J'y pense : peut-être le mauvais traitement de Colomb par Bobadilla a-t-il été inspiré par la clique de Ximeno... pour se venger de l'agression subie au départ de l'expédition ?
Les conversos d'Anvers :
Les conversos, ou marranes, ou nouveaux chrétiens, se sont pour quelques milliers réfugiés au Portugal entre 1492 et 1497 avant qu'ils ne soient à leur tour bannis de ce pays.
L'historien juif Israël Réva nous en parle dans un article paru en 1963 (Pour l'histoire des Marranes à Anvers : recensements de la «Nation Portugaise » de 1571 à 1666
https://www.persee.fr/doc/rjuiv_0484-8616_1963_num_122_1_1439)
Quelques dizaines sont alors allés s'établir à Anvers. Une vingtaine vers 1520 dit-on (1). Puis l'Inquisition portugaise mettant la pression sur les conversos, beaucoup fuient à Anvers dans les années 1530 (quelques dizaines de plus).
Environ quelques 80 familles juives sépharades se sont établies dans ce port belge. A l'époque le territoire était pourtant sous l'autorité du roi d'Espagne.
Comment expliquer que le roi les a toléré là-bas ?
En réalité il a essayé de les expulser 2 fois (1549, 1550). Mais à chaque fois l'édit n'a pas été suivi d'effet.
D'abord, les juifs étaient peu nombreux : 80 familles au maximum (en 1570), soit quelques centaines d'individus. Ensuite ils étaient marchands, c'est à dire qu'ils avaient de l'argent. Ils ne causaient ni criminalité ni trouble. Bon, évidemment quelques riches conversos seront inquiétés par de riches bourgeois d'Anvers, les bourgeois catholiques n'appréciaient pas cette concurrence. Mais ces cas sont peu nombreux.
Enfin, le contexte en Belgique n'était pas le même qu'en Espagne. En effet, dans cette région du monde, les juifs n'avaient pas favorisé une invasion musulmane qui a duré plusieurs siècles... les populations belges n'avaient donc aucune raison d'en vouloir aux juifs, contrairement aux populations ibériques qui avaient souffert 700 ans d'occupation musulmane. Le contexte n'était donc pas le même.
Le fait même que le roi se soit contenté d'édit et non de leur réelle application prouve le peu d'entrain qu'avait le roi espagnol à chasser les juifs... cela prouve qu'il ne l'avait fait en Espagne que devant la nécessité populaire et de cohésion de sa couronne.
On notera pourtant que l'Inquisition aurait parfaitement pu et du enquêter sur ces juifs.. mais qu'elle ne l'a pas fait. Car cela ne correspondait ni à un besoin politique ni à un besoin social.
Il est vrai que la Belgique avait interdit l'Inquisition sur son sol. Mais si le roi l'avait vraiment voulu, qui aurait pu s'y opposer ? Personne. En réalité, le roi se moquait assez de ces quelques juifs réfugiés là-haut.
Reste qu'Anvers était administré par un Magistrat. La ville, comme toute ville médiévale, est administrée par ses bourgeois. Or, ce Magistrat d'Anvers s'est toujours montré favorable aux juifs. On peut estimer que les juifs le corrompaient... ce n'est pas impossible. Mais en tout cas il leur accordé sa protection.
Les juifs ont donc pu rester à Anvers et prospérer. L'un d'eux Marcos Perez propose au roi 3 millions de florins d'or en échange de la liberté religieuse, c'est à dire en échange de leur reconnaissance en tant que juifs. (1)
Ils sont si bien qu'il n'est qu'une époque (1577 à 1585) où ils ont préféré fuir la ville pour se réfugier à Cologne. C'est quand la ville tombe dans les mains du Prince d'Orange. Voilà une preuve qu'ils préféraient vivre sous un roi espagnol catholique que sous un prince protestant soit-disant plus tolérant ! Mais sûrement est-ce là encore la preuve que les juifs craignaient que la population n'assimile leur présence à de la collaboration, à de la traitrise... Si les juifs étaient restés, qu'aurait demandé le roi d'Espagne au moment de la reconquête de la ville en 1585 ? Les juifs auraient sans doute subi les foudres de la population et du roi... c'est sans doute pourquoi ils ont préféré fuir à Cologne.
En 1585, un juif d'Anvers craque et fuit à Lisbonne où il dénonce tous ses coreligionnaires. Il les dénonce comme faux chrétien. Il affirme que seules 3 familles sont de vrais convertis, des juifs ayant vraiment renié leur foi. Tous les autres dit-il sont des judaisants, des faux chrétiens. Pourtant malgré ce témoignage, aucune suite ne sera donné. Le roi d'Espagne tient vraiment à ses juifs d'Anvers.
Ces cryptojuifs sont communément appelés portugais ou nation portugaise.
C'est exactement la même chose pour les sépharades installés à Bordeaux par exemple à la même époque (dont descend Montaigne). Tout le monde sait qu'ils sont juifs et qu'ils pratiquent le judaisme ouvertement. Tout le monde sait qu'ils ne font qu'adopter des noms chrétiens pour faire semblant... Et comme les juifs d'Anvers ils se font appeler Portugais ou nation portugaise. Le Roi français est parfaitement au courant mais laisse faire... tout comme le roi espagnol à Anvers... car les juifs ne posent pas de problème de cohésion sociale ou politique. Ils sont bien intégrés comme on dirait aujourd'hui. Seuls quelques catholiques fervents les haissent. Parfois les juifs sont chahutés. Mais rien de grave.
A la fin du siècle se constitue la communauté juive d'Amsterdam (1593). Ces juifs d'Anvers ont toujours bénéficié du soutien des juifs d'Amsterdam.
Anvers était situé alors dans les Provinces du Sud, Belgique on dirait aujourd'hui. Amsterdam était située dans les Provinces du Nord, la Hollande on dirait aujourd'hui.
Ces juifs paraissent bien pacifiques et bien peu hostiles aux rois portugais et espagnols qui ont fait leur exil. Il parait pourtant qu'ils n'ont pas été étrangers à la création et à la diffusion de la "légende noire" de l'Espagne et de l'Inquisition. C'est en effet à Amsterdam et à Anvers que sont publiés et traduits à l'étranger pour la première fois (en 1578) les livres de Las Casas dénonçant le génocide indien. La vengeance est un plat qui se mange froid. Le récit des juifs a surement aussi alimenté les discours des patriotes hollandais hostiles à l'installation de l'Inquisition dans leur pays.
