Prenant son courage et sa folie à deux mains,
Afin de jouir de plus heureux lendemains,
La plus si jeune folle se laissa aller,
À aventurer un nouvel orteil en ces terres désolées.
Non parce qu'au fond, d'une certaine façon,
Ce forum lui a un peu manqué, même si c'est con.
Bon, on dirait que ça bide.
Parfait.
Ah ça, c'est vrai que nous on aime bien les bons petits ventres bien fournis, hein ?
Oui enfin bon, tu parles d'un scoop...
On se répète un peu, là. Faudrait peut-être essayer d'innover.
Tu vois quoi alors ? Qu'on fasse quoi alors ? Un jeu ? Sachant qu'on partage le même cerveau, ça va être compliqué...
Ou alors tu peux me raconter une histoire, si tu veux. Et si tu veux un thème, t'as qu'à prendre une page Wiki au hasard, tiens. Ou alors non, attends, je le fais pour toi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prom%C3%A9thazine
"03:42". C'était par ces chiffres brillants que l'horloge de Jack l'informait que cela faisait maintenant plus de quatre heures qu'il se tournait et se retournait dans son lit. C'est donc après une âpre bataille qu'il s'avoua enfin vaincu, et se résigna à se lever. D'un pas lourd, il slaloma entre les divers tas de linges sales, courrier et autres bricoles qui tapissaient le sol de sa chambre. Un chouïa désordonné. Après ce long périple, il traversa un couloir sombre pour arriver dans sa salle de bain. Un sachet de prométhazine l'y attendait. Un sachet plein de promesse. Son dernier espoir, en fait, pour parvenir à entrevoir Morphée cette nuit. Une fois l'infect breuvage englouti, il regagna sa chambre. Mais avant de se recoucher, il alla ouvrir sa fenêtre et ses volets. La chaleur se faisait pesante, et une bouffée d'air lui ferait le plus grand bien. Il s'accouda sur le rebord.
Il aimait bien, de temps à autre, scruter le paysage, comme à la recherche d'un émerveillement soudain pour un élément qui est là depuis toujours mais qu'on n'avait jamais remarqué. Ou alors simplement s'émerveiller à nouveau sur la beauté des arbres, ou sur le cachet de l'architecture de cette grande villa surplombant la rue d'en face. Mais la nuit était noire. Les nuages muselaient la Lune, l'ampoule du réverbère n'avait toujours pas été remplacée, et Jack avait devant lui un océan de ténèbres. Un peu à l'image de sa vie... Il y avait tout de même une petite île lumineuse, un petit carré de lumière. Tiens, sa voisine était encore debout à cette heure ?
Enfin, "voisine"... La rue sur laquelle donnait sa fenêtre n'était pas la rue de Jack. Juste une petite impasse, bien séparé de son univers par la haie de tuila qui délimitait son jardin, longeant sa propriété avant de partir en angle droit, pour remonter jusqu'à la villa imposante. Ainsi, de l'étage, au delà des tuilas, Jack pouvait voir ce qu'il se passait dans une bonne moitié de la rue. Somme toute pas grand chose. Mais suffisamment pour tomber amoureux de cette femme. Enfin, "amoureux"... Pas davantage que d'une autre, mais... Fasciné, disons. Dès la première fois où il l'avait aperçue. Au volant de sa Ford violette. Il aimait bien la couleur. Et il aima encore davantage voir sa propriétaire s'y curer le nez discrètement. C'est fou ce qu'une femme qui ne sait pas qu'elle est observée peut tout de suite être moins féminine. Et en paraître soudainement exceptionnelle. Deux ans plus tard, il ne l'avait toujours pas abordée. Et comme un symbole, c'était sa fenêtre qui était allumée. Comme en réponse à ses vœux éphémères, une silhouette vint se découper sur le carré de lumière. Une silhouette pleine de courbes. Puis une pointe, avec à son bout une silhouette bien plus virile. Un couteau. Qui plonge soudain dans les courbes. Et les courbes qui sombrent. Puis le noir.
C'est mauvais.
En même temps, avec ton thème pourri…
Bip. Un plissement de sourcil. Bip. Un soupir. Bip. Et toujours cet horrible réveil qui hurle. Bip. Une main lancée par dessus bord pour chercher le bouton snooze. Bi... Enfin. Quel rêve étrange. Qui se brouille déjà. Il était si agréable, et pourtant il sera si vite oublié, pour laisser place à la réalité. La réalité. La… La voisine ! En un sursaut, Jack se redresse. Un bref regard autour de lui. Il s'apprêtait à appeler la police, s'était assis sur son lit, et était tombé comme une masse. Saleté de somnifère. Il hésite. 7 h 07. Si il appelle la police maintenant, il sera en retard, pour sûr. Pour la deuxième fois cette semaine. Et puis à l'heure qu'il est, le corps est sans doute enterré, au fin fond d'une forêt. Et d'ailleurs, qu'avait-il vu ? Une ombre. Rien qu'une ombre. Avant de s'effondrer dans le monde des songes. D'ailleurs, cette scène lui semblait soudain irréelle. Avait-il bien vu ?
