Avant que vous ne lisiez, sachez que je poste ici pour avoir des retours, logique, mais surtout pour me motiver à continuer d'écrire. J'ai tendance à laisser mes projets en suspens. Ce soir, j'ai eu une idée, j'ai commencé à l'écrire, c'est ce qui va suivre. Je me forcerais à écrire la suite demain, pour pas vous laisser un morceau de texte sans fin, comme ça. Faut que je m'habitue à reprendre des textes sans passer en mode "Bof, ça m'intéresse plus..." ou "Bof, j'ai la flemme là tout de suite...". Donc voilà, désolée si le texte est entrecoupé, et probablement à demain pour la suite. Bonne lecture.
La mer et le ciel n’avaient pas été aussi bleus depuis longtemps. La brise était agréable, les quatre jeunes hommes présents sur le pont du bateau se moquaient des mouettes qui tournaient dans le ciel en attendant qu’ils remontent leurs filets pour se servir en poissons. Rien n’indiquait que cette journée serait aussi singulière, et pourtant…
- Alors, nous avons de belles prises ?
- Regarde, au fond du filet !
- Qu’est-ce que c’est ?
- C’est quoi ce bruit ?
- Ça pleure !
- …C’est un bébé !
Six ans plus tard
- Loïk, réveille-toi ! J’entends des cris dehors ! Debout !
Loïk Cardanec ouvrit un œil, l’esprit encore brumeux. Sa femme Nolwenn lui secouait l’épaule en regardant vers la fenêtre. Il écouta. Effectivement, un homme criait dehors, et un autre – ou bien une femme – semblait se plaindre. Le plancher grinça. La silhouette de Morgan apparut sur le seuil de la chambre.
- Maman ? Papa ? Qu’est-ce qui se passe dehors ?
- Papa va aller voir, ne t’inquiète pas mon chéri. Va te recoucher.
Loïk s’habilla en vitesse, et sortit. Les disputes étaient rares dans ce petit village de pêcheurs, mais ces derniers temps, l’ambiance était… différente. Le poisson se faisait rare au plus près de la côte, les hommes passaient la plupart de leur temps en mer et cela semblait avoir un impact sur tous les habitants. Cette fois, c’était Owen qui hurlait des insanités sur sa femme. Loïk ne connaissait pas le prénom de cette dernière, mais reconnaissait ses longues boucles rousses. Elle était recroquevillée sur les pavés. Loïk se demanda si son époux l’avait frappée.
- Owen ! Owen ! Calme-toi ! Qu’est-ce qui se passe ?
A leur fenêtre, certains citoyens passaient leur tête pour voir ce qui se passait. Certains adressèrent un petit signe de main à Loïk avant de retourner au lit. Loïk était très respecté dans le village. Ce n’était pas le chef à proprement parler, il n’avait aucun réel pouvoir, mais beaucoup admiraient sa sagesse et son grand cœur.
Owen jeta un regard fou à son interlocuteur. Ses yeux brillaient dans la pénombre et sa barbe était constellée de petits postillons brillants.
- Cette chienne ! Cette chienne !
Il asséna un coup de pied dans les côtes de sa femme pour ponctuer sa phrase. Le mouvement de repli qu’elle eut dégagea son visage. Elle saignait du nez. Loïk n’avait encore jamais vu un comportement pareil. Il prit le bras d’Owen.
- Ça suffit ! Ne vois-tu pas l’état dans lequel elle est ?! Arrête !
Puis, l’écartant un peu de sa victime, il se pencha vers elle.
- Madame ? Ça va ?
L’air hagard, elle ne répondit rien. Elle semblait sonnée. Owen profita du silence pour se remettre à hurler :
- Cette salope ! Elle s’est faite baiser pendant que j’étais en mer ! Baiser ! Elle est grosse !
- Owen, calme-toi ! S’il te plait, reprends-toi !
Loïk jeta un coup d’œil autour de lui, espérant que quelqu’un, de préférence quelqu’un de suffisamment costaud pour maîtriser Owen au cas où, n’arrive pour l’aider. A la fenêtre de sa chambre, son fils Morgan regardait d’un œil curieux ce qui se passait à l’extérieur.
Le lendemain matin, le village ne parlait plus que de ça : la femme d’Owen l’avait trompé en son absence et était tombée enceinte. Qui était le père ? Les paris étaient ouverts, car si tous les hommes d’âge mur du village s’absentaient pour pêcher pendant plusieurs jours, ceux qui étaient encore dans l’adolescence eux, restaient au village avec leur mère et leurs sœurs. Il y avait donc plusieurs candidats à cette possible paternité.
- C’est malheureux, mais il faut s’attendre à ce genre d’histoires, dans un village comme le nôtre, avait lâché Nolwenn en servant le déjeuner à son époux et à son fils.
- Ce qui m’inquiète, c’est le sort de ces deux-là.