(1) Jean Arthur Van Houtte, Anvers aux XVe et XVIe siècles : expansion et apogée https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1961_num_16_2_420705
À ce sujet, lire l'excellent livre de Darío Fernandez-Morera « Chrétiens, Juifs et Musulmans dans al-Andalus ».
Il explique clairement que les juifs accueillirent les musulmans en libérateur et que ces derniers n'hésitèrent pas à leur confier les clefs des villes conquises après la victoire de Guadalete en 711. Il explique aussi que Barcelone fut prise grâce à la trahison des juifs.
Le 21 février 2022 à 08:13:48 :
À ce sujet, lire l'excellent livre de Darío Fernandez-Morera « Chrétiens, Juifs et Musulmans dans al-Andalus ».Il explique clairement que les juifs accueillirent les musulmans en libérateur et que ces derniers n'hésitèrent pas à leur confier les clefs des villes conquises après la victoire de Guadalete en 711. Il explique aussi que Barcelone fut prise grâce à la trahison des juifs.
Oui, c'est unanimement reconnu.
Mais tous les juifs n'étaient pas des traitres non plus. Disons que la communauté juive s'est illustrée par cette trahison. Ce qui peut expliquer l'expulsion de 1492.
Les historiens essayent le plus souvent d'excuser cette haute trahison par "l'antisémitisme" soit-disant forcené des wisigoths.
Le 18 février 2022 à 13:11:39 :
Perez p.362 estime à 150.000 les juifs de Castille et 50.000 les juifs d'Aragon.
Il estime que sur les 50.000 d'Aragon seuls 10.000 ont été expulsé, et donc 40.000 se sont convertis.
20% seulement sont expulsés, la très grande majorité choisit de rester et devenir chrétienne.
En Castille, il estime que c'est très difficile de savoir. Mais au total les estimations oscillent entre 50.000 et 150.000. Ça fait quand même du simple au triple. Si on prend l'hypothèse basse (50.000), cela donne 10.000 pour l'Aragon et 40.000 pour la Castille ; ce qui donne 20% d'expulsés en Aragon et 30% en Castille. Mais si on prend l'hypothèse haute, ça monté à 140.000 expulsés en Castille, ce qui monte à 90% d'expulsés... On comprend que l'hypothèse haute soit fantaisiste. En effet, rien n'indique un mouvement d'une telle ampleur. C'est sans doute pourquoi Perez privilégie l'hypothèse basse de 50.000 (10.000 pour l'Aragon et 40.000 pour la Castille).Ces 50.000 expulsés trouvent surtout refuge dans l'empire ottoman. Puis dans une moindre mesure en Afrique du nord, dans le sud-ouest de la France, en Angleterre, en Flandres (Amsterdam). Perez ne donne pas de chiffres pour chaque destination.
Michel Abitbol (historien juif) estime le nombre d'exilés à 160.000, 200.000 ou 250.000 ! On dira qu'il l'estime à 200.000. Ainsi selon cet historien les 3/4 des juifs d'Espagne choisirent l'exil... c'est bien évidemment grotesque. D'ailleurs Abitbol a la délicatesse de mettre des points d'interrogation et de souligner qu'on ne sait pas vraiment...
Donc que ce soit Perez ou Abitbol, les historiens estiment à peu près à 200.000 le nombre de juifs en Espagne à la veille de l'expulsion.
Andres Bernaldez, un chroniqueur contemporain, parle de 170.000 âmes juives en Espagne, dont 30.000 familles en Castille et 6.000 familles en Aragon. Ce qui fait 4.7 juifs par famille. On peut imaginer papa maman et 2 ou 3 enfants. C'est raisonnable. Ce qui donnerait 141.000 juifs en Castille et 28.000 juifs en Aragon.
Bernaldez s'est forcément appuyé sur des recensements officiels pour donner des chiffres aussi précis.
Pourquoi les historiens parlent plutôt de 200.000 juifs, alors ? Et bien le 4.7 par famille parait faible si on compte papa maman et 2 ou 3 enfants... car on oublie les grands parents dont au moins serait encore en vie... Ce qui pousserait à rehausser le chiffre de Bernaldez en rajoutant un membre par famille et on arrive ainsi à à peu près 200.000 (206.000 exactement, 170.000+36.000).
Bon pour ma part j'aurais tendance à rester fidèle au chiffre de Bernaldez. Je n'aime pas trop les extrapolations alors que les sources sont claires.
Mais le chiffre de 28.000 juifs en Aragon contredit l'estimation de Perez qui parle de 40.000 juifs en Aragon. Je privilégie Bernaldez.
Les conversos, Bordeaux et le roi de France :
L'historien juif Gérard Nahon (Juifs à Bordeaux) nous raconte comment les juifs dits portugais (en réalité espagnols) se sont installés à Bordeaux et dans le Sud Ouest.
p.35 il évalue à 30 à 100.000 les juifs espagnols ayant trouvé refuge à Porto au Portugal. Cela me semble énorme. On retrouve la grossièreté des estimations de Michel Abitbol... on va là du simple au plus du triple ! Sans doute la réalité est beaucoup plus proche des 30.000 que des 100.000...
Nahon cite longuement le récit de "l'expulsion" des juifs du Portugal en 1496 qu'en fait Montaigne. Montaigne adopte un récit incohérent rempli de pathos : les juifs auraient été rançonné, esclavagisé et tous les enfants de moins de 14 ans auraient été ravi à leurs parents et convertis de force. C'est évidemment grotesque et Montaigne tire ce témoignage soit de sa propre famille, soit des "portugais" de Bordeaux qu'il a pu fréquenter... D'ailleurs Nahon, sans rien critiquer de Montaigne, nous dit que les juifs portugais ne risquaient rien en restant au Portugal après 1496 car l'Inquisition n'y existait pas. Les juifs pouvaient donc rester sans être inquiété.
Nahon explique que le prochain roi portugais va changer d'attitude et demander au Pape d'envoyer des Inquisiteurs au Portugal. Nahon refuse de le dire clairement, mais s'il agit ainsi c'est que les juifs portugais continuaient ouvertement à pratiquer le judaisme et à provoquer les "vieux chrétiens", troublant l'ordre public.
Nahon nous explique alors que les juifs portugais corrompent le Pape qui n'enverra l'Inquisition qu'en 1536 au Portugal. Nahon dresse alors un portrait horrible et peu crédible de l'Inquisition pourchassant et brulant à tout va...