Il jette un coup d’œil par la fenêtre. La rue est déserte. Tiens, d'habitude, ne gare-t-elle pas sa voiture ici ? Était-elle ici, sa voiture hier soir ? Il ne savait plus. Bah, pas le temps. Il doit filer. Il appellerait la police en rentrant, le soir. Il appellerait la police le soir…
Mécaniquement, il rentre du boulot, après une dure journée de travail. Mécaniquement, il ouvre la porte. Mécaniquement, il vide ses poches, posant ses clés et son portefeuille sur le buffet. Mécaniquement, il ôte ses chaussures, monte à l'étage et se pose sur le trône. Et soudain, ça lui revient. Bordel, comment cela a-t-il pu lui sortir de la tête ? Une fois son affaire faite, il dégaine son portable et se précipite dans sa chambre, comme pour se remettre dans l'ambiance du crime. Il commence à composer le numéro quand… Sa voiture ? Sa voiture est là, garée le long de la rue d'en face. Elle n'était pas là ce matin. Depuis le temps qu'il l'observe, jamais il n'a vu quelqu'un d'autre qu'elle conduire cette voiture… Il l'a toujours vue seule, d'ailleurs. Étrangement seule, d'ailleurs. Une si belle femme… Il efface le numéro et range son portable. Et si il avait halluciné avant de s'endormir ? Il était si fatigué… Ou peut-être rêvait-il déjà ? Après tout, qui peut s'endormir à un moment aussi crucial que celui où l'on décide d'appeler la police ? Comment faire ? Il ne peut pas rien faire non plus… Aller voir, peut-être ? Mais n'était-ce pas dangereux ? Quel pétochard. Si il y a eu crime, le coupable est forcément déjà loin. Et si il n'y a pas eu crime, il ne risque rien. Quel pétochard…
Mais bien sûr, c'est la faute au thème. Vu comment tu l'as respecté... Tu l'as pris, tu l'as casé discrètement, et hop, affaire classée. C'te blague.
Non, c'est mauvais parce que tes descriptions sont à chier, ton style est chaotique, le scénar' est hyper cliché, et je te parle même pas de ta concordance des temps digne d'un analphabète andalous...
Bah t'as qu'à écrire, toi, puisque t'es si maline... Non mais c'est pas vrai ça... Toujours à critiquer. Moi au moins j'essaie des trucs, merde !
Et puis si tu savais ce qu'on s'en fout de la concordance des temps...
Jack prit son courage à une main, et se décida à aller jeter un œil. Il rejoignit la rue d'en face, tout en répétant ce qu'il devrait dire pour paraître le plus naturel possible si un homme lui ouvrait porte. Il ne faudrait surtout pas qu'il comprenne qu'il a peut-être eu un témoin… Il arriva enfin à hauteur des roues avant boueuses de la Ford violette. Puis il s'engagea sur le sentier menant au pallier. Alina Greiner. C'était donc ainsi que s'appelait la belle voisine.
« Ding dong. » À peine avait-il appuyé sur la sonnette, qu'un mauvais pressentiment foudroya Jack. Soudain, il en était persuadé. Il n'avait pas rêvé. C'était bien arrivé. Et la voiture était là. Nécessairement déplacée par le coupable. Coupable probablement à l'intérieur, qui allait lui ouvrir la porte d'un instant à l'autre. Un bruit de serrure. Il retint son souffle. La demie seconde la plus longue de toute sa vie. La poignée qui tourne. Encore plus longue qu'une demie-seconde dans le feu de l'action d'un épisode de Dragon Ball Z. La porte s'ouvre, l'ombre se dissipe, et une silhouette se dessine. Féminine. La voisine, ouf. « Bonjour ? » Un autre problème lui apparut soudain. Qu'allait-il lui dire ? Pour l'instant, il se tenait simplement bêtement devant la porte de cette jeune femme sublime, l'air bête, et muet depuis plusieurs longues secondes déjà. « Bonjour, je… J'habite dans la rue d'à côté et je passais par là et… » Mais oui. Superbe approche. Je passais par là, et bêtement, j'ai sonné à la porte. Normal… Quel imbécile. « Vous allez bien ? Vous avez l'air pâle. Vous voulez un verre d'eau ? » Pâle ? Venant d'une femme qu'il pensait morte, c'était bien le comble ! « Je… Euh… Non, je ne voudrais pas… » Il n'avait jamais vu son visage d'aussi près. Un visage si enchantant. De près, le bleu profond de ses yeux déployait toute sa splendeur, illuminant un visage aux traits d'une finesse rare. Il y avait quelque chose d'apaisant dans ce visage. Et ce sourire… « Oh mais vous ne me dérangez pas ! Je m'ennuyais bêtement devant la télévision, et je serais toute heureuse de papoter avec vous. » Il n'en revenait pas. Lui, Jack. Le pire dragueur du monde. L'épouvantail à femme, le repousse-demoiselle ultime, le mâle omega… Lors de sa pire prestation, incapable de finir la moindre phrase, il se fait inviter à entrer chez sa belle voisine… « Encore que vous ne m'ayez pas l'air très bavard. Mais entrez seulement ! » Elle lui lança un sourire taquin, et le guida dans son salon.
Parfois, mieux vaut ne rien faire que de faire de la merde tu sais. Et c'est toi qui t'entête à écrire cette merde. C'est pas ça qu'on recherche en vrai. Arrête de faire des illusions et reviens à la réalité, tu te fais du mal.
Et on recherche quoi, en vrai, monsieur je sais tout ?
Parce que pour critique ça y va, mais côté constructivité, là c'est un autre problème...
Alina : Au fait, comment vous appelez-vous ?
Jack : Jack.
Alina : Enchantée, moi c'est Alina. Je vous sers de l'eau ou autre chose ? J'ai du champagne si vous voulez.
