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Sujet : [Nouvelle] La Groac'h
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Orlaine
Niveau 10
13 février 2020 à 20:59:08

Avant que vous ne lisiez, sachez que je poste ici pour avoir des retours, logique, mais surtout pour me motiver à continuer d'écrire. J'ai tendance à laisser mes projets en suspens. Ce soir, j'ai eu une idée, j'ai commencé à l'écrire, c'est ce qui va suivre. Je me forcerais à écrire la suite demain, pour pas vous laisser un morceau de texte sans fin, comme ça. Faut que je m'habitue à reprendre des textes sans passer en mode "Bof, ça m'intéresse plus..." ou "Bof, j'ai la flemme là tout de suite...". Donc voilà, désolée si le texte est entrecoupé, et probablement à demain pour la suite. :hap: Bonne lecture.

La mer et le ciel n’avaient pas été aussi bleus depuis longtemps. La brise était agréable, les quatre jeunes hommes présents sur le pont du bateau se moquaient des mouettes qui tournaient dans le ciel en attendant qu’ils remontent leurs filets pour se servir en poissons. Rien n’indiquait que cette journée serait aussi singulière, et pourtant…
- Alors, nous avons de belles prises ?
- Regarde, au fond du filet !
- Qu’est-ce que c’est ?
- C’est quoi ce bruit ?
- Ça pleure !
- …C’est un bébé !

Six ans plus tard

- Loïk, réveille-toi ! J’entends des cris dehors ! Debout !
Loïk Cardanec ouvrit un œil, l’esprit encore brumeux. Sa femme Nolwenn lui secouait l’épaule en regardant vers la fenêtre. Il écouta. Effectivement, un homme criait dehors, et un autre – ou bien une femme – semblait se plaindre. Le plancher grinça. La silhouette de Morgan apparut sur le seuil de la chambre.
- Maman ? Papa ? Qu’est-ce qui se passe dehors ?
- Papa va aller voir, ne t’inquiète pas mon chéri. Va te recoucher.
Loïk s’habilla en vitesse, et sortit. Les disputes étaient rares dans ce petit village de pêcheurs, mais ces derniers temps, l’ambiance était… différente. Le poisson se faisait rare au plus près de la côte, les hommes passaient la plupart de leur temps en mer et cela semblait avoir un impact sur tous les habitants. Cette fois, c’était Owen qui hurlait des insanités sur sa femme. Loïk ne connaissait pas le prénom de cette dernière, mais reconnaissait ses longues boucles rousses. Elle était recroquevillée sur les pavés. Loïk se demanda si son époux l’avait frappée.
- Owen ! Owen ! Calme-toi ! Qu’est-ce qui se passe ?
A leur fenêtre, certains citoyens passaient leur tête pour voir ce qui se passait. Certains adressèrent un petit signe de main à Loïk avant de retourner au lit. Loïk était très respecté dans le village. Ce n’était pas le chef à proprement parler, il n’avait aucun réel pouvoir, mais beaucoup admiraient sa sagesse et son grand cœur.
Owen jeta un regard fou à son interlocuteur. Ses yeux brillaient dans la pénombre et sa barbe était constellée de petits postillons brillants.
- Cette chienne ! Cette chienne !
Il asséna un coup de pied dans les côtes de sa femme pour ponctuer sa phrase. Le mouvement de repli qu’elle eut dégagea son visage. Elle saignait du nez. Loïk n’avait encore jamais vu un comportement pareil. Il prit le bras d’Owen.
- Ça suffit ! Ne vois-tu pas l’état dans lequel elle est ?! Arrête !
Puis, l’écartant un peu de sa victime, il se pencha vers elle.
- Madame ? Ça va ?
L’air hagard, elle ne répondit rien. Elle semblait sonnée. Owen profita du silence pour se remettre à hurler :
- Cette salope ! Elle s’est faite baiser pendant que j’étais en mer ! Baiser ! Elle est grosse !
- Owen, calme-toi ! S’il te plait, reprends-toi !
Loïk jeta un coup d’œil autour de lui, espérant que quelqu’un, de préférence quelqu’un de suffisamment costaud pour maîtriser Owen au cas où, n’arrive pour l’aider. A la fenêtre de sa chambre, son fils Morgan regardait d’un œil curieux ce qui se passait à l’extérieur.

