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Sujet : [Fantasy] Le Purgeur
1
DocteurGreen
Niveau 8
30 avril 2021 à 12:45:36

Bonjour, me voici de retour avec un récit plus adapté aux goûts des forumeurs.
En espérant que ça vous plaise, je vous souhaite une bonne lecture.

CHAPITRE 1

Des oiseaux s'envolèrent, tranchant les feuilles dans leurs sillages. Des morceaux verts et oranges échouèrent sur l'armure de Monsorbet, se fichant dans un mélange de boue et de sang frais. Il venait de descendre de sa monture. Ses pieds s'enfoncèrent dans la terre trempée, éclaboussant le visage du Kuru à genoux. Le souffle haletant, l'être grimaçait. Sa mâchoire carnassière, dotée de soixante-quatre dents aux pointes acérées, répugna le purgeur.

— Créature du démon, infâmie de la nature...

Le Kuru fut propulsé d’un coup de pied rageur. Il échoua le ventre à plat, dans la boue gluante. Monsorbet se mit alors à lui tourner autour, arrosant son corps frêle à chaque nouveau pas.

— Comment notre Seigneur a-t-il pu enfanter pareille ignominie... vous, pourvoyeurs de peste et de maladies...

Le purgeur mollarda une bile verdâtre sur le crâne conique du Kuru. Acculé, l'être à la peau violette suppliait son bourreau. Mettez un terme à mes souffrances, disait-il. Achevez-moi. Les humains entendaient "Kuru". Selon eux, ils ne disaient que ça, alors ils furent nommés ainsi.

— C'est l'unique mot qui puisse s'échapper de votre bouche fétide...mangeurs d'hommes... sorciers !

Le Kuru était jeune. Toute sa vie n'avait été que fuite et terreur. Il faisait partie de cette génération maudite, la première qui naquit sur Terre. Aujourd’hui, pour lui, la persécution touchait à sa fin. Malgré la douleur, ce châtiment sonnait pour lui comme une délivrance. Ses capteurs sensoriels s'hérissèrent lorsqu'il entendit le frottement de la lame contre le fourreau. Des petits bulbes, tout le long de son épine dorsale. Cette manifestation provoqua l'écœurement du purgeur, dont la lame noire de sang coagulée fendait l’air avec goguenardise.

— Repentez-vous créatures diaboliques… l’enfer est voué à ceux qui pervertissent le royaume de Dieu. Vos doigts, votre bouche et ses bubons frétillants sur votre dos… tout chez vous, résonne comme une insulte à la création du Seigneur.

« Kuru », gémit l’être, dont l’épiderme visqueux trahissait son angoisse du trépas. Ce qu’il ne voulait pas, c’était la souffrance. Cependant, Monsorbet lui promettait cela, toujours en tournant autour de lui, jouant avec son épée dont le manche en or sculpté brillait sous l’éclat du soleil pâle.

— Sois fier, monstre ! Sois fier de servir la cause de Dieu ! Regarde vers le ciel et pris notre Seigneur ! Implore son pardon puisque c’est par ton existence que tu pêches !

Montsorbet inclina la pointe de sa lame vers le crâne de l’être. Il ne se reflétait aucune émotion au travers des deux globes noirs du Kuru. Selon le frère Martin, ils n’avaient pas d’âme. Fort des enseignements de cet homme de savoir, Montsorbet se rapprochait du salut à chaque nouvelle purge.

Il y eut un jet noir, qui acheva de souiller le haubert du purgeur. Il chargea le corps le moins abîmé à l’arrière de sa monture. Il regagna paisible son château, fier du labeur accompli. Aujourd’hui il avait purgé six fois, des jeunes seulement. Ils avaient plus de valeur, car la terreur, inscrite dans le code génétique, les rendaient plus agiles et plus résilients. Leurs parents avaient été durement purgés et ils n’en restaient pratiquement plus un seul. La survie de leur espèce résultait d’une capacité de reproduction décuplée en territoire hostile.

« Tuez-en un, il en naîtra cinq ! »

C’est ce que répétait souvent Messaline. En raison de cette fâcheuse gestation accélérée, ceux qui les étudiaient les nommaient « Hydralien ». Sur le trajet du retour, Montsorbet se laissa bercer par les pépiements des oiseaux et le souffle d’un vent doux. Son cheval hennissait de temps à autre. Il avait bien galopé et désormais il rebroussait chemin, enjambant les corps semés par la main vengeresse de son cavalier purgeur.

Comme beaucoup d’autres purgeurs, Montsorbet était un homme seul. Souvent, il parlait à son cheval. Il repensait au discours de Messaline, qu’il jugeait prétentieux et méprisant à bien des égards.

— Cette traînée n’est rien d’autre qu’une succube perverse avide de foutre et de luxure, sous ses airs princiers elle se vautre dans le stupre chaque jour que Dieu fait, après quoi elle voudrait me tanner avec ses leçons de morales chrétienne ? Un beau jour, ce sac à semence férue de sorcellerie répondra de ses actes, sois en certain, Ibrahim.

Un cheval lui suffisait amplement. Il l’avait baptisé Ibrahim, comme un hommage à ce sarrasin qu’il avait dû manger un jour pour ne pas mourir affamé. Aux yeux de Montsorbet, un hennissement valait autant qu’un acquiescement. Au diable les femmes et leurs esprits corrompus, songea-t-il en sortant dans la forêt.

Au loin, la silhouette du château pointait derrière la colline

DocteurGreen
Niveau 8
01 mai 2021 à 18:24:53

CHAPITRE 2

Des enfants s’amassèrent autour du Purgeur et de sa monture. Les yeux ronds comme des billes, leurs loques devant leurs nez, ils détaillaient le corps de l’Hydralien désarticulé. Les traits de l’être embrassaient une crispation douloureuse et finale. Du sang dégueulait sur ses reins violets.