Jack : Ah ? Euh... Non, merci, non, je...
Alina : Je prends ça pour un oui ! Donc vous me disiez ?
Jack : Je... Je vous disais ?
Alina : Vous passiez devant chez moi, et ?
Jack : Ah... Ah oui. Euh... Je... Eh bien pour être honnête, je ne sais pas ce qui m'a pris.
Alina : Vous passiez devant chez moi, et vous vous êtes dit, tiens, je vais sonner à cette porte ? Vraiment ?
Jack : Oui... Je... Je sais, c'est... Ridicule.
Alina : Tenez, votre coupe. Non, non je ne trouve pas ça ridicule. C'est plutôt fascinant. Comme si vous étiez destinés à entrer ici. Comme si notre rencontre devait avoir lieu. Vous ne pensez pas ?
Jack : Je... Oui, oui, sans doute.
Alina : Vous croyez au destin ?
Jack : Non. Enfin, je...
Alina : Pas jusqu'à maintenant.
Jack : Euh... Oui. Oui, on peut voir ça comme ça...
Alina : Pour être parfaitement honnête avec vous, moi non plus.
Jack : Vous non plus vous n'y croyiez pas jusqu'à maintenant.
Alina : Oh non, moi je n'y crois toujours pas. Sans vouloir vous offenser, je pense que je suis bien au dessus de vos moyens, si vous me passez l'expression.
Jack : Oui...
Alina : Je vais vous avouer encore autre chose. Je suis terriblement orgueilleuse. Et belle. Pour moi cette rencontre n'est pas le destin. C'est moi qui l'ai voulue, tout simplement. Par contre, vous, vous avez de la chance. Parce que j'adore les hommes comme vous.
Jack : Les hommes comme moi ?
Alina : Oui, les hommes comme vous. Gauches, maladroits, intimidés... Et vos cheveux, c'est la cerise sur le gâteau.
Jack : Ah ?
Alina : Pour tout vous dire, cela fait bien longtemps qu'un homme ne m'avait plus fait un tel effet. Le dernier en date... Bon, j'ai revu le Grand blond avec une chaussure noire l'autre jour. Mais avant ça... Mon mari, peut-être ?
Jack : Vous êtes mariée ?
Alina : Je l'étais.
Jack : Ah...
Alina : Voyiez-vous, quand on me voit comme ça, riche, belle, sûre d'elle-même... On pourrait se dire que je mène une vie de rêve.
Jack : Vous êtes un rêve.
Alina : Et pourtant... Si vous saviez comme ma vie est vide depuis... Sa mort.
Jack : Votre mari ?
Alina : Oui.
Jack : Mais... Il y a bien des choses que vous aimez faire, dans la vie, non ?
Alina : Si peu...
Jack : Mais il y en a ?
Alina : Oui. J'aime discuter avec de beaux inconnus, par exemple.
Jack : Ah. Si vous discutez avec tous les beaux inconnus que vous croisez, vous devez avoir plein d'amis, alors.
Alina : Pas vraiment. On se lasse vite d'une personne. Et on passe à autre chose. Une fois qu'on connaît bien une personne, on est souvent déçu. Vous ne trouvez pas ?
Jack : Oui... Non... Non, je ne suis pas d'accord.
Alina : Vraiment ? Moi je suis toujours déçue. Il faut dire que je suis assez exigeante.
Jack : Vous avez de quoi l'être.
Alina : Vous avez beaucoup d'ami, Jack ?
Jack : J'en avais.
Alina : Que s'est-il passé ?
Jack : L'entrée dans la vie active...
Alina : Ah, j'ai échappé à ce mal.
Jack : Que faites-vous dans la vie, alors ?
Alina : Je me cherche.
Jack : Vous vous cherchez ?
Alina : Je me cherche. Un but. Une identité. Une raison d'être. Quel est votre but, dans la vie, Jack ?
Jack : Je ne sais plus...
Alina : Vous en aviez un ?
Jack : Oui. Laissez ma trace. Avoir un enfant, pour transmettre mes gênes. Ou écrire, pour laisser mes pensées. Mais... Je n'en vaux pas la peine.
Alina : Vraiment ?
Jack : Je ne sais plus écrire, si tant est que je sus... Et quant à l'enfant... Je sais que je n'en aurais pas.
Alina : Vous n'en voulez plus ?
Jack : Plus vraiment.
Alina : Je vois.
Bah oui, t'as raison, pourquoi se faire chier avec des descriptions quand on sait pas les faire, hein ? Balance juste tes dialogues sans relief, comme ça en brut, on n'y verra que du feu...
De pire en pire.
Bah moi au moins je me trompe pas de pseudo pour me répondre...
Que s'était-il passé exactement dans cette maison, 23 chemin de Kortey ? Il s'agissait de ce genre de moment, à la fois inoubliables et volatiles. Il se souviendrait toujours de ses petits rires, ses sourires, et même de ses fragilité. Mais déjà, tout le reste s'était évanoui. Comment était-il arrivé là ? Il ne savait plus. Tout ce qu'il avait pu lui dire, tout ce qu'il avait pu faire, et toutes les maladresses qu'il avait pu commettre ; tout cela était déjà oublié. Ne restait plus que l'essentiel. Le charme. Ce jour là, il avait rencontré l'allégorie du charme. Et c'est tout ce qu'il avait à en retenir. Il marchait en direction de chez lui, avec cette sensation si singulière. À la fois heureux et déjà nostalgique. Encore tout émoustillé de cette rencontre, dont la magie le suivait encore un peu. Mais aussi avec cette impression qu'une telle expérience ne se renouvellera plus, et que le meilleur est passé. Quoique. Était-il déjà passé ? La reverrait-il un jour, sans être séparé d'elle par ce bête carré de verre qui lui sert de fenêtre ? Il ne savait pas. Comment s'étaient-ils quitté, déjà ? Il ne savait plus. Arrivée chez lui, il s'effondra sur son lit, pensif, aux anges. Il realisé alors qu'il était déjà minuit passé. Il rêvait depuis longtemps, il s'endormit sans même s'en rendre compte.
