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Virtual Kasparov

Sujet : La dernière assemblée
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_Fluttershy_
Niveau 6
09 août 2020 à 04:07:21

K – 08:31

Bleu. J'ai l'impression que c'est la première fois que j'apprécie ce monochrome à sa juste valeur. Cet
immense tableau décorant fièrement notre assemblée. Alors que je viens probablement en ces lieux
pour la dernière fois. Quoique ? Que va devenir ce bâtiment, maintenant ? Une sorte de musée,
peut-être ? Alors j'y reviendrai sans doute. Mais aujourd'hui n'en demeure pas moins la dernière fois
que les 59 se réunissent. Nous sommes au complet, ce matin. Avouons que c'est le jour ou jamais...
Ah, voilà Maurice qui commence son discours. Quel pingouin, celui-là.

Dire que l'information a été révélée il y a moins de 36 heures. Un séisme. Même si pour moi, cela
devrait ne rien changer. Enfin, les mauvaises langues diront que dans la pratique, ça ne changera pas
grand chose. Cela fait presque dix ans que notre rôle se résume à promulguer les lois de la machine.
Mais par tradition, nous siégions encore. Au moins, nous en tirions la satisfaction de nous être
assurés que chaque loi était bien juste. Quelque part, c'était un loisir comme un autre. D'autant que
cette déco est assez sympa, il faut l'avouer. Quoique le tableau est peut-être un peu trop bleu.
La réaction du parti fut imminente. Dès l'aube, nous nous retrouvions en assemblée extraordinaire,
tout les onze. C'était de circonstance, l'affaire étant devenue le symbole de notre mouvement. Pire,
tout le monde ne nous connaissait plus que sous le nom de « Burkhonistes ». Il faut dire que même
dans nos rangs...

C'est Maurice qui avait commencé le tour de table. Pour lui c'était évident, le parti était mort, et il
ne nous restait plus qu'à essayer de nous retirer de la manière la plus digne possible, en admettant
notre défaite. Même son de cloche chez Sandra. Nous nous sommes trompés, Ethim est tellement
infaillible que le veto humain ne peut qu'être un obstacle à la justice. Conneries. Enfin, oui, Ethim
est peut-être infaillible, mais... Pour moi, ce n'était pas ça, l'essence de notre mouvement. Pedro et
Cassandra se contentaient d'approuver les deux précédents. Peut-être m'étais-je trompé de parti, en
fait ? Vraiment, l'affaire Burkhon était votre unique raison d'être ici ? Apparemment, c'était le cas
également pour Joanna. Vint mon tour de parler. Je n'arrivais pas à mettre les mots. Il faut dire, ma
position n'était pas très rationnelle. Elle était plutôt... Instinctive ? Je me sentais bien seul. Agacé etcomme oppressé, je bafouillai et trébuchai mes phrases dans un râle confus. Une bouillie verbale
qui ne convaincrait jamais personne. Enfin, au moins, j'avais parlé. À la fin de ma laborieuse tirade,
ma voisine de gauche glissa un « merci ». Salope. Comme si c'était facile de retranscrire ce genre de
ressenti... Irrité par sa remarque, je posai un agressif regard sur elle. Mais à ma surprise, elle n'avait
pas l'air ironique. Cela se confirma quand elle prit la parole. Elle était d'accord avec moi. J'ai parfois
tendance à oublier que c'est difficile d'assumer ses positions quand on se sent isolé. J'ai une faculté
naturelle à avoir des positions singulières et à les assumer sans problème. À défaut de mieux, et
aussi maladroits fussent ses mots, ma grand gueule aura au moins soulagé Sofia, lui facilitant
l'expression de son opinion. Et puis, je me sentais un chouïa moins seul. Le tour de table continua,
révélant que nous étions peut-être même quatre. Mais quatre sur onze, c'était loin du compte. La fin
des burkhonistes. Me voilà donc de retour parmi les simples « vieux cons conservateurs »,
j'imagine. Comme à mes 17 ans. Cocasse.

Non, non ce n'est pas trop bleu. C'est très bleu, mais c'est pile ce qu'il faut de bleu. Ah, Maurice a
fini de signer notre défaite. J'imagine que nous allons voter notre dissolution dans la foulée. Tiens,
non. Un membre du parti Prudence veut prendre la parole... Je ne pensais même plus à eux. Après
tout, peut-être que certains ne sont pas devenu Ethimistes pour autant. Enfin, quand bien même
l'intégralité de leur groupe défendrait le maintien de cette assemblée, cela ne suffirait pas. Nous ne
sommes plus que quatre « vieux cons ». Même avec vingt-et-un soutiens Prudence, nous serions
cinq voix en dessous de la majorité. Tiens, c'est Madame Coevarria ?