Le lendemain matin, le village ne parlait plus que de ça : la femme d’Owen l’avait trompé en son absence et était tombée enceinte. Qui était le père ? Les paris étaient ouverts, car si tous les hommes d’âge mur du village s’absentaient pour pêcher pendant plusieurs jours, ceux qui étaient encore dans l’adolescence eux, restaient au village avec leur mère et leurs sœurs. Il y avait donc plusieurs candidats à cette possible paternité.
- C’est malheureux, mais il faut s’attendre à ce genre d’histoires, dans un village comme le nôtre, avait lâché Nolwenn en servant le déjeuner à son époux et à son fils.
- Ce qui m’inquiète, c’est le sort de ces deux-là.
- Elle va quitter le village et vivre chez sa sœur, à ce qu’on dit. Pour lui, en revanche… Dieu seul sait ce que l’avenir lui réserve.
- On dit qu’il se saoule depuis que le pub est ouvert, fit Loïk.
- Ah ça ! Ça ne m’étonnerait pas, répondit sa femme d’un air entendu. Du moment qu’il n’a plus d’accès de violence.
- Il s’est excusé auprès de moi, déclara Loïk. Il assure s’être emporté. Après la colère, c’est le chagrin qui va le ronger.
- C’est la vie ! fit Morgan d’un ton entendu.
- Et qu’est-ce que tu sais de la vie, du haut de tes six ans ? demanda Nolwenn à son fils en souriant, amusée.

Le soir-même, on jeta Owen hors du pub où il avait passé sa journée à broyer du noir en buvant de l’alcool. Il avait redouté cet instant toute la journée. Il ne voulait pas remettre les pieds chez eux. Enfin, chez lui. Mais pas là où tous ces souvenirs flottaient encore. Pas là où l’odeur de sa femme continuait d’imprégner le lit. Sa femme qui l’avait lâchement trahi. Sa femme qui avait décidé que son premier enfant serait celui d’un autre, plutôt que le sien. Ses yeux se brouillèrent de larmes. Il savait qu’elle avait quitté le village, mais il n’était pas prêt à affronter son souvenir. Il ne voulait pas. Et pendant qu’il tentait de ravaler ses sanglots, seul dans l’obscurité, avec pour seule compagnie le bruit des vagues au loin, il aperçut une silhouette blanche. Il essuya ses larmes, se sentant soudain gêné de pleurnicher en pleine rue.
- Qui est-là ? demanda-t-il.
Personne ne répondit, mais la silhouette resurgit de derrière un angle de mur. Maintenant qu’il y voyait plus clair, c’était une jeune femme. Elle ne portait rien. La lumière de la lune semblait absorbée par sa peau nue et la rendait quasiment brillante. Ses cheveux descendaient jusqu’à ses mollets, blonds platine et ondulés comme l’océan par un jour calme. Ses jambes étaient fines et légères, et elle s’approcha en souriant d’un air mutin. Ses yeux noisette étaient fascinants, tout comme la fossette qui creusait son menton. Les yeux d’Owen s’attardèrent sur sa poitrine. Ses seins laiteux offraient deux tétons roses tout à fait appétissants. Il se demanda depuis combien de temps sa femme – son ex-femme – ne l’avait pas touché. Bien trop longtemps.
Il s’approcha, incertain de la démarche à suivre. Devait-il parler ou attendre que la jeune fille ne fasse le premier pas ? Une chose était sûre, elle était là pour le séduire. Elle lui souriait tout en continuant d’approcher. Il lui rendit son sourire et fit un pas en avant. Alors elle recula, avec le même sourire figé. Il haussa un sourcil. Devait-il la suivre ? L’attraper ? Se moquait-elle de lui ? Il refit un pas. Elle recula à nouveau d’un seul pas. Il commençait à marcher dans sa direction. Elle reculait au même rythme que lui. Il sourit béatement.
- Hé, ne pars pas ! Attends !
Il se mit à courir, et elle se retourna dans une cascade de longs cheveux brillants pour mieux courir également. Ses bras se balançaient avec légèrement dans sa course, et de temps à autre, elle se retournait pour vérifier qu’Owen était toujours là. Il tomba plusieurs fois, mais, bonne joueuse, elle attendit qu’il se relève à chaque fois. Leur petite course dura jusqu’à la plage, où la marée était haute. Owen était en nage, menaçant de cracher ses poumons à chaque instant, mais heureux, tellement heureux de ne pas avoir laissé la demoiselle s’échapper. Elle entra dans l’eau. Son sourire avait évolué. Moins enfantin, il paraissait maintenant bien plus provocateur aux yeux de celui qui le regardait. Il la désirait. Il la suivit au milieu des vagues, sans prendre attention au froid mordant de l’eau. Il la suivit jusqu’à un point où il avait à peine pied. Le visage de celle qui semblait à présent sirène dépassait tout juste de l’eau. Owen s’approcha pour l’embrasser. Il sentit enfin les bras de la jeune fille s’enrouler autour de lui. S’enrouler, encore et encore.
Il devenait de plus en plus petit. Une douleur lancinante se fit sentir au niveau de sa gorge. Il avait l’impression qu’on lui ouvrait les trachées. Sa vision se brouilla. Pour finir, ce n’était plus que la main de la jeune fille qui le maintenait hors de l’eau. Il agitait ses nageoires pour s’en sortir, espérant que ses écailles ne soient assez glissantes pour s’échapper. Il avait besoin de l’eau, il avait besoin de respirer. Mais la jeune fille regagna la plage. Elle s’arrêta devant un imposant galet. Et elle fracassa le poisson contre le galet, une, deux, trois fois.