« Life is unfair – get used to it. Bill Gates » Le fond d'écran de Jack le salua de la sorte, comme tous les matins qu'il arrive au bureau. Mais c'est en lisant la date qu'il tilta. 16 juillet. Cela lui rappelait quelque chose. Mais quoi ? Il n'arrivait pas à s'en souvenir. On a tellement l'habitude de voir des dates, que parfois, on a l'impression qu'une date est importante sans aucune raison. Encore une de ces journées de boulot où Jack serait bien peu productif, tout travaillé qu'il était par cette sensation. 16 juillet… Un rendez-vous ? Non. Jack avait vérifié ses trois boîtes de courriel, rien d'important lié à cette date. Un anniversaire alors peut-être ? Jack n'avait plus vraiment d'ami. Mais, par tradition, il continuait de souhaiter un bon anniversaire à une bonne dizaine de ses anciens amis. Cependant, cela ne correspondait à aucun d'entre eux, le prochain étant le 11 août. Peut-être n'était-ce rien, alors ? Si. Si. Jack avait cette sensation que cette date était importante. Ah, que cela l'énervait de ne pas se souvenir ! Après une heure à se torturer l'esprit et avancer à vitesse d'escargot dans son travail ; Jack fut rappelé à l'ordre par sa vessie. C'est en revenant des toilettes, et en apercevant par la fenêtre du couloir une Ford violette qu'il eut cette illumination. Il était arrivé à la conclusion que le 16 juillet était probablement la date d'anniversaire d'Alina. Parce qu'elle était Cancer, et que son nombre préféré était le 16. Pourquoi quelqu'un aurait-il comme nombre préféré le 16 ? Ce nombre n'est pas du tout charismatique, lié à aucun symbole, et ce n'est même pas un nombre premier. Une vulgaire puissance de 2 insignifiante. C'était forcément lié à une date. Sa date d'anniversaire, sans doute. Ils avaient vraiment parlé de tout et n'importe quoi, ce jour-là. Et ne s'étaient plus revus depuis. C'était il y a déjà cinq jours, pourtant. Il l'avait bien aperçue depuis sa fenêtre, mais il n'avait pas osé aller à sa rencontre. Il avait peur que ça soit trop tôt, que ça soit étrange, que ça soit délicat. Il n'attendait qu'une seule chose. Un prétexte. Et voilà que le prétexte lui tendait les bras. Il irait lui acheter un bouquet de fleurs et une bonne boîte de chocol… Non, trop classique. Pas assez original. Qu'aimait-elle ? Le réglisse salé. Elle n'en mangeait pas souvent, parce que ça ne s'achète qu'à Ikea, et c'est le genre de petit plaisir qu'elle s'accorde quand elle y est de passage. Pile poil ce qu'il fallait. Pendant sa pause de midi, il n'aurait qu'à se ruer à Ikea, et le tour serait joué. Ah, que ça fait du bien d'avoir de la mémoire !
Jack s'était souvenu du 16 juillet, mais il y a une chose qu'il avait oublié. À quel point Alina était magnifique, de près. Ainsi, quand la porte s'ouvrit, révélant la femme de ses rêves dans une superbe robe noire. « Ah Jack ! Quelle bonne surprise ! » Il restait, à son habitude, l'air bête, la bouche bée et la voix muette. « C'est pour moi ? » Jack parvenait péniblement à rassembler ses esprits. L'information remontait gentiment jusqu'à son cerveau. « Euh… Ah ! Oui, oui, bien sûr ! » D'un geste brusque et maladroit, il lui tendit son bouquet de coquelicots et ses trois paquets de réglisse salé. « Joyeux anniversaire ! » Le visage si resplendissant d'Alina s'assombrit quelque peu. Comme saisie d'une brusque inquiétude. « Pardon ? » Se faisant, elle déchargea Jack des ses présents. « Oui, vous m'aviez dit que vous étiez Cancer, et que votre numéro préféré était le 16, alors… » Le visage d'Alina s'éclaira, comme soulagée. « Ah… Je vois… Mais c'est raté, je ne suis pas née le 16. Enfin… Ce n'est pas mon anniversaire. » Jack se sentit soudain très stupide. « Ah… Je suis désolé, je… Oh… Quel abruti » Alina émit un petit rire. « Mais non, mais non, c'était une supposition tout à fait valable… Et à vrai dire, vous ne pouviez pas mieux tomber. Entrez seulement ! » Jack s'exécuta, non sans avoir bredouillé de nouvelles excuses. « Allons, allons, arrêtez de vous excusez ! Vous savez, vous pouvez passer me voir quand vous voulez, d'ailleurs, n'hésitez pas ! Et même sans amener des fleurs ou…. Oh, du réglisse salé ! Quelle délicate attention ! » Elle s'empressa de lui faire un bisous de remerciement. Alors que Jack n'avait même pas eu le temps de rougir, elle enchaîna en le serrant dans ses bras, le pressant fort contre sa poitrine, de jolis petits seins bien ronds et fiers. Elle le pria de s'installer dans son salon, le temps qu'elle aille chercher des flûtes et une bouteille. Jack profita de l'absence de son soleil pour recouvrer la vue. Son regard se posa sur une veste suspendue à la poignée d'une fenêtre. Quand Alina reparut, elle remarque son intérêt pour ce long manteau à la coupe droite, qui ne collait pas tellement avec la grâce infinie de sa propriétaire. « Oh, je sais, ce n'est pas très féminin ! Mais il est imperméable, et c'est un souvenir, alors… Autant qu'il serve ! » Jack lui répondit par un sourire maladroit. Elle lui tendit sa coupe de champagne, alors que son geste s'accompagne d'un petit bruit, celui du cristal touché par son bracelet à boules noires. Puis ils trinquèrent.
