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Sujet : Le droit à l'autodétermination
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Votre_Eminence
Niveau 10
04 juin 2017 à 14:29:29

Bonjour, je trouve paradoxal que certains défenseurs de Daesh utilisent cet argument du droit à l’ « autodétermination ».

Pour eux, si une idée est majoritaire sur un territoire, les détenteurs de cette idée auraient le droit de faire ce qu’ils veulent sur ce territoire, notamment de l’imposer aux minorités. Si les sunnites radicaux sont majoritaires, ils auraient le droit d’interdire l’homosexualité et de la punir de mort, de persécuter les chrétiens, les kurdes et les chiites, de massacrer les yézidi, de rétablir l’esclavage, etc. La logique serait celle de l’autodétermination : les pays occidentaux n’ont pas à intervenir puisque la majorité des habitants de ce territoire adhèrent à ces idées qui conduisent à ces violences.

Or, ce faisant, ils piétinent l’autodétermination des individus (le droit d’avoir sa sexualité, sa religion, son identité ethnique…)

Le droit à l’autodétermination de la majorité du peuple sur son territoire serait prioritaire, mais pas du tout celui des minorités ?

Merci de vos partages.

golden_rush
Niveau 15
04 juin 2017 à 15:48:07

Selon toi, qu'est-ce qui doit servir à fonder/justifier le droit de quelque chose ?

toto_au_bistro
Niveau 10
04 juin 2017 à 16:31:27

On parle de l'autodétermination des peuples, c'est-à-dire du droit pour eux de disposer d'eux-mêmes. C'est le peuple qui s'autodétermine. Le fonctionnement de cette autodéterminiation peut reposer sur un scrutin majoritaire, mais pas nécessairement. L'autodétermination s'incarne dans un Etat et s'accompagne donc de la souveraineté.

Il y a plusieurs points problématiques :

  1. Il n'y a pas de définition objective de ce qu'est un peuple.
  2. Il y a une tension entre la souveraineté du peuple et les individus. Cette souveraineté était vue par des gens comme Bodin comme plutôt absolue et le modèle de l'Etat-nation souverain l'a emporté à l'échelle mondiale. Petit à petit la souveraineté des Etats a été atténuée (ONU, DUDH...) parce qu'on peut pas non plus laisser se faire des génocides par exemple.
  3. L'exercice de la souveraineté qui peut se faire de différentes manières (État fédéral, État centralisé...).

Suivant ces trois points on peut facilement dénier toute prétention à l'autodétermination de Daesh :

  1. Les habitants du territoire que Daesh contrôle ne forment pas un peuple (facile vu qu'il n'y a pas de définition claire de ce qu'est un peuple).
  2. Daesh n'entend pas respecter les droits fondamentaux communément admis par les autres États, donc on ne reconnaît pas de souveraineté et de droit à l'autodétermination.
  3. L'organisation de Daesh est tyrannique et ne peut pas refléter pas une supposée autodétermination du peuple (qui n'existe pas selon (1)).
edophoenix
Niveau 14
04 juin 2017 à 22:00:42

Pour y aller de ma petite contribution, en ajout à l'analyse intéressante de toto le bistrotier, si Daesh prône l'autodétermination chez elle, elle n'a pas à recourir au terrorisme sur le territoire des autres pour y imposer ses idées alors qu'elles y sont minoritaires.

P.S. et pour reprendre l'idée de Son Eminence du Plessis, Daesh à mon avis est loin d'être le groupe musulman majoritaire dans l'EI.

Pantouflateur
Niveau 10
04 mars 2021 à 16:34:07

Il y aurait pas une confusion directement dans la question entre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (autodétermination) et démocratie ? Et dans ce sens la question se pose plutôt en terme démocratie démocratique et de démocratie libérale, le droit de la minorité est une vielle idée chez Benjamin Constant, chez Tocqueville...

