Dans le précédent topic https://www.jeuxvideo.com/forums/42-68-68807121-1-0-1-0-dieu-existe.htm l’argument présenté était fondé sur la contingence de l’univers. Que l’univers ait toujours existé ou non, cela n’avait pas d’importance.
L’argument du kalam est un autre argument en faveur de l’existence de Dieu. Cet argument se base sur l’idée que l’univers a un commencement. L’argument est le suivant :
1. Tout ce qui commence a une cause.
2. Or l'univers a commencé.
3. Donc l'univers a une cause.
4. Or, si l'univers a une cause, cette cause est un être immatériel, hors du temps, doté d'une puissance infinie, qu'on peut appeler « Dieu ».
5. Conclusion : Dieu existe.
Je me concentrerai ici sur la deuxième proposition avec deux types de justification :
- arguments a priori par la logique
- argument a posteriori avec les connaissances scientifiques dans le domaine de la physique (théorie du Big Bang)
La quatrième proposition pose problème également, mais cela ressemble à ce que j’ai déjà développé dans l’autre topic. On peut rapidement dire :
- La cause de l’univers doit être extra-physique. Quand bien même ce qui serait la cause de l’univers se situerait dans un autre espace-temps, cela ne ferait repousser le problème que d’un cran supplémentaire (quelle est la cause de cet autre espace-temps).
- Si la cause de l’univers est impersonnelle, alors l’univers devrait exister depuis que la première cause existe. Or on soutient avec la deuxième proposition que l’univers a un commencement. Il y a donc un acte de volonté qui fait que l’univers est créé à un moment donné.
(1) L’univers a eu un commencement car il est impossible d’avoir un passé infini
1. L'existence d'un univers perpétuel, c'est-à-dire sans commencement, implique celle d'un passé infini.
2. Or l'existence d'un passé infini implique l'existence d'un nombre infini d'événements passés.
3. Or l'existence d'un nombre réellement infini d'événements passés est impossible.
4. Par conséquent, le passé ne peut pas être infini, et l'univers ne peut pas être éternel.
5. Donc l'univers a eu un commencement.
La troisième proposition se justifie pour l’auteur par le fait que l’idée d’un passé infini aboutit à des contradictions.
Quelques exemples :
- Pour arriver au présent, il faut que l’événement qui précède le présent arrive et pour que l’événement précédent arrive il faut que l’événement précédent l’événement précédent arrive etc. Comme l’univers est infini, on tombe dans une sorte de paradoxe de Zénon.
- Supposons que le passé est infini et n’a jamais eu de commencement. On peut imaginer un compteur immortel qui compte chaque jour et qui s’arrête de compter dès qu’il a atteint une infinité d’événements. Or, il s’est écoulé une infinité d’événements jusqu’à aujourd’hui, donc le compteur n’a pas compté aujourd’hui. Mais c’est le cas aussi pour la journée d’hier etc. Donc le compteur n’a jamais rien compté.
- Imaginez quelqu’un d’immortel écrivant une autobiographie et qui met un an à écrire une journée de sa vie. Il a une infinité d’années permettant d’écrire l’infinité de journées de sa propre vie. Pourtant, l’écart se creuse chaque jour. Il y a une distance infinie entre la journée de sa vie et le moment où il raconte cette journée dans son autobiographie.
Je trouve l’argumentation sur l’impossibilité de ce passé infini assez étrange et je ne comprends pas tous les exemples donnés par l’auteur. Il me semble que les paradoxes dans ses exemples sont plus dues à l’application d’une vision finie alors que les exemples sont de nature infinis. Le compteur immortel ne s’arrête peut-être jamais de compter. Il n’y a pas de contradiction logique à ce qu’une tâche dure tout le temps ou bien qu’il y ait une succession infinie d’événements, mais je n’ai pas creusé la question.