Alors Jack, comment allez-vous ?
Oh, vous savez…
Pas plus mal que d'habitude, c'est ça ?
Oui, oui, c'est ça… Et… Et vous ?
Moi…
Vous… Attendez… Cette robe noire… Seriez-vous en deuil ?
On… On peut dire cela, oui.
Je suis navré. Toute mes condoléances. Et moi qui arrivais comme un abruti avec un grand sourire…
Ah, c'était un sourire, cette expression ? Eh bien de vous à moi, mon petit Jack, arrêtez de sourire. Cela vaudra mieux.
Ah… Je…
Je sais, je sais… Mais un jour, il faudra vous habituer. Après tout, je ne suis qu'une femme, non ?
« Que » ?
Ah… Vous ai-je déjà dit que je vous aimais bien ?
Je ne sais plus, on s'est déjà dit tant de choses… Mais donc, qui était cet être cher ?
Une amie.
Je croyais que vous n'aviez pas d'ami ? … Pardon, je… C'était très déplacé. Et vous avez sans doute envie de parler d'autre chose, alors...
Non, non, ne vous excusez pas. J'aime cette franchise. Et je crois que ça me ferait du bien d'en parler. C'était une amie récente. C'est pour ça que je…
Que vous ne vous en étiez pas encore lassée ?
Et bien en fait… Oh, mais vous allez me trouver monstrueuse !
Vous commenciez justement à vous en lasser ?
Vous lisez en moi comme dans un livre, Jack.
Si seulement, si seulement… Quel âge avait-elle ?
28 ans.
C'est jeune. C'est triste. Comment est-ce arrivé ?
On ne sait pas encore. Je venais d'apprendre la nouvelle quand vous êtes arrivé. Je vous ai dit que vous tombiez à pic.
Oh… Mais… Vous n'aviez pas l'air spécialement…
Je sais. Je suis comme ça… C'est… Horrible, non ?
Je ne trouve pas. Au contraire. Je vous trouve encore plus…
Ah, Jack… Réglisse ?
Volontiers…
Jack, je vais être directe avec vous. Pourrions-nous baiser, là tout de suite ?
Ah… La félicité… Cette sensation si agréable, si merveilleuse, si rare… Ivre de joyeuse plénitude, Jack sentait les rayons ardents du soleil titiller ses paupières. Trop rare. Trop rare pour être vraie. Était-ce un rêve ? Oui, oui, forcément. C'était un rêve. Comme si il pouvait vivre de tels délices, dans sa noire vie… Il savait que quand ses paupières, douillet berceau d'illusion, se retireraient…. Il se retrouverait implacablement face à son papier peint bleu clair rayé de losanges blancs, dans sa chambre bête et bordélique. Avec la déception du réveil désenchantant, il ouvrit les yeux. Ô surprise. Le visage fin d'Alina lui faisait face. Il avait bien passé la nuit avec cette femme, encore endormie, dont il partageait le lit. Ce n'était donc pas un rêve. Aussi invraisemblable cela lui paraissait-il. Ou alors était-il encore en train de rêver, peut-être ? Après tout, il valait peut-être mieux ne pas savoir. C'est donc avec entrain que Jack bondit hors du lit.
La douleur ressentie par son pied au moment de heurter la commode le laissa penser que non, il ne rêvait probablement pas. Il entraîna dans sa maladresse un pile de journaux qui s'étala sur le sol. Des vieux journaux. Ou plutôt une collection de page de vieux journaux. « L'Eyjafjöll continue de clouer des milliers d'avions au sol. » Ah oui, que de souvenirs. Cette époque où la nature reprenait le dessus sur l'homme. Quand était-ce déjà ? 2010. Que le temps passe vite. Il avait l'impression que c'était il y a quelques années à peine… « Le célèbre psychiatre Guillaume Schär retrouvé mort. La police privilégie la piste du règlement de compte. » Daté de 2009. « Djokovic stoppé à Roland Garros par Federer au terme d'un match superbe ». 2011, évidemment. Cela aussi, un grand souvenir. « Sony dévoile sa PS4 » « Les Grecs envoient un signal fort contre l'austérité. » « Ouverture grandiose pour les Jeux Sotchi ». Étonnante, cette collection. Jack remit en place les vestiges du passé sur la commande, avant de griffonner un mot sur un bout de papier et de se précipiter pour aller acheter des croissants, le cœur léger.