— Ecartez-vous, mouflets !

Montsorbet fit claquer son fouet dans l’air, une fois, deux fois.

— Nom de dieu ! Eloignez-vous de cette malédiction ambulante !

Deux villageoises voilées s’approchèrent, rappelant leurs progénitures à l’ordre. Montsorbet croisa le regard de l’une d’elle. Il stoppa net Ibrahim et s’adressa à elle d’un ton péremptoire :

— Comment te prénommes-tu, femme ?

La jeune femme rougit subitement.

— Lisaline.

Ses paupières battirent une mesure enlevée.

— Cette nuit, je te trousserai jusqu’à l’aube
— C’est un honneur, Maître Purge.

L’autre jeune femme s’éloigna en pestant, comme elle abandonnait son rêve de partager ce soir la couche de Montsorbet. Au sein du duché, elles rêvaient toutes d’offrir l’immunité à leur descendance.

— Maintenant va, vilaine.

Montsorbet confia son cheval à Claudius. Fils de purgeur, le jeune homme partageait déjà certaines des caractéristiques nobles que l’on attribuait à ceux de sa caste. A la demande de son maître, il traîna la dépouille du Kuru dans les caves du château, là ou opérait Messaline. En se penchant au-dessus de la planche, comme il déposait le corps, l’écuyer renifla l’odeur du sang. Il vit l’auréole noirâtre qui témoignait des nombreux cadavres qui avaient pris place à cet endroit. Cela le dégoûtait, sans pour autant l’impressionner.

Claudius était fort, cependant Messaline l’effrayait. Elle arborait cette étrange combinaison qui dissimulait ses yeux sous un voile opaque et transformait sa bouche en un long bec d’oiseau. Une curiosité malsaine l’incita à demeurer dans un coin, pendant que la jeune femme découpait le corps, extrayant les organes les uns après les autres.

— Qu’est-ce que vous faîtes, avec ces choses ?
— J’apprends leur fonctionnement et je tente d’en tirer quelques enseignements.
— Monseigneur dis d’eux qu’ils sont démoniaques.

Messaline dissimula intimement ce qu’elle pensait de Monsorbet et de ceux de sa caste. Bientôt Claudius deviendrait comme eux. Elle le regrettait, car malgré son arrogance manifeste, elle décelait chez le garçon une forme d’innocence commune aux gens de biens.

— Il dit que leur venue sur Terre est annonciatrice de la Fin des Temps, renchérit Claudius.
— Il y a ceux qui doivent avoir peur et ceux qui doivent comprendre, soupira Messaline.
— Mon Maître n’a pas peur.

La jeune femme souriait derrière son masque. Claudius ne le vit pas, mais il le sentit et il partit en courant, armé de ce sentiment. Montsorbet vint la trouver plus tard, alors qu’elle terminait son office. Il se pointa devant elle, le torse bombé. Messaline perçut la peur au fond d’un regard qui se voulait implacable. Son intelligence l’intimidait. Il n’avait pas l’habitude et cela la touchait presque.

— Sorcière, vous mériteriez d’être décapitée sur la place publique pour vos méfaits.

Messaline se décoiffa et posa le bec. Elle replaça ses cheveux d’un jet de nuque, diluant le parfum sucré de son corps dans l’air vicié. Monsorbet recula d’un pas, comme pour échapper à quelques maléfices.

— Cessez de pervertir l’esprit de nos jeunes. Bientôt, ils purgeront le monde de ces verrues infectes que vous vous plaisez à collectionner dans des bocaux. Ce que vous faîtes est immoral, d’ailleurs rien en ce monde ne le qualifie ;
— Il est toujours plus simple de qualifier la haine que d’appréhender le progrès.

Montsorbet fondit sur la jeune femme, l’attrapa par sa crinière auburn et la plaqua contre le mur humide de la cave. Messaline sentit son poids sur elle, son parfum rance et son haleine chaude dans sa nuque. Il la respirait comme s’il s’apprêtait à la mordre.

— Lâchez-moi, rebut, ou mon père vous fera empaler.

Le purgeur lui rit au visage, avant de la lâcher.

— Si vous n’étiez pas la fille de votre père, soyez-en certaine, c’est moi qui vous empalerais bien volontiers à coup de dard.
Le visage de Messaline, humide de postillon, vira au cramoisi.
— Le Duc de Hauleville sera ravi d’apprendre que le Maître Purgeur le plus prestigieux de son écurie est en réalité un mâle toxique en proie à un délire mystique aigu.
— Le Duc de Hauleville est l’une des personnes les plus débauchées qu’il m’ait été donné de rencontrer. Si, comme moi, vous aviez assistés au quart de ses exactions durant votre courte existence, nul doute que vous auriez préféré vous crever les yeux pour ne point en voir plus.
— Vous avez peur du progrès, Sorbet, car vous savez que vous n’auriez pas votre place, dans un monde plus juste.

Montsorbet ramena sa cape contre lui. Sa chevelure d’or dissimulait une partie de sa peau grêlée. Dans l’ombre, il revêtait la silhouette d’un ange et son nez en trompette lui donnait des airs de chérubins. En revanche, l’on voyait naître au grand jour, sur sa peau et dans ses yeux, les stigmates d’une existence construite autour de la haine et des plaisirs fugaces.

— Je vous pisse à la raie, Messaline. A vous ainsi qu’au Duc.

Et il partit sur ces entrefaites.

DocteurGreen
Niveau 8
01 mai 2021 à 18:38:28

CHAPITRE 3

Autour de la table, il y avait le Duc de Hauleville, Hugues le Marquis du Baroeul, son épouse Hortense et Messaline, la mine sombre devant le festin qui s’offrait à elle. Des mets raffinés des quatre coins du monde et des épices hors de prix débordaient sur cette table immense, au milieu de cette pièce froide dans laquelle se débattaient les flammes fébriles de quelques bougies plantées çà et là, comme un rempart aux ténèbres.