Iucide
Niveau 10
14 février 2020 à 00:00:35

Ses bras se balançaient avec légèrement

légèrement / avec légèreté

T'as répété "d'un ton entendu" en l'espace de deux lignes aussi il me semble

Du reste, c'est très bien écrit et intéressant
Je peux pas dire que je m'attendais pas à la tournure des évènements vu l'avatar, mais en tout cas c'est vraiment propre et intrigant, je lirai la suite à l'occasion, c'est droit dans les cordes de ce que j'aime lire pour l'instant

Je connaissais pas la groac'h en plus

Barbebarde
Niveau 28
14 février 2020 à 09:37:50

Je trouve ça très bien écrit et j ai accroché du début à la fin. Je suis également content de voir le folklore français (breton) utilisé, ça change de ce qu'on voit d'habitude.

Il n'y a peut-être que le début qui m'a chiffonne car je ne vois pas la relation entre le début et le reste de l histoire ? Le bébé serait-il le fils de la femme d'Owen ? Ou est ce intentionnel et tu reviendras dessus plus tard dans un autre texte ?

De même en visualisant le texte comme si un film se déroulait sous mes yeux la première scène du début me semble trop courte. La tension ne monte pas assez pour que la surprise du bébé soit efficace.

J'aurais aimé une description plus longue du pont du bateau, du roulis des vagues, des embruns iodés de la mer, peut être surprendre la conversation grivoise de deux marins... Faire monter la tension, décrire les marins chercher les cris sur le bateau, interloqué, voir leur étonnement sur leur visage, les algues emmêlés sur la tête du bébé, les poissons qui se débattent encore voulant profiter de la stupeur pour retourner à la mer en se debattant vainement.

Bref plus d habillage, plus de matière sur la séquence d introduction. Le reste est parfait.

Orlaine
Niveau 10
14 février 2020 à 11:24:57

Merci pour vos réponses ! :-)
Je vais me relire par rapport à ces petites erreurs de répétition.