EDIT : en ce sens que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est un concept éminemment juridique et pose une question encore plus large qui traite du "droit" par ailleurs

balavo501
Niveau 4
04 mars 2021 à 16:36:41

Le droit international est un paillasson sur lequel toutes les nations s'assoient, surtout les islamiques

Erdogan invoque le droit international pour l'Azerbadjian alors qu'il le viole allègrement à Chypre à coté

Tous les moyens sont bons

Abou Ossama à la guerre, Rachid à la ville, est tombé dans le commerce d’esclaves un peu par hasard. Sa première année à Raqqa, ce fils d’épiciers de Lunéville qui touchait le RSA l’a passée dans les cybercafés syriens à draguer sur Facebook et à manger des kebabs. [….] Quand l’Etat islamique a rendu licite le trafic d’esclaves, Rachid a repéré de jolies adolescentes yézidies qui récuraient les sols. Comme le garçon dodu de « Charlie et la Chocolaterie » qui passe d’une rivière de chocolat à une cascade de sirop de fraises, il s’est mis à acheter compulsivement des femmes, avec l’argent qu’il s’est procuré en France en faisant des crédits à la consommation dont il ne rembourse pas les échéances. Ce pays de « kouffars racistes » continue même à lui payer ses allocations sociales, rigole-t-il. […]

Marie a beau avoir 35 ans et être périmée sur un marché saturé par de très jeunes yézidies, sa religion compense largement son âge aux yeux des djihadistes. Les chrétiennes sont des perles rares, la part réservée des chefs et des alliés les plus méritants. Marie ne sait pas cela, et elle n’imagine pas non plus que la couleur de ses cheveux blonds exaspère le désir de ses geôliers : chrétienne, blonde, c’est un joyau. […]

Dans sa barbarie bureaucratique, l‘Etat islamique a même fait publier, par l’intermédiaire de son département de la recherche et de la fatwa, un manuel d’esclavage sexuel que Marie apprendra par coeur parce qu’il va régler sa vie du jour de sa capture à celui de sa libération. […] l’article 13 spécifie des conditions aux pédophiles, jusque dans la manière de pénétrer les petites filles : « Il est licite d’avoir des rapports avec l’esclave qui n’a pas atteint la puberté si son corps est propre à l’acte. Si ce n’est pas le cas, alors il faut se contenter de jouir sans coït. » […]

IlirShaqiri
Niveau 8
26 avril 2021 à 17:08:24

Très pertinemment dit. Le droit international on s'assoie dessus.

MarthaNussbaum
Niveau 9
30 août 2021 à 16:50:51

Même si sa signification au 20ème siècle était assimilée au plébiscite, force est de constater qu’au fil du temps, le sens du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’est commué. En effet, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tel qu’il est consacré dans la CNU et ses autres instruments n’a jamais été prévu pour des sécessions. Tout au plus ouvre-t-il la porte à une possible sécession-remède comme l’a fait la Cour suprême du Canada dans son célèbre arrêt. Ce principe nous paraît peu convaincant et ceci pour plusieurs raisons. Il est en effet aisé de tomber dans l’arbitraire à l’heure de déterminer si un peuple est privé de son autodétermination interne, tout comme il n’est pas aisé de déterminer le contenu de cette dernière . En revanche, le non-respect des éléments constitutifs de l’autonomie interne peut avoir pour corollaire un affaiblissement de la volonté de faire partie de la même communauté politique, élément qui, comme nous le verrons ultérieurement, est déterminant.

En outre, il sied de souligner que le principe des nationalités n’a pas été respecté lors de la formation de certains états et il l’a été de manière arbitraire. Mais encore, la volonté des populations n’a certaine fois pas été prise en compte. Même si l’application du principe des nationalités n’assurait pas que le souhait des populations étaient respectées il permettait tout de même à des populations aux caractéristiques communes de se constituer en Etat, ce qui bien souvent, était congruent avec le souhait des populations. Dès lors, le principe de l’intégrité territoriale ne peut selon nous, pas entraver les sécessions. Cela signifie-t-il que lorsque le principe des nationalités ou le souhait des populations concernées ont été respectés, il ne peut y avoir de sécession ?