En revenant de la boulangerie, Jack réfléchit à ce qu'il lui arrivait. Il y a deux semaines à peine, il aurait pu mourir un beau matin sans le moindre regret, tant la vie lui paraissait terne. Il avait l'impression de survivre davantage que de vivre. Jack n'avait pas vraiment d'ami. Cela faisait longtemps qu'il ne croyait plus tellement en l'amitié à long terme, d'ailleurs. Tous les amis qu'il avait connu, il ne les revoyait plus. Il leur envoyait bien un sms le jour de leur anniversaire, par tradition, mais ça s'arrêtait là. Pourtant, il avait toujours de l'affection pour eux. Si subitement, l'un d'eux l'appelait, lui disant être dans la merde et nécessitant son aide ; Jack accourrait promptement. Par loyauté. Il croyait encore en cela. Et inversement, Jack était persuadé que s'il avait un problème, ils en feraient de même. Sauf que le problème de Jack, c'était la vie, et il n'y a pas grand-chose à faire là-contre… Ce faisant, il n'avait plus vu la plupart d'entre eux depuis belle lurette. Tant pis. Tant mieux.
Et l'amour ? Jack croyait en l'amour. Pour les autres. Pour avoir le droit de rêver, par procuration. Pour pouvoir regarder des histoires des amours, et se dire que c'est possible. Mais pour lui, il savait que c'était une impasse. Qu'aucune fille ne serait jamais assez folle pour le supporter. Il y a longtemps qu'il s'en était fait une raison, et qu'il subissait la vie dans une morne routine. Pourquoi avait-il survécu jusqu'à présent ? Pour une seule raison. Il avait promis, il y a 17 ans de cela, de ne pas se suicider. Promesse qu'il avait maudit pendant la plupart des 17 dernières années. Mais aujourd'hui, il la bénissait. Il vivait un rêve. Un rêve qui s'appelait Alina. Il ne savait pas combien de temps ça durerait. Il espérait que cela dure toujours. Avec son pessimisme inné, il ne pouvait s'empêcher de redouter le moment où cela s'arrêterait. Comme si le bonheur ultime était tout simplement impossible pour lui. Il y aura toujours cette ombre au tableau, l'empêchant de se délecter purement et pleinement des magiques instants présents. L'ombre du futur. Le moment où depuis ces sommets records, il retrouvera le sol, dans une douleur grandiose et fracassante. Quand il revint chez Alina, il était donc nostalgique. Regrettant déjà, par anticipation, sa vie présente. Il remonta dans la chambre, ouvrit la porte, et contempla. Elle dormait encore. Mais sa magnificence rayonnait. Elle rayonnait si fort qu'instantanément, Jack n'était plus lui-même. Puisque immédiatement, devant cette beauté innocente, sa nostalgie disparut, laissant simplement un homme heureux dans ce corps qui appartenait à Jack. Il déposa sur la table de chevet le petit déjeuner ainsi que le journal qu'il venait d'acheter. Il contempla la demoiselle aux yeux clos quelques minutes. Ce n'est que lorsque la nature le rappela à l'ordre qu'il quitta sa dulcinée, le temps d'un pipi.
En laissant la chasse d'eau rugir, il s'en voulu, craignant d'avoir réveillé la belle. En revenant à la chambre, sa crainte fut confirmée. Et elle semblait d'ailleurs contagieuse, puisque c'est une mine sévère et inquiète qui illuminait le visage d'Alina. « Je… Bonjour, je… Ça ne te plaît pas ? Je… J'ai mis des miettes ? » L'inquiétude sembla laisser place à l'incompréhension. Puis, suivant le regard de Jack, elle jeta un coup d’œil à la table de chevet. « Ou c'est que… Je… Tu n'aimes pas la tribune ? Je suis désolé, c'est seulement quand je suis passé devant un kiosque que j'ai repensé à ta collection de journaux, mais je n'ai pas réfléchi plus loin, j'ai pris le premier qui venait, et… » Enfin le visage d'Alina semblait se relâcher, permettant à sa beauté de rayonner encore davantage. « Non, non, c'est parfait, j'étais juste un peu surprise… Cela faisait longtemps que je n'avais plus été avec un homme, tu sais... » Elle ponctua sa phrase d'un sourire radieux. Jack se détendit à son tour rassuré. Ils échangèrent d'abord un petit rire, puis un petit déjeuner, et enfin un petit peu de salive. Et bien d'autres choses encore.
« W.S. » Les deux lettres dorées décoraient l'étiquette de ce manteau qui intriguait tant Jack. Il trouvait que quelque chose s'en dégageait. Quelque chose de puissant et de terrible. Il commençait à bien connaître ce salon. Au son des pas qui revenaient de la salle de bain, il se retourna et regagna le canapé au côté de la belle demoiselle. Cela faisait maintenant une semaine qu'ils partageaient leurs corps. Une semaine qu'ils se voyaient tous les jours. Jack ne s'était jamais senti aussi bien, aussi léger, aussi insouciant. Mais il avait le sentiment que ce n'était pas le cas d'Alina. Il faut dire que contrairement à lui, elle avait sans doute toujours connu ce genre de réjouissances… Profitant de l'avoir à ses côtés, il joua une carte qu'il connaissait bien, qu'il avait souvent jouée, pour le meilleur mais surtout pour le pire. La carte de la franchise.
Alina ?
Oui ?
Je ne comprends pas. Pourquoi es-tu si… Malheureuse ?
Malheureuse ? J'ai l'air malheureuse ?
Non, tu n'en as pas l'air. Mais… Je le sens. Il te manque quelque chose.
Comme à nous tous, non ?
