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Sujet : Mort sûre
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SadX
Niveau 36
17 septembre 2021 à 17:13:48

Le soldat positionna un dernier meuble devant la porte alors que ses équipiers reprenaient leur souffle. Les gémissements qui traversaient les murs leur glaçaient le sang, et la pénombre nouvelle les oppressait autant qu'elle les rassurait : de cette sorte, personne ne les voyait trembler de tous leurs membres. Une longue dizaine de minutes plus tard, le calme recouvrit les lieux, et une autre dizaine de minutes de silence les convainquit du départ de leurs assaillants.
Les quatre réfugiés s'accoutumèrent bientôt à l'obscurité. Quand bien même le courant eût été maintenu, l'expérience leur avait appris à fuir toute lumière directe. Rapidement, l'attention se concentra sur la top-modèle Mylène, qui n'osa pas deviner avec quelles expressions... À aucun moment elle n'avait aidé à barricader la porte. Une attitude qui ne lui ressemblait pas. La demoiselle tenta vainement de cacher sa jambe. La vérité ne tarderait hélas pas à éclater. Une simple entorse, un hématome, ou quelque autre blessure du genre n'aurait jamais motivé ce geste de retraite. Même une balle perdue aurait été plus aisée à signaler. Et, bien que la jeune femme sût se défendre avec une arme, même ici, le nombre la submergeait dans tous les cas.
Elle fut, alors, obligée d'avouer sa morsure, à la cuisse, par un mort-vivant...
La mégère braqua immédiatement son arme sur les mèches de la blondinette. Mais l'émotif se hâta de la dévier.
« Il y a sûrement un autre moyen !
– Je vous en supplie... haleta Mylène.
– Ah bon ? T'as l'antidote ? lança la mégère.
– On peut pas faire ça froidement, déclara le soldat. Il faut qu'on réfléchisse... !
– Elle est contaminée... ! Tôt ou tard, elle cherchera à nous bouffer la cervelle... ! Le virus a probablement déjà commencé à lui ronger les neurones... ! C'est pas le moment de ramollir les vôtres... !
– Pitié... ! Pitié... ! pleurait la condamnée.
– Si on panique aussi vite que tu le fais, argua son défenseur, ça voudra dire que le virus nous a déjà tous battus. Moi je suis pas d'accord. Quelque part sur cette foutue planète, il y a un antidote. Et Mylène fera elle aussi partie des soignées.
– Peut-être, mais en attendant, nous, on s'occupe juste de survivre... !
– Tu te trompes. On est pas des charognards... ! On respecte nos invalides... !
– Aidez-moi... !
Une idée vint soudain à l'esprit du soldat.
– Écoutez... tout ce qu'il nous faut c'est du temps. Mylène, il faut que tu tiennes au moins le temps qu'on atteigne le point d'extraction... Est-ce que... tu supporterais d'être entravée jusque là... ?
– Entrav... je... Je sais pas...
– C'est ça ou une balle dans la tête... ! objecta la mégère.
– P... peut-être... répondit la malheureuse.
– OK. Il faut dans ce cas qu'on trouve de quoi l'attacher. Il y a certainement des cordes, des chaînes, ou de l'adhésif dans cette baraque. Allez chercher ça pendant que je la surveille.
L'émotif et la mégère s'exécutèrent. Sans attendre, leur ami pointa son fusil vers la blessée.
– Je sais que c'est difficile, Mylène. Mais tu comprends, je ne peux quand même pas te laisser garder ton flingue. C'est la moindre des précautions...
– Ha... ! Putain de merde...
La jeune femme obéit et poussa sa seule arme du coin du pied. Son gardien la récupéra, sans cesser de la tenir en joue. Tous ses vêtements étaient moulants, ses longues bottes de cuir à talons plats, son blouson cintré avec col montant de la même matière, en passant par son jean à présent déchiré. Il fallait dire que ses mensurations ne la complexaient nulle part, élégance qui jurait avec la situation. Le rêve qu'elle incarnait ne pouvait s'éterniser.
– Je... mec... je le sens pas, ce plan.
– Comment ça ?
– M... même à cloche pied, je vous retarderai moins...
– Mylène, détend-toi...
– Je réfléchissais... Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen... de m'amputer ?
Le soldat secoua la tête.
– Au pire, je me trouve une canne... ! Si ça peut empêcher le virus de se propager...
– On saurait pas stopper l'hémorragie. De toute façon, les études ont montré que le virus se diffusait extrêmement vite. Ne serait-ce que le temps de trouver une scie, et sans parler d'anesthésie, tu seras déjà entièrement contaminée, l'amputation ne résoudra rien.
– T... tu es sûr... ? »
Sa tête hocha. Les autres équipiers revinrent avec un carton rempli de rouleaux de scotch.
La mégère hérita du pistolet de la blondinette, tandis que l'émotif fut chargé d'enrubanner celle-ci. Il démarra par les chevilles. La pauvre ne put s'empêcher de grimacer alors, et ferma bien vite les yeux. Le jeune homme entoura jusqu'à ses mollets avec cinq couches d'adhésif. Ceci fait, la mégère et le soldat l'allongèrent, en dépit de toute plainte, sur le ventre, avant de lui tenir les bras joints derrière le dos. Le scotch crissa encore et ses poignets furent à leur tour ligotés à quinze reprises. L'émotif fit la même chose au niveau de ses coudes. Ensuite, on la retourna et lui leva soigneusement les cuisses, également pour les attacher, ainsi que panser la plaie coupable. À cet instant, Mylène voulut crier de douleur, mais la mégère plaqua une main sur sa bouche.
