de ce début de texte) j'ai forcément moins apprécié que le texte avec le vieux Pidar ou celui avec le Prince et le bassin. Après l'écriture est toujours maîtrisée, et j'aime beaucoup tes dialogues. Le langage est soutenu mais tout est pourtant fluide. Et ca c'est très bien :-)

Bref, pour le moment hormis la maîtrise des dialogues, rien de très intéressant. Je suppose qu'il y aura une suite, qui fera intervenir "le chat", et qui nous plongera un peu plus dans ton monde qui, pour ce que j'en ai lu (c'est a dire pas grand chose) éveille ma curiosité. J'attend donc la suite!

Pseudo supprimé
Niveau 7
30 juillet 2015 à 19:56:05

Le style est soigné et on ressent une aisance d'écriture, mais pour le moment le texte est plat... j'ai eu la désagréable sensation de lire sans lire. Je n'ai pas réussi à entrer dans le texte, le tout est très superficiel. Certes, c'est un peu court et l'intrigue en est à ses prémices, mais à aucun moment le texte ne m'a pousser à imaginer quoi que ce soit; les dialogues sont redondants, et les informations données sont pour le moment très minces et dispensables. Tout cela est très certainement exacerbé par le fait que le texte est proposé de manière isolée, mais en l'état, même si j'insiste sur le fait que ce soit bien écrit, c'est un peu plat.

J'attends la suite qui viendra me faire fermer mon clapet. :)

Arduilanar
Niveau 10
30 juillet 2015 à 21:12:54

Merci pour vos lectures !
C'est justement ce qui me fait peur en passant à un format de nouvelle plus long : de simplement diluer la chose et de perdre tout intérêt en étalant trop. :-(
Bon, je vais voir ce que ça donne en rédigeant la suite. Au pire cela m'aura servi d'exercice, et me fera une leçon pour plus tard.

--crazymarty--
Niveau 10
31 juillet 2015 à 11:35:10

T'as intérêt de te dépêcher. Ça se lit comme on mange une petite (mais dense) pâtisserie orientale : avec délectation et une pointe de culpabilité. Ton style est toujours aussi soigné, l'intrigue se profile de manière intéressante, bref, je ne peux soupirer en attendant que môssieur daigne nous partager la suite de son propos :hap: ...

Arduilanar
Niveau 10
31 juillet 2015 à 12:31:08

Culpabilité ? :rire:

En tout cas j'ai compris, je vais être plus synthétique pour la suite - et surtout éliminer une partie de mes digressions gastronomiques. :hap:
C'est dommage, vous allez rater le passage sur les pistaches et le fromage de brebis aux cerises noires. Bon, c'est compensé parce qu'il y a déjà le passage du dîner qui n'était pas prévu en premier lieu.

gobseck13
Niveau 8
31 juillet 2015 à 15:50:47

Lu, comme promis.

Rien à redire de spécial sur le style, le vocabulaire est choisi, c'est riche sans être pompeux, ça coule tout seul.

Après, c'est au niveau du texte en lui-même que j'ai un problème. Comme les autres, j'ai eu l'impression de lire juste pour lire, sans réel but. A moins que ce soit juste un exercice de style, il manque quelque chose pour que je me sente dans l'histoire, que je lise en sachant que je lis pour quelque chose et pas pour le plaisir de lire. Peut-être qu'il manque simplement une suite, dans ce cas, poste la stp :hap:

Juste petite remarque sur un truc qui m'a fait tilter :
" de délicates petites merveilles à la pâte doré et croustillante, garnies de noix et d’amandes et nappées d’un sirop au miel de figuier"
3 "et" dans une phrase descriptive, je trouve que tu as un peu choisi la facilité la :noel:
Après c'est subjectif, mais je trouve que la phrase accrocherait moins en étant ainsi : "délicates petites merveilles à la pâte doré (doréE, d'ailleurs :hap: ) et croustillante, garnies de noix, ainsi que d'amandes nappées d'un sirop de miel de figuier"