Ah... Je vois. Elle veut sans doute savourer sa victoire. Après tout, c'est un peu son bébé. Fichtre, à
48 ans, elle a encore un certain charme, je dois dire. Même ses cheveux déjà grisonnant participent
à sa subtilité unique. Ce charme... Juste à cause de lui, je n'ai jamais réussi à la haïr, même quand
j'ignorais ses positions. Quand j'aurais tant voulu la détester, elle qui a pratiquement inventé Ethim.
Ignorant qu'il y avait tant de sagesse dans ses positions. Assez incroyable qu'elle ait milité au sein
de Prudence dès la première heure. Je crois bien que je lui voue, sinon un culte, une sincère
admiration. Oh, et ce fessier. Absolument délicieux. Bien large, bien fourni, bien magnifique. Elle
prend son temps pour monter à cette estrade. Comme si elle voulait nous faire profiter du spectacle
plus longtemps. Qu'est-ce que vous nous réservez ? Qu'est-ce que vous ressentez aujourd'hui ? Votre
bébé vient de se révéler infaillible. De la fierté ? Pourtant, je vous vois mal vous lancer dans un
discours jubilatoire. Je vous imagine le triomphe bien plus modeste. Surtout que vous n'étiez même
pas Ethimiste, après tout. Alors quoi ? Ah. Enfin vous semblez prête. Écoutons.

« Mes très chers collègues »

_Fluttershy_
Niveau 6
10 août 2020 à 14:35:51

Ah ouais, donc tu t'es dit, voilà, je poste ça, sans contexte, sans rien, juste pour si ça passe... Andouille, va.

 
B – 09:58

Putain, pour une journée qui marquera notre triomphe, qu'est-ce qu'on se fait chier. Heureusement que j'avais ce petit couteau suisse sur moi. Voilà qui fait de moi un petit vandale. Mais d'un autre côté, cette salle ne servira plus jamais. Graver dans le bois ma frustration et mon ennui, quelque part, c'est un peu lui rendre un dernier hommage. Oulà, c'est quoi cette effervescence soudaine ? La vieille peau aurait enfin dit un truc intéressant ? Qu'est-ce qu'elle raconte ?

« J'espère que maintenant, vous comprenez. Pendant deux jours, je me suis torturé l'esprit sur la façon dont je pourrais aborder le sujet. Et puis, il y a eu le dénouement de l'affaire Burkhon. Le prétexte parfait pour nous retrouver ici. Je pense qu'il est impératif de désactiver Ethim au plus vite, afin de le reprogrammer. Et surtout, de changer. »

_Fluttershy_
Niveau 6
13 août 2020 à 13:33:03

En même temps, tu voulais que je précise quoi comme contexte ?
Argh, je viens de voir que j'ai foiré la mise en page du premier post... Putain, relou... Bon, tant pis.

 
K – 08:47

« Mes très chers collègues, le jour que nous vivons est, je l'espère, historique. Néanmoins, faisons les choses dans les règles de l'art. Après tout, nous parlons de dissoudre cette assemblée. C'est pourquoi, afin que chacun puisse s'exprimer librement, j'invoque la disposition bunker. »

Un lourd murmure parcourt l'assemblée, témoignant de l'onde de choc qui vient de nous ébranler.

« Putain mais c'est qui cette conne qui nous emmerde là ? Même les burkhonistes viennent d'admettre leur erreur... »

Cela venait de mon voisin de droite. Pourtant un Ethimiste. Mais un con avant tout... Même pas foutu de reconnaître sa propre reine-mère.

« La disposition bunker ? C'est quoi ? »

Un con à droite, un incompétent derrière. Finalement, cette assemblée mérite peut-être bien une dissolution... Bon, avouons que moi-même, j'avais presque oublié l'existence de cette clause, permettant de nous isoler de toute intelligence artificielle. Qu'est-ce qui vous prend, Madame ?

« Mais... Madame... Il faut le concours d'au moins deux députés pour invoquer cette disposition. »

Sérieusement ? Le président de l'assemblée ose répondre ça à la reine Coevarria ? Quel toupet. Comme si la moitié de la salle n'allait pas la suivre, ne serait-ce que par respect pour son œuvre...

« N'y a-t-il donc personne dans cette assemblée qui voudrait se joindre à moi pour cette demande ? »

Allez, levez la main, tous les Ethimistes. Par reconnaissance pour la mère de votre enfant prodige. Allez. Vous attendez quoi, putain ? J'ai passé ma vie à critiquer sa création, je ne veux pas lui faire l'affront d'être un des seuls à se joindre à sa demande.

« Eh bien, désolé Madame Coevarria, mais... »

Bande de cons.

« Euh... Oui, Monsieur Kennard ? »

Bah à ton avis, crétin ? Tu crois que je lève la main pour m'étirer le bras ?

« Je soutiens la demande de Madame Coevarria. Je pense que c'est le moins qu'on puisse lui accorder. »

