I/ Marty et l’écriture
1/ Depuis quand écris-tu ? Comment es-tu peu à peu devenu écrivain ? Quelles sont les étapes qui t’ont mené là où tu en es aujourd’hui ?
Euh, bah déjà, bonjour... Ensuite, depuis quand j'écris ? Depuis la fin de l'été 2006. Je m'en souviens bien parce que j'avais alors — jeune naïf que j'étais — découvert du haut de mes 17 ans le monde merveilleux des fics sur le 15-18, et j'ai eu la soudaine envie de m'essayer à ce jeu. Bien que sortant d'un cursus littéraire, j'étais une vraie bille au départ. Mon atterrissage sur le forum en septembre 2006 n'a pas été des plus tendres, mais j'ai pu y trouver des personnes suffisamment courageuses pour me lire et me donner l'envie de progresser. Les critiques n'étaient pas toutes très gentilles (aucune n'était sympa en fait:noel:), mais elles ont vraiment déclenché quelque chose dans ma progression, dans ma vision de l'écriture. Insatisfait chronique, j'ai multiplié à partir de cette époque là les tentatives avortées de romans, de la fanfic en migrant vers la fantasy la plus lisse et la moins imaginative qui soit. Aucun de ces projets que je qualifiais alors de « sérieux » n'aboutissait, la lassitude et le découragement faisant rapidement place à l'excitation des débuts. Chaque histoire crée écrasait la précédente, dans une construction purement empirique, sans autre théorie que l'expérience. Parallèlement, quelques essais de on e shoot font leur apparition (vers 2007 si je me souviens bien). Je progresse pas mal, même si le niveau n'a encore rien d'extraordinaire... Quel dommage que j'ai effacé mes textes d'alors ! Parce que ça valait le coup d'oeil, et ça aurait fait un bon guide des erreurs à ne pas commettre...
Le gros virage à partir duquel je considère puiser encore ma vision actuelle de l'écriture, ma pratique, mon style et la vision (et les grands univers qui s'y attachent), c'est en août et en septembre 2008. C'est à ce moment là que germe l'idée d'une nouvelle de SF, genre sur lequel je n'avais jamais écrit... Et c'est la révélation. Je me plaît à écrire dans un univers dystopique, futuriste, entre humanité et robotique, réalité et virtualité. Le premier chapitre d'Alter Ego naît dans cette vague là, au départ comme simple nouvelle, puis devient la base d'un récit plus long. Les mois passant, je m'y attache toujours plus, me réfugie dans cet univers, projette toujours plus au dedans de grandes épopées modernes. Je suis loin d'imaginer que l'aventure va durer plus de six années.
Cette expérience fait sauter un gros verrou. Je prends conscience à ce moment là que j'accroche vraiment à l'écriture, que cela me plaît, que c'est un domaine où j'ai le sentiment de ne pas être complètement nul, et surtout où je peux toucher une part de rêve, d'absolu. Je vie des choses dingues, je me régale avec mes récits, et je comprends que je peux partager, que je veux partager cette joie et ce plaisir à d'autres que moi.
Parallèlement à l'aventure alter ego », d'autres one shoot, projets de nouvelles et textes divers voient plus ou moins le jours. Bouffé par l'univers de mon projet de SF, seuls les plus brefs seront achevés, mais m'apporteront également un vrai plaisir et une autre alternative à la SF, qui — je dois le reconnaître ici — m'a tout autant structuré qu'enfermé sur moi-même, en me protégeant d'autres genres moins confortables.
Le dernier gros événements dans ma vie d'écrivain remonte à novembre dernier, quand j'ai conclu le dernier opus de mon univers de SF. Depuis cette période, j'ai très peu écrit, quelques OS seulement, et peine à retrouver le goût d'écrire et me projetant difficilement vers d'autres productions. J'espère seulement que cette traversée du désert saura être fertile en temps voulu, mais je ne me fais pas trop de soucis de ce coté-là:-) .