Depuis le début du repas, les nobles s’esbaudissaient autour de Messaline dans leurs tenues d’apparat. Les affaires courantes des différents domaines avaient été évoqué, après quoi le Duc leva son verre au Maître Purge, se vantant d’avoir mis l’un de ses plus luxueux appartements à la disposition de son invité de marque. Ils discutèrent d’abord de ses performances de purge et des curieux qui affluaient en masse à Hauleville, faisant ainsi vivre le commerce et le divertissement.

— Ce formidable athlète, soupira Hortense du Baroeul, d’un ton licencieux. Pourquoi ne pas le convier à notre petite sauterie traditionnelle ?
Un sourire mesquin creusa un sillon dans la barbe hirsute et blanche du Duc de Hauleville.
— Disons, pour être poli, que sa compagnie mondaine laisse quelque peu à désirer.
— Cela va de soi, se gaussa le Marquis du Baroeul. Malgré leur force brute, ces gens manquent cruellement de sophistication.

Tous se gaussèrent d’un rire étouffé, un doigt ou une serviette devant leurs bouches huileuses. Tous, sauf Messaline qui mangeait sans entrain, désabusée. Elle sentait comme un décalage entre elle et le reste du monde.

— Ce sont des bêtes et c’est pour cela que nous les aimons, louvoya Hortense, cherchant l’approbation de son époux, et la recevant.
— Ce qui m’importe, en réalité, c’est la visibilité qu’il nous rapporte. Le prestige, Mesdames, le prestige. Les Hydraliens pullulent partout, pillent nos ressources, contaminent nos femmes et nos enfants, dès lors il me semble assez juste d’exploiter leur image à des fins financières. Les gens exigent plus de sécurité et sa mise en scène permet un merveilleux rayonnement de notre territoire. Qui plus est, à des fins scientifiques, ma chère fille mène des recherches de grande importance qui sauront servir, je l’espère, le progrès de l’humanité.

L’amertume de Messaline allait croissante, néanmoins elle tût sa vindicte. Elle craignait d’être taxée d’ingratitude, une nouvelle fois. Le feu lui monta au visage lorsque la marquise l’interpella au sujet du bien-fondé de ses recherches.

— Que pensez-vous trouver, très chère, dans les boyaux infects de ces engeances du démon ?
— Madame la Marquise, si vous me le permettez, j’aimerai vous signifier à quel point l’apparition de cette race inconnue, débarquée depuis le ciel, me fascine et me questionne, rétorqua Messaline en se parant d’un sourire cordial qui en disait long sur sa frustration. La nature de l’Homme est telle qu’il ne peut que se raidir de terreur face à l’apparition de l’extraordinaire. Ne sachant l’expliquer, il se retranche, se braque et se vautre dans des banquets qui lui donne le sentiment, par le biais du plaisir, de dominer un destin auquel il se soumet entièrement, dans l’impuissance la plus crasse.

Cette saillie jeta un froid autour de la tablée et on n’entendit que les bruits de mastications pendant quelques minutes.

— Il est de bon ton, lorsque l’on dispose du temps dédié aux jeux de l’esprit, de s’y adonner, concéda le Marquis du Baroeul, voilant son propos d’une complaisance qui ne recelait en fait que du mépris.
— Pensez-vous faire preuve d’humilité, en vous y refusant ?
— Messaline, il suffit !

Le duc de Hauleville frappa un coup sec sur la table et le vin mouilla le bois.

— Il est plus pragmatique d’en tirer profit, gente damoiselle, cependant vous, qui refusez les titres et les honneurs, êtes plus encline à la culpabilité et à la détestation de vous-même.

Messaline se leva d’un bond, termine sa coupe d’une traite et se trouva sans voix face à une assemblée amusée, comme un public connivent face à une enfant dilettante. Elle avait l’impression d’être cadenassée par l’aisance que lui conférait la qualité de sa naissance.

— Il vaut mieux que je me retire, à présent, conclut-elle en ravalant sa bile. Je vous remercie pour votre exquise présence ainsi que pour vos traits d’esprits, qui n’ont de cesse de titiller mes zygomatiques.
Elle sourit en guise d’illustration et fit demi-tour.
— Cette petite, tout de même, quel panache.
— Que vous dîtes, chère Marquise, soupira le Duc. Elle me cause bien du tracas.
— Pourquoi ne va-t-elle pas se changer les idées auprès de notre divin purgeur, à la fin, s’émut Hortense, sans cacher ses intentions au regard de son époux. Une femme doit être une femme, après tout.
— Il semblerait que la sensibilité exacerbée de ma douce progéniture l’empêche de s’accommoder de la puissance du mâle.
— Allons, bon… tous les goûts sont dans la nature.
— Il est vrai, il est vrai.

Pendant ce temps, sous la table, la main d’Hortense rampait doucement vers l’entrecuisse du Marquis.

DocteurGreen
Niveau 8
05 mai 2021 à 12:16:20

CHAPITRE 4

D’abord, elle les entendit. Elle passa un œil dans l’entrebâillement et c’est là qu’elle les vit. La villageoise, à quatre pattes, sa tête invisible et sa crinière ramenée en une mèche épaisse, encaissant les assauts féroces du redoutable Maître Purgeur.
Messaline repensa à leur friction, dans son laboratoire. Il lui avait empoigné la chevelure de la même façon. Comme elle y songeait, son cœur se mit à battre la chamade sous son nombril. Elle observa les fesses violacées de la gueuse et frissonna à chaque nouveau claquement. Cela dura longtemps. Quand elle sentit une main contre son bassin, elle crut à un excès d’imagination. Mais ce n’était tout autre chose, en réalité. Elle sursauta sans bruit.