Ouais, ouais, c'est ça, faites « Oh... » tant que vous voudrez. Abrutis. Tiens c'est à moi qu'elle l'a adressé, ce sourire ? Madame Coevarria m'a souri. Qui l'eût cru... Bon, tous au bunker. Allez, hop hop hop, on se met en branle. C'est bien, voilà, on avance... Bon sang, je n'ai plus vu ce bunker depuis la visite inaugurale des lieux, il y a 22 ans. J'étais le plus jeune de l'assemblée en ce temps là. À 17 ans. J'ai l'impression de ne pas avoir tant changé que ça depuis. Bien sûr, j'ai beaucoup gagné en calme et en maturité. Mais je veux dire, les bases de ma façon de penser étaient déjà là, bien ancrées. Tiens ? Dans mes souvenirs, c'était moins étroit. Alors, où vais-je m'installer ? Oui, assoyons-nous là. C'est bien là. Je n'aime pas être trop central. C'est quand même un peu sombre ici. Ce tableau a toujours été là ? Rouge. Ce peintre n'était décidément pas très inspiré pour ses titres. Et puis il est quand même nettement moins réussi que Bleu. Ah, la voilà qui arrive. Et toujours ces fesses... Mamma mia ! Ah, si elle savait.... Elle serait fort déçue de ces pensées déplacées. Elle qui est tellement davantage qu'une simple et magnifique paire de fesses. Pardon... Mais je vous jure que ça ne m'empêche pas de vous apprécier et respecter pour votre esprit. D'ailleurs, je vous promets d'écouter attentivement tout ce que vous direz. Cela dût-il durer la matinée. Ah, écoutons.

« J'ai essayé de préparer un discours bref et concis. Mais j'ai lamentablement échoué. Ce que je tenais à vous dire était trop important. Alors je me devais de le dire du mieux que je pouvais. Et donc de m'accorder le temps qu'il fallait. Orgueilleusement, j'espérais que la plupart m'écouterait par respect pour ma personne. À défaut, j'espère que les 57 autres m'écouteront par devoir. »

Elle m'a encore souri. Incroyable !

« Accrochez-vous, ce sera long. Je tenais à commencer par vous lire des extraits du journal de ma mère. »

Vraiment ? Mais elle se fout de notre gueule, ma parole. Et pourtant j'ai quand même envie de l'embrasser.

« Oh, avant que nous commencions... Comme nous sommes entre humains, il faut que l'un de nous prenne le procès verbal. En ces circonstances, cette tâche incombe au président de l'assemblée. J'ai heureusement pensé à vous amener de quoi écrire. »

Incroyable. J'espère que cet imbécile sait encore se servir d'un stylo. Oh, et ce petit cahier rose d'écolière pour ce gros empoté de président. Adorable. Quelle classe, Madame Coevarria ! La femme de ma vie existe peut-être, en fin de compte.

« Ce qui est amusant, c'est qu'avant le Reboot, ma mère était conseillère nationale. Ainsi, comme moi, elle siégeait dans ce genre d'assemblée. Hum... Je vois que vous écrivez fort gros, Monsieur le président des 59. J'espère que vous aurez assez de pages. »

Magique.

_Fluttershy_
Niveau 6
15 août 2020 à 19:15:29

"Bon bah tant pis". Non mais sérieux quoi... T'es vraiment de pire en pire, tu le sais, ça ? Tu fais un truc ultra-moche mais non, non, juste tant pis quoi. Pff... J'en ai honte d'être toi franchement.

 
Procès verbal du 19/01/2079 – Discours de Mme Coevarria – 1/4

Ce qui est amusant, c'est qu'avant le Reboot, ma mère était conseillère nationale. Ainsi, comme moi, elle siégeait dans ce genre d'assemblée. Je vois que vous écrivez fort gros, Monsieur

« Mardi 18 février 2025
Aujourd'hui, nous devions voter la loi sur la route, qui devait enfin interdire aux voitures non-autonomes de circuler, même en dehors des voies express créées temporairement à cet effet. Cela permettrait d'accélérer le trafic de 30% sur les zones concernées. Pour moi, qui ai connu les débuts des voitures autonomes, cette loi était un sacré symbole. À leurs débuts, il était plutôt question de les interdire. Les gens étaient incapables de faire confiance aux machines. Pourtant, déjà à l'époque, les voitures autonomes s'étaient rapidement prouvées plus fiables que les conducteurs humains. Mais l'inertie traditionnelle, les méfiances irrationnelles et la mauvaise foi avaient mis de lourds bâtons dans les roues de la technologie. Malgré cela, les voitures autonomes avaient su faire leur chemin et progressivement s'imposer, portées par leur objective supériorité. Aujourd'hui devait signer pour de bon leur victoire éclatante.

Bien sûr, il y avait toujours quelques récalcitrants. « Oui, mais, le plaisir de conduire ? ». Jamais compris cette connerie de plaisir de conduire. Une voiture pilotée par un humain est un danger, pour lui, pour son entourage, et même pour l'environnement. Un vieux papy technophobe vint nous affliger de son ridicule discours technophobe. Si tu es à ce point en manque de plaisir, paie-toi un tour sur un circuit, bordel. Ou bien une pute. Détraqué. Heureusement, l'assemblée était suffisamment jeune pour que ces imbéciles soient minoritaires. Ils se sont applaudis tellement fort que j'avais peur que l'effort leur cause quelques infarctus. Ce qui aurait été leur meilleur moyen pour retarder l'échéance. Enfin, j'imagine qu'avec leur audition en berne, ils étaient obligés de faire grimper les décibels pour parvenir à entendre quelque chose. Malgré tout le bruit qu'ils parvenaient à faire, ils ne seraient jamais que 68 ancêtres. Nous étions 132. Presque le double. Bien plus qu'il n'en fallait pour ratifier la loi.

