Salutations à tout le monde.
Puisque nous sommes un forum d’Écriture, il me semble intéressant de se plonger dans des œuvres, notamment cinématographiques, pour s'imprégner du récit à dessein d'imaginer par la suite de bonnes histoires. En l’occurrence, j’aimerais vous présenter un film de Science Fiction intriguant et fascinant, et qui mériterait d’être plus connu : The Man from Earth.
Ci-dessous, mon petit article sur le film en question, et pour les paress... curieux, le lien de la vidéo que j’ai bricolé à l’occasion. Bonne lecture et/ou bon visionnage.
http://youtu.be/m6zaHdtYUw4
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The Man from Earth est un film de science-fiction américain réalisé par Richard Schenkman à partir du scénario de l’écrivain Jérôme Bixby, mettant en scène des acteurs de seconds rangs tels que David Lee Smith, John Billingsley, Ellen Crawford et William Katt. Produit par Falling Sky Entertainment, ce film est sorti le 13 novembre 2007 aux États-Unis. Ce long-métrage a reçu le premier prix du meilleur film et le grand prix du meilleur scénario au festival de Rhode Island en août 2007. Le film n’a rien d’un classique, son budget est anecdotique, ses acteurs de seconds rangs, et il est directement sorti en DVD en France en 2011. Depuis, il a été massivement piraté au point de jouir d’une petite réputation sur Internet.
Il figure ainsi dans la liste des meilleurs films de Science Fiction sur le site Internet Movie Database où il est crédité d’une note de 8 sur 10. Un temps à la 42ème place, il est aujourd’hui à la 55ème, devant Edge of Tomorrow, Gravity, ET l’extraterrestre ou encore Gattaca.
Ce film est injustement méconnu du grand public, très peu distribué dans le monde et n’a probablement jamais été diffusé à la télévision. Pourtant, il parvient à nous émerveiller grâce son originalité.
L’histoire débute avec le professeur John Oldman qui s'apprête à prendre la route et à tout abandonner pour commencer une nouvelle vie. Il reçoit alors la visite surprise de ses amis et collègues de travail, qui lui ont préparé une fête d'adieu : le biologiste Harry ; Edith, enseignant l'histoire de l'art et par ailleurs fervente chrétienne ; l'anthropologue Dan ; l'historienne Sandy, amoureuse de John ; le psychiatre Will Gruber ; l'archéologue Art et son élève Linda. Devant l'insistance de ses collègues qui lui demandent la raison de son départ prématuré, John finit par leur révéler qu'il est en réalité un homme des cavernes. C'est à partir de ce moment précis que notre curiosité est mise à rude épreuve : John Oldman fait-il une blague ? A t-il perdu la raison ou est-il véritablement sérieux ?
Lors des premières minutes de visionnage, The Man from Earth peut aisément passer pour un énième téléfilm allemand diffusé l’après-midi pour combler la programmation d’une chaine de la TNT. L’image brille par sa qualité douteuse et des acteurs qui n'y croient pas une seconde.
Ellen Crawford porte avec dynamisme son personnage plein d’énergie. Tony Tood se donne beaucoup de mal pour endosser le rôle de grand sage en plissant des yeux derrière ses lunettes ou en gribouillant sur son petit carnet. Richard Riehle ne parvient pas à passer pour un psychiatre crédible malgré son écharpe. Quant à Annika Peterson, elle a autant de charisme qu’un réfrigérateur pendant une panne de courant.
Et pourtant... Si le jeu des acteurs est très largement discutable, la profondeur des dialogues et la sympathie émanant de chaque personnage ont vite fait de nous plonger dans l’histoire.
Pour une fois, pas de planète menacée, pas d’invasion à craindre, pas de guerre cosmique. Simplement, une pièce, des scientifiques, un pot de départ, et un homme se disant immortel. Voilà le point de départ de ce récit, surprenant, malin et insolite. De la science fiction dans toute sa pureté.