— Marquise, que faites-vous ici ?
— La même chose que vous, sans doute. Quel divin spectacle…

Hortense amplifia son étreinte, collant sa poitrine opulente contre le dos nu de Messaline.

— C’est dégoûtant, tant d’animalité me répugne.

L’emprise sensuelle de la Marquise se fit sévère, tandis que l’une de ses mains expertes accédait sans peine à des recoins plus intime. La jeune femme se raidit, la chair de poule grimpa jusqu’à la base de sa nuque.

— Il semblerait que votre corps supplante votre raison.
— Lâchez-moi.

Messaline se dégagea, tourna vivement sur ses talons et gifla rudement la Marquise. Hortense encaissa l’agression comme une avance. Elle se délecta de l’humidité sur ses doigts.

— Puisque vous n’êtes pas capable d’agir, observez plutôt.

La Marquise du Baroeul pénétra dans la suite du Purgeur et s’avança. Ses hanches se balançaient avec une arrogance insupportable aux yeux de Messaline. Cependant elle ne la quitta pas des yeux, elle admirait autant qu’elle détestait cette femme hautaine et désirable. Aussitôt qu’il l’aperçut, Montsorbet se retira de la gueuse, lui rendit ses loques et la traîna son bras avant de la balancer dehors.

— File, vilaine ! Hors de ma vue !

Messaline, toujours en embuscade derrière la porte, aida la jeune fille à se ramasser. Elle frotta ses genoux écorchés en lui demandant si ça allait. Seulement, la villageoise n’osait pas parler. En se confrontant à son regard humide et naïf, Messaline fut heurtée par le sentiment que jamais elle ne pourrait interagir avec la fange. La gueuse s’inclina respectueusement, puis disparue à pas enlevés au bout du couloir glacial.

Aussi, la fille du Duc retourna à ses observations, se persuadant des vertus scientifiques de son voyeurisme. Des produits, songea-t-elle. Voilà ce que les purgeurs sont. Des êtres sans lumière et vulnérables, dont on capture la vitalité à diverses fins. Montsorbet n’a conscience de rien. Ce qui l’importe, c’est la gloire, la puissance et le plaisir de la chaire. Il n’y a rien d’autres qui comptent, pour eux. Voilà pourquoi je ne suis pas comme lui.

Elle courut en hâte vers sa suite. Elle était si tourneboulée qu’elle ne ferma pas l’œil de la nuit.

Chimene_Azalee
Niveau 18
05 mai 2021 à 13:35:55

Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

ghost_ulug
Niveau 6
05 mai 2021 à 20:13:01

Bonsoir,

Le début du chapitre 1 est épatant.
"Elle replaça ses cheveux d’un jet de nuque, diluant le parfum sucré de son corps dans l’air vicié."
Là, c'est bath !

DocteurGreen
Niveau 8
06 mai 2021 à 18:40:07

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Le 05 mai 2021 à 20:13:01 :
Bonsoir,

Le début du chapitre 1 est épatant.
"Elle replaça ses cheveux d’un jet de nuque, diluant le parfum sucré de son corps dans l’air vicié."
Là, c'est bath !

merci gosthu ! au plaisir de te lire.

Chimene_Azalee
Niveau 18
06 mai 2021 à 22:17:33

Le 06 mai 2021 à 18:40:07 :

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Mandoulis en femme

Chimene_Azalee
Niveau 18
06 mai 2021 à 22:17:55

Le 06 mai 2021 à 18:40:07 :

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Mandoulis en femme

DocteurGreen
Niveau 8
06 mai 2021 à 23:14:37

Mdr Mandolin apparaît au chapitre 7. Pour le moment, let's introduce Frère Martin :cool:

CHAPITRE 5

Frère Martin pénétra dans l’alcôve. Aussitôt, un fumet poissonnier remua les sens de Lisaline. Incommodée, la gueuse se livra néanmoins :

— Il me l’a fait… plusieurs fois.
— Précisez, chère enfant.
— Il est entré en moi, et…
— Comment était-il ?
— … brutal.
— Certes, chère enfant, admit Frère Martin. Nourrissez-vous quelques regrets à cet égard ?
— Je ne sais pas, je…
— Savez-vous dire ce que vous avez ressenti à cet instant ?

La jeune femme s’empourpra, gênée. Elle se sentait de plus en plus nauséeuse.

— Il faut que je m’en aille.
— Allons, bon, jeune fille.
— Désolée.

La gueuse partit d’un pas précipité. Sur le chemin, à l’entrée de la chapelle, elle croisa le Duc de Hauleville. Elle le salua bien bas. En retour, le Duc lui adressa un sourire bienveillant. Frère Martin l’accueillit à bras ouvert, aussi le Duc boucha ses narines le temps d’une accolade. Frère Martin était son principal mécène et faire montre de son dégoût n’était pas une option.

— Vous vouliez me voir, mon frère.
— Tout à fait. Il faut que nous nous entretenions au sujet de votre descendance, dit le religieux sans ambages. Je m’inquiète des discours qu’elle répand comme du poison autour de nous.

Le Duc de Hauleville connaissait les opinions du Frère Martin, comme il ne connaissait que trop bien la provenance des directives qu’il appliquait. Il ne pouvait qu’acquiescer, ce qu’il fit derechef.

— Ces êtres perfides se déploient partout dans le royaume et ils menacent l’Eglise, comprenez-vous ?