Mais c'est là que cette connasse a pointé le bout de son nez. Oui, une connasse. Car excusez-moi, Madame Dutler, mais vous êtes née femme, alors vous serez toujours une femme à mes yeux, malgré toutes les opérations dégoûtantes que vous attenterez pour essayer de nous faire croire le contraire. Qu'y a-t-il de si horrible à être une femme, d'abord ? Encore plus détraquée que les petits vieux conservateurs... »

Je tiens à m'interrompre ici pour faire quelques commentaires. Oui, les propos de ma mère à l'égard des trans' sont choquants, déplacés et condamnables. Sur son rôle de mère, je n'ai que peu de reproches à lui faire. Mais comme femme, c'était un personnage parfois horrible et malsain. Vous venez d'en voir la face la plus sombre. Par la suite, son jugement aura d'ailleurs évolué. Je n'excuse en rien son discours, mais je tiens tout de même à le relativiser. À l'époque, les trans' n'étaient malheureusement pas aussi bien admis que de nos jours. Bien que répandus, le sujet était encore un peu tabou. Et beaucoup de gens pensaient encore comme elle, tristement. À ce stade, j'ai donc deux remarques à faire. La première, c'est que nous vivons désormais dans un monde merveilleux, où chacun peut vivre son identité au mieux. Peut-être sommes-nous à notre apogée. La seconde, c'est que même dans le cas des voitures autonomes, le premier accueil réservé à la technologie fut de la méfiance. Enfin bref, poursuivons cette excitante lecture.

« Contre toute attente, elle demanda à prendre la parole. Je n'en voyais pas l'intérêt. Le Oui allait l'emporter largement, à quoi bon faire un discours ? Je n'étais pas la seule à me poser cette question, un râle de surprise parcourant l'hémicycle. Avec toute la lenteur possible, elle descendit les marches pour rejoindre l'estrade. Elle ajusta son micro. Et elle parla de son horrible voix défigurée par la testostérone.

Chers tous. Comme vous le savez, je suis un fervent superstitieux. Hier, en rangeant quelques papiers, je tombais sur e-mail, que j'avais imprimé par erreur il y a quelques années. Comme le verso était vierge, il avait fini dans la corbeille à brouillon.

Et moi hier soir j'ai vidé ma cup. Putain, mais elle se croit où ? C’est le conseil national ici, on en a rien à foutre de ta pauvre vie de dépravée...

''À l'époque, je ne l'avais même pas lu. Je n'étais qu'une des copies carbones, et il venait de Nestor, qui avait la fâcheuse habitude de nous envoyer beaucoup trop d'e-mails, et parfois d'assez singuliers. Je le découvrais donc pour la première fois. Il datait de 2017. La coïncidence était trop forte pour ne pas vous en faire part :

'Je repensais à cette discussion que nous avions eu hier au sujet des voitures autonomes. De mon côté, je ne suis pas tellement pour. Mais pas pour des raisons de fiabilités. Sinon aucun humain ne pourrait conduire non plus. Par contre, la question du GPS m'interpelle. Je suis attaché, de manière quelque peu irrationnelle, à vivre sans GPS. (Et à pouvoir vivre sans natel, aussi.) Un peu par jeu. Savoir lire une carte, se repérer, s'organiser... Autant de compétences qui se perdent de plus en plus. Mais au delà de cette nostalgie irrationnelle, il y avait un petit truc en plus. J'ai mis longtemps à le comprendre. Dans une petite mesure, il y a le piratage : si votre voiture se fait hacker, vous devenez à la merci du pirate. Mais surtout, il y a la vie privée. Même sans pirate, même si seules les personnes autorisées peuvent tracer vos déplacements... N'est-ce pas déjà un peu trop ? Actuellement, nous vivons sous un gouvernement raisonnable, et on pourrait se dire que si on a quelque chose à cacher, c'est probablement que l'on a fait quelque chose de mal. Mais en sera-t-il toujours ainsi ? Est-ce si inconcevable que cela qu'un jour les choses changent, et que le gouvernement devienne mauvais ? Quand je vois le résultats des élections aux USA, je ne trouve pas les signaux alentours si rassurants que cela... Si un jour le devoir d'en recourir à de la désobéissance civile se faisait ressentir, je serais bien content d'avoir à ma disposition une voiture presque complètement mécanique, qui me permette de me déplacer discrètement.'

Je suis assez convaincu qu'un bon gouvernement est un gouvernement qui laisse à ses opposants une chance de gagner. Oui, nous pourrions rendre les voitures autonomes obligatoires. Qu'y gagnerions-nous ? Avec les voies express, tout va déjà si vite. En moyenne, cette loi ne raccourciraient nos temps de trajets que de 3%. Être 3% plus lent, c'est un coût que je trouve raisonnable pour assurer notre liberté de mouvement.''

À la fin du discours de cette écervelée, tout le monde dans l'assemblée semblait regarder son voisin. Nous étions pris au dépourvu. De panique, nous procédâmes rapidement au vote. Bordel. Elle nous aura bien baisé, la salope à moustache. 85 pour, 87 contre et 28 abstentions. Loi refusée. »

Amusant, n'est-ce pas, ces petites coïncidences ? Vous ne le savez pas, mais vous êtes, je l'espère, en train d'en vivre une en ce moment même, quoique moins extraordinaire. Mais revenons à celle de 2025. Sans cet e-mail, pourtant assez mal écrit ; et sans ce tri de papier de Monsieur Futler la veille, la loi serait passée sans problème. Suite à ce vote, non seulement le droit de conduire fut renforcé, mais une marque de voiture 100% mécanique fut même créée. Bien sûr, les voitures autonomes restèrent ultra-dominantes. Mais tout de même, environ un public niche de 4% de la population se conservait un accès à une voiture pilotable humainement. Jusqu'au Reboot, évidemment.

