Voila le début du projet de fantasy sur lequel je planche depuis un petit temps. Le texte est (en théorie) corrigé, la lecture n'en sera que plus agréable, j'imagine. Ou pas. Ce début fait office de "prologue", les événements étant antérieur a tout ce qui suivra
Et non, je n'abandonne pas "les étranges aventures d'écriture", donc pas la peine de me poser la question
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L'anneau de commandement
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L'obscurité lui procurait un plaisir certain, un sentiment de puissance bien à lui. Une fois la lumière du jour déclinante, seul le feu pouvait vous découvrir. La dernière torche éteinte, il se cala le plus confortablement possible sur le rebord de la terrasse. La chambre du jeune prince dominait la plaine qui s'étendait, paisiblement, jusqu’à l'horizon. Un endroit d’où on pouvait toiser le monde, un endroit qui lui allait très bien. A défaut d'être passionnante, sa mission n'en restait pas moins plutôt agréable.
Le roi l'avait assigné à la surveillance permanente de son fils. Une surveillance qui n'était, selon lui, aucunement justifiée. Le jeune prince vivait dans l'opulence du château, chacun ici bas se bousculant pour s'accorder ses faveurs. Le roi n'avait rien voulu savoir. Lorsqu'il lui demanda pourquoi il ne confiait pas cette surveillance primordiale à l'un de ses soldats, ou mieux encore, à l'un de ses précieux capitaines, celui-ci se contenta d'une réponse pour le moins inattendue.
« La confiance est quelque chose de relatif. Concernant l'avenir de mon fils, je ne peux avoir confiance qu'en toi, Egar. »
Il s'amusa lui même de son imitation. « Le roi »... Il s'y était fait, petit à petit. Leur rencontre, leurs aventures, son dénouement, rien ne pouvait se rapprocher, de près ou de loin, de faits dignes d'un seigneur, mais cet homme l'avait sorti d'une autodestruction programmée. Il lui avait donné une chance. Il se remémora l'instant où sa lame, pourtant, avait failli lui trancher le cou. Une fois leur rencontre agitée terminée, ses talents innés et son abnégation l'avaient également sauvé une bonne douzaine de fois. Cela devait jouer, supposait-il.
— C'est mon père que vous imitez ?
La petite voix fluette le sortit de sa nostalgie. Le prince se tenait au milieu de la terrasse, en habit de nuit, baillant à s'en rompre la gorge.
— Vous devriez être au lit, Majesté, se contenta-t-il de lui signifier.
— Je n'arrive pas à dormir. Puis je n'aime pas lorsque vous me nommez de la sorte.
— Et comment donc voudriez vous que je vous nomme, lui répondit-il amusé.
— Ben... Salak, puisque c'est mon nom.
Il se contenta de sourire tout en continuant d’aiguiser la lame de son poignard. Le môme n'avait pas encore huit ans. L'âge où, en cas de force majeure, un héritier pouvait être considéré comme un souverain légitime. Un gamin pourri gâté, qui n'avait comme mérite que d'être le fils de son père. Cela finirait par le rendre malade, tant de précaution de langage envers un mioche a peine sorti des jupons de sa génitrice. Un léger désagrément en comparaison de la dette qu'il croyait être la sienne.
— Question de principe envers votre personne si prestigieuse, Majesté, ironisa-t-il.
Le gamin ne s'en contenta pas.
— Je ne suis peut-être pas si prestigieux que vous, reste que vous ne m'avez même pas vu venir... pas terrible pour celui qu'on surnomme « la lame de l'ombre »...
Piqué à vif, il ne put s’empêcher de répondre à la provocation. Le jeune prince le perdit des yeux sans même s'en rendre compte. L'ancien vagabond fit glisser sa lame courte sous la nuque de l'enfant, qui se retourna vivement, laissant transparaître une peur qu'il tentait tant bien que mal de contenir. Egar se contenta de lui administrer une pichenette sur le front.
— Adrianna va se faire réprimander si quelqu'un vous découvre dehors, en habit de nuit, à cette heure-ci. Vous ne voudriez pas que votre pauvre domestique endosse la responsabilité de vos escapades nocturnes, n'est-il pas ?
L'enfant secoua vivement la tête. La seule mention de sa domestique bien aimée le fit capituler. Il s’apprêtait a tourner les talons lorsque la porte de la chambre, au loin, vola en éclats. Les premiers morceaux de bois n'eurent pas le temps de toucher le sol qu'Adrianna, se réveillant en sursaut, poussa son dernier cri lorsqu'elle aperçut la lame prête a la décapiter. Il agrippa le gosse par le col et le tira violemment derrière lui, tout en essuyant un premier carreau d'arbalète dans l'avant bras. La tête de la domestique roula a ses pieds. Sans un réflexe hors du commun, le projectile l'aurait atteint en pleine gorge. Il fit sauter son épée dans sa main gauche et analysa la situation. Une demi-douzaine d'hommes masqués, en armures lourdes. Trop peu pour l’impressionner outre mesure. Il n'avait pas peur de mourir et entre toute les morts possibles, s'il lui était donné d'en choisir une, alors son choix se porterait assurément sur un trépas par les armes.
« La confiance est quelque chose de relatif. Concernant l'avenir de mon fils, je ne peux avoir confiance qu'en toi, Egar. »
Il se remémora les paroles du roi, son air grave, soucieux. Une vilaine intuition le piqua soudain. Le roi n'était plus. Les inconnus masqués venaient simplement finir le boulot et éliminer l'héritier. Tout ce qu'il pouvait faire pour cet homme, maintenant, était d'accéder à sa dernière requête. Il rengaina, prit le jeune prince dans ses bras et sauta par dessus le muret de la terrasse. Un nouveau carreau d'arbalète lui traversa le bas-ventre, entaillant l'os de sa hanche. Une sale blessure. Il dévala la pente de pierre en tentant de rester sur le dos, protégeant l'enfant du mieux qu'il put. Une de ses côtes se brisa, il cracha une gerbe de sang sur la tignasse ébène du jeune prince, puis s’efforça de tenir bon. Son crâne heurta le sol violemment, ne laissant qu'un voile noir comme horizon. Il s'évanouit.