La réalité est sans doute autre. D'abord, il faut dire et redire que des quartiers entiers, des villages entiers étaient peuplés de juifs... Nahon lui-même parlait de 30.000 à 100.000 juifs rien que pour Porto... il est évident que les juifs ont créé une société parallèle durant près de 40 ans au Portugal avant d'être inquiété... que l'Inquisition "vide des villages ou des quartiers" (comme s'en plaint Nahon) n'a donc rien d'étonnant !
Nahon se plaint ensuite que les Juifs n'ait d'autre choix que l'exil... tout en précisant que cet exil s'écoula sur 200 ans... quel grotesque ! Voilà comment Nahon nous présente les choses : une brutale répression qui met 200 ans à forcer les juifs à quitter le pays ??? la réalité est que l'Inquisition n'a brulé que pour faire des exemples... que l'immense majorité des juifs a préféré rester au Portugal plutôt que fuir... et que les juifs avaient compris que s'ils s'abstenaient de critiquer publiquement le christianisme, s'ils s'abstenaient de pratiquer publiquement le judaisme, s'ils faisaient semblant en s'appliquant de pratiquer le christianisme, ils n'étaient pas inquiétés... pas même par la "terrible" Inquisition !
Quoiqu'il en soit l'instauration de l'Inquisition au Portugal en 1536 entraine la fuite d'une partie des juifs portugais. Nahon en dresse un tableau apocalyptique (buché etc) mais ne donne aucun chiffre... il s'agit surement de quelques milliers de juifs portugais au maximum... des juifs qui se sentaient menacés par l'Inquisition ou qui avaient les moyens de partir.
Nahon cite un rapport de diplomate dénonçant l'arrivée massive à la frontière pyrénéenne de "juifs fuyant l'inquisition espagnole (...) ils s'en vont tous vers Bordeaux et la Gascogne. Ce sont des convertis qui continuent à observer le rite mosaique". Là encore aucun chiffre n'est donné.
Nahon rappelle que le roi de France Charles VI avait expulsé les juifs en 1394. Mais nulle Inquisition en France. Il explique la facilité d'installation des "portugais", citons Nahon : "il suffisait de demander des "lettres de naturalité", les obtenait, les faisait enregistrer au parlement de Paris ou Bordeaux. Il pouvait désormais s'installer avec les siens dans le royaume, y pratiquer le commerce et vivre comme il l'entendait". Ces "lettres de naturalité" sont dites portugaises quand la personne qui les demande est portugais. On les trouve dès le début du XV° s. et elles se multiplient à partir de 1536.
Les lettres de naturalité donnaient protection et liberté totale à ceux qui en avaient. Ils avaient même des privilèges fiscaux. La raison en est que Louis XI (1461-1483) créa ces lettres pour attirer en France de riches commerçants étrangers... il ne pouvait pas savoir que cela attirerait des milliers de juifs portugais 50 ans plus tard !
Ces lettres de naturalité ont tout de même un intérêt pour le roi : celui qui les obtient doit payer une forte somme d'argent à leur acquisition. C'est pourquoi elle était réservé aux riches commerçants. Ainsi, les plus riches des juifs portugais les demandaient et les obtenaient facilement.
Mais les autres ?
Et bien nous dit Nahon, l'administration ne les embêtait pas. Autrement dit, avec ou sans lettres patentes, les juifs portugais étaient les bienvenues et tolérés.
Toutefois, cette situation ne plaisait pas aux plus riches des juifs portugais qui devaient payer ces lettres, et elle ne plaisait pas non plus aux plus pauvres qui n'avaient les moyens de se les payer... Le lobby des juifs "portugais" à la cour, autour de François de Castro et de Louis de Berga (et 21 autres juifs nous dit Nahon), faisait donc forte pression sur le roi pour trouver une nouvelle formule prise exprès pour les juifs portugais. En 1550, Henri II finit par lâcher le morceau. Il accorde aux "nouveaux chrétiens portugais" une nouvelle formule les exemptant de taxes : les "lettres de naturalité" deviennent les "lettres patentes" accordées collectivement à tout portugais nouveau chrétien. Les riches juifs n"ont plus à acheter leurs lettres, et les autres juifs sont enfin "légalisés" même s'ils n'étaient pas embêtés auparavant. Ces lettres patentes devaient être renouvelés par chaque roi. Ainsi Henri III les renouvela en 1574. Le lobby juif représenté par Diego Mendes Dias et Simon Meira fit reconnaitre ces lettres par la chambre des comptes de Paris en 1580 (sans doute parce que cette dernière devait continuer à demander le paiement des taxes).
Henri IV
Henri IV et Louis XIII ne signeront pas de "lettres patentes". Henri IV fit ainsi expulser certaines familles juives en 1597, elles vont en Navarre (pourtant espagnole!). Il n'agit pas par antisémitisme : Marie de Médicis, sa seconde femme, fait venir en 1612-1615 Elie de Montaldo, célèbre médecin juif pour la soigner. Elie de Montaldo bénéficie d'une exception royale qui lui permet de pratiquer le judaisme.
Louis XIII
Louis XIII lui non plus ne renouvelle pas les lettres patentes. Il demande même l'expulsion des juifs du pays en 1615. Sans doute voulait-il faire payer les juifs. L'affaire en resta là. Sans doute les lettres patentes n'étaient plus nécessaires.
En 1622 Pierre de l'Ancre publie un brulot contre les juifs, dénonçant les "portugais". il demande des enquêtes sur les juifs de Bordeaux. Mais le Parlement de Bordeaux prend le parti des juifs et interdit toute poursuite.
En 1625 Louis XIII fait dresser un inventaire des biens et des richesses des juifs établis à Bordeaux. Mais au niveau local, les juifs peuvent compter sur les jurats (magistrats) et le maréchal d'Ornano, gouverneur de Guyenne qui leur sont ouvertement favorables. La demande de Louis XIII est torpillée.
En 1636 un recensement des "portugais" donnent le chiffre de 260 à Bordeaux : Alvarez, Furtado, Mendes, Olivera, Fernandes, Lopez, Francia... François, Isabeau, Emmanuel, Antoine...
Quand les troupes royales sont envoyées à Bordeaux pour défendre la ville contre les Espagnols (en guerre) en 1636, certaines sont logées chez les juifs... qui n'en veulent pas ! les magistrats de la ville décident alors de déplacer les troupes qui dérangent les juifs.