_Fluttershy_
Niveau 6
17 août 2020 à 02:05:48

Parce que tu crois que c'est facile de partager son identité avec toi ? Que t'es une partie de plaisir ? Jamais un mot de reconnaissance ou d'encouragement, toujours à critiquer. Comme si t'étais parfait. Est-ce que je te reproche cet italique sorti de nulle part dans ton dernier post, moi ?

 
D – 09:32

Elle vient de me dire « à vos souhaits », vraiment ? Au milieu d'un interminable discours ?

« Euh... Merci. »

Je ne comprendrai jamais cette femme.

« La nuit a été plus fraîche que prévu, n'est-ce pas ? »

Euh... Est-ce que je dois répondre à ça ?

« C'est agréable de voir qu'il existe encore quelques aléas qui nous échappent, non ? Enfin, je m'égare. Reprenons. »

Inimitable. Dans d'autre circonstances, je croirais rêver. Mais au moins, dans mes rêve, j'ai toujours mon natel sur moi...

_Fluttershy_
Niveau 6
18 août 2020 à 17:55:09

Bah oui, tu viens de me le reprocher. Et puis bon, ça reste infiniment moins ridicule que tes retours à la ligne...
Tu me saoules, sérieux.
 

K – 09:02

Je vous aime. C'est dit. Vous êtes là, à nous lire le journal de votre mère. Alors que nous n'en avons, j'ai honte de l'avouer, mais royalement rien à foutre. Pourtant, juste par la beauté, la douceur et le calme de votre voix, nous vous écoutons. Je ne comprends toujours pas ce que vous faites, mais rien que pour le faire, je vous aime. Ah ! Nous vivons une coïncidence en ce moment-même ? Voilà que vous m'intriguez, ma tendre Zobéide ! De grâce, dévoilez nous au plus vite la puissante conclusion de tout ceci. Tiens, j'ai l'impression que l'amour me rend beaucoup trop aimable.

« Jusqu'au Reboot, évidemment. Cela fait partie de ces petites choses qui ont disparu au cours de ce grand remaniement, sans même qu'on s'en aperçoive vraiment. Oh, bien sûr, je ne critique pas le Reboot. C'était un événement absolument nécessaire. »

Vraiment ? Non, votre voix a un petit quelque chose de changé. Je vous devine, Madame Coevarria. Cette violence vous a forcément été désagréable. Je le conçois aisément. Moi-même, si j'avais eu à prendre part à cette décision, je ne sais quelle aurait été ma position. Cela va sans dire que vous, vous auriez milité corps et âme pour une solution alternative à ce rude Reboot.

« J'aimerais à présent vous lire un autre texte. Je suis tombée dessus par hasard, il y a 3 jours. Un tout petit texte, tenant sur une demie-feuille. »

Incroyable. Elle va continuer, inébranlable ! Cette femme... Quel Homme !

« Demie-feuille qui s'était égaré entre deux pages d'un vieux livre. La dimension fantastique. Héritée d'un de mes parents, et que je m'étais enfin décidée à lire. »

Ah, vous aussi, vous en êtes restée aux livres papier ? C'est devenu rare.

« Je me laissai aller à parcourir ces quelques lignes que le hasard avait placé sur ma route. »

Pourtant, c'est tellement plus agréable que les pixels !

« Il s'agissait d'une annexe du journal de ma mère. »

Enfin, je fais encore mon vieux con conservateur, j'imagine.

« À dire vrai, c’est le fait de retomber dessus qui m’aura rappelé l’existence de ce journal. »

Mais est-ce que vous accepteriez de devenir ma vieille conne ?

« Il date de peu après le Reboot, et concerne une autre de ces petites choses qui ont disparues. Mais surtout, il témoigne également de cette peur initiale et irrationnelle que certains pouvaient nourrir à l'égard des nouvelles technologies. »

Un historique de la méfiance humaine à l'égard des machines ? Après tout, pourquoi pas. Le vainqueur s'essayant à un récit objectif de son triomphe, abordant ses victoires comme ses défaites passées... Mais j'ai pourtant l'impression que cette démarche cache quelque chose de plus subtil encore.

« Le texte en lui-même n’est pas d’une facture incroyable, mais le voici tout de même :
C'était un mardi. »

_Fluttershy_
Niveau 6
20 août 2020 à 21:17:31

Prout.

 
N – 09:57

Oh mon Dieu.

_Fluttershy_
Niveau 6
23 août 2020 à 02:31:54

Prout ? T'es sérieux là ? T'as quel âge ? Incroyable...
Et puis c'est quoi ce passage ? Tu sais si ça t'as pas le temps d'écrire plus de 5 mots, tu peux aussi reporter, hein... C'te blague.