« Chut... ! Tu veux les rameuter... ? »
Lorsqu'elle retira son étreinte, des larmes coulaient des yeux de la demoiselle, dont les dents ne se dé-serraient plus. Le soldat fit un signe de tête. Mylène fut relevée au niveau des épaules et l'émotif enroula le scotch autour de ses bras, le faisant passer sous sa poitrine rebondie. La jeune femme étouffa cette fois ses propres geignements. Après rapide vérification, elle réalisa combien elle ne pouvait plus bouger, complètement saucissonnée, empaquetée dans le scotch, réduite aux mouvements les plus basiques. Ses tremblements intérieurs persistaient cependant à se manifester dans son souffle. Tout d'un coup, l'émotif déchira un nouveau morceau de ruban adhésif d'une douzaine de centimètres.
Les yeux de la blondinette s'écarquillèrent.
« Qu'est-ce que c'est ? s'enquit-elle.
– Non seulement il faut te garder silencieuse, mais il faudrait pas que tu nous mordes...
– Hein ? Quoi ? Attendez, on en avait pas parlé !
– Oh, joue pas à ça, hein... ! fit la mégère. Comme si tu t'y attendais pas... !
– Eh ! Une minute... ! Au fond, qu'est-ce qui vous prouve que je suis vraiment infectée ? On sait jamais, peut-être que je l'ai échappé belle... !
– Elle commence à délirer... estima la mégère.
– Désolé, adjugea l'émotif, on a pas le choix.
Et il colla le scotch sur ses lèvres. La jeune femme hurla presque à travers, gesticulant dans tous les sens.
– Je pense que l'infection est en train de la gagner... continua l'autre demoiselle.
La concernée secoua violemment la tête en dénégation, ses yeux devenus assassins. Prophétie auto-réalisatrice, l'émotif n'en fut que plus déterminé à renforcer son bâillon par six tours d'adhésif le long de sa mâchoire et de sa nuque. En vain essaya-t-elle de lui donner des coups. Le soldat et la mégère étaient revenus l'immobiliser.
L'émotif recula de quelques pas. La seule femme libre reprit bientôt la parole.
– Toujours aussi sûrs de votre coup... ?
– Ben, maintenant que tu le dis...
Le regard terrifié de la jeune blonde fila de l'un à l'autre de ses anciens camarades. Ils étaient sur le point de retourner leur veste !
– Ôtez-moi d'un doute : est-ce que vous en avez vus qui se battaient entre eux... ?
La mégère secoua la tête.
– Non... reconnut le soldat.
Les yeux de Mylène les fusillèrent du regard.
– Et autant qu'on sache, poursuivait l'émotif, le virus rend immortel... ? L'entretien n'est plus nécessaire... ?
– Exact...
– Tu voulais du temps, tout à l'heure... Peut-être qu'on en a plus que ce qu'on imagine...
La pauvre femme glissait vers l'hystérie.
– Les zombies sont pas assez intelligents pour la détacher... Elle risque pas d'aller bien loin comme ça... Quand, nous, par contre, on aura l'antidote, on pourra toujours revenir la guérir...
– C'est une option, admit le soldat.
Mylène se débattit latéralement, consciente du pire à venir. Elle voulut les insulter de tous les noms, atteindre d'une façon ou d'une autre leur dignité, mais le bâillon l'avait une fois pour toutes mise hors-jeu...
– Le virus fait effet plus vite que ce qu'on pensait...
Elle n'arrivait pas à se calmer. Elle n'arrivait même plus à réfléchir. Le désespoir la dominait.
– Toutes nos excuses, Mylène... On fait de notre mieux... Mais on t'abandonne pas... ! T'inquiète, on t'abandonne pas... »
Ainsi, ils la laissèrent comme qui dirait pour morte.
Mylène pleura pendant d'interminables heures. Rien ne l'avait jamais préparée à une telle trahison. Son cœur cognait dans sa poitrine comprimée. Elle se voyait déjà déshydratée de larmes et de sueur. La contraction, même incontrôlée, de ses muscles, surtout ceux faciaux, lui donna presque la migraine. Son sang bouillait à un stade fiévreux. Elle essaya bien sûr de se relever, aussi diminuée fût-elle, mais sa blessure à la cuisse l'en empêchait. Par malheur, aucun objet tranchant ne se trouvait au sol.
Inutile de crier dorénavant. Impossible qu'une quelconque âme saine se trouvât à sa portée. La demoiselle ne savait plus du tout quoi faire. Passé un certain temps (impossible à chronométrer) demeurée dans la même position, elle finit par perdre connaissance, davantage par évanouissement que par sommeil. Au milieu de ce qui lui sembla être la nuit, hélas, un besoin d'uriner la réveilla. Celui de déféquer ensuite. De dégoût ou de maladie, elle vomit également... ce que son bâillon la força à ravaler.
Au bout du compte, à l'aube suivante, le pantalon crotté, elle se sentait toujours lucide. Aucunement zombifiée. Douée de parole, fût-elle intérieure. Séquestrée par sa propre pensée... Son corps tout entier étouffait. Durant une journée, Mylène attendit que la douleur de sa morsure s'estompât. Seulement, le lendemain, c'était la soif et la faim qui la clouaient sur place. Toutes ses forces défaillaient. À terme, l'après-midi du troisième jour, toujours consciente, ce fut l'appétit d'une foule mort-vivante qu'elle-même assouvit.