Mais cela n'arrête pas l'afflux croissant de juifs qui passent par la frontière espagnole. En 1632 un commissaire de l'Inquisition de Navarre signale que de nombreux juifs portugais fuient vers la France dont beaucoup étaient riches.
Les juifs s'installent à Peyrehorade, Bayonne, en Navarre (royaume d'Espagne !), St Jean de Luz, Bidart, Cibourre, Espelette, Ustarritz... jusqu'à Nantes.
En 1647, l'ambassadeur à Lisbonne avertit Mazarin que la région de Bordeaux, Nantes, Rouen, Tartas est pleine de la "peste judaique".
En 1651 un témoin rapporte qu'à Bordeaux dans le quartier du Mirail on trouve une synagogue clandestine, que dans les squares du quartier les juifs discutent entre eux "de la loi mosaique".
En 1653, les juifs de Bayonne engagent un rabbin venu de Hollande, Isaac de Avila (un sépharade).
En 1656 le conseil privé du roi demande à ce que les juifs transitant par la France et faisant du trafic soient envoyés aux galères. Mais le roi Louis XIV prend alors la défense des juifs et signe des "lettres patentes" en 1656 à Bayonne.
En 1658, la communauté juive fait venir un médecin juif d'Amsterdam qui fait le tour du sud-ouest pour circoncire tout le monde. Auparavant on ne faisait circoncire que sur le lit de mort.
En 1684, après enquête, 93 familles juives sont identifiées à Dax, Bordeaux, Bayonne, Bidache, Peyrehorade. On demande leur expulsion, mais elles ne sont pas expulsées. C'est la première fois que les juifs sont officiellement identifés dans le royaume. Auparavant on les appelait "portugais" ou "nouveaux chrétiens".
Les juifs avaient si bien réussi et essaimé qu'ils s'étaient installés à Toulouse. Mais en 1685 les bourgeois s'émurent de cette concurrence. Une enquête fut lancée contre eux et 18 juifs furent condamnés au bucher, mais ils s'enfuirent en sauvant leur vie.
Désormais en France portugais veut dire juifs, et si vous êtes portugais et "vieux chrétien", il faut le prouver.
En 1670 plusieurs juifs de Bordeaux acquièrent des "lettres de bourgeoisie" : Fernandes, Lopes, Lameyre, Georges Francia, Antoine Lopes de Pas. Ce titre exemptait de nombreuses taxes : taille, aides, logement des gens de guerre etc...
Les juifs de Bordeaux étaient si prospères que certains renvoyaient leurs enfants en Espagne pour leur éducation, voir la famille restée au pays, ou pour les affaires... complètement oublieux de l'Inquisition. Deux d'entre eux furent brulés vifs par l'Inquisition en 1680.
Nahon cite des commerçants juifs castillans (mais dits "portugais") établis à Bordeaux qui commerçaient le pastel de Burgos. D'autres sont médecins. Jacques Ximénès, Ramon de Granola médecin en 1526, Gabriel de Tarégua professeur à la faculté de médecine. Jehan Milanges Procureur au parlement. Les commerçants Guillaume del Cano, Alfonso Lisana, Antoine Lopez. Le collège de Guyenne fondé en 1533 accueille de nombreux "portugais" : André de Govéa, le principal en 1534, fait venir le sous-principal Jehan da Costa, Jean Fernandès da Costa, Jehan Gelida, Mathieu da Costa... André de Gouvéa deviendra ensuite conseiller d'Etat du duc de Savoie. Le collège de Guyenne formera Etienne de la Boétie ou encore Michel de Montaigne.
Je m'arrête à la page 50.
Les Juifs de Martinique : conversos, portugais et hollandais de Bordeaux
Jacques Petit Jean Roget nous renseigne sur les Juifs de Martinique https://www.persee.fr/doc/outre_0399-1385_1956_num_43_151_1258?q=aliz%C3%A9es
L'indépendance de la Hollande en 1648 entraine en 1654 l'expulsion des hollandais du Brésil, colonie portugaise. Parmi les colons hollandais expulsés certains se fixent à la Martinique.
La Martinique était en théorie réservé aux catholiques. Les hollandais étaient protestants ou juifs. Mais ils n'ont pas été chassé de la colonie. Les Juifs se faisaient passer pour chrétiens, évitant de révéler leur véritable foi. Les Jésuites obtinrent pour un temps leur expulsion, mais ils trouvèrent refuge dans l'île voisine de la Guadeloupe où ils bénéficièrent de la protection du gouverneur local.
D'autre hollandais s'installèrent à la Martinique, dont des juifs, et ne furent pas expulsés mais volés par les sauvages locaux. ils refirent leur fortune en tenant des bistrots.
Le 4 février 1659, un édit du roi expulsa les juifs de Martinique. Mais il fut annulé en septembre de la même année. Les juifs étaient trop riches et trop importants pour le commerce de l'île.
En 1664 le gouverneur local impose aux juifs de vendre le samedi, jour du sabbat, sans qu'on soit sur que cette obligation ait été suivi d'effet : les juifs se plaignirent à Colbert et on en entendit plus parler. Les juifs de Martinique tiennent alors des commerces de détail. On compte 7 familles en 1664 avec 5 domestiques blancs chrétiens et 19 esclaves noir(e)s dont 8 négrillons. C'est étrange car en général il était interdit aux juifs de posséder des serviteurs chrétiens.
A partir de 1665 il est permis aux Juifs de Martinique d'acheter des terres. En 1670 ils possèdent des maisons et leur propre cimetière. En 1670 le nombre de familles passe à 14 et on dit qu'ils font des "grands profits". Ils sont tous commerçants.
Le commerce avec la Hollande est alors interdit. On s'étonne d'une telle prospérité si le commerce avec leur pays est interdit. Mais la Hollande est-elle vraiment leur pays ? En réalité ce sont des juifs portugais, beaucoup sont d'anciens conversos. Certains ont de la famille en Allemagne. Beaucoup sont des juifs portugais de Bordeaux ou Bayonne qui ont des liens avec le Brésil et la Belgique ou l'Allemagne. Pour eux la vente, le commerce n'était pas un problème.
Parmi les juifs bordelais établis à St Pierre de Martinique, on peut citer Jacob Luis après être passé par Bayonne. Aaron Lopez et sa femme Rachel Dagoma (originaire du Brésil) dont une partie de la famille était à Amsterdam et Bordeaux.
