Pour Schopenhauer, le principe de raison suffisante est la forme a priori de toute connaissance et n'a d'application que dans l'ordre des phénomènes et de ce qui s'y rapporte. Il est en tout état de cause l'expression générale de la nécessité qui préside à la nature. Or, s'agissant de l'être des choses en soi dont la seule connaissance nous est fournie par l'expérience intime de notre propre corps, nous ne pouvons l'éprouver qu'en tant qu'elle est libre. Par extension, puisque les choses en soi sont éternelles, indivisibles, hors de l'espace et du temps qui sont les formes du principe de raison de l'être des choses en tant que phénomènes, alors la volonté est l'unique essence intime du monde tout entier et ne répond à aucune raison d'être, elle est une pure spontanéité. Or, toute manifestation de volonté, en tant qu'elle est de ce fait même manifestée dans le phénomène, ne peut qu'être contrainte lorsqu'elle manque au but déterminé par sa raison d'agir, ce que nous reconnaissons intimement en notre motivation dont chaque désir suppose en premier lieu une souffrance. Cette dernière est donc le fond de toute vie, et à plus forte raison sachant qu'elle atteint son paroxysme au plus haut degré d'objectité de la volonté qu'est l'espèce humaine. Puisqu'elle procède de la simple objectivation de la volonté dans l'individu, et plus précisément du caractère qui constitue l'essence immuable de ce dernier, alors elle ne possède à son tour aucune raison d'être en soi, tandis même qu'elle rend la vie insupportable à tout être en chaque instant de son devenir, et qu'elle est l'essence du mal. Nous pouvons donc dire que la philosophie de Schopenhauer fait de la souffrance une chose absurde.