2/ Dans quelles conditions écris-tu le mieux ? Toujours besoin d’auto-motivation ?
Seul. Je déteste avoir quelqu'un dans la même pièce que moi lorsque je suis sur un texte. Ça me bloque complètement. Avec ou sans musique, mais plus souvent avec que sans. La consommation de psychotropes n'ayant jamais été un grand moteur dans mon inspiration, je me passe de tout alcool, beuh, MDMA et autre LSD pour écrire. Abstinence de ce coté là:hap : .
Paradoxalement, si j'ai besoin de m'isoler lorsque j'écris, j'ai presque toujours du besoin du regard — sinon de l'approbation — de mes lecteurs pour me motiver. Sans ça, j'ai vraiment l'impression de mal écrire, ne voyant pas les écueils sur lesquels je bute, ni les points forts où accrocher mes textes. Je reste sensible aux critiques, positives comme négatives, même si je dois bien avouer préférer les compliments... Je peux donc être facilement acheté, ce qui n'est pas le moindre de mes défauts, sensible comme je suis:hap : .
3/ Des cyborgs dans Paris, des réseaux virtuels complexes, une guerre pour l’humanité, tu as construit un univers complet. Peux-tu nous conter brièvement l’histoire qui a vu la réalisation d’Alter Ego et Rêves Mécaniques ? Comment a pris vie cette œuvre qui restera dans les plus importantes du forum ?
Je me doutais bien que la question allait finir par tomber... Il faut dire qu'en dehors de cette espèce d'énorme monstre chimérique qu'est devenu mon univers, je n'ai pas (encore) écrit de romans ou de textes longs finis et aboutis. Prêtons nous donc au jeu.
Comme je le disais juste avant, Alter Ego est né dans des conditions précaires, sans tambour ni trompette, simple projet de courte nouvelle qui a grossi, devenu roman, puis projet vers d'autres romans dans une suite logique. Emballé par l'idée du transhumanisme (maintenant qu'on a un mot pour désigné le point de convergence entre l'Homme et la Machine, ne nous privons pas de l'utiliser) en tant que possibilité littéraire (humainement parlant, je suis pas franchement pour, sinon contre), j'ai eu envie de construire des figures héroïques dans un univers futuriste et sombre, clairement inspiré de lectures que j'ai pu faire et de productions cinématographiques. Là, tout de suite, je pense assez naturellement à Neuromancien, Robocop, mais plus loin encore avec des monstres scénaristiques tels que Warhammer 40,000, qui a très clairement mis son grand de sel dans l'approche tragique de mon univers.
Pour résumer la chose, voici ce qu'il en est : à la fin du XXIe siècle, la technologie a atteint un tel développement que l'Homme s'unit à la Machine sans que cela ne choque (en apparence) personne. Parallèlement, la situation géopolitique — notamment en Europe et surtout en France — dégénère jusqu'à la guerre civile. Un contexte parfait pour mettre en scène le héros d'Alter Ego, un cyborg nomme Kris, qui va donc suivre son chemin dans cet univers sombre, mêlé dans une intrigue noire et cynique, où il rencontrera tour à tour une IA qui veut prendre l'ascendant sur lui, son père (qui veut prendre l'ascendant sur lui), propulsé au devant de la scène pour devenir le chef d'une rébellion des cyborgs et conquérir la France. Voilà pour Alter Ego. La suite — Rêves Mécaniques — prend place une génération plus tard, lorsque
le fils de Kris monte sur le trône et domine l'espèce humaine d'une main de fer, imposant le transhumanisme comme modèle de société. Autant dire que c'est pas franchement la démocratie, mais une bonne grosse dictature militaire, où un ancien transfuge répondant au doux nom de Gregor va se retrouver à son tour au cœur d'intrigues politiques complexes, retrouvant une parti de son histoire liée à celle du pouvoir central, et décidant de prendre à son tour sa part du gâteau. Je n'en dirai pas plus, le texte étant en cour de publication sur le forum, je ne souhaite spoiler personne.