Je ne connaissais pas la Groac'h non plus, je me suis renseignée sur les monstres marins via Wikipédia parce que je comptais participer à un appel à texte sur le fantastique et la mer. Et j'ai accroché avec cette créature, mais ce que j'écris là ne correspond plus aux conditions de l'appel à texte - tant pis. :nah: Je préfère écrire pour mon plaisir pour le moment.

La scène du début reviendra plus tard, c'est pour ça que je l'ai un peu éclipsée. Je voulais justement qu'elle paraisse futile, voir qu'elle soit oubliée du lecteur par rapport aux événements qui se produisent ensuite.

La suite cet après-midi, à tout à l'heure. :hap: /

Iucide
Niveau 10
15 février 2020 à 22:04:09

https://image.noelshack.com/fichiers/2017/02/1484255756-1484255737873.png

Douceintello
Niveau 28
18 février 2020 à 13:40:23

SWEET

Barbebarde
Niveau 28
18 février 2020 à 18:59:12

Prends ton temps :oui: Qualité > Deadline

CaramelSolide
Niveau 6
18 février 2020 à 20:10:51

J'adhère avec mes VDD, j'ai beaucoup aimé et j'attends aussi la suite ! Rien à dire qui n'ai déjà été dit

Orlaine
Niveau 10
08 février 2021 à 16:46:04

Coucou, oui, donc je poste la suite presque un an après, je sais, je ne me suis absolument pas tenue à mon engagement, et vous avez le droit d'être méchants avec moi. :hap: Bon, à l'année prochaine pour la troisième partie de mon récit du coup ? :rire:

Le lendemain, personne ne chercha à savoir où était passé Owen. A vrai dire, tout le village le croyait chez lui à se morfondre ou à boire – ou les deux. Ce n’est qu’après trois jours qu’un membre du même équipage que lui alla frapper chez lui.
- Owen ?
Pas de réponse.
- Owen ! Le capitaine Henrick aimerait savoir si tu pars avec nous ou pas…
Et vu qu’il n’y avait toujours pas de réponse, le marin continua.
- Ce n’est pas grave si tu ne pars pas, tu sais. Il y a le fils des Kerallic qui se porterait volontaire, il est assez vieux, maintenant, alors…
Au moment où il prononça ces mots, l’homme se demanda si c’était le fils Kerallic qui avait pu mettre la femme d’Owen enceinte. Il espéra ensuite ne pas avoir froissé Owen qui, il était sûr, l’écoutait attentivement.
- Ce n’est pas grave, répéta-t-il. Je vais dire au capitaine que tu viendras une prochaine fois.
Il attendit quelques secondes, le temps d’une éventuelle réponse, puis salua la porte et s’éloigna en direction du port. Lorsque le capitaine Henrick apprit l’absence de réponse, il s’inquiéta et prévint Loïk, qui s’occupait lui-même de son bateau, le Téthys.

Le Téthys mouillait au port du village depuis presque cinquante ans ; le père de Loïk l’avait fait construire dans sa jeunesse. Il avait vécu de nombreux mois de pêche tumultueuse au large, mais était à quai depuis plusieurs années maintenant. Loïk continuait de le chérir et de l’entretenir chaque jour, se promettant qu’un jour, son fils Morgan en hériterait et irait pêcher avec. D’autant plus que le petit garçon était étroitement lié à ce bateau.
Des années de ça, par une belle journée d’été, le bébé qu’il était alors avait été remonté dans les filets du navire, ces mêmes filets soigneusement entretenus qui étaient encore arborés par le Téthys. Personne n’avait compris comment un nourrisson avait pu se retrouver au large, seul. Pas une seule embarcation, ni même un îlot à l’horizon. Le bébé était nu, au milieu de quelques poissons s’agitant autour de lui. Il hurlait à plein poumons, probablement transi par le froid des flots, le sel et l’eau qui avait dû s’infiltrer dans ses poumons.
Abasourdis, certains membres d’équipage avaient crié au mauvais sort et avaient réclamé qu’on remette l’enfant à la mer, mais Loïk, capitaine respecté, avait eu le dernier mot : il était hors de question de laisser mourir un bébé en mer. Certes, sa découverte avait été surprenante. Mais il n’était pas du genre à croire aux contes de bonnes femmes, et il avait personnellement vu ce bébé comme un cadeau de la Providence. Nolwenn et lui n’avaient jamais réussi à avoir d’enfant. Il l’adopta et le baptisa Morgan, « celui né de la mer ». Ce dernier fit leur bonheur, et s’intégra parfaitement au sein du village. Son histoire faisait désormais partie des mythes locaux, qu’on racontait de vive voix autour d’une chope de bière aux étrangers de passage. Ces derniers y croyaient rarement.