Beau boulot :oui:

Arduilanar
Niveau 10
09 août 2015 à 23:43:15

Deux jours plus tard, le seigneur-marchand Ishar et la belle Danatu partirent chez le Dahirien, comme promis, voyageant dans le même palanquin comme un couple de jeunes mariés. Ils traversèrent la rue des Orfèvres en direction du Quartier des Diplomates, mais bifurquèrent avant les jardins de Shimur, et en moins d’une heure le palanquin était arrivé devant la grande bâtisse qui leur avait été décrite, à la façade blanche ornée de fresques animalières.
Le palanquin arrêté, leurs esclaves les aidèrent à descendre, puis le portier du bâtiment les introduisit à l’intérieur. Presque aussitôt, un petit homme replet se précipita à leur rencontre, se dandinant dans la robe plissée caractéristique du pays de Dahir.
— Bienvenue, nobles hôtes ! Seigneur, noble dame, Yahaliuma Hestili a l’honneur de vous accueillir chez lui. Prenez place, prenez place, je vous en prie !

Babillant joyeusement et sans interruptions, le petit Dahirien les installa sur des banquettes de bois marqueté, leur faisant servir des rafraîchissements et des friandises à la pistache. Il les pria de bien vouloir l’appeler Yaha, comme ses clients et ses amis le faisaient ; il s’enorgueillit d’être le fournisseur en animaux rares de la plus haute société aqramite, notamment de plusieurs membres influents du Conseil ; puis ajouta, sur le ton de la confidence, que le Palais lui-même aurait peut-être bientôt besoin de ses services. Pour finir, il s’enquit du motif de leur visite, et poussa une exclamation de ravissement en apprenant qu’il se trouvait face à de bons amis de plusieurs de ses clients les plus estimés.
— Mais oui, j’ai bien l’honneur de compter le seigneur Naqid Hashurum dans ma clientèle ! Et le noble Kadassu mar Eshrid, dites-vous ? Ah, ce doit être celui qui m’a demandé un chiot drayahi. Connaissez-vous cette race, seigneur Ishar ? Ils font fureur de Gardhaban à Sippar : les dames les plus fortunées se les arrachent, car ils sont d’une nature particulièrement attachante, très affectueux, et...
— J’en ai entendu parler, oui, le coupa le seigneur-marchand un peu agacé. Nous serait-il possible, à présent, de voir ce que vous avez à nous proposez ?
— Très certainement, répondit le Dahirien sans se départir de son entrain. Je parle, je parle, et j’en oublie l’essentiel. Si vous voulez bien me suivre ?

Yaha mena Ishar et Danatu à travers les différentes pièces de sa bâtisse. La première salle, où étaient disposés des paniers d’osier en nombre impressionnant, paraissait bourdonner sourdement.
— Ici sont élevés des insectes précieux, commenta le Dahirien. Punaises bleues de Nahrana, frelons noirs de Baharat, terribles mantes-faucheuses des contrées du Nord. Sans parler des araignées, et de certains scorpions particulièrement dangereux importés d’Amarah. Les guérisseurs trouvent de nombreuses applications utiles à leurs venins, mais ils n’ont jusqu’à présent guère eu de succès comme animaux de compagnie, je dois bien le reconnaître.

Pour toute réponse, Danatu fit une moue dégoûtée, et ils passèrent à la salle suivante, qui s’anima de pépiements et de sifflements à leur arrivée.
— Peut-être qu’un animal à sang-froid vous tenterait, noble dame ? Certains apprécient leur originalité et la touche d’exotisme qu’ils apportent à un intérieur. Je ne vous propose pas de serpent venimeux, bien sûr, mais un de ces lézards à langue bleue, peut-être... Non ? Si vous préférez quelque chose de plus classique, je peux vous proposer un de nos oiseaux. Voyez donc ! Les couleurs de ceux-ci sont tout à fait remarquables ; ils viennent des îles de Kush, où les indigènes se parent de leurs plumes. J’ai aussi des oiseaux chanteurs, dont la voix ne saurait manquer de vous faire fondre. Celui-là, même, a le don merveilleux d’imiter la parole humaine : le résultat est tout à fait troublant.
— Je n’apprécie pas l’idée qu’un reptile puisse traîner sous mes meubles, répondit Ishar les sourcils froncés. Quant aux oiseaux... Et bien, j’ai peur que leurs piaillements ne me deviennent vite insupportables.
— Le client a toujours raison, concéda Yaha avec affabilité. Très bien, nobles hôtes, nous pouvons donc poursuivre.