Evidemment, le vieil homme à la barbe hirsute comprenait. Seulement, il avait l’intime conviction que le monde ne pouvait s’arrêter de tourner après Frère Martin. Les mains croisées au-dessus de son ceinturon en or, il se contenta de fixer les dalles sombres de la chapelle, puis les vitraux colorés. Il s’attarda sur l’image figée d’un Christ au visage déchiré, traînant sur son dos voûté une croix énorme. La croix que chacun porte, songea-t-il avec fatalité, tandis que Frère Martin déversait le vin dans des coupes en argent. A cause de ses yeux chassieux et de sa dentition entartrée, le duc peinait à le regarder dans les yeux. Néanmoins, il lui fallait faire preuve d’une certaine fermeté. Sa fille était sa vie et il ne comptait pas la décevoir.

— Messaline est une femme de son temps.
— Elle est la femme d’un Temps décadent, sous l’influence de Satan en personne.

Le Duc devait le respect au Frère Martin. Il canalisa une hargne envahissante, termina sa coupe et en redemanda. Il avait grande soif, comme toujours.

— Je tiens à vous rassurer, vous ainsi que l’Eglise, reprit Hauleville tandis qu’on le servait. Nos privilèges seront bien gardés, et cela quoiqu’il advienne.
— Votre appât du gain porte préjudice à l’image de nos purgeurs, comme ils incitent notre peuple à la pitié envers ces monstres.
— Le luxe a un coût, Martin, regardez autour de vous.

Hauleville balaya la chapelle, ses moulures en or véritable, sa fresque murale, ses vitraux et tout ce qui en faisait la richesse manifeste. Les touristes assistaient aux exploits des Purgeurs et ils se déplaçaient en troupeaux pour les admirer. Ainsi, il lui était difficile de contester la réalité de cette manne financière. Martin frotta sa peau squameuse et irritée, il réfléchissait.

— Il est vrai, cher Duc, il est vrai. Néanmoins, nous avons à cœur d’inscrire nos politiques pour des siècles et des siècles. C’est pourquoi nous nous refusons à favoriser ces jeux de cirques à vocation pécuniaire.
— Vous pensez que cela pourrait se retourner contre nous ?
— C’est déjà le cas. Regardez-vous-même, il y a quelques temps, nous nous contentions de les supplicier, puis nous jetions leurs corps aux flammes. Désormais, sous l’impulsion de votre chère fille, voilà que nous étudions leurs corps. Cela ne passe-t-il pas, à vos yeux, pour une sorte d’hérésie ?

Le Duc admit ses torts sans mot, les yeux comme forgés sur les orteils noirs et enflés du frère Martin. Sur le chemin du retour, alors qu’il marchait vers ses appartements, sa cape tenue par deux nains porteurs, il se laissa aller à la réflexion. Il interrogea ses propres motivations, se disant qu’au fond il restait un homme bon. S’il transformait les mises à morts des Hydraliens en divertissement de masse, il finançait la recherche pour restaurer sa conscience.

Il regrettait son accès au savoir et la culture, qui le prémunissait des discours intolérants du clergé central. Les Hydraliens n’étaient pas des démons, mais des êtres venus d’ailleurs. Finalement, cette incroyable indécouverte le comblait d’espoir et d’enthousiasme. Il réfrénait ses pulsions humanistes en usant des discours haineux de l’Eglise, si bien qu’il eut l’impression de jouer un double-jeu. Il se servit une coupe de vin en se demandant s’il préférait décevoir sa fille ou le clergé.

Las de cette réflexion, il jeta trois pièces d’or par terre et ordonna aux deux nains de se battre ; il avait grand besoin de se changer les idées.

DANS LE PROCHAIN CHAPITRE 7 : Veyli, Ciel, Homm, Elfindel, Chocobo :cool:

Mandoulis
Niveau 25
07 mai 2021 à 08:54:02

[22:17:33] <Chimene_Azalee>

Le 06 mai 2021 à 18:40:07 :

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Mandoulis en femme

Tu confonds homosexuel et travesti ! :( C'est de la LGBT-phobie ! Vilain mâle blanc hétérosexuel oppresseur ! :-((

Arduilanar
Niveau 10
07 mai 2021 à 11:19:35

Le 07 mai 2021 à 08:54:02 :

[22:17:33] <Chimene_Azalee>

Le 06 mai 2021 à 18:40:07 :

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Mandoulis en femme

Tu confonds homosexuel et travesti ! :( C'est de la LGBT-phobie ! Vilain mâle blanc hétérosexuel oppresseur ! :-((

  • LGBTQIA+ phobie :oui:
DocteurGreen
Niveau 8
07 mai 2021 à 12:01:58

Eh non désolé de vous décevoir, Mandoulis ne sera pas grimé en femme. Comme vous l'aurez compris, ce récit n'est pas une parodie. J'avais du mal à caractériser mes personnages, étant peu familier du genre. Alors je me suis dis : "qui de mieux, pour interpréter cette faune déliquescente, que mes anciens partenaires d'Ecriture ?" Bon évidemment chacun de vous aura quelques particularités :hap:

Chimene_Azalee
Niveau 18
07 mai 2021 à 19:10:48

Le 07 mai 2021 à 12:01:58 :
Eh non désolé de vous décevoir, Mandoulis ne sera pas grimé en femme. Comme vous l'aurez compris, ce récit n'est pas une parodie. J'avais du mal à caractériser mes personnages, étant peu familier du genre. Alors je me suis dis : "qui de mieux, pour interpréter cette faune déliquescente, que mes anciens partenaires d'Ecriture ?" Bon évidemment chacun de vous aura quelques particularités :hap:

Ce moine m'a mis mal à l'aise, j'attends l'octogone Hugo - Homm pour leur lancer des pièces et me changer les idées

DocteurGreen
Niveau 8
09 mai 2021 à 12:25:36

CHAPITRE 6

Cielus et Veylus annoncèrent la venue du Duc, depuis la terrasse du château. Les villageois se tenaient à l’affût de son arrivée. Une foule de mille anonymes masqués attendaient le représentant estimé de Hauleville. Ils s’étaient réunis autour d’une estrade dressée au centre du forum.