Isaac Pereira était lui né à Libourne (à 40 km de Bordeaux), sa femme était aussi originaire du Brésil, leurs deux enfants étaient nés à Amsterdam ; ce sont les ancêtres des célèbres banquiers Pereire qui fonderont Arcachon au XIX° s. Aaron Francia originaire de Bordeaux et établi en Martinique est sans doute l'ancêtre de Pierre Mendès-France, le premier ministre de la 4° république. Abraham de Oliveira appartenait sans doute à la famille Lopez de Oliveira qui fonderont une fabrique de soie à Bordeaux en 1678.
Les Lopez ou Lopes étaient établis à Bordeaux depuis 1415, bien avant l'expulsion de 1492 et étaient des conversos officiellement. Ils donnèrent un abbé académicien, (l'abbé de la Farre), un marquis (Marquis de Monteverde), un médecin célèbre, un avocat célèbre, un commerçant important, un professeur de médecine, un chanoine, et la branche établie à Toulouse donna Michel de Montaigne. La famille est aussi établie à Anvers. Cette famille est en réalité une multinationale avant l'heure.
En 1669, le gouverneur note que les juifs observent le Sabbat, travaillent le dimanche et ne respectent pas la semaine sainte de Paques. L'Eglise se plaignait. Le gouverneur envisagea de les forcer à travailler le samedi et d'observer la semaine sainte et de respecter le dimanche. Mais le gouverneur fut rappelé à l'ordre par le conseil du roi : les juifs s'étaient plaints par leur réseau à sa majesté. Un juif, Abraham d'Andrade, apporta en personne la lettre du Roi au gouverneur. Quel camouflet ! On raconte qu'à cette époque Louis XIV préparait sa guerre de Hollande et qu'il avait besoin du soutien des juifs pour s'approvisionner en poudre et peut-être aussi en renseignements sur l'ennemi. Cette connivence avec leur roi donna de l'assurance aux juifs de Martinique qui procédèrent ouvertement à leur culte dans les rues de St Pierre. Et ils modifièrent même le jour du marché qui était fixé jusqu'alors le samedi jour du sabbat. En 1680 on comptait 16 familles juives possédant plus de 100 esclaves. On voit bien l'enrichissement de la communauté.
Cet enrichissement inquiète La Compagnie des Indes. Les juifs sont si prospères qu'ils accaparent le commerce et ont un quasi monopole des bénéfices. Comment la Compagnie peut-elle gagner de l'argent avec la concurrence des juifs ? Impossible ! Colbert fait pression alors sur Louis XIV pour chasser les juifs de Martinique. Les Jésuites, inspiré par Colbert, rédigent un réquisitoire pour chasser les juifs de Martinique. Mais tous leurs arguments sont réfutés par l'intendant, ce qui prouve que leur exil est du uniquement à des préoccupations économiques et non religieuses.
Le 24 septembre 1683 Louis XIV ordonne de chasser les juifs de l'île. Benjamin d'Acosta, juif prospère, possédant des sucrières et des cacaoyères est contraint de fuir...
En 1685 le Code Noir réitère leur expulsion, preuve qu'il en restait toujours ! En 1760, les Jésuites de Martinique empruntent 400.000 livres aux Gradis, une riche famille juive de l'île. En 1766 un Cohen s'établit même à la Martinique au vu et au su de tous.
C'est que le commerce n'a jamais cessé : au XVIII° s. les juifs portugais de Bordeaux les Gradis et les Dias reprennent les affaires de leurs prédécesseurs. Cette fois ils feignent de s'instruire dans la religion catholique.
La réussite des Gradis est exceptionnel : en 1775 ils avaient prêté des sommes considérables, tant au roi, qu'à des commerçants bordelais, à des parlementaires bordelais (plus de 600.000 livres de dettes pour 2 d'entre eux qui sont obligés de vendre leur maison de Martinique).
En 1779 le roi reconnaissait la grande utilité qu'avait joué les Gradis dans le commerce des colonies et par les nombreux prêts qu'ils avaient concédé.
On l' a vu les juifs se faisaient passer pour chrétiens et catholiques.
On les appelait "nouveaux chrétiens" ou "portugais" alors qu'ils étaient juifs et originaires d'Espagne.
A la maison ils parlaient espagnol. C'est dans cette langue et en hébreu qu'ils écrivaient des livres pour les rites juifs. Ils célébraient les fêtes juives et les prières juives. Ils ne mangeaient pas de porcs, cuisinaient à l'huile et non au beurre etc. bref ils mangeaient "casher". Les hommes se faisaient circoncire sur leur lit de mort, condition sine qua non pour être enterré selon les rites juifs. Les corps étaient enterrés dans des cimetières juifs non officiels. Ces cimetières étaient abrités par des ordres monastiques (les cordeliers à Bordeaux) auxquels les juifs faisaient des prêts généreux en échange. Il s'agit donc ni plus ni moins que de corruption. Les frères laissaient les juifs enterrer leurs morts selon leurs propres rites. Les stèles funéraires mentionnaient les dates selon le calendrier juif, aucun signe chrétien n'y était apposé, l'écriture est latine mais selon la prononciation hébraïque. Certains juifs étaient enterrés dans les cimetières des paroisses, comme s'ils étaient chrétiens. Peut-être seuls les plus riches se faisaient enterrer judaiquement dans les jardins des couvents ? S'il fallait payer les moines, tout le monde ne pouvait pas se le permettre.
Ils prenaient des prénoms juifs tirés de la bible : Sara ou Ester pour les filles, Jacob, Abraham pour les hommes. Certains prenaient des prénoms chrétiens : Antoine, Pierre parfois.
Leurs noms de famille étaient portugais parfois un peu francisés comme Franca Mendès qui devint France Mendes puis Mendès France.
Ils n'avaient pas de synagogues officielles, mais se réunissaient soit chez un particulier soit à la campagne à l'abri des regards. A Bordeaux ils avaient une synagogue non-officielle dans la quartier du Mirail. C'était un coin très fréquenté par les juifs et les passants entendaient parler espagnol, portugais, hébreu, les juifs parlaient entre eux dans la rue et sur les bancs du square en face de la synagogue. Personne ne les embêtait.
Les enfants juifs avaient leur catéchisme animé par des rabbins étrangers venus de Hollande en particulier.