Le petit groupe traversait à présent la cour intérieure. Un de ses murs était percé d’alcôves, fermées par d’épais barreaux de bois, où sommeillaient de grandes bêtes.
— Un souvenir de ma spécialisation première, commenta le Dahirien. Avant que se généralise l’engouement pour les animaux domestiques, je vendais principalement des animaux dédiés à la chasse. J’en ai gardé quelques uns, par attachement plus qu’autre chose : un vieux guépard, un couple de civettes d’Ayu, cet élégant chien du Darsthan et... hum, je crois que nous n’allons pas nous attarder. La dernière salle devrait vous offrir satisfaction.

Dès qu’ils y pénétrèrent, le visage de Danatu s’éclaira d’une expression d’émerveillement ravi. Dans cette pièce, le marchand de Dahir gardait les plus douces et les plus adorables des créatures. De petits chiens au pelage soyeux jappèrent en remuant la queue quand la jeune femme s’approcha d’eux ; derrière les barreaux de sa cage, un singe lui fit des grimaces ; dans un grand baquet d’eau, même, un hippopotame nain à la peau rose barbotait joyeusement.
— Je vous en prie, sentez-vous libres d’explorer la pièce à votre aise pour trouver celui qui vous convient. En est-il un qui ait déjà attiré votre attention, noble dame ?
— Le petit singe est si drôle, commença Danatu. Puis, s’exclamant : oh ! mais qu’est-ce que... Oh, mon époux, viens vite voir !
Elle avait saisi dans ses bras un chat à la blancheur éclatante. Sa fourrure, d’une longueur tout à fait inhabituelle, était épaisse et duveteuse, lui donnant l’aspect d’une boule de coton d’où dépassaient seulement un museau et des oreilles roses. Dans un panier d’osier, deux chats semblables dormaient, confortablement lovés sur un coussin.

— Un excellent choix, commença Yaha. Vous avez eu l’œil, sans aucun d...
— Mais enfin, l’interrompit Ishar en s’adressant à Danatu, ce n’est qu’un... un chat ? Si c’est un chat que tu voulais, ma douce épouse, il y en a des centaines qui infestent le quartier du port et dont on peine à se débarrasser. Je ne voudrais pas qu’on me prenne pour un pingre, à offrir un chat à ma femme !
— Si je peux me permettre, seigneur-marchand, reprit le Dahirien, ces chats n’ont rien d’ordinaire, et personne ne songerait à vous taxer d’avarice. Ils viennent de loin, loin au Sud, des terres australes où règne l’hiver perpétuel. Voyez-vous leur pelage, d’une épaisseur et d’une couleur blanche exceptionnelles ? C’est qu’il leur sert à endurer le froid de ces régions, tout en leur permettant de se dissimuler dans la neige. Quant aux chats d’Aqram, peuh ! De sales gredins aux yeux torves et au poil miteux, qui ne méritent pas mieux que vivre dans les immondices. Alors que ces petites merveilles... Ils ont besoin des plus grands soins, savez-vous. Une nourriture choisie avec soin, de l’eau claire et pure, un brossage soigneux matin et soir ; et surtout, surtout, de la fraîcheur ! Ces petits chéris sont faits pour vivre dans des demeures luxueuses et bien ventilées : laissez-en un s’échapper au dehors, et je vous assure qu’en deux jours il aura succombé à la chaleur qui règne dans votre cité, particulièrement en cette saison.
— S’il te plaît, mon époux, implora Danatu.
— Tout cela est bien beau, dit Ishar, mais enfin, combien prétendez-vous qu’un de ces animaux vaut ?
— Et bien... Compte tenu de leur grande rareté, des difficultés à assurer leur transport depuis le Sud, et enfin les soins qu’ils me coûtent quotidiennement... Douze statères.
— Presque cinquante drachmes pour un chat ?
— Mes excuses, seigneur, mais je parlais de statères d’or bien entendu.