Non, pas ce quelque chose là. Évidemment, il nous manque tous un quelque chose, pour être définitivement heureux, pour que tout soit parfait. Comme de l'inconscience, ou de l'amnésie. Mais… Cela ne nous empêche pas, ponctuellement, d'être heureux. Alors que toi… Même quand tu fais ce que tu aimes, ou en tout cas, ce que tu dis aimer, on sent toujours comme une retenue. Comme s'il te manquait quelque chose.
Ou comme si j'avais quelque chose en trop ?
Je vois… Et qu'est-ce donc ?
Oh, je ne sais pas. Je disais juste cela comme ça…
N'y a-t-il donc rien que je puisse faire ?
Je ne pense pas, non.
Sûre ? Je te sens… Un chouïa hésitante…
S'il y avait quelque chose que tu pouvais faire, tu l'aurais déjà fait, non ?
Euh…
Je croyais pourtant que tu étais… Proche de moi, de ce côté là.
Oui. Oui… Mais c'était avant de te connaître.
Tu as l'impression de me connaître ?
Oui et non… Je sais à la fois tant de chose, sur toi… Et si peu…
Tu crois savoir tant de choses sur moi… Mais tu ne sais que ce que je veux bien te dire…
Pas seulement. Je sais que tu te cures le nez quand tu te crois à l'abri des regards, que tu fais très mal la cuisine et… Que tu es bisexuelle.
Comment l'as-tu su ?
Tes mots. Tu prétends n'avoir plus eu de relations avec un homme depuis dix ans. Depuis ton mari. Mais tu parles toujours « d'homme ». Afin d'exclure toutes tes dernières compagnes, qui étaient des femmes. Et plusieurs détails semblaient aller dans ce sens… Tes gestes, tes directives, tes pratiques… Et surtout, la serveuse au restaurant.
Ah… Cette petite… Tu m'en voudrais ?
Je ne sais pas. D'un côté je serais jaloux mais de l'autre… Je comprendrais.
Et nous ? Que sommes-nous ?
Je ne sais pas. Ce que tu voudras.
Ce que je voudrai ?
Ce que tu voudras. Mais…
Mais ?
Je t'aime.
Oui, je sais.
Et je sais aussi. Que tu ne prononceras sans doute jamais plus de tels mots.
Tu sais.
Je sais.
Alors c'est bien.
Quand est-ce la dernière fois ?
La dernière fois ?
Que tu as aimé quelqu'un ? Ton mari ?
Peut-être, oui.
Tu n'as jamais vraiment aimé personne ?
Je ne sais pas.
Je vois… Et ta dernière conquête, comment est-elle ?
Elle avait quelque chose… D'aérien. Elle était rousse, grande, audacieuse…
Pour l'instant, ça ne nous fait pas beaucoup de points communs…
J'avais envie de changer.
Je vois.
Bon, on monte ? Vas-y, je te rejoins.
Et Jack monta. Dans la chambre, son regard se posa sur la tribune. Celle qu'il avait achetée lui-même. Sans la lire. « Après un premier semestre 2019 catastrophique, Nestlé mis en faillite » « Cadavre d'une jeune aviatrice retrouvé dans le bois de Jussie » « Genève accueillera encore la Coupe Davis ». « Tensions en Palestine ». Oui, il avait peut-être bien fait de ne pas la lire. Mais Jack entendait déjà des pas dans l'escalier. Qu'importe la Palestine, rien ne lui empêcherait de mordre à pleine dents dans les délicieux instants qui s'offraient à lui.
La valse des galipettes durait depuis une bonne semaine. Jack commençait à prendre ses marques. Un « C'est ouvert ! » répondit à son coup de sonnette, et Jack entra dans son nouveau sanctuaire. Il y avait quelque chose de différent. Comme si l'espace avait été libéré d'un poids, il y avait quelque chose de plus léger. « Monte et installe-toi ! ». Ils parlaient de moins en moins, il avait l'impression. Bah, au fond, ils n'avaient plus besoin de parler. Même dans leur silence, ils s'échangeaient leur complicité. Il s’exécuta. C'est en montant les marches qu'il réalisa à quoi était due cette impression de libération. Mais, c'était bizarre… Pourquoi… Tout en s'égarant dans ses interrogations, Jack gagna la chambre. Toujours cette pile de journaux. Étrange aussi, cette pile de journaux. Il y en avait somme toute peu, alors que le plus ancien remontait à plusieurs années. Pourquoi ceux-ci ? Quel était le plus ancien, déjà ? 2009. 17 juillet. 17 juillet… Graves et lours, les pas d'Alina résonnèrent. Jack lui tournait le dos. Et contrairement à d'habitude, il ne se retourna pas. Car il venait de comprendre.
C'est mieux ainsi.
Retourne-toi.
Non, je ne veux pas. Fais ce que tu as à faire, c'est mieux ainsi.
Faire quoi ?
Je sais, j'ai compris. Tout est clair, maintenant. Trop clair. J'aurais préféré ne pas savoir. J'étais heureux.
Qu'as-tu compris ?
