Le soleil brillait de tout son éclat lorsque Fenris arriva au centre du village.
- Quelle magnifique journée, pensa-t-il en affichant un léger sourire, tout en observant la place dans son ensemble.
Les villageois vaquaient tranquillement à leurs occupations en se promenant à travers les petites allées du marché. Les odeurs des stands, des restaurants et des petits commerces alentours se faisaient doucement sentir, ennivrant les pauvres malheureux qui passaient par là. Epris de joie, quelques enfants courraient ici et là en s’amusant dans la plus grande insouciance. Au centre de la place se trouvait une fontaine dont le ruissellement de l’eau appaisait les promeneurs qui se trouvaient à proximité. Les conversations et les rires qui s’échappaient de ce doux vacarme permettaient de renforcer cette scène paisible et harmonieuse à laquelle le jeune homme était en train d’assister.
- Enfin, si elle était si belle que ça, je ne serais pas ici… songea-t-il ironiquement, sans pour autant masquer son sourire.
Quelques minutes passèrent lorsqu’une jeune femme fit son apparition sur la place. Vêtue d’une longue robe de couleur rouge, sa fine taille la mettait parfaitement en valeur. Plutôt grande, ses longs cheveux lisses voltigeaient librement autour d’elle alors qu’elle progressait au milieu de la foule. Dans la fleur de l’âge, elle n’avait pas besoin de beaucoup d’artifices pour faire ressortir sa beauté naturelle. Une tête ou deux se retournèrent sur son passage, agréablement surpris d’un tel spectacle.
- Fenris ! s’exclama la jeune femme avec un grand sourire, à quelques mètres de lui, en lui faisant signe de la main.
Les quelques curieux du coin qui avaient assisté à la scène retournèrent à leurs occupations, déçus que le chanceux de cet instant ne soit pas l’un d’entre eux.
- Qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? demanda la jeune femme en s’approchant.
- J’aimerais qu’on aille se promener, répondit-il naturellement comme s’il avait déjà réfléchi à la question. C’est une belle journée, alors autant en profiter.
- Très bien, répliqua-t-elle. Nous pouvons faire le marché ou aller au parc. Ou tout simplement nous ballader dans le village. Qu’est-ce que tu préfères ?
Un gamin cria un peu plus loin, rappelant aux deux jeunes gens le joyeux raffût dans lequel ils se trouvaient. Fenris lui répondit au même moment mais, au milieu du brouhaha général, la belle n’entendit que la fin de sa phrase.
- …seuls.
- Quoi ? rétorqua-t-elle.
- Je préfèrerais qu’on soit seuls, Taïna, répondit le jeune homme. J’aimerais qu’on aille dans un endroit calme. Là où on aura une belle vue. Tu connais le coin mieux que moi, non ? poursuivit-il en la fixant droit dans les yeux, en attente de sa réponse.
Un court silence se produisit avant qu’elle ne reprenne :
- Oui, bien sûr. Nous pouvons aller en haut de la colline qui surplombe le village. Le plus court chemin pour s’y rendre est celui par l’ouest. Nous n’aurons qu’à marcher une heure pour y arriver. Nous pouvons aussi nous y rendre par le sud, mais cela prendra un peu plus de temps.
- D’accord, je te suis, acquiesa-t-il en hôchant la tête. Mais profitons-en pour partir à cheval. J’ai envie de m’amuser un peu aujourd’hui.
Fenris paraissait sûr de lui et n’avait effectivement qu’une chose en tête : en profiter. Après tout, il était là pour ça.
- Très bien, répliqua Taïna d’un ton enjoué. Vos désirs sont des ordres, Votre Majesté, fit-elle en pouffant de rire.
- Je vois que tu as le sens de l’humour cette fois-ci, fit-il remarquer, agréablement surpris et satisfait.
Fenris emboîta le pas à Taïna et les deux jeunes gens se rendirent dans l’écurie la plus proche. Quelques instants plus tard, ils ressortirent avec un cheval sur lequel ils montèrent tous les deux. Taïna prit place devant lui et, sans plus tarder, ils se mirent en route.
Ils empruntèrent d’abord l’avenue principale avant de sortir du village et finirent rapidement par atterrir dans les petits sentiers environnants qui bordaient les champs de vignes et de culture en tout genre. Des fleurs poussaient par endroits, ornant le long de la rivière à côté de laquelle ils se baladaient et le calme ambiant leur permettait d’entendre le flot de l’eau qui s’écoulait lentement, ne leur rappelant que trop bien la douceur du coin.