Ishar s’étouffa, sa figure virant à l’écarlate puis au cramoisi.
— Leur prix quelque peu prohibitif, expliqua tranquillement le Dahirien, a fait que je n’en ai pas encore vendu plus de deux dans tout Aqram – et à des personnages des plus importants. Votre dame semble beaucoup y tenir, cependant, si vous préférez un article un peu moins onéreux...
Six cent drachmes ?! éructa Ishar en reprenant enfin son souffle. Six cent drachmes pour un vieux matou ?
— Cinq cent soixante-seize, seigneur. Vraiment, il me peinerait de devoir priver votre charmante épouse de ce que son cœur désire. Je suis disposé à faire un effort : onze statères et deux tiers.
— Six statères, répliqua Ishar que le sens du marchandage avait tiré de sa stupeur. Et cinq mesures de toile sarumite.
— Vraiment, seigneur, vous devez plaisanter. Onze statères et demi.

La négociation fut d’une rare âpreté, et s’étala sur plus d’une demi-heure. Enfin Yaha finit par céder :
— Dix statères d’or et cinq mesures de soie fine, c’est d’accord, seigneur-marchand. On peut dire que vous êtes durs en affaires, vous Aqramites !
Ishar n’était pas de cet avis. Il avait plutôt la sombre impression que le petit homme dodu l’avait plumé, avec son sourire mielleux qui ne le quittait jamais. Tout ça pour un bon dieu de grippeminaud – le prix d’une esclave de lit !
Danatu ne cessa de le cajoler, se serrant contre son bras pendant tout le temps qu’il mit à remplir le contrat de vente puis à apposer son sceau.
— Surtout, fit le Dahirien dont la faconde était désormais insupportable aux oreilles d’Ishar, n’oubliez pas de lui porter les soins dont je vous ai parlés. Et par-dessus tout, ne le laissez pas sortir en cette saison !

Pendant le trajet de retour, Danatu se pressa contre son époux dans le palanquin – tout en gardant, bien sûr, une main sur le couvercle du panier qui contenait l’animal si précieux.
— Merci, mon doux mari, susurra-t-elle à son oreille. Je bénis les dieux pour le jour où nous nous sommes mariés. Et la tête que mes amies vont faire...
Ishar ravala sa mine maussade et se força à sourire.
— Ce qui compte, c’est de t’avoir fait plaisir. N’est-ce pas, ma tendre épouse ?
Et en effet, c’était bien là tout ce qui importait – pas qu’il ait eu à acheter un chat, un singe, un collier ou une esclave. Sa jeune épouse avait eu ce qu’elle désirait, il avait donc rempli son engagement, et c’était maintenant à elle de remplir le sien.
Le sourire d’Ishar s’élargit. Il n’aurait peut-être pas besoin de stimulants, ce soir-là.

LePerenolonch
Niveau 10
10 août 2015 à 14:28:50

J'ai lu le premier chapitre, j'ai faim maintenant, merci :hap:

Je trouve que ton personnage de Danatu est très bien réussi, et j'aime comment tu as réussi ton ambiance antique (en Égypte ou quelque part de l'autre côté de la Méditerranée ? :hap: )

Dommage que je n'ai pas le temps de lire la suite, j'attaque demain (mes hamburgers attendent d'être vendus les scélérats :hap: )

Arduilanar
Niveau 10
10 août 2015 à 15:10:41

Merci pour ta lecture ! :-)

Ça ne se passe pas dans notre monde, mais l'inspiration est clairement est-méditerranéenne : Mésopotamie antique pour l'essentiel, mais avec un peu du Liban pour la gastronomie. :p)

--crazymarty--
Niveau 10
11 août 2015 à 00:17:20

Lu. C'est fini ou on doit encore s'attendre à une suite :hap: ?