On a vu que certains conversos ressentaient le besoin de retourner au pays, en Espagne où ils avaient de la famille et du commerce. On a vu que certains à cette occasion se faisaient attraper par l'Inquisition et brûler sur le buché. Gérald Nahon (Juifs à Bordeaux) en donne 2 exemples :
-Luis Savaria (23 ans) brulé à Madrid le 30 juin 1680
-en 1653, le rabbin Isaac d'Avila (basé à Amsterdam) se marie avec une juive bordelaise dont le père dit-on venait d'être brulé en Espagne.
Bordeaux et la France étaient vus par les juifs d'Espagne comme un Eldorado :
-Antonio Henriquez Gomez, né à Cuenca, vit à Madrid, commerce avec Bordeaux où vit son oncle (Antonio Enriquez de Mora) et Nantes. Il transporte et publie des livres en France : des romans, des pièces, des pamphlets contre l'Inquisition, des livres à la gloire de la France beaucoup plus tolérante que l'Espagne. Il est brûlé à Séville en 1660.
Montaigne, on le sait, était issu d'une famille juive. Bien qu'il ne pratiquait pas le judaisme, il est considéré comme judaisant car sympathique et tolérant envers les juifs ou les protestants. Quant à son ami Etienne de la Boétie, il était officiellement catholique, mais il est aussi considéré comme judaisant et sur son lit de mort il prononce une formule qui incarne le judéochristianisme : "je demande à être enterré sous la foi et religion que Moise planta premièrement en Egypte, que les Pères reçurent depuis en Judée et qui de main en main par succession de temps a été apportée en France". La Boétie voulait donc réunir les deux religions et ne reniait pas le judaisme, il ne voyait judaisme et christianisme que comme une seule et même religion.
Pierre Guichard (Al Andalus, 2001) : " (Les envahisseurs musulmans) reçurent en particulier l'aide des juifs du sud de l'Espagne, si durement persécutés dans les années antérieures. On sait qu'ils allaient s'engager jusqu'à garder militairement certaines villes conquises pour permettre aux armées musulmanes de progresser vers le nord".
Le point de vue de l'historiographie traditionnelle est bien résumé ici : les juifs on trahi, ils ont pris les armes contre les chrétiens et pour les musulmans, mais ils ont bien fait car ils étaient maltraités.
La même historiographie estimera que la vengeance de cette trahison, l'expulsion des juifs au moment de reconquête (1492), est un crime contre l'humanité.
L'historiographie française approuve la trahison, aussi surprenant que cela puisse paraitre.
Je viens de découvrir que le roi Wisigoth Sisebut avait déjà obligé les juifs à se convertir ou à partir. Déjà à l'époque une partie s'était convertie (on parle de 90.000), et une autre avait fui. Une bonne part parmi ceux qui avaient fui étaient partis en Gaule.
Mais un ou deux rois wisigoths après lui, un de ses successeurs avait autorisé les juifs espagnols qui avaient fui en Gaule à revenir en Espagne.
Le fils de Sisebut, Récarède II (621), fut rapidement assassiné par Swinthila (621-631), dans un complot auquel les juifs, vengeurs, ont pris part.
Sisenand (631-636) renverse à son tour Swinthila.
Au 4eme Concile de Tolède de 633 on statue sur le cas des premiers ‘marranes’, des juifs qui ont reçu le baptême mais continuent à pratiquer les rites juifs. On les force au culte chrétien « il convient de les contraindre à observer la foi qu’ils ont reçue par la force ou la nécessité » et on leur retire leurs enfants.
Chintila (636-639) força aussi les juifs à se convertir.
Receswinthe (653-672) obligea également les juifs à se convertir.
Au 8eme Concile de Tolède de 653 les convertis sont contraints de signer un texte où ils s’engagent à ne pas se marier entre eux et à exécuter eux-mêmes les convertis qui n’observeraient pas strictement la foi catholique.
Au 12eme Concile de Tolède de 681 édicte vingt-huit lois pour « extirper la peste judaïque ».
En 694, le roi Egica les accuse les juifs de se mettent en rapport avec leurs frères d’Afrique du Nord pour détruire le Royaume wisigoth. Il les réduit en esclavage sous le joug des possessores, grands propriétaires fonciers qui les convertissent au christianisme. On vole leur biens et désormais les juifs « appartiennent au fisc » et au Roi qui les protègera et les pressurera d’impôts jusqu’à l’expulsion de 1492.
On peut même remonter à 303 et au concile d'Elvire. Les juifs occupaient une place privilégiée dans la société espagnole. Ils avaient donc le pouvoir économique. Ils attiraient les femmes chrétiennes les obligeant à se convertir. Ils possédaient des esclaves chrétiens, les obligeaient à se convertir. C'est ce que dénonce le concile. C'est pourquoi il interdit aux juifs de posséder des serviteurs chrétiens et il interdit aux chrétiens de contacter des juifs.
En 399, le pape Anastase 1er convoque un concile, les mariages mixtes entre Juifs et Chrétiens sont interdits.
Il est faux de croire (comme on l'entend souvent) que les Francs ou les Byzantins étaient plus sympathiques envers les Juifs.
En 439, est promulgué le code Théodosien de Justinien II. Il est interdit aux juifs d’exercer une profession publique ou militaire, et l’on cherche à imposer la conversion de force au christianisme dans l’Empire.
En 533, Childebert 1er (roi de Paris à partir de 511 et roi d'Orléans de 524 à sa mort en 558). Il prend contre les juifs un arrêté d'expulsion. Le premier synode du temps des mérovingiens parlant des juifs se tient en la présence des enfants vivants de Clovis (Childebert 1er, de Clotaire 1er et de Thierry 1er). Les mariages mixtes sont interdits avec des juifs ou juives sous peine d’excommunication.
En 582, Chilpéric 1er établit un édit ordonnant « à tous les Juifs de Paris d’être baptisés sous peine d'avoir les yeux crevés et de venir présider lui-même à son exécution ». Son ancien conseiller juif Priscus est assassiné par un filleul du roi, un juif converti (Récit de Grégoire de Tours - 587). La synagogue d’Orléans est détruite lors d’émeutes et reconstruite aux frais et aux dépens des juifs par l’exécutant de l’autorité royale.