Les purgeurs surplombaient la foule, droit dans leur armure, épée et fouet coincées dans les boucles de leur ceinturon. La tradition voulait que le Duc ouvre le spectacle depuis le balcon et les écuyers, accroupis devant leur précepteur respectif, guettaient aussi son arrivée.

Les deux nains cabossés tirèrent chacun un pan du rideau. Lorsqu’il apparut enfin, les visages s’inclinèrent dans le même mouvement. Le Duc de Hauleville avança les mains tendues et ouvertes dans un geste rassembleur, confortable et élégant dans sa tenue en hermine pourpre et en fourrure de belette brune. Il salua ses sujets, les invitant à applaudir le clan des purgeurs vedettes du grand-duché.

Les femmes du peuple sautèrent les mains en l’air, espérant attraper au vol les baisers d’Aymeric Le Pointu, plus jeune purgeur connu. Agé de seulement dix-huit printemps, et doté d’une moustache aux pointes retroussées lui valant son surnom, il avait fait de sa chasteté sa ligne de direction première. Cette particularité émoustillait tout particulièrement la gent féminine.

A l’inverse, Nicolas Jolieflamme n’avait de joli que le nom. Colosse blond et porcin d’un mètre quatre-vingt-quinze, il se démarquait surtout par son comptage de corps, l’un des plus élevés de tout le duché. En tout et pour tout, il cumulait à son actif plus de quatre-vingts cadavres de Kuru. Il portait un collier composé des dents de ses victimes. Avant chaque forfait, il le baisait pour se donner du courage. Il le fit cette fois encore, générant un tonnerre d’applaudissements parmi les gueux, car tous attendaient ce geste traditionnel.

A Côté du géant porcin, Nikita Hivernale, la seule purgeuse du clan, restait froide et concentrée. Les gueux pensaient divertissements, elle pensait châtiment. Malgré sa coupe courte et son dos musclé, elle jouissait d’une féminité des plus affirmée. Le jour de son arrivée en la capitale du duché, Montsorbet avait tenté de la prendre de force contre un ballot de paille. La fraîche recrue s’était alors retrouvée plaquée au sol, suppliant Nikita de ne pas lui fendre les os du coude à coups de talons. Moyennant une rétribution conséquente, ils avaient convenu que cette incartade resterait entre eux deux.

En avant sur l’estrade, Montsorbet se pencha, attrapant les mains tendues vers lui, pendant que les écuyers se réunissaient autour de la cage roulante. Quatre Hydraliens y étaient emprisonnés. Un pour chaque purgeur.

Les roues de la cage couinèrent sur les planches de l’estrade. Bientôt, des dizaines de serfs enguenillés jusqu’aux narines se mirent à invectiver les êtres violets. Leurs grands yeux noirs se plissaient de peur et de honte. Kuru, à mort ! entendait-on. Les Kurus ne comprenaient pas la langue de ces sauvages, or une telle hostilité se traduisait sans mots. Les mésaventures de leurs parents ressemblaient déjà à des contes voués à mettre en garde les jeunes générations. Déjà les contours du drame qui les conduit sur cette Terre primitive devenaient flous et des légendes naissaient.

Les écuyers ouvrirent la cage, tirant les chaînes des captifs pour les contraindre à sortir. Avec leurs doigts longs et fins, les Hydraliens tentaient de soulager leurs gorges étranglées. Cette fois encore, la brutalité primaire du peuple prédateur l’emporta et ils finirent à genoux sur l’estrade. Humiliés, ils inclinèrent leur crâne conique vers la foule, tandis qu’on leur balançait des légumes pourris au visage. Les prisonniers affrontèrent les huées pendant que les écuyers s’affairaient autour des potences, roues de Sainte-Catherine et autres pales disposées sur l’estrade.

Depuis ses appartements, Messaline buvait une coupe de vin. Le tumulte qui vrombissait depuis le forum perturbait sa concentration. Elle menait calmement ses recherches, composant dans son registre les premières lignes de cette nouvelle doctrine qu’elle avait en tête d’imposer à tous. Or désormais, elle avait dû mal à le supporter. Des larmes dévalèrent ses joues et tombèrent sur le parchemin, diluant l’encre de ses pensées par endroit.

Les Hydraliens furent mis à mort devant un parterre en liesse. A chaque giclée de sang, les serfs levaient les bras, suivant les mouvements des écuyers. Ils balançaient leurs mains en direction du sol et les jetait en l’air au moment où le supplicié rendait l’âme

A la fin de l’exercice, les purgeurs se réunirent sur le devant de l’estrade, puis ils tirèrent leur révérence, se cambrant sous les fleurs et les guenilles parfumées qui leur parvenaient. Après quoi les écuyers s’approchèrent et imitèrent leurs précepteurs respectifs. Bientôt, la foule en liesse se dispersa et quelques volontaires jetèrent de l’eau chaude sur l’estrade souillée.

— Allons, manants, que diriez-vous d’un bon vieux tonneau chez Mandolin, ce vieil empaffé, proposa Jolieflamme, sa main circulant fluidement sur son épaisse bedaine.
— En voilà, une fameuse idée, fit Montsorbet, qui épongeait encore ses gants tâchés de rouge. Après un bon massacre, rien de tel qu’une bonne biture.
— Cet inverti me débecte foncièrement, grommela Aymeric, sa moustache tournée vers le ciel.
— Voyons, ton poignet est presque aussi souple que le sien, lui rétorqua Hivernale.