Nous verrons ultérieurement que cela n’est pas forcément le cas. En effet, il sied de relever que l’objectif premier de la Charte constitue la paix. Donc, il nous incombe de trouver la solution la plus optimale afin de l’atteindre. KOHEN est également d’avis que le droit international n’interdit ni n’autorise la sécession. Donc, selon lui, il faudrait s’en remettre au droit interne des états afin d’examiner si ceux-ci autorisent la sécession . Selon nous, cette approche est dangereuse car elle est susceptible d’engendrer des conflits, l’exemple du Biafra en est l’exemple le plus probant . Et comme le souligne FARCHAKH, « soumettre la sécession aux dispositions de droit interne reviendrait non seulement à faire primer la souveraineté des États sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais également à enfermer l’exercice d’un droit reconnu par l’ordre international dans une construction juridique purement interne. […] Si l’on admet que la sécession est une mise en œuvre du droit des peuples, il serait alors impossible de restreindre cette dernière au respect des textes internes et des institutions en place. » De plus, il sied de relever que l’écrasante majorité des constitutions interdisent les sécessions .Depuis qu’il n’existe plus de terria nullius, la création de nouveaux Etats, dans le futur, une fois que le processus de décolonisation est terminé, ne peut seulement être accompli comme résultat d’une diminution ou d’une disparition d’Etats existants .

La fonction première du droit international est de déterminer les obligations qui pèsent sur les Etats . Or, le droit d’autodétermination, lorsqu’il a pour corollaire une sécession, s’attaque à deux de leurs éléments constitutifs : leur territoire et leur population. En conséquence, il nous paraît pertinent, afin de trouver une solution pacifique au conflit, d’étudier l’essence même des états, leurs éléments constitutifs, les phénomènes qui concourent à leur création et donc – in nuce – ce qu’ils devraient être car le droit international seul, nous ne nous paraît pas à même de résoudre de manière efficiente les questions relatives aux sécessions. L’une des théories fondatrices de l’Etat moderne, dont l’un des buts et de sortir de l’état de nature , se fonde sur le contrat social même si Kelsen considérait que cette hypothèse maintenue par la doctrine jusnaturaliste du 17ème et 18ème siècle a depuis longtemps été abandonnée et remplacée par une autre hypothèse selon laquelle l’Etat vient à exister au travers de conflits hostiles entre des groupes sociaux de différentes structures économiques .

Nonobstant, il voyait en l’Etat moderne l’ordre social le plus parfait établissant une communauté monopolisant la force. Sa perfection est due à la centralisation de l’emploi de la force. Au sein de l’Etat, la pacification des relations inter-individuelles – la paix nationale – est atteinte au plus haut degré possible. A part sous certaines circonstances extraordinaires, telles qu’une révolution ou une guerre civile, l’emploi de la force est effectivement éliminé des relations entre les citoyens et réservées à des agences centrales, telles que les gouvernements et les courts, qui sont autorisées à utiliser la force comme sanctions contre les actes illégaux . L’Etat moderne est donc une entité tendant à atteindre la paix publique entre les citoyens et mais également à développer la croissance économique. En effet, l’émergence d’un état de droit stable a été un facteur déterminant dans le développement de la croissance économique . Mais, l’Etat moderne est avant tout un ordre juridique . Les internationalistes considèrent l’apparition de l’Etat moderne concomitamment avec celle du Traité de Westphalie et donc l’apparition du droit international . DE LA HIDALGA considérait plusieurs événements comme fondamentaux dans l’avènement de l’Etat moderne : la Renaissance, la Réforme, la séparation des Treizes colonie d’Amérique du Nord du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et la Révolution française de 1789 . Nous n’allons pas analyser ces événements. En revanche, nous proposons d’analyser les écrits des principaux auteurs qui ont accompagné l’avènement de l’Etat moderne et ceux-ci placent effectivement l’origine de l’Etat moderne dans un contrat social, nécessaire pour sortir de l’état de nature même si d’autres auteurs affirment que le contrat social « n’est qu’une explication parmi d’autres de la naissance des Etats ; et il n’est valable que concernant certains, au nombre desquels figure l’Etat classique occidental » et que Kelsen avançait, comme nous l’avons vu, que cette hypothèse avait été abandonnée. Nous proposons donc une approche synoptique du concept d’Etat sans perdre de vue l’aspect juridique de ce dernier .

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