En 585, le roi Gontran vient à Orléans et dit : « Malheur à cette nation juive méchante et perfide, ne vivant que de fourberies. Ils me prodiguent aujourd’hui de bruyantes acclamations, c’est qu’ils veulent obtenir de moi que j’ordonne de relever, aux frais publics, leur synagogue que les chrétiens ont détruite ; mais je ne le ferai pas : Dieu le défend. »
https://www.persee.fr/doc/rjuiv_0484-8616_1976_num_135_1_1816
https://didierlong.com/2020/08/20/histoire-des-sefarades-2-periode-wisigothique-et-le-salut-vint-de-arabes/
http://lionel.mesnard.free.fr/le%20site/Histoire-des-Juifs-France-Europe.html
Trajectoires d'exils face à l'Inquisition espagnole :
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-l-histoire/trajectoires-d-exils-face-a-l-inquisition-espagnole
France Culture, le cours de l'histoire
Bel exemple de propagande idéologique : dire du mal de l'inquisition et des chrétiens et présenter les judéo-musulmans comme des victimes. Ne précise pas que les musulmans étaient des envahisseurs et des occupants et des colons (osent dire que c'était "leur terre, leur patrie"), et que les juifs étaient leurs auxiliaires (collabos dirait-on) et que beaucoup sont arrivés avec envahisseurs musulmans. Ne précise pas que l'inquisition ne s'intéresse pas aux "juifs" ou aux "musulmans" mais aux faux convertis qui provoquent les vieux chrétiens. Ose affirmer que les expulsés étaient chrétiens et non juifs ou non musulmans... c'est vraiment prendre les gens pour des cons.
En même temps le royaume wisigoth persécutait les juifs après être passé de l'arianisme au catholicisme, c'est un choix logique de préférer le conquérant arabo-musulman s'il sera plus tolérant envers la communauté juive.
C'est la même logique que les chrétiens coptes et syriaques monophysites qui ont "trahi" l'Empire romain d'Orient pour les mêmes raisons lors de la conquête arabo-musulmane.
Le 26 avril 2022 à 17:04:48 :
En même temps le royaume wisigoth persécutait les juifs après être passé de l'arianisme au catholicisme, c'est un choix logique de préférer le conquérant arabo-musulman s'il sera plus tolérant envers la communauté juive.
C'est la même logique que les chrétiens coptes et syriaques monophysites qui ont "trahi" l'Empire romain d'Orient pour les mêmes raisons lors de la conquête arabo-musulmane.
De quelles persécutions parles-tu ? Tu colportes des ragots.
Les juifs n'ont pas plus souffert sous les wisigoths que sous d'autres... ils n'ont pas moins réussi non plus.
Des lois visaient les juifs. C'est vrai. Par exemple, telle loi qui interdisait aux juifs de posséder des esclaves chrétiens, interdisaient aux juifs d'avoir des servantes chrétiennes. Pourquoi ? parce qu'ils en avaient beaucoup... et que juridiquement cela posait problème, surtout quand on sait que le patron engrosse souvent/toujours la servante...
Bref il y avait des problèmes de "vivre ensemble" comme dans toutes sociétés multiculturelles. Et la loi visait à résoudre ces problèmes.
Pendant que les wisigoths régnaient en Espagne, partout les juifs sont maltraités.
Par exemple, en Gaule ou dans l'empire d'orient :
Les baptêmes forcés de Juifs en Gaule mérovingienne et dans l’Empire d’Orient
https://books.openeditionon.org/septentrion/55160#ftn29
Exemple d'une famille de conversos : la famille de Pierre Mendès France
Pierre Mendès France a été premier ministre dans les années 50. C'est un personnage politique de premier plan pour la France du XX° siècle.
Il est issu d'une famille 100% juive, c'est à dire que tous ses ancêtres étaient des juifs (faussement convertis) séfarades. Le seul apport de sang non séfarade intervient au XIX° s. avec le mariage à une juive ashkénaze. Mendès France était donc 100% juif.
Quand il se lance en politique dans les années 30, ses opposants politiques le traitent de juif et de traitre, rappellent ses origines portugaises.
Mendès France venait du Portugal, oui. Enfin sa famille.
Mendès France était un passionné d'histoire et il a enquêté longtemps lui-même sur sa généalogie. Voici ce qu'on sait grâce à ses recherches :
1) de la noblesse rurale conversos :
Le plus ancien ancêtre connu de PMF est Pedro Mendes Ribeiro (Pierre Mendès Rivière). Sa première femme meurt. Il se remarie avec Isabella da Franca (Isabelle de France). Les enfants de cette seconde noce se nomment donc Mendes da Franca (Mendès France). Isabella était la fille du seigneur local : Alberto da Franca. Pedro Mendes était un de ses serviteurs : il administrait le village de Serta au Portugal (et non en Espagne comme on le lit parfois). La famille da France était elle-même juive (faussement convertie). Ils étaient donc de la noblesse rurale locale.
Les familles juives de Isabella et Pedro se sont converties en 1498 pour éviter l'exil. Pedro se remariera une 3eme fois quand Isabella mourra à son tour.
Pedro et Isabella ont 3 enfants :
-Gaspar l'ainé qui hérite des titres du père et de la mère
-Luis le cadet fait une carrière dans l'Eglise
-le troisième enfant est une fille qui meurt malheureusement en bas âge
2) Haut clergé, Inquisiteur à Lisbonne :
L'ancetre de PMF est Luis qui devient Inquisiteur à Lisbonne. Oui, inquisiteur. Bien que juif faussement converti il est embauché dans l'inquisition. Son but entre autres était de chasser des gens de sa famille : des faux convertis, mais il ne le fera pas. Son but était aussi de chasser les ecclésiastiques défroqués... mais il ne le fera pas non plus... sinon il aurait du commencer par luimeme puisqu'il aura 3 enfants avec une mère inconnue mais sans doute également juive (faussement convertie).
C'était un inquisiteur bon vivant !
3) riche orfèvre à Lisbonne :
Parmi les 3 enfants de l'Inquisiteur, Francisco sera l'ancêtre de PMF. Ce dernier devient orfèvre à Lisbonne. Un métier lucratif. Il se marie à Antonia Freire d'une riche famille juive également.
Ensemble ils ont 7 enfants : le paradis !
Tout va se gâter un jour qu'Antonia se met à dos ses voisines pour une histoire quelconque... ces dernières la dénoncent à l'Inquisition. Emprisonnée pendant 2 ans, elle refuse d'avouer quoi que ce soit. Elle est relâchée mais subit tortures et auto dafe. Elle n'aura dénoncé personne. Antonia était riche : elle avait 150.000 livres de richesse. L'inquisition lui en prendra 50.000 pour amende.
Luis, un de ses 7 enfants, a 10-12 ans à l'époque. C'est Luis qui sera l'ancêtre de PMF.