(2) Le Big Bang montre que l’univers a un commencement
Selon le modèle du Big Bang, l’univers actuel a émergé d’un état extrêmement dense et chaud (singularité) il y a un peu plus de 13 milliards et demi d’années. Voici ce qu’en dit l’auteur :
d'après la théorie de la relativité générale, qui permet de décrire l'expansion de l'univers, il faudrait reconnaître l'existence d'un point zéro dans le passé (13,7 milliards d'années environ), où le temps, l'espace et la matière ont commencé d'exister. Pour être précis, le « point zéro » n'a jamais existé ; il s'agit d'un état théorique de l'univers qui, étant physiquement impossible, signifie l'existence d'un commencement radical en deçà duquel il est impossible de remonter : la théorie est en effet obligée de supposer, par résolution de ses équations, un état où l'ensemble de la réalité physique devrait être concentré dans un point de dimension nulle, de température et de densité infinies. Or un tel état est physiquement impossible ; il équivaut tout simplement au néant. Autrement dit, la théorie déduit l'existence d'un commencement absolu, c'est-à-dire le surgissement de l'ensemble de la réalité physique à partir d'un néant physique. Il est impossible de remonter en deçà de ce point, non seulement parce que les lois de la physique s'y brisent, mais parce qu'il n'y a aucun sens à vouloir trouver une réalité spatio-temporelle avant le temps et au-delà de l'espace. Bref, d'après cette théorie l'univers n'est pas perpétuel.
Une stratégie permettant d’y résister réside dans des théories cycliques de l’univers. Cependant, ces théories paraissent peu probables :
Dans un tel modèle, le Big Bang peut être décrit comme une simple transition de phase de l'univers, ce qui élimine évidemment le problème du commencement radical. Mais ce modèle a lui aussi été réfuté lorsqu'on a découvert que la vitesse d'expansion de l'univers était croissante et non décroissante, et que la densité de matière était insuffisante pour que la gravitation arrête le mouvement d'expansion. S'il est impossible que notre univers se contracte, il est par induction peu probable qu'il se soit contracté dans le passé. En outre, les lois de la thermodynamique impliquent que, dans l'hypothèse d'un univers cyclique, le diamètre maximal de l'univers devrait augmenter de cycle en cycle, ce qui suppose un nombre fini de rebonds (crunch/bang) dans le passé.
Le modèle du multivers ne ferait pas mieux :
Les théorèmes démontrés par Borde, Guth et Vilenkin établissent, en effet, que tous les modèles d'univers en expansion, y compris les modèles prévoyant l'existence d'un multivers, appellent l'existence d'une singularité initiale. Mieux : à en croire leurs auteurs, ces théorèmes sont indépendants de la description qu'une future théorie de la gravitation quantique pourrait donner de l'« ère de Planck », généralement présentée comme permettant d'évacuer l'existence d'un commencement.
L’auteur cite alors la théorie défendue par Hawkins:
Dans la théorie classique de la gravitation, fondée sur l'espace-temps réel, l'univers n'a que deux manières de se comporter : ou bien il existe depuis un temps infini, ou bien il a un commencement avec une singularité à un moment donné dans le passé. Dans la théorie quantique de la gravité, au contraire, il existe une troisième possibilité. Parce qu'on utilise les espaces-temps euclidiens, dans lesquels la direction du temps est du même type que les directions de l'espace, il est possible pour l'espace-temps d'être fini en expansion et cependant de n'avoir aucune singularité qui forme frontière ou bord. L'espace-temps serait comme la surface de la Terre, finie en expansion mais sans frontières ni bord.
Sans commencement, il n’y a plus besoin de cause. Pour l’auteur, même s’il n’y a pas de singularité, il y aurait pour lui en-deça du mur de Planck une réalité atemporelle immuable, ce qui nous ramène à l’immatériel et à la cause première.
[je ne suis pas en capacité de juger toute cette partie, mais l’argumentation de l’auteur est assez légère à mon sens et il reconnaît lui-même qu’il se rattache à des choses simples pour juger de ces théories physiques complexes]
Référence pour des contre-arguments : https://plato.stanford.edu/entries/cosmological-argument