Après un petit moment, ils arrivèrent enfin en haut de la colline. Ils descendirent de cheval et s’assirent dans l’herbe afin de contempler le panorama et les paysages qui s’offraient à eux. Au loin, en contrebas, on pouvait distinguer le village duquel ils venaient ainsi que les champs et la forêt qui se trouvaient autour, le tout se détachant sur un ciel bleu vif. Une légère brise se faisait sentir et, avec un peu d’attention, on pouvait même entendre le chant de quelques oiseaux qui se trouvaient par là.
- Ça fait probablement niais mais… il ne manque plus qu’un coucher de soleil et ça serait parfait, dit Fenris.
- Si tu veux, nous pouvons…
- Non. C’est bien comme ça aussi, la coupa-t-il en sachant d’avance ce qu’elle allait proposer. Ça me permet d’oublier que tout ça n’est pas vrai.
Taïna ne s’attendait pas à une telle réponse. Elle s’apprêtait à objecter lorsque Fenris, après un court moment de réflexion, reprit :
- Dis-moi, Taïna, es-tu heureuse ?
- Si tu es heureux, alors je suis heureuse, répondit la jeune femme, aussi naturellement que s’il lui avait demandé de quelle couleur était le ciel.
La légère brise s’accentua, comme pour rappeler qu’elle était toujours là.
- Forcément, marmonna Fenris avec une pointe de sarcasme.
Il s’allongea dans l’herbe avant de croiser les bras derrière la tête. Taïna suivit en faisant de même.
- Tu as l’air soucieux, Fenris. Tu sais que je suis ton amie, tu peux tout me dire.
- Amie… , répéta Fenris songeur, avec un sourire narquois.
Le jeune homme, un peu agacé, se tourna vers elle puis répondit :
- Tout ça n’est pas vrai. Et tu le sais très bien. Alors ça m’arrangerait si tu arrêtais de faire semblant. Ce n’est pas parce que je te paie pour tes services que tu ne peux pas me répondre honnêtement. Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas tes réponses déjà prêtes à l’emploi, celles que tu utilises avec chacun de tes clients, mais tes réponses personnelles. Ce que tu penses vraiment.
Etonnée, Taïna reprit la parole après une courte pause.
- Ce n’est pas parce que tu me paies pour mes services que tout ça n’est pas vrai. Je suis là pour te dire ce que tu as envie d’entendre, pour te montrer ce que tu as envie de voir, pour faire ce que bon te semble. Et tout ce que tu ressens dans ces moments-là est vrai. Le fait que tu paies pour ça n’y change rien. Alors arrête de réfléchir et profite de l’instant présent.
- Très bien, répondit-il, à moitié satisfait, à moitié frustré.
Puis, se tournant vers elle, il prit une mèche de ses longs cheveux lisses entre ses doigts et, en rigolant presque, ajouta :
- Mais j’avoue que je t’aurais préféré un peu moins... réaliste.
Il rapprocha sa tête de la sienne. Il commença à mettre sa main d’abord sur son épaule avant de la descendre lentement sur son bassin. Leurs lèvres commençèrent à se rejoindre et la jeune femme, s’approchant doucement, finit par se coucher entièrement sur lui. Sa poitrine contre son torse, la douceur de sa peau contre la sienne, le parfum de ses cheveux… Chaque partie de son corps mettait les sens du jeune homme en éveil. Et chaque seconde qui passait l’animait toujours plus, le laissant savourer toute la volupté dont il était l’heureux chanceux. A ce moment-là, le reste n’avait plus d’importance. Seule la nature environnante était témoin de cet intriguant spectacle auxquels se livraient les deux complices et Fenris comptait bien en profiter. Il prit finalement l’initiative de ramener son autre main sur elle afin de l’étreindre entièrement quand tout d’un coup, Taïna se figea, le regard sur lui.
- Taïna ? demanda Fenris, intrigué par cette tournure inattendue.
Sans réponse, le jeune homme réitéra sa question :
- Eh ! Taïna ?!
Soudain, Fenris s’immobilisa, scrutant ce qui venait d’apparaître face à lui.
« Un problème technique est survenu. Vous avez été déconnecté du serveur. Veuillez réessayer plus tard. »
- Et c’est reparti…, souffla Florient d’un ton las et malheureux, presque fatidique, en ôtant son casque.
Reprenant la souris et le clavier en main, il se dirigea sur la plateforme qui venait malencontreusement de l’expulser.
- La prochaine, je l’appelerai Ostara.