4) L'établissement en France :
Luis se marie à Maria Bellinque, une riche famille juive séfarade établie en Allemagne. Il a des enfants avec elle. La vie est belle. Il a un commerce d'étoffes à Lisbonne.
En 1683, 30 ans après sa mère, c'est au tour de Luis d'être dénoncé comme judaïsant. Il subit le même sort que sa mère... sauf que lui craque au bout de 6 mois : il dénonce 27 ou 29 autres juifs faussement convertis. Il dénonce même sa tante et ses cousins ! Relaché en 1683 il fuit Lisbonne pour Bordeaux à bord d'une flute de guerre française qui fait route vers La Rochelle. Il abandonne sa famille Bellinque.
Une bien triste histoire. Fuit-il plus l'inquisition ou la vengeance de ceux qu'il a dénoncé ?
En tout cas, il part avec une belle somme... ne serait-ce que pour corrompre le capitaine de vaisseau français... et ensuite pour s'établir avec brio à Bordeaux puis Agen. Luis avait sans doute des contacts commerciaux dans le sud ouest, car il fait tout de suite un très beau mariage. Toujours avec une juive séfarade : Maria Vivès (Vivas ou Ninas), ou Esther Majamou de son nom juif. Ils ont rapidement 2 enfants auxquels ils donnent des prénoms bien français : Jean et Jeanne. Mais à la maison, on les appelle Mardoché et Rebecca.
Etabli d'abord à Agen dans un commerce de tissu, on s'imagine que ça ne va pas fort... et pourtant les affaires marchent très bien puisque tous les parrains de ses enfants sont des nobles ou des grands bourgeois. Luis, qui est devenu Louis, revient en 1694 s'établir à Bordeaux pour ouvrir une boutique de tabac, parfum, tissu et dentelle. Il s'établit Place Saint Projet. Un très bel emplacement, signe de sa réussite éclair.
Mais alors que tout paraissait lui réussir, il se tire une balle dans la tête en 1695... une réminiscence des traumatismes portugais ?
Officiellement chrétien, ses biens auraient du être confisqué, car le suicide est interdit... mais compatissante dans ce malheur, ou corrompue, la Jurade ferme les yeux.
5) la fortune bordelaise :
De Jean Mardoché et Jeanne Rebecca, c'est le premier qui sera l'ancêtre de PMF. Comme son père il tient un commerce de toiles. Il se marie une première fois avec un des plus beaux partis de Bordeaux : Rachel Peixotto. Elle aussi séfarade portugaise, elle est la fille du richissime baron de Peixotto, très riche commerçant de Bordeaux, d'abord bourgeois puis anobli par le roi. C'est une des 3 plus grandes fortunes juives de Bordeaux avec les Gradis et les Pereire, qui eux aussi seront anoblis. Ce n'est un secret pour personne : ces 3 familles ont fait fortune notamment dans le commerce triangulaire. Avec Rachel, il aura 3 fils dont le plus célèbre sera Isaac Mendès France qui fera fortune à Haiti et dans le commerce triangulaire. Il est le premier de la famille à se payer le titre de bourgeois de Bordeaux en 1779. Possédant sur l'ile 150 esclaves, il revient avec 3 d'entre eux en France. 2 de ces 3 esclaves s'échappent et réclament leur affranchissement que la Justice leur accordera (avec le soutien de Voltaire !).
A la mort de Rachel Peixotto, Jean Mardochée se remarie avec Léa Mendes, une autre séfarade. Mais, ce n'est pas elle qui nous intéresse puisque PMF descendra de la lignée Mendes France-Peixotto.
PMF n'est pas non plus le descendant de Isaac l'esclavagiste fortuné !
6) à travers la Révolution :
Son ancêtre est le frère d'Isaac, appelé Moise. Les juifs de Bordeaux ne se cachaient pas à l'époque... ils étaient "la nation portugaise", très puissante, influente et riche. En somme, des intouchables.
Mais la branche de Moise aura beaucoup moins de succès économique que celle d'Isaac. A vrai dire, on ne peut pas parler de richesse économique ... en revanche on peut bien parler d'un véritable attachement à la France et surtout à la Révolution ! En effet, Moise aura un fils, Moise Jospeh qui s'engagera dans les armées de la révolution : mousse à 16 ans, il est capturé par les anglais, délivré, il fera la campagne d'Italie à Mantoue et Arcole avec Bonaparte ! avant de retourner en captivité...
De retour à Bordeaux, il devient chocolatier comme 5 autres membres de la famille. L'un d'eux s'établit même à New York. C'était le nouveau commerce en vogue à l'époque.
7) Parmi ses fils, Mardoché Alexis (vers 1850) fut un négociant en vins talentueux établi sur le célèbre quai des Chartrons. Mais à l'époque le Mendès qui réussi le mieux est son cousin : Isaac Oscar (fils d'Isaac le fortuné). Ce dernier fait fortune à Paris en s'associant aux Pereire et acquiert un hôtel particulier à Paris.
8) David Chéri Mendes France (vers 1880) continua la tradition familiale de chocolatier à Bordeaux. Il fit un beau mariage avec Abigail Barabraham (séfarade s'il en est !) fille d'un conseiller du maire de Bordeaux.
la suite au prochain numéro...
Le 26 avril 2022 à 17:04:48 :
En même temps le royaume wisigoth persécutait les juifs après être passé de l'arianisme au catholicisme, c'est un choix logique de préférer le conquérant arabo-musulman s'il sera plus tolérant envers la communauté juive.
C'est la même logique que les chrétiens coptes et syriaques monophysites qui ont "trahi" l'Empire romain d'Orient pour les mêmes raisons lors de la conquête arabo-musulmane.
Nonil n'y a pas de trahison. Les Byzantins traitent mal leurs sujets qui ne sont pas chrétien d'Orient.
La raison évoquée par les Espagnols pour expulser les juifs d'Espagne en 1492 a été leur collaboration (trahison) active avec l'envahisseur musulman au VIII° s. (eux qui se plaindront si souvent de la collaboration avec les nazis plus tard).
Cette collaboration active est attestée par les historiens :
"(Tariq le conquérant) reçut en particulier le concours des Juifs du sud de l'Espagne, si durement persécutés dans les années antérieures. On sait qu'ils allaient s'engager jusqu'à garder militairement certaines villes conquises pour permettre aux armées musulmanes de progresser vers le nord" ('Pierre Guichard , Al Andalus p.23).
Pierre Guichard ne donne pas plus de détails.