Arduilanar
Niveau 10
11 août 2015 à 09:45:53

Ah non, si ça finissait aussi bêtement que ça je n'aurais pas eu l'impudence de poster. :p) Il va y avoir une suite, bien sûr.

Je pense poster encore deux fois, peut-être même trois. Prochain chapitre, les choses se corsent. :sournois:

LePerenolonch
Niveau 10
11 août 2015 à 10:59:42

J'ai lu, franchement j'aime bien je me laisse porter, l'univers a l'air vachement cool, on est transporté c'est genial :oui:

Juste une faute que j'ai remarqué : ce que vous avez a nous proposez :hap:

J'imagine que tu vas vite trouver :hap:

Chocobo_3
Niveau 15
11 août 2015 à 16:16:23

Lu. C'est bon. Très très bon, même :)

La première partie m'avait laissé sur ma faim, je la trouvais très peu intéressante, pas assez immersive. Ici, j'étais avec Ishar et Danatu chez ce drôle de marchand, me baladant sur le coté, inspectant les animaux tout en tendant l'oreille pour percevoir la conversation de mon maître... Ah mais Wait! Ishar n'est pas mon maître en fait, je n'étais pas la et ya pas de petit chat tout blanc... :-)

Bref, niveau immersion je trouve ca parfait. L'intrigue est encore plus ou moins absente, pourtant ca passe tout seul. J'aime ton univers, tes personnages et tes dialogues. Un grand verre d'eau bien frais. J'attend donc la suite avec impatience :-)

Arduilanar
Niveau 10
11 août 2015 à 16:27:30

Merci pour vos avis ! :-)

J'admets que c'est long à se mettre en place : je distille les éléments d'intrigue petit à petit, mais bientôt tout cela va se refermer - comme des mâchoires. :sournois:

Je vais essayer de boucler ça en deux fois plutôt que trois pour que ça ne traîne pas plus encore. Si j'avance super vite, peut-être la suite demain matin, soyons fous.

Sarezzo
Niveau 8
11 août 2015 à 17:14:42

Lu.

J'admets qu'au début j'étais persuadé que les protagonistes étaient... des chats ! Il faut dire que les caprices de Danatu envers la nourriture proposée, bien qu'alléchante, et les minauderies qui s'ensuivent, collaient assez bien. (D'ailleurs, ça pourrait être une idée, une fois, un jour, peut-être)

Cela étant, j'ai été rapidement absorbé par l'histoire, notamment par le style qui est très engageant. L'atmosphère orientale est très bien retranscrite, mais comble surtout l'absence d'intrigue (à moins que le chat ne soit l'élément perturbateur). Bien sûr, c'est un début, qui prend son temps, ce qui, ma foi, n'est pas plus mal. J'attend donc la suite :)

Nato8888Rifs
Niveau 10
13 août 2015 à 01:14:36

"les olives au citron confit que son esclave lui présentait. Elle refusa encore le plat de boulettes d’agneau au cumin, puis les chaussons au fromage et aux épinards."
:bave:
"Quand arriva l’assiette de pâtisseries – de délicates petites merveilles à la pâte doré et croustillante, garnies de noix et d’amandes et nappées d’un sirop au miel de figuier"
:cute:
"En tout cas j'ai compris, je vais être plus synthétique pour la suite - et surtout éliminer une partie de mes digressions gastronomiques.
C'est dommage, vous allez rater le passage sur les pistaches et le fromage de brebis aux cerises noires."

