Latences, ou l'odyssée d'une nouvelle journée perdue
Hola amis procrastinateurs toujours enclins à se lancer dans divers projets qui n'aboutissent jamais
Ce texte est justement l'extrait d'un de mes "projets" (si il voit le jour ahi). J'espère qu'il saura faire écho et représenter crument la réalité de jeunes adultes désabusés, plein de rêves dans la tête, mais trop feignants ou peureux pour réaliser leurs ambitions dans une société qui parait toujours plus absurde et fade.
Je poste ici dans un premier temps un extrait de mon ouvrage afin de récolter vos avis, aussi bien sur le fond que la forme puis dans un second temps, j'apporterai peut-être quelques détails sur le but de mon livre, ses thématiques abordées et le fil rouge de l'histoire. Bonne lecture !
Extrait :
Quinze minutes, peut-être une heure, peut-être une éternité… Je ne m’expliquais plus le temps de latence entre la prise de ces comprimés sécables et le moment exact ou leur efficacité finirait enfin par s’exprimer. De toutes manières qu’elle en était l’importance ? La migraine du lendemain de cuite, c’est comme le coït sans capote, une phase de regrets suivi du temps de l'acceptation. C’est la règle immuable, et chaque homme de ce siècle s’y plie par la force des choses ou par habitude relativisais-je une fois de plus.
Dans le même temps où l’antalgique entamait sa descente laborieuse au fond de ma gorge, il y croisait à la mi-chemin du corps humain les rebuts d’alcool de la veille. Le fantastique voyage de tous les composés chimiques qui polluaient mon organisme se soldait ce matin, comme nombres d’autres, par de micros-étouffements et gargarismes qui ne manquèrent pas de réveiller ma partenaire d’une nuit, compagnonne d’infortune d’un périple trop arrosé et passagère éphémère d’un clic-clac Ikea premier prix dont l’inconfort n’avait d’égal que la surprenante solidité de ses lattes.
- « T’es en train de mourir ? Me lança la fille dont je ne rappelais guère le visage et encore moins le prénom.
- Si seulement… Rétorquais-je d’un ton à moitié ironique aux premiers mots qui m’étaient adressés mais qui étaient déjà évocateurs de la journée de merde qui s’annonçait.
- On fait quoi aujourd’hui ? Répliqua t’elle en peinant à rassembler ses mots au sortir du réveil.
- Ecoute, j’ai trente minutes pour me préparer avant de partir au boulot. Toi, tu as donc mathématiquement trente minutes pour rassembler tes affaires et rentrer chez toi. »
A la prononciation de ces mots, celle que je prenais quelques instants plus tôt pour une digne relique de momie embaumée d’alcool sauta de son sarcophage fait de couvertures de lits pour se rapprocher de moi jusqu’à venir m’enlacer. Une situation que je tolérais probablement quelques heures plus tôt mais dont l’acceptabilité s’était ensuite dissipée à la même vitesse que mon taux d’alcool dans le sang.
- « On se fait au moins un ptit déj, t’as pas des trucs à bouffer chez toi ? Dit-elle en renforçant son interminable étreinte.
- Je ne suis pas en état de manger là. Tu dois avoir des Kellogs dans le fond du tiroir, fais juste gaffe à la date de péremption. Lui indiquais-je en la repoussant vivement avant que ses pressions ventrales ne conduisent à une issue gastrique fatale.
- Tu pues de la gueule un truc de malade. Pensa t’elle opportun de me glisser après m’avoir offert un furtif baiser.
- C’est pour te faire partir plus vite.
J’étais coutumier du petit jeu que les pseudos coachs en séduction, qui étaient généralement bien plus doués pour vendre leurs conseils à des puceaux désespérés que pour vendre du rêve à la gente féminine, appelaient le « Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. ». C’était probablement en taquinant cette fille et en multipliant les vacheries que je l’avais ramené chez moi. Mais la technique se révélait, à mon grand dam, beaucoup moins efficace pour la faire quitter les lieux.
Libéré des bras de Ramsès, je me réfugiais dans la salle de bains et je profitais donc du moment de répit que m’offrait la douche pour fomenter divers stratagèmes de connard. Ces techniques que je réitérais avec rigueur depuis mes études supérieures et qui, un jour, me permettraient de passer maitre dans l'art de m'évaporer face aux femmes trop naïves et, ainsi, ne plus avoir à affronter plus longtemps le regard de celles que je ne voulais, par simple soucis du confort et surtout par pur égoïsme, ne plus revoir si tôt la porte de mon appartement franchie.
Je laissais le jet d’eau s’écouler à une lenteur diamétralement opposée à la vitesse des minutes qui défilaient pourtant frénétiquement sur l’horloge de ma salle de bains. J’expérimentais encore une fois le paradoxe de la douche du matin, ce moment de chaleur qui contraste avec la frigidité qui agresse le corps au sortir du lit, cette sorte bulle savonneuse protectrice qui retarde le moment fatidique du départ pour le bureau et que l’on voudrait laisser perdurer éternellement dans une effervescence de shampoing corrosif... [A suivre]