Se connecter

Création

Ecriture

Sujet : [Nouvelle] Turpitude
1
Lyerk
Niveau 10
01 décembre 2021 à 20:45:33

Salut

J’ai déjà posté ce texte à l’époque mais j’aimerais de nouveaux avis :hap:

Anibal errait dans la rue et se fondait dans la foule des Liégeois affairés. Il ruminait sans relâche les même idées car une sorte de frénésie l’avait saisi : il pensait convulsivement au danger de paraître faible en société et ô combien ses plans pouvaient en pâtir, c’était une peur intime qu’il tenait là. Ainsi, il marchait de façon désordonnée au milieu de tous, pris d’une angoisse latente, et se blâmait au bas mots cent fois de ce comportement abject.
Les échos d’une voix nasillarde de femme parvint à lui du fond de la rue, au milieu de ce tumulte d’autres voix résolument plus neutres. Elle chantait « Les anges pleurent tantôt » et il plut sur les épaules d’Anibal. Il voyait presque la chanteuse de fortune ; elle apparaîtrait bientôt derrière un jeune homme trapu qui éclatait de rire. Là-voilà, une vieille qui mendie, flanquée d’un chien. Elle jetait son regard sénile à gauche et à droite, sans trop voir personne, et ouvrait grand la bouche pour prononcer ses vers et dévoiler le vestige de sa denture. Anibal n’y prêta plus attention, il revint à ses divagations sur la société, et la faiblesse qu’on pouvait y faire miroiter à ses dépends.
Sur sa gauche, un bar qui paraissait plutôt calme attira son attention. Non pas que l’ivresse le délivrerait peut-être de sa gaucherie… mais il connaissait quelqu’un qui travaillait là-bas, quelqu’un qui l’intéressait fort. Alors il entra, saluant l’homme relativement âgé qui fumait à l’entrée, un chapeau de cow-boy sur le crâne.
Il y faisait sombre, et ça sentait la cigarette moisie à tous les étages. La faible lumière rougeoyante caressa le visage fin d’Anibal ; ses traits étaient tout en douceur sans qu’il eût été beau. Il passa la main dans ses cheveux noirs coupés courts, trahissant un certain embarras à pénétrer ici.
Les tables étaient vides mais le comptoir s’avérait quelque peu bondé. Six demeuraient là, attablés, bavardant sans cesse avec les deux restés debout, faute de place.
Il cherchait des yeux, et avec une certaine avidité, le garçon qui s’occupait du service. C’était un beau jeune homme de dix-huit ans, mais exagérément petit, d’un mètre soixante cinq environ. Il avait les cheveux châtains départagés en deux mèches par une raie au milieu.

« Je ne suis pas sûre que ce sont là des manières d’aborder une femme, minauda une jeune fille qu’Anibal ne pouvait voir que de dos. Son visage, sublime sans trop en faire, se gaussa. Il apparaissait une chevelure châtain clair mi-longue à Anibal, qui était resté sur le seuil du bar à observer.
— Fais pas la maligne, dit l’homme à sa droite, dont Anibal ne distinguait que son énorme manteau en fourrure noir. Eh, sers-moi du pékèt. (Le barman s’affaira).

Anibal s’attabla le plus loin possible du comptoir, affaire de ne pas se mélanger. Il tira une cigarette de son veston de cuir et la grilla. Il promenait sa fumée à droite et à gauche en attendant patiemment l’arrivée du garçon.
Au bout d’un long moment, durant lequel la jeune femme avait commencé querelle avec l’homme au gros manteau et un autre ivrogne, il apparut enfin au détour de l’escalier. Sa mine devint sombre lorsqu’il vit Anibal le mirer. Ce dernier prit une anxieuse bouffée de cigarette.

« Mon numéro, tu l’as jeté ? » Fit-il dédaigneusement.

À ces mots, le garçon songea qu’Anibal était ivre. L’autre jour, ce fut à peine s’il ne bégayât pas en lui donnant son numéro sur un bout de papier tout chiffonné. Oui, ivre, sans aucun doute possible.

« Son visage me ronge, pensait Anibal. Il n’est pas particulièrement beau mais merde, ce visage m’obsède. Et ses manies, sa façon de se tenir… »

« Tu l’as jeté oui ou non ? »

Le garçon tressaillit.

« Non… C’est-à-dire que... »

Anibal toisait le garçon d’un regard mauvais. Il reprit une bouffée de cigarette et la recracha droit devant lui, elle formait une nappe fantomatique.
Tout à coup, le jeune homme faisait face à Anibal et le regardant jusque-là dans les yeux baissa son regard jusque son cou. Anibal, stupéfait, regarda à son tour et... « Seigneur, pensa-t-il en tressaillant, puisses-tu me pardonner mes conneries. »
Il se leva en sursaut, se cogna les genoux à la table et partit précipitamment. Dehors il pleuvait à verse. Des gouttes par millions s’abattaient en oblique sur Liège, et un froid mordant assaillit Anibal. La foule s’était dispersée, plus personne ne chantait, ne demeurait plus qu’un murmure, celui d’Anibal jurant

1
Sujet : [Nouvelle] Turpitude
   Retour haut de page
Consulter la version web de cette page