The Man from Earth s’inscrit à l’opposé des grosses productions qui misent davantage sur l’image que le discours. Une voix suffit pour nous émerveiller : celle de John Oldman, 14 000 printemps au compteur et pas une ride, qui décide, pour la première fois de son existence, de révéler son secret à ses amis avant de les quitter pour toujours. Bien entendu personne ne le croit, certains s’inquiétent même pour sa santé mentale, et les questions s’enchaînent.
The Man from Earth présente ainsi la double particularité d’être à la fois un huis clos et une fiction à temps réel. Un cinéphile averti ne pourra s’empêcher d’y voir une similitude avec l’indémodable 12 hommes en colère où un homme seul, parvient à changer l’opinion des onze autre personnes par la seule force de ses arguments. Si l’action se concentre dans un salon, le film multiplie les astuces. Les angles sont rarement les mêmes, la lumière change pour passer du jour à la nuit, et le décor se transforme avec des déménageurs qui retirent des meubles.
Les répliques fusent sans jamais s'arrêter. Chaque personnage étant expert dans un domaine précis, la complexité et la richesse de la trame n'en est qu'accrue. The Man from Earth nous bouscule en relatant des faits historiques et religieux, les réinterprétant d'une manière très originale.
Si cela peut paraitre rébarbatif, on découvre au fil du temps que c'est au contraire, la puissance du long métrage. On se retrouve troublé tant l'intelligence transpire des dialogues où les personnages se servent de leur connaissance pour les articuler dans une démonstration à dessein de trouver une faille dans le mystérieux récit de John Oldman.
Un des aspects les plus fascinants du cinéma se retrouve, à savoir la capacité pour un réalisateur à proposer des pistes de réflexions en plus de divertir. Biologie, histoire, et surtout, religion, tout y passe au travers d'un récit simple, mais loin d’être simpliste car il n’y aucun tabou : toutes les lignes sont franchies sans craintes. Alors que la religion est un sujet difficile au cinéma, de surcroît aux États-Unis, la mythologie biblique est ici totalement réécrite par les étranges révélations de l’immortel.
Par exemple, John explique ne pas croire en une puissance divine mais ne réfute pas non plus l'hypothèse de son existence. Une bien sage pensée dont Ridley Scott aurait du s’inspirer au lieu de nous servir dans Prometheus la scène qui est une insulte à l’intelligence humaine où Shaw explique ses croyances. The Man from Earth reste dans le vraisemblable, notamment avec une référence à Nietzsche pour qui le christianisme était similaire au bouddhisme. Cette religion passe clairement au premier plan dans le film, grâce aux questions de réincarnation ouvertement posée et, bien sur, au fait que John avoue avoir rencontré Bouddha, déclarant qu'il était l’homme le plus formidable qu'il ait jamais rencontré.
Cependant, comment classer telle ou telle œuvre comme étant de la science fiction ? L’immortalité n’est pas le fruit d’une technologie et le monde compte beaucoup d’hommes ayant influencé le court de l’Histoire à eux seul. Il faut s’en remettre à la présence de tous ces scientifiques qui amène à poser cette question : et si finalement ce que nous avons sous les yeux était possible ? Ce ne serait plus de la science fiction et ce serait accepter le fait qu'un homme peut ne jamais vieillir. Voilà en quoi il s’agit de vraie science fiction : se mettre à croire en quelque chose que l'on sait absolument impossible.
Ainsi, Oldman, qui au début n'arrivait qu'à amuser ses collègues, finit par presque réussir à détruire toutes leurs connaissances, leurs croyances et leurs espérances. Les larmes de rire font place aux larmes de désespoir et de haine. On pourrait cependant redouter la fin du film tant les réponses aux questions posées seraient potentiellement décevantes. La facilité aurait été de laisser le film en suspens, concluant avec une fin ouverte, entubant le spectateur à la manière d’un David Lindelof avec la fin de Lost. Richard Schenkman n'en fait rien, il nous apporte une fin claire et précise... Et réussit son coup.
The Man from Earth est un excellent film de science fiction qui traite de sujets multiples et fascinants sans avoir à verser dans la surenchère. En somme, un film qui démontre de la plus belle des façons que le pouvoir des mots est puissant, et l'imagination, bien plus forte que les images.
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