L'univers de la Confédération (qui regroupe donc trois romans, dont Alter Ego et sa suite, Rêves Mécaniques) propose donc un futur possible mais pas franchement souhaitable, décrivant la construction, l'apogée et la chute d'un empire humain, militariste jusqu'au bout des ongles, rigides et fermé par son aspect mécanique, mais où l'humanité survit malgré tout. Humanité qui ne se laissera pas complètement bouffé, mais trouvera un biais dont je tairais ici les tenants et les aboutissants.
J'ai beaucoup aimé mélanger une espèce de tradition dans la figure tragique de mes trois héros, qui prennent bien cher, confronté à un espèce d'appareil qui ne cesse de les bouffer et de les consumer de l’intérieur, tiraillés qu'ils sont entre choix personnels et devoirs d'Etat. J'ai peut-être un peu trop aimé ça d'ailleurs, vu que j'ai du mal à en sortir :hap : …
4/ Quelques lignes pour donner envie de te lire à ceux qui ne l’auraient pas encore fait ?
Si tu veux:hap : :
Tout cela n'arrangeait pas ses affaires. Non, vraiment, « l'explosion » était arrivée au mauvais moment. Non pas parce qu'il y avait perdu une connaissance, encore moins un proche. Non pas à cause des centaines de milliers de victimes. Un autre sens, plus cynique, s'imbriquait dans cette modification imprévue du terrain.
La mort de la cible qu'il devait visiter était probable. Et si ce n'était pas le cas, les effets infrasoniques s'en chargeraient bien assez tôt. Nul besoin de consulter le message crypté qui venait d'échouer sur son serveur personnel. Tout était fini.
Foro effleura machinalement le revolver à fléchettes hypodermiques. Aujourd'hui, son arme favorite resterait ici, posée sur la table basse du deux pièces, entre le cendrier où la fumée d'une cigarette mal éteinte embaumait l'air, et des verres à demi vides. Par terre, à quelques dizaines de centimètres, le projecteur holographique transmettait ses informations dans toutes les directions autour de l'homme. Le soleil se levait dehors, mais les volets restaient désespérément fermés. Comme tous les jours. La discrétion était le credo de Foro. Et pour l'instant, cette discrétion lui avait suffit pour survivre. Les centaines de milliers d'euros qui dormaient sur un compte anonyme lui permettaient de voir venir les jours de disettes. L'argent, si difficile à gagner et si prompt à flamber dans les doses de S-neurine. Foro savait le danger qu'elle représentait pour son corps. Mais sa conscience exigeait des niveaux de concentration qu'aucun homme n'était capable d'atteindre par des moyens plus « conventionnels ». Le dealer voulait toujours plus. Mais comme Foro n'avait pas découvert le gros bonnet qui pillait les réserves pharmaceutiques militaires, il se contentait de payer sa dose hebdomadaire.
La fiole était vide. Une fine trace rouge carmin courrait sur les parois lisses du tube, séchant lentement dans la chaleur de l'appartement. À côté, posé sans scrupule sur le canapé noir qui s'usait faute d'entretien, un système d'injection intraencéphalique encore chaud du sang de Foro. La dose de la semaine était partie. Partie, pour le tenir éveillé jusqu'au prochain appel, jusqu'au prochain message crypté.
5/ As-tu tenté de les faire éditer ? Des retours ?
Oui. Et non. Une tentative pour le fun à l'Atalante, qui n'a pas abouti. Je compte réessayer, une fois que j'aurais repris correctement l'intégralité de la suite de romans, pour tout nettoyer, gommer les incohérences, expurger les passages trop longs, etc. En gros, je ne compte pas en faire ma source de revenus, mais ouais, ce serait cool d'avoir une belle version papier, parce que c'est un peu chiant de lire sur écran.
6/ Un troisième opus verra t-il le jour ? Tu y travailles déjà ?