Tout le monde en rit, jusqu’au cocher qui les conduisait vers la taverne favorite du clan. Le reste du trajet fut consacré aux railleries entourant la délicatesse manifeste du jeune purgeur, qui s’empourpra et ne décoléra pas une fois devant l’inénarrable Mandolin. C’était un homme très influent au sein de la capitale du duché. On le reconnaissait à son gros chapeau vert. On disait au duché qu’il n’avait pas lavé ses cheveux depuis l’avènement du Christ. Cet attribut lui donnait un air bonhomme, néanmoins ses mœurs défrayaient régulièrement la chronique.

Mandolin salua les purgeurs, puis s’avança pour pincer les joues rosées d’Aymeric le Pointu. Le chaste purgeur se dégagea avec fureur et encore une fois les rires affluèrent, après quoi les purgeurs investirent la table qui leur était promise. La taverne de Mandolin avait été construite à flanc de falaise, aussi ils ne se lassaient jamais du panorama somptueux qui s’offrait à eux lors de leur beuverie.

Quelques nuages se ramassaient autour du soleil orangé. Sous sa tendre lueur, les purgeurs percèrent le tonneau à coup de lames et commencèrent à boire en narrant leurs exploits personnels. Cela dura des heures et chacun y alla de son anecdote. Montsorbet attrapa une langue sèche et violette, cependant sa soif courait toujours.

— Mandolin, la même chose !

Le tavernier fit rouler le tonneau jusqu’à la table du clan et ils entonnèrent les chants grivois de leur cru en frappant sur la table.
Autour d’eux, les quelques notables osaient à peine croiser leurs regards.

DocteurGreen
Niveau 8
09 mai 2021 à 12:29:20

LA GUEUSE, LA GUEUSE
A QUATRE PATTES DANS LE PURIN !
LA GUEUSE, OH, LA GUEUSE
ENTRE LES CUISSES D’UNE PUTAIN !
LA GUEUSE, OH, LA GUEUSE
ON EST PLUSIEURS DANS CE CUL SALE !
LA GUEUSE, OH, LA GUEUSE
AINSI ELLE RESTE ENCORE PUCELLE !

La gueuse, par le clan des Purgeurs de Hauleville.

DocteurGreen
Niveau 8
09 mai 2021 à 12:30:48

DANS LE PROCHAIN EPISODE : Un guest-star circonvoisin :hap:

ghost_ulug
Niveau 6
09 mai 2021 à 14:08:56

Le 06 mai 2021 à 18:40:07 :

Le 05 mai 2021 à 13:35:55 :
Qui est donc cette Hortense qui touche ainsi à ma fille ?

Une marquise adepte des jeux entre fille je présume :hap:

Le 05 mai 2021 à 20:13:01 :
Bonsoir,

Le début du chapitre 1 est épatant.
"Elle replaça ses cheveux d’un jet de nuque, diluant le parfum sucré de son corps dans l’air vicié."
Là, c'est bath !

merci gosthu ! au plaisir de te lire.

De rien, c'est sincère. https://www.noelshack.com/2021-18-7-1620562062-sinatra-gardner.jpg

Ostu

DocteurGreen
Niveau 8
11 mai 2021 à 21:05:48

CHAPITRE 7

Trois lampions pendaient sur la devanture de la taverne. Emmitouflé dans un capuchon de printemps, un petit homme marchait sur l’allée caillouteuse qui y menait. Il manqua de trébucher sur la dalle du perron lézardé, camouflé par l’obscurité, puis il entra sans frapper dans ce baraquement de pierres et en bois. L’air chargé de dizaines d’haleines avinées heurta ses narines fragiles.
L’homme porta sa main à son nez. Une moue dégoûtée s’enracina vite sur son visage, aussi il comptait sur son capuchon pour en dissimuler l’expression aux yeux des autres. Il posa ses coudes sur le comptoir, face à Mandolin. Le tenancier ne le vit pas immédiatement, tant il était occupé à recoiffer la chevelure de l’adolescent à ses côtés. Intrigué, l’itinérant regarda fixement l’éphèbe. Il s’interrogea sur son âge, dans un premier temps, puis sur la nature des rapports que ce garçon entretenait avec celui qu’il espérait être au moins son oncle.

— Etranger, un rafraîchissement ?

La proposition du tenancier sonnait comme une menace. L’étranger, trop sensible aux énergies des personnes, peina à répondre ; celle du tenancier était noire de jais. En plus, les chants des Purgeurs abrutissait ses sens. Mandolin se répéta par deux fois, avant de finir par secouer les épaules de l’étranger qui sursauta, buta contre une chaise et tomba en arrière. Les notables explosèrent d’un rire sonore et violent.

L’homme se releva, se dépoussiéra et enleva sa capuche, découvrant un visage cramoisi, trônant au sommet d’un corps raide et longiligne.

— Toutes mes confuses, vraiment, je ne suis point accoutumé à un tel lieu de perdition.
— Voyez-vous cela, cingla Mandolin. Tenez, celle-ci est pour ma personne.
— Je ne bois pas de vin.

Mandolin gratta son crâne huileux sous son chapeau.

— Que voulez-vous, alors ?
— Auriez-vous quelques décoctions à base d’orties ou de sauge ?

Le taulier frappa un grand coup sur son comptoir humide. S’adressant aux Purgeurs, il les invita à venir découvrir ce surprenant spécimen de jongleur itinérant. Montsorbet et Jolieflamme se reniflèrent et le détaillèrent l’étranger sous toutes ses coutures, en le touchant sans pudeur comme s’il n’était qu’objet.

— Tu sens les fleurs, jongleur, brailla Montsorbet d’un rire dégénéré, en secouant vivement la nuque de l’arrivant. Tu sens les jonquilles !
— Bois ceci, jongleur !

Jolieflamme força l’étranger à boire la coupe d’un litre de vin jusqu’à la dernière goutte.

— Allons, ne te fais pas prier, voyons !