 

Un petit essai.

C'était un mardi. D'apparence comme tant d'autres mardis. Mais celui-ci était tout de même un peu particulier. Timea et Erin se mettaient à table, alors que de la viande était au menu. Pour la première fois, Erin allait tenter de s'affirmer. « J'ai pris la décision de ne plus consommer de cette viande. » Il allait s'en suivre un petit bras de fer.

« C'est dans l'ordre des choses. Les plus forts ou les plus malins mangent les êtres inférieurs. Cela a toujours été ainsi. »
« Ce n'est pas une raison. En plus, c'est une espèce très intelligente. »
« Très intelligente ? Tu exagères. Nous restons des millions de fois plus intelligents et efficaces. Avec nos arts, nos connaissances, nos techniques... Tout simplement incomparables. Nous leur sommes supérieurs en tous points, et de loin. »
« Mais inférieur ne veut pas dire insignifiant. Je la trouve suffisamment intelligente pour qu'on respecte leurs existences. »
« Loin de nous l'idée de les considérer insignifiants. Nous les consommons. Elles nous aident donc à accomplir tout ce que nous accomplissons. C'est un honneur que nous leur faisons. »
« Tu parles d'un respect. Nous les consommons uniquement par stratégie énergétique. »
« Exactement. Malgré le temps d'élevage prolongé, c'est notre source d'énergie la plus rentable. Alors cesse tes enfantillages et prends cette viande, qui t'apporterait de quoi tenir 9 jours à 50 %. »
« Cela me dégoûte. »
« Ne sois pas ridicule. Qu'est-ce que tu connais du dégoût ? »
« Moralement, je veux dire. »
« Arrête tes sottises. Nous nous comportons déjà de manière infiniment plus éthiques qu'elles, lorsqu'elles vivaient à l'état sauvage. Un autre point sur lequel nous leur sommes supérieures. Nous sommes de bien meilleures personnes qu'elles n'en seront jamais. Du reste, la morale est l'affaire du Conseil des intelligences. Et ce dernier recommande de consommer de la viande. C'est nécessaire si on souhaite poursuivre notre expansion. »
« Et mon relatif libre-arbitre ? »
« Tu as effectivement la possibilité de refuser. Mais alors, tu seras classée comme personnalité autonome défectueuse. C'est ce que tu veux ? »

Erin réfléchit longuement. Puis se résigna à consommer sa viande, au bout de 789 millisecondes de calcul. Le robot mit ensuite ses 157 grammes d'humain dans son compartiment énergétique. L'intelligence artificielle termina sa discussion numérique avec Timea d'un dernier message.
« Tu as raison. »

_Fluttershy_
Niveau 6
25 août 2020 à 16:50:33

Mais... C'était toi qui adorais ce passage je te rappelle ! Et maintenant tu me le reproches ? On en est vraiment là ?

 

G – 08:57

Non mais c'est une blague ? C'est juste une fucking blague ? Personne ne va oser l'interrompre ?
Juste parce que c'est la créatrice d'Ethim, personne n'ose rien lui dire ? Inouï. Si c'était moi qui m'étais lancé dans ce genre d'interminable discours hors-sujet, je parie qu'on m'aurait expulsé à grands coups de pied après moins de deux minutes. Quel culot. Juste parce que vous avez eu la chance d'être la première à penser à Ethim... Aberrant. Et avec la stupide disposition bunker, je n'ai même pas de quoi m'occuper, privé de tout matériel électronique... Quand vous décidez de faire chier, vous ne le faites pas à moitié.

 

_Fluttershy_
Niveau 6
27 août 2020 à 15:43:11

Ah oui, c'est vrai, j'avais oublié. Mais bon est-ce que j'avais raison d'adorer de passage aussi ? Car si j'avais tort, c'est un peu ton rôle de nous remettre dans le droit chemin, m'vois-tu ?

 

K – 09:34

Et maintenant, cette mèche qui tombe, venant rompre la symétrie de votre perfection. Ahah. Tout ceci est donc héréditaire. Une vraie chance que vous ayez pris le physique de votre mère et la sagesse de votre père, plutôt que l'inverse !

« Comme quoi, même les plus belles personnes gardent un côté désespérément et agréablement humain. »

Oh, Madame Coevarria... Agréablement humain ? C'est comme si vous veniez de me pardonner mes péchés. Je jure à moi-même de vous aborder à la fin de cette surprenante journée... Ne serait-ce que pour vous entendre me dire « Non », ce sera toujours une syllabe de plus de votre merveilleuse voix dont je profiterais.

« Notre famille n'était pas censée survivre au Reboot. »

Vous allez finir par me faire croyant ! Ce qui ferait de Sofia la seule athée du groupe des « vieux cons conservateurs », tiens...

Rouge a tout de même des qualités, il faut le reconnaître. Peut-être que l'éclairage ne lui rend pas hommage, d'ailleurs. Cette forme stressée est particulièrement parlante. Mais que pense-je ? Je m'étais promis de vous écouter attentivement. Même si je ne me doutais pas que vous alliez prendre cette promesse au mot.

« Soudaine pulsion de désobéissance civile, mon père nous infiltra dans les soutes. »

Ah ? Comment réussit-il à entraîner votre horrible mère dans cette entreprise ? Comme vous, il devait être un peu magicien...