VeyIox
Niveau 10
17 septembre 2021 à 22:31:08

T'as regardé the human centipede ?

SadX
Niveau 36
17 septembre 2021 à 22:49:44

Le premier, en entier, ouais. Je me marre tout le temps quand je repense au "regretté triple chien" .
Le deuxième, je l'ai juste survolé. Moins fascinant que le premier, j'ai l'impression.

Pseudo supprimé
Niveau 7
18 septembre 2021 à 14:49:19

Le modo de ce forum :rire:

Pire qu'un gauchiasse. :ok:

SadX
Niveau 36
18 septembre 2021 à 14:55:15

Pourquoi tu parles du modo ?

Mandoulis
Niveau 25
18 septembre 2021 à 15:44:28

Le 18 septembre 2021 à 14:55:15 :
Pourquoi tu parles du modo ?

Aucune idée, le pseudo ne me dit rien. :( Sachant que je suis ici connu pour mes positions plutôt conservatrices (tout le contraire d'un gauchiasse), je pense qu'il a dû se tromper de forum. :oui:

VeyIox
Niveau 10
18 septembre 2021 à 21:05:36

Le 17 septembre 2021 à 22:49:44 :
Le premier, en entier, ouais. Je me marre tout le temps quand je repense au "regretté triple chien" .
Le deuxième, je l'ai juste survolé. Moins fascinant que le premier, j'ai l'impression.

Ton texte me fait penser à la fin, avec la meuf coincée au milieu, sans personne qui viendra la chercher

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Sujet : Mort sûre
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