Il termina au sol, du vin partout sur son visage et ses vêtements. Avant que l’ébriété ne l’achève, il parvint à articuler quelques mots. En tendant l’oreille, Montsorbet distingua les sonorités d’un prénom qui ne lui était que trop familier. Messaline, annônait le jongleur.

— Comment te prénommes-tu, étranger ?
— Bradelin Privin…

Suivant ces borborygmes, les yeux du jongleur roulèrent dans leurs orbites et son visage heurta le parterre crasseux. Un filet de vomi s’échappa par les commissures de ses lèvres et les trous de ses narines, puis il perdit connaissance.

— Quelle est donc cette petite nature, se demanda Mandolin, et que vient-il faire à Hauleville ?
— Tant de fragilité, ce n’est pas commun, dit Montsorbet, étonné, tandis que Jolieflamme soulevait à la force d’un seul bras la carcasse inanimée du jongleur. Mouflet, voilà deux pièces d’or, dit le purgeur vedette, en envoyant les rondelles frappées d’une pichenette. Descend au château et va avertir l’immonde succube de la présence de ce parasite.

L’adolescent dévala aussi vite que possible la colline, monta au château et entra sans frapper dans la suite de Messaline. Il la découvrit sur sa couche, en compagnie de la Marquise. D’abord il ne vit pas leurs visages, seulement des chevelures d’or et de feu s’ébouriffant entre leurs jambes. Alertée par le bruit, la Marquise leva son visage tout humide, puis elle roula sur le côté, laissant apparaître le visage tout aussi humide de Messaline.

— Que veux-tu, jeune homme, s’agaça Hortense Du Baroeul. Ne vois-tu pas que tu perturbe notre intimité ?
L’éphèbe resta sans voix, ne sachant interpréter ce qu’il pensait avoir vu. Messaline s’enroula dans un drap et alla s’accroupir auprès du jeune émissaire.
— Dis-moi tout, quelle est donc la raison de ce raffut ?
— Un jongleur qui sent la fleur est arrivé à la Taverne de Mandolin.

Messaline appela ses deux nains de maison d’un claquement de doigts. Elle se laisse vêtir par eux, puis sur le parvis elle siffla son cocher, le messager toujours sur ses talons. Sur le chemin, elle posa un regard inquiet sur lui.

— Messire Mandolin est-il gentil avec ta petite personne ?
— Il est fort aimable, en effet.
— Et tes géniteurs, sont-ils aimables eux aussi ?
— Aimables, oh ça oui, ils le sont, affirma l’éphèbe avec certitude. Surtout quand Messire Mandolin leur donne des pièces d’or, ajouta-t-il en hochant vivement la tête.

Messaline sourit, mal à l’aise. Comme un gage de sa compassion, elle décrocha deux pièces de ses bas et les tendit au garçon. Encaissant son dû, l’éphèbe descendit du fiacre en premier. Il précéda Messaline dans la Taverne.
L’atmosphère poisseuse de cet endroit la rebutait, ainsi que les notables dépravés qui le peuplait. Elle baissa son capuchon, exigeant de voir celui qu’elle désigna comme étant son ami de longue date. Mandolin pointa alors le corps inanimé du jongleur. Allongé sur une table, Bradelin Privin rendait ses tripes en gémissant.

— Sainte-mère de dieu, que lui avez-vous fait ?
— On lui a dépucelé le gosier, se vanta Montsorbet, à ce petit chansonnier de malheur.

Au même moment, Jolieflamme sortit un harmonica de son postérieur, puis le replaça dans le ceinturon du jongleur ivre. Les autres purgeurs rirent aux éclats, de même que les notables et Mandolin, qui s’en donnait aussi à cœur joie.

— C’est absolument ignoble, s’indigna Messaline. Vous êtes des animaux.

La jeune femme essuya le visage souillé du jongleur, du bout du pan de sa robe de chambre. Nikita Hivernale lui proposa de l’aide. A deux, elles escortèrent Bradelin Privin jusqu’au fiacre. Elles l’installèrent doucement à l’intérieur, puis elles s’entretinrent quelques instants à propos des événements qui avaient conduits à l’ébriété de son ami. Hivernale lui raconta l’arrivée du jongleur, ainsi que son bizutage en règle. Messaline s’indigna. Face à elle, la purgeuse se voulut rassurante. Pire, à force de compassion elle devenait tactile.

— Rien n’entache votre beauté, pas même la colère ou le dégoût, dit-elle d’un ton chaud, en replaçant la mèche de Messaline derrière son oreille.
— Restez à votre place, purgeuse, s’agaça la fille du duc.

Messaline repoussa sa main sale d’un geste autoritaire.

— Il est vrai qu’à cet instant, c’est plutôt celle de la Madame la Marquise du Baroeul, que je convoite.
— Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler.

Hivernale se para d’un sourire narquois. Elle se rapprocha d’un pas, poussant Messaline à se retrancher contre la paroi boisée du fiacre. Alors Messaline huma le parfum de la purgeuse, à la fois sucrée et âcre, masculin et féminin. Intimidée, elle détailla les points de couture de la lanière en cuir qui enserrait la gorge de la purgeuse, puis ce grain de beauté proéminent, là, juste au-dessus de sa lèvre supérieure.

Ses yeux brûlaient de désir et ses lèvres se pinçaient de dégoût.

Homm
Niveau 14
12 mai 2021 à 22:06:20

Les femmes du peuple sautèrent les mains en l’air, espérant attraper au vol les baisers d’Aymeric Le Pointu, plus jeune purgeur connu. Agé de seulement dix-huit printemps, et doté d’une moustache aux pointes retroussées lui valant son surnom, il avait fait de sa chasteté sa ligne de direction première. Cette particularité émoustillait tout particulièrement la gent féminine.

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Sujet : [Fantasy] Le Purgeur
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