- Loïk ? demanda Henrick.
- Qu’y a-t-il pour ton service, Henrick ? répondit poliment l’intéressé, qui s’arrêta de frotter le pont.
- Désolé de te déranger avec ça, mais… Tu veux pas qu’on aille voir Owen une bonne fois pour toutes ? C’est que j’ai envoyé un de mes gars, il l’a complètement ignoré, il a pas ouvert la porte, rien. Je me fais du souci pour lui.
- Je comprends, ça ne me dérange pas. Allons-y tout de suite, il vaut mieux mettre ça au clair.

Les deux hommes quittèrent le port pour prendre la direction du village. Arrivés devant la maison d’Owen, Loïk frappa et déclara d’une voix forte.
- Owen. C’est Loïk et Henrick. On s’inquiète, vieux bougre, ouvre.
Toujours pas de réponse. Ils insistèrent, puis menacèrent d’enfoncer la porte si Owen ne montrait pas signe de vie – ce qu’il ne fit évidemment pas. Alors les deux hommes enfoncèrent la porte et pénétrèrent la maison vide.
Ils réunirent le village entier sur la place pour demander à tous si Owen avait été vu. Si quelqu’un l’avait entendu parler d’un départ quelconque. Si sa femme, partie chez sa sœur, avait envoyé de quelconques nouvelles de lui. Personne ne savait où Owen était passé. Si la plupart des habitants s’imaginaient qu’Owen était parti sans dire mot à personne, d’autres craignaient qu’un accident ne lui soit arrivé alors qu’il était ivre… Ou pire encore, et s’il était parti en finir, quelque part ?
C’est dans une ambiance morose que tout le monde rentra chez soi, et sur la place, on ne parla jamais plus d’Owen.

Quelques semaines plus tard, un nouveau drame secoua le village. La voisine des Cardanec, Océane, accoucha d’un enfant mort-né. C’était Nolwenn, la femme de Loïk, qui l’avait assistée. Il n’y avait pas de réelle sage-femme au village, et le médecin le plus proche vivait à plusieurs lieues de là. Les accouchements se faisaient donc dans l’intimité, et la plupart du temps, aucun accident n’était à déplorer.
Cette fois-ci, rien ne laissa pressentir qu’un malheur arriverait ; Océane était bien portante, avait déjà trois enfants en parfaite santé, était dans la fleur dans l’âge. Qu’aurait-il pu arriver ? Par ailleurs, que se produisit-il ? Loïk comprit rapidement en voyant revenir son épouse, l’air abattu. Elle ne dit mot, hormis pour appeler Morgan. Elle serra son fils contre elle et sentit l’odeur de ses cheveux. Une fois l’étreinte relâchée, et l’enfant retourné jouer dans la pièce voisine, des larmes coulèrent le long de son visage. Loïk ne lui posa aucune question, et se contenta de lui faire avaler du bouillon bien chaud et de l’emmener au lit se reposer.
Le lendemain, comme avant la disparition d’Owen, les gens chuchotaient à voie basse du drame qui s’était produit. Mais cette fois-ci, la rumeur enfla. On parla d’enfant si malformé que, plutôt que de l’enterrer comme un bon chrétien, il avait dû être rejeté à la mer. C’est en tout cas ce que prétendaient certains, qui auraient vu les parents du bambin se débarrasser d’une boîte en bois, sur la plage. A l’enfant, on prêta des cornes, des nageoires, et même des défenses de morse. Loïk fit de son mieux pour faire taire les médisances, d’autant plus que le père était sans arrêt à l’extérieur – en taverne ou bien au port, comme à éviter sa famille dans la mesure du possible. Cela dit, il était toujours seul ; tout comme sa femme que l’on ne voyait plus que par ses fenêtres, à préparer le repas de ses trois enfants bien vivants, ou à faire sécher ses linges aux grands vents.
Elle-même semblait avoir perdu beaucoup de poids, mais que pouvait-on y faire ? Elle s’excluait elle-même du village, où avant pourtant, elle aidait sur les marchés et travaillait comme couturière.

