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Création

Ecriture

Sujet : Ma vie
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antalarion
Niveau 11
23 août 2021 à 05:23:31

Ma vie

C’était une journée maussade, parsemée d’averses de grêle, de pluie et autres horreurs météorologiques qui, dans l’esprit des écologistes, annoncent la fin des temps. Je revenais d’une de mes conquêtes par un sentier rocailleux, glissant comme du savon, à bord de mon fidèle vélo à six vitesses qui n’en comptait plus que quatre, et le cataclysme qui s’abattait sur mon dos comme des milliers de flèches de chasseurs affamés sur un sanglier égaré, me laissait penser que le COVID ne serait rien face à la grippe typhoide qui résulterait de cette balade suicidaire.

Ma femme m’attendait sur le seuil de la porte, inquiète pour le vélo. C’était une jeune chinoise de 30 ans, professeure d’université au regard sévère, qui manifestait à de rares instants de grands élans de tendresse, envers moi à l'occasion, mais le plus souvent envers des manteaux de marque ou des paires de chaussures. Le t-shirt que je portais sur le dos ce jour-là, et qui était autant imbibé d’eau qu’un été écossais, n’avait guère de valeur à ses yeux. C’était un article de moindre qualité, qu’elle avait déjà utilisé pour ramasser le vomi de notre bébé ou le mien quand je rentrais du café. Je n’étais, à ses yeux, guère différent de ce t-shirt.

Je la saluai d’un baiser maladroit, accrochant accidentellement son genou avec la pédale de mon vélo. Elle me donna une claque sur l’épaule, mais le spectacle de sa noble main souillée par le mélange de sueur et de pluie qui me recouvrait le dos lui fit oublier sa douleur.

Va te laver, hurla-t-elle. Je ne veux pas te toucher.
Vraiment ? J’allais te proposer de faire l’amour sur la carpette.
Tu sens le chien mouillé. Va-t-en.

Constatant que l’idée de m’immerger dans un bain d’eau chaude plutôt que dans une asiatique glaciale me donnait un frisson de plaisir, je déposai mon vélo dans la grange à outils et me rendis dans la salle de bains. J’y demeurai pendant une bonne vingtaine de minutes, jouissant des réflexions que l’eau bouillante et les vapeurs savonneuses faisaient naitre dans mon esprit. Je songeais à la nécessité de terraformer Mars, aux affres de la mésentente entre les races et à Michel Houellebecq, dont l’esprit me fit prendre conscience de la futilité de mon existence, et le corps, de la faim insoutenable qui montait en moi. Je me redressai alors dans la baignoire et hurlai à l’égard de ma femme :

Prépare le Pak Choi !
Quoi ?
LE PAK CHOI! Avec des frites !
Je suis en train de cuire du riz au jasmin…
Oui, ça va…

Je m’aspergeai de talc et d’eau de Cologne, évinçai quelques poils de barbe sortis de leur rang, et me dirigeai jusqu’à la cuisine pour donner un baiser à ma tendre moitié.

Pas trop mouillé, demanda-t-elle ?
Non. Et toi ?

Évitant un coup de fourchette qui, s’il était parvenu à destination, aurait mis en danger mon aptitude à concevoir la vie au cours des vingt prochaines années, je me servis un verre de vin Cerrutto.

Wong a fait sa sieste ?
Oui, il est dans son berceau. Tu peux aller le réveiller si tu veux.

Wong, notre fils, ressemblait à sa mère. Il plissait les yeux avec suspicion quand je lui expliquais les choses de la vie et refusait d’ingérer la nourriture que je lui apportais. Du haut de ses trois ans, il ne m’avait pas encore demandé de lui acheter un ballon de football, possible présage de son homosexualité. Ce constat effroyable hantait mes nuits, et je ne trouvais d’apaisement qu’en songeant à l’inaptitude des Chinois pour le football. Si Wong avait les gênes de sa mère, pensai-je, il vaudrait mieux lui offrir des raquettes de ping-pong ou une calculette Casio. Puis je réalisai que mon rôle de mâle blanc était de l’aider à découvrir la part de chien qui sommeillait en lui.

Biker343
Niveau 4
25 septembre 2021 à 18:41:10

Tu pourrais en faire un livre,mais enfin bon c'est pessimiste...

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Sujet : Ma vie
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