Mais enfin, c'est les meilleurs passages !
:fou:

Ahem... c'est sympa, y a un ton comique caricatural qui annonce les catastrophes joyeuses à venir. Le personnage de la greluche superficielle est superbement dépeint, du moins, si l'histoire a pour vocation de dénoncer la bêtise de ce genre de personnes.
L'évasion du chat est prévisible dès l'instant où le marchant met en garde le couple, mais c'est le but de l'histoire j'imagine.

Les minauderie et le troll de la première partie sont excellents.
La deuxième garde un certain caractère comique avec les réactions du mari.
Bien qu'elle narre un événement moteur de l'histoire, la troisième partie m'a semblé un peu fade, elle est assez convenue et en plus, il n'y a pas de digression gastronomique...
J'ai hâte de voir si la quatrième partie prendra une tournure originale ou une résolution moralisatrice.

Arduilanar
Niveau 10
13 août 2015 à 09:13:19

Merci pour vos lectures !

Sarezzo, j'étais mort de rire quand j'ai lu la première ligne de ton commentaire. :rire: Il y a peut-être une idée à creuser, mais enfin ce n'est guère mon créneau je dois avouer. :noel:

Nato : c'est marrant, tu me redis en substance les mêmes choses que Kreuzberg. Les passages d'ambiance sont bien, et le passage à l'action est moins réussi... Décidément quelque chose ne colle pas avec cette troisième partie. :( J'ai peut-être trop forcé le trait "amoureuse de son chat", j'ai trouvé ça marrant à écrire (sans doute surtout parce que cette nouvelle est conçue comme une sorte d'hommage à mon propre chat :coeur: ) mais le rendu n'est apparemment pas génial. Et puis je passe peut-être trop vite d'une scène à une autre sans prendre le temps de re-décrire le cadre...
Bref, il faudra peut-être que je retravaille ça en profondeur, mais pour l'instant je vais me concentrer sur la rédaction de la dernière partie, en essayant de remonter le niveau pour le final.

Nato8888Rifs
Niveau 10
13 août 2015 à 13:26:26

Euh... je vois pas le message de kreuzberg.
Les niaiseries de la femme avec le chat ne sont pas le problème de la troisième partie, c'est le côté caricatural qu'on retrouvait dans les parties précédentes et qui est tout à fait à sa place. A mon avis, le souci vient du développement.

La première partie nous expose la situation, donc le moindre élément suscite l'intérêt du lecteur. les minauderies exagérées de la femme et l'attitude blasée mais soupçonneuse du mari font un mélange amusant. Et la conclusion travaille un peu l'esprit du lecteur qui fait donc le lien avec le titre de la nouvelle.

Dans la deuxième partie, les premiers problèmes commencent, on sait déjà qu'ils vont acheter un chat (sauf Sarezzo dont l'esprit beaucoup trop fertile prenait le couple pour des chats :fou: )
Heureusement tu maintiens l'intérêt du lecteur en étalant les détail sur la faune et les contrées qui font rêver des merveilles qui peuplent ton monde. Le côté comique est encore présent avec le marchandage.

La troisième partie perd l'intérêt du lecteur car elle est complètement attendue. La femme se comporte comme une greluche qui pimp son chat, c'est comique, mais ça ne fait pas tout l'intérêt du texte et on pouvait le deviner vu sa personnalité évoquée plus tôt. Ensuite, vient la fuite du chat qui devrait être l’événement perturbateur mais qui était prévisible dès les recommandations du marchant et dès qu'elle demande à l'esclave de fermer toutes les portes.

Donc, pour la quatrième partie, faut un élément surprenant

Arduilanar
Niveau 10
13 août 2015 à 17:04:15

Kreuz m'a livré ses impressions sur le Café, c'est pour ça. :-)

Pour la partie 4, il y aura nécessairement un élément de surprise dans la chute, mais il ne faudrait pas non plus que ça repose uniquement sur ça. Je vais voir ce que je peux faire.
Merci pour tes remarques en tout cas, elles sont très instructives et me seront très utiles, sinon pour cette nouvelle, du moins pour les suivantes.

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Sujet : [Nouvelle] Le Chat
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