- Elle va quitter le village et vivre chez sa sœur, à ce qu’on dit. Pour lui, en revanche… Dieu seul sait ce que l’avenir lui réserve.
- On dit qu’il se saoule depuis que le pub est ouvert, fit Loïk.
- Ah ça ! Ça ne m’étonnerait pas, répondit sa femme d’un air entendu. Du moment qu’il n’a plus d’accès de violence.
- Il s’est excusé auprès de moi, déclara Loïk. Il assure s’être emporté. Après la colère, c’est le chagrin qui va le ronger.
- C’est la vie ! fit Morgan d’un ton entendu.
- Et qu’est-ce que tu sais de la vie, du haut de tes six ans ? demanda Nolwenn à son fils en souriant, amusée.
Le soir-même, on jeta Owen hors du pub où il avait passé sa journée à broyer du noir en buvant de l’alcool. Il avait redouté cet instant toute la journée. Il ne voulait pas remettre les pieds chez eux. Enfin, chez lui. Mais pas là où tous ces souvenirs flottaient encore. Pas là où l’odeur de sa femme continuait d’imprégner le lit. Sa femme qui l’avait lâchement trahi. Sa femme qui avait décidé que son premier enfant serait celui d’un autre, plutôt que le sien. Ses yeux se brouillèrent de larmes. Il savait qu’elle avait quitté le village, mais il n’était pas prêt à affronter son souvenir. Il ne voulait pas. Et pendant qu’il tentait de ravaler ses sanglots, seul dans l’obscurité, avec pour seule compagnie le bruit des vagues au loin, il aperçut une silhouette blanche. Il essuya ses larmes, se sentant soudain gêné de pleurnicher en pleine rue.
- Qui est-là ? demanda-t-il.
Personne ne répondit, mais la silhouette resurgit de derrière un angle de mur. Maintenant qu’il y voyait plus clair, c’était une jeune femme. Elle ne portait rien. La lumière de la lune semblait absorbée par sa peau nue et la rendait quasiment brillante. Ses cheveux descendaient jusqu’à ses mollets, blonds platine et ondulés comme l’océan par un jour calme. Ses jambes étaient fines et légères, et elle s’approcha en souriant d’un air mutin. Ses yeux noisette étaient fascinants, tout comme la fossette qui creusait son menton. Les yeux d’Owen s’attardèrent sur sa poitrine. Ses seins laiteux offraient deux tétons roses tout à fait appétissants. Il se demanda depuis combien de temps sa femme – son ex-femme – ne l’avait pas touché. Bien trop longtemps.
Il s’approcha, incertain de la démarche à suivre. Devait-il parler ou attendre que la jeune fille ne fasse le premier pas ? Une chose était sûre, elle était là pour le séduire. Elle lui souriait tout en continuant d’approcher. Il lui rendit son sourire et fit un pas en avant. Alors elle recula, avec le même sourire figé. Il haussa un sourcil. Devait-il la suivre ? L’attraper ? Se moquait-elle de lui ? Il refit un pas. Elle recula à nouveau d’un seul pas. Il commençait à marcher dans sa direction. Elle reculait au même rythme que lui. Il sourit béatement.
- Hé, ne pars pas ! Attends !
Il se mit à courir, et elle se retourna dans une cascade de longs cheveux brillants pour mieux courir également. Ses bras se balançaient avec légèrement dans sa course, et de temps à autre, elle se retournait pour vérifier qu’Owen était toujours là. Il tomba plusieurs fois, mais, bonne joueuse, elle attendit qu’il se relève à chaque fois. Leur petite course dura jusqu’à la plage, où la marée était haute. Owen était en nage, menaçant de cracher ses poumons à chaque instant, mais heureux, tellement heureux de ne pas avoir laissé la demoiselle s’échapper. Elle entra dans l’eau. Son sourire avait évolué. Moins enfantin, il paraissait maintenant bien plus provocateur aux yeux de celui qui le regardait. Il la désirait. Il la suivit au milieu des vagues, sans prendre attention au froid mordant de l’eau. Il la suivit jusqu’à un point où il avait à peine pied. Le visage de celle qui semblait à présent sirène dépassait tout juste de l’eau. Owen s’approcha pour l’embrasser. Il sentit enfin les bras de la jeune fille s’enrouler autour de lui. S’enrouler, encore et encore.
Il devenait de plus en plus petit. Une douleur lancinante se fit sentir au niveau de sa gorge. Il avait l’impression qu’on lui ouvrait les trachées. Sa vision se brouilla. Pour finir, ce n’était plus que la main de la jeune fille qui le maintenait hors de l’eau. Il agitait ses nageoires pour s’en sortir, espérant que ses écailles ne soient assez glissantes pour s’échapper. Il avait besoin de l’eau, il avait besoin de respirer. Mais la jeune fille regagna la plage. Elle s’arrêta devant un imposant galet. Et elle fracassa le poisson contre le galet, une, deux, trois fois.