Après ce sinistre événement, le poisson vint à manquer davantage. Là où autrefois les filets remontaient, pleins de sardines et autres denrées, les bateaux ne s’éternisaient désormais plus – car seuls quelques tourteaux malchanceux s’y retrouvaient pris au piège. Au village, on s’inquiétait : les hommes devaient s’absenter davantage, parcourir de plus longues distances. Il fallait réunir suffisamment de nourriture pour tenir plusieurs jours en mer, ce qui, avec le temps, s’avéra de plus en plus compliqué. Un matin, on retrouva la vieille veuve Kerouac en train de s’époumoner ; elle prétendait qu’on lui avait volé deux poules. Loïk tenta de calmer le jeu, invoquant une erreur d’inattention de la part de la femme, mais n’étant nullement certain du nombre initial de poules qu’elle possédait, l’affaire en resta là – et la vieille Kerouac demeura encore plus aigrie qu’à l’habitude.
Les séjours en mer semblaient de plus en plus longs à Loïk. Il n’était plus tout jeune et s’impatientait toujours plus de retrouver sa famille. Son fils grandissait sans lui. Il savait pertinemment qu’il n’était pas le seul dans ce cas, et tâchait toujours de ne rien laisser paraître. Pour relativiser, il pensait régulièrement au mari d’Océane, qui lui était loin de ses trois enfants – et avait perdu ce qui aurait dû être son quatrième. L’homme faisant parti du même équipage que lui, il avait remarqué à quel point ce dernier se murait dans son silence, et se contentait de faire ce qu’on lui demandait à bord. Tout le monde respectait ce choix et se faisait discret en sa présence, comme si chacun devait l’aider à porter son deuil.

Nogara_Watson
Niveau 2
23 mars 2021 à 10:39:14

Coucou !
Je viens de lire les deux parties en même temps, c'est tres intéressant !
Je pense que ce récit ne devrait pas être qualifié de nouvelle cependant, car il va falloir développer tout ça encore plus longtemps pour que le mystère planne d'autant plus, que la tension se fasse ressentir encore plus intensément.

J'aime beaucoup l'univers, l'ambiance du petit village qui tourne au morose; tout le monde se connait, et les drames impactent tout le monde. Je vois très bien le décors grisâtre et c'est très agréable.

Par contre au niveau des personnages j'ai souvent eu du mal à m'y retrouver, de nouveaux noms apparaissent parfois sans explications ou descriptions, et j'ai eu beaucoup de mal à m'y retrouver, à savoir qui vivait avec qui, qui est le père de qui etc...
Ce qui m'emmène à un nouveau point; comme disait Barbebarde (l'année dernière apparemment du coup ahah), il serait d'autant plus sympathique de trouver des descriptions (de personnages ou décors) plus détaillées, de prendre le temps là dessus, pour installer une véritable ambiance, et que l'on s'impregne bien dans l'histoire, qu'on s'attache aux villageois. Car pour l'instant, l'hisoire est très intéressante mais on a toujours pas l'impression d'en faire parti. Des petits paragraphes descriptifs pourront très facilement y remédier!

Autrement j'ai hâte de la suite (dans moins d'un an j'espere ahah), hâte de connaître le mystere autour de la créature nue, et du bébé Morgan trouvé en mer. Continue sur cette lancée ! Merci pour ton partage !!

Nogara

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Sujet : [Nouvelle] La Groac'h
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