En fait... Le troisième opus est déjà terminé. Depuis novembre 2014:hap: . Il sera posté à terme sur le forum, après une bonne purge et un travail de relecture efficace. Et je crains que sa longueur ne fasse fuir tout lecteur, aussi courageux soit-il.
Pour revenir sur le texte en lui-même , il s'agissait de conclure de manière « monumentale » la saga, avec une belle apothéose, aller plus loin dans les idées que j'avais déjà égrainé avec les deux précédents opus, en essayant d'avoir un style plus digeste et en m'éloignant de tout cliché basique. Plus de deux années d'écriture donc, avec un bon rythme sur le final (je vous parlerai de mes tuyaux, tout ça). Au final, c'était un exercice périlleux, que j'ai bien conscience de ne pas avoir rempli complètement, mais vu que c'est fait, il faudrait s'en contenter.
7/ Je n’ai pas souvenir t’avoir vu participer à un quelconque concours organisé sur le forum (type ASI, DdP, CEI…), ni aux projets d’écriture commune tels l’Arène ou la Ville. T’est-il difficile de sortir de ta « zone de confort » ou est-ce par simple manque d’envie ou d’inspiration?
Pourtant j'ai participé. Pas beaucoup, mais ça m'est arrivé. Enfin je crois. Ou alors j'ai voulu mais j'ai pas fait. Avec cette histoire de zone de confort, je pense que tu soulèves un gros lièvre. Comme je le disais un peu plus haut, j'ai déjà tenté de sortir de la SF, au travers de textes courts, les essais plus longs n'ayant jamais abouti. Oui, il m'est difficile de sortir du fonctionnement de la SF, qui m'impose un cadre un minimum rigide pour « tisser » une trame et laisser mon écriture se reposer dessus. Créer un univers plus réaliste, ou rattaché à plus de codes réalistes, m'est difficile. C'est un des trucs que je voudrait travailler dans un avenir proche, et pourquoi pas en passant par toute la panoplie de jeux littéraires que propose le forum.
8/ Quel est ton livre de chevet actuel ? Des auteurs que tu apprécies particulièrement ? Des livres à nous recommander ?
Trois livres de chevet en ce moment :
— Comte Zero, de Gibson, le papa de Neuromancien et du cyberpunk. On retrouve un univers sombre fait de multinationales, de réseau où surfent des pirates, des intrigues emmêlées, le tout servi dans un style très sobre et efficace.
— L'infirmier en psychiatrie, que je potasse pour mon boulot, mais qui occupe bien mon temps de lecture.
— Histoire d'une âme, de Thérèse Martin (ouais ouais, Ste Thérèse, mais vous aviez compris :hap : ). Un récit autobiographique où elle parle de son expérience mystique, de son désir de devenir carmélite, et de vivre dans l'amour du Christ.
Dernièrement j'ai bouclé Ubik, de K. Dick, qui est juste monumental. J'ai un peu (re)découvert cet auteur complètement dingue avec ce magnifique roman, que je conseille à tous.
Concernant mes chouchous, eh bien, je ne vais pas être aidant, vu que je ne retiens pas les noms :hap : . Citons toutefois quelques exceptions, comme Damasio (et la Horde du Contrevent, œuvre romanesque et poétique qui m'a retourné comme une crêpe), les romans de Dan Abnett sur l'univers de Warhammer 40.000 (Titanicus, la série des Ravenor), Hamiltion et sa saga du Commonwealth, Pratchett et les Annales du Disque-Monde, Christopher Priest, Wilson, mais d'autres plus classiques comme Vian, ou Barjavel (la Nuit des Temps, un véritable bijou de SF française). Et plein d'autres qui garnissent ma bibliothèque.
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J’interviewerai aujourd’hui l’acteur principal de cette renaissance de la communauté, notre idole à tous, notre modérateur Crazymarty ! 
I/ Marty et l’écriture
OMG 