Tout. Je crois. Guillaume Schär, Wilhem Schär, W.S. Ton mari. Mort le 16 juillet. Ce n'était pas ton anniversaire, mais ta naissance quand même. Celle de la nouvelle toi. Pourtant, ce n'est pas sa mort que tu honorais ce jour là. Mais bien celle de ta précédente conquête. Aérienne. Aviatrice. Retrouvée morte ce jour-là. Car tu t'en lassais. Tu étais inquiète, quand le lendemain, tu trouvais à ton réveil ce journal, qui en parlait. Et quand tu as compris que ce n'était qu'un hasard, tu l'as gardé, pour ta collection de trophée. Tous ces journaux, chacun parlant d'une de tes victimes, une des tes ex. Quand je pense que j'ai été témoin du meurtre. Sans comprendre. J'avais vu une silhouette d'homme, et une silhouette de femme. Tu avais été tuée par un homme. C'était logique. Jusqu'à ce que je te voie en vie… Mais en fait, la silhouette de femme était ta victime. L'aviatrice. Et tu étais la silhouette d'homme, vêtue de ce fameux manteau. Ce manteau que tu portes maintenant, puisqu'il n'est plus suspendu dans ton salon. Changeant l'atmosphère du rez de chaussée. Ce manteau qui appartenait à ton mari. Et les traces de boue sur ta voiture. La forêt de Jussie. Cette voiture qui n'était pas là au matin, mais qui reparaît quand je rentre le soir. Quel crétin. Quel veinard. Grâce à ma bêtise, j'ai pu être heureux… Quelques jours. Et c'est ici que l'illusion s'achève. Je me sentais désiré. Je n'étais qu'une proie. Je vois. Tout s'explique. Allez, enfonce-moi ce poignard que tu dois certainement tenir dans ta main. Et vise le cœur.
Tu n'as pas peur ?
Non… À quoi bon ? Pourquoi vivre, maintenant que je sais ? Je ne peux plus vivre sans toi. La mort est donc la meilleure des issues. En fait, je te dois tout. Merci. Merci pour tout. Merci pour ce que tu m'as apporté. Merci pour ce que tu vas m'apporter. Je t'aime, Alina.
Un bruit métallique remonta du sol jusqu'aux oreilles de Jack. Puis des bruits de pas, dévalant l'escalier. Jack se retourna enfin. Au sol gisait un poignard. Et une goutte d'humidité. Il dévala à son tour les escaliers. Trop tard, elle était déjà loin. Il ne retrouve d'elle que son manteau, abandonné dans sa course. Et ce que Jack avait redouté le plus au monde arriva : sa vie devait continuer. Maudite promesse.
Une semaine que Jack n'était plus allé travaillé. Bientôt renvoyé. Il regardait la télévision, sans la regarder. La tête vide. Il était mort, mais son corps ne s'en était pas encore rendu compte. « Bom, bom, bom ». On tapait à sa porte. « Bom, Bom, Bom ». Qu'importe, l'inopportun allait bien repartir et poursuivre sa route. « bom, bom, bom ». Trois fois, maintenant c'est bon. « Bom, bom, bom ». « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » « Bom, bom, bom. » Puis un silence. 16 fois. 16 fois… Rien qu'en hommage à Alina, il se devait d'aller ouvrir à un coïncidence pareille. Malheureusement. Il se traîna devant sa porte, et l'ouvrit. Une jeune femme se tenait devant lui. Les yeux rouges, les joues pleines de larmes, les cheveux blonds en bataille. Une mendiante. Non. Pas une mendiante. Quelqu'un qu'il voyait pour la première fois. Alina. La vraie Alina. Sincère, perdue, éperdue.
« Pourquoi ? » Ils le dirent en même temps.
Je suis allée me rendre à la police. Je n'avais pas envie de fuir. On m'a demandé pour quel motif. Pourquoi ne m'as tu pas dénoncée ?
Pourquoi le ferais-je ?
Pour protéger des vies. Ta vie.
Je me fous de ma vie. Je veux mourir.
Tu étais vraiment sincère ?
Pourquoi ne l'aurais-je pas été ?
Parce que tu es encore en vie.
J'ai fait la promesse de ne pas me suicider.
À qui ?
Une fille. Il y a 17 ans. J'étais amoureux. Je ne l'ai pas revue depuis… 10 ans. Je crois.
Je croyais te connaître.
Tu me connaissais.
Je te croyais sincère.
Je l'étais.
Je croyais que tu aurais peur de mourir, que tu pleurerais, m'implorerais de t'épargner. Comme tous les autres.
Je t'implorais de me soulager.
Je ne te reconnaissais plus. Je ne te reconnais plus. Et la vie des autres ?
Je sais que tu ne recommenceras pas. Tu sais que si j'apprends que tu as recommencé, je te dénoncerais. Alors soit tu me tues, enfin, ce qui aurait dû arriver la semaine dernière, et la vie reprend son cours. Soit, tu as changé, tu t'es arrêtée. Et puis… J'ai toujours ton manteau.
Tu veux vraiment mourir, alors ?
Oui.
Même si… Je reste avec toi ?
Pourquoi ferais-tu ça ?
Pour comprendre.
Je t'aime, il n'y a rien à comprendre.
Pour que tu me comprennes.
Ah… Je vois.
Tu vois ?
Quand tu te lasses, tu les tues. Parce qu'ils sont prévisibles. Trop prévisibles. Tu sais qu'ils ne comprendront pas qui tu es. Tu fais ton deuil. Tu croyais me connaître. Tu me croyais prévisible. Mais au dernier moment, je t'ai surpris. Alors tu te dis que si il y a une personne qui a une chance de te comprendre, c'est moi. Et tu as envie de comprendre qui tu es.
Je t'aime.
C'est vrai ?
Je ne sais pas.
Je me disais aussi….
"Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants"
N'as-tu donc aucune pudeur ?
Pitoyable...