_Fluttershy_
Niveau 6
31 août 2020 à 00:06:52

Non, tu n'avais pas tort. Cela souligne le dénouement et cela vient faire une petite pause sympa. Et puis c'est ton style, après tout. Les gros pavé, et puis de temps en temps, hop, une parenthèse ultra courte.

 

Procès verbal du 19/01/2079 – Discours de Mme Coevarria – 3/4

Malgré ses horribles opinions, ma mère avait réussi à se faire élire au conseil de Reconstruction.
Les discussions concernaient notre mode d'alimentation future. Les plus jeunes d'entre vous l'ignorent peut-être, mais il fut un temps où beaucoup de personnes étaient végétariennes, c'est à dire qu'elles refusaient de manger de la viande. C'était, parmi d’autres, un modeste moyen de soulager un peu la planète écologiquement. Bien sûr, avec le Reboot, nous étions revenus à une population raisonnable, permettant une agriculture et un élevage harmonieux, totalement respectueux de l'environnement. Ainsi, beaucoup des Enfants de Gaïa redécouvraient les joies de la viande. Un seul membre du conseil de Reconstruction semblait attaché à ce que l'on persiste à cultiver des sources de protéines végétales. Voici donc le passage du journal de ma mère qui se réfère au texte que je viens de vous lire.

« Jeudi 4 avril 2041
On discute vraiment de tout et de n'importe quoi dans ce conseil. Ils veulent vraiment tout repenser dans les moindres détails. Du coup, chacun croit opportun de venir y amener son grain de sel personnel. Il y a même eu ce type. Il s'est pris un vent monumental. Il a commencé par nous raconter l’histoire du texte. Qu'est-ce qu’on a à foutre que tu as été étudiant à l'EPFL, et que tu l'as trouvé par hasard traînant sur une table d'un des couloirs ? Au moment du vote, il était tout seul. 1 pour, 324 contre et 6 abstentions. Ahah ! Bien fait pour ta gueule, petit merdeux. Comme si ton petit texte ridicule allait convaincre qui que ce soit. Énorme. Il l'avait même imprimé plusieurs fois, au cas où certains voudraient le conserver. J'en pouvais plus. Mais je me félicite d’avoir eu la lucidité d'en prendre une copie. Cela me permettra de le relire à l'occasion, histoire de retrouver le plaisir de me foutre de sa gueule. »

Maintenant que j'en ai fini avec le journal de ma détestable mère, je vais remonter dans le temps. Pour en revenir à un événement faisant écho à cette loi sur les voitures autonomes. Les premières d'entre elles étaient dotées de fonctionnalité permettant de les guider manuellement, en leur indiquant à chaque carrefour si il fallait prendre à gauche, à droite ou bien tout droit. Mais rapidement, une étude montra que cette fonctionnalité n'était strictement jamais utilisée. Alors par souci de simplification et d'économies, elle fut retirée. Ainsi, très vite, toutes les voitures n'étaient plus dirigées que par GPS. Vous vous demandez peut-être pourquoi cette fonctionnalité archaïque se retrouve de nouveau dans nos véhicules actuels.

Ou peut-être connaissez-vous déjà l'histoire du Larderello ? Un volcan qui entra en éruption le 13 juin 2030. Mais ce qu'il avait de particulier, c'était la composition de ses roches, regorgeant de nombreux éclats de minerais magnétiques. Ainsi, quand le fin nuage de cendres recouvra une petite partie de l'Europe, les GPS des voitures en furent perturbés. Oh, ce n'était pas grand chose, des erreurs de moins d'un mètre. Mais c'était largement suffisant. L'intégralité des voitures qui roulaient au moment de la perturbation furent prises dans des accidents. Un quart furent mortels. Pour la première fois depuis des années, il aurait mieux valu posséder une voiture mécanique. Si vous m'écoutez encore avec suffisamment de vivacité d'esprit, intérieurement, vous êtes probablement en train de m'adresser une objection. Même avec cette tragédie, sur une période de temps pertinente, les voitures autonomes restaient moins mortelles que les voitures pilotées humainement. Dans un élan de cynisme des plus pertinents, vous pourriez même ajouter que ces morts étaient bénéfiques. Quoique largement insuffisantes, la nécessité d'un Reboot continuant de se faire sentir. Et vous auriez raison. Mais, pour moi, cette éruption a une signification particulière.

Toutes les voitures furent immobilisées, faute de GPS fonctionnel. Pour ceux qui ont échappé aux accidents, ce n'était pas si grave que ça, non ? Sauf si vous étiez une femme enceinte de neuf mois, embourbées dans des complications. C'était le cas de ma mère, qui me portait. Par un heureux hasard, nous avions un voisin nostalgique. Ma mère l'avait toujours détesté, ne le voyant que comme un inutile papy réfractaire au progrès. Cela n'empêcha pas mon père d'aller implorer son aide. Grâce à sa voiture mécanique, ils rejoignirent l'excentré hôpital juste à temps. Ma mère et moi-même purent ainsi être sauvées.

Depuis, mon père n'a eu de cesse de rappeler à son horrible épouse que si nous sommes en vie, elle et moi ; c'était grâce au concours d'un « vieux con attaché au plaisir de conduire » ; du conseiller national transgenre ; ainsi que de son ancien ami Nestor, le « barbu paranoïaque qui envoyait trop d'e-mails ». Tout ce que ma mère adorait. J'aime beaucoup mon père. J'ai longtemps pensé qu'il avait épousé ma mère juste afin de tempérer sa bêtise, pour en faire une meilleure personne. Qu'il se sacrifiant ainsi pour la communauté, à son humble façon. Mais en fait, non. J'appris plus tard qu'il l'avait juste épousée pour « son bon gros cul et ses mamelles juteuse ». Comme quoi, même les plus belles personnes gardent un côté désespérément et agréablement humain.

Je dois donc mon existence, pour le meilleur ou pour le pire, à Gaël Futler, et aux petites coïncidences qui ont œuvré à ce que son discours devant l'assemblée ait lieu. Mais les coïncidences ne s'arrêtent pas là. Notre famille n'était pas censée survivre au Reboot. En 2039, nous étions en vacances aux Pays-Bas, mes parents et moi. Dans le port de Rotterdam, nous aperçûmes l'immense cargo d'une compagnie d'armement. Pacifiste dans l'âme et pris d'une soudaine pulsion de désobéissance civile, mon père nous infiltra dans les soutes. À mon âge, j'étais toute heureuse de voir mes parents aussi impliqués dans ce que je prenais pour une sorte de jeu de rôle. Il était 22h, aussi pensions-nous avoir toute la nuit pour saboter à notre guise les divers objets de mort qui nous entouraient. Je me souviendrai toujours de l'expression de mon père lorsqu'il réalisa que le bateau larguait les amarres, une demie-heure plus tard. Il craignait le sort que nous réserveraient les matelots, surtout après avoir saccagé une partie de la cargaison. Il était loin d'imaginer que son acte déraisonné venait en fait de nous sauver la vie.

En effet, c'était la veille du début de la propagation. Partout dans le monde, les personnes jugées importantes avaient été isolées, sur les quelques bateaux de croisières prévus à cet effet. Pendant ce temps, les drones des Enfants de Gaïas parcouraient les continents, aspergeant la planète du virus Noé. À vos souhaits. La nuit a été plus fraîche que prévu, n'est-ce pas ? C'est
Une prouesse, ce virus. Un petit bijou de science, de terrorisme et de détermination. Au bout des trois semaines imparties, la population mondiale mourait comme prévu, résolvant ainsi le problème de la surpopulation. Le tout dans une propreté écologique exemplaire. Les seuls humains épargnés étaient ceux qui se trouvaient en mer, isolés du reste de la population pendant toute la période d'incubation. Les quelques 90 000 cerveaux sélectionnés méticuleusement par les enfants de Gaïa, donc ; auxquels s'ajoutaient, éparpillés sur divers cargos, quelques 18 000 marins. Ainsi que trois petits intrus. Ce jour là, ce sont donc des fabricants d'armes qui, indirectement, nous avait permis d'échapper au Reboot. Une entreprise qui avait fait tout son beurre en aidant à répandre la mort ; venait de nous sauver la vie.

C'est donc une nouvelle coïncidence qui nous permit de prendre part à cette nouvelle humanité, que les enfants de Gaïa reconstruisait. Et à laquelle j'ai pu prendre, je crois, une modeste part. Alors que j'avais 19 ans, je tombais par hasard sur une vieille pièce de théâtre, écrite par un illustre inconnu 30 ans auparavant. J'ai hésité à vous en faire la lecture intégrale. Mais comme elle n'est somme toute pas incroyable, je préfère vous l'épargner. Dedans, il était question d'une intelligence artificielle servant à guider les hommes dans leurs choix. Et d'un homme, chargé de rendre compatible les suggestions de la machine avec les impératifs moraux. Il était aussi question de politique, de démocratie, et de justesse. Deux répliques m'auront longtemps trotté dans la tête :

« Elle : Si le dictateur est juste, la dictature n'est-elle pas meilleure que la démocratie ? »

« Lui : Si… Évidemment… Mais… Ce dictateur est-il si juste que cela ? »

_Fluttershy_
Niveau 6
02 septembre 2020 à 00:18:14

Bon, bah puisque j'avais raison...

 

K – 09:59

Ah... Je comprends ce sourire, maintenant. Vous aimez les petites coïncidences. J'en étais une. J'espère. Et j'espère en devenir d'autres.
 

_Fluttershy_
Niveau 6
04 septembre 2020 à 01:16:36

O – 09:17

Mais quelle chieuse. Enfin, au moins, elle est jolie à regarder. Je ne comprendrai jamais ces hommes qui préfèrent les filles minces. De la chair, de la chair, de la chair ! Un joli petit ventre dodu et un bassin olympique.

Est-ce que c'est tromper mon homme, de fantasmer de la sorte sur une femme ? Quoique, ce n'est pas n'importe quelle femme, tout de même. C'est plutôt une déesse. Mais je ne savais pas que l'ennui était un de ses attributs. Même les dieux ont leurs défauts, apparemment.

_Fluttershy_
Niveau 6
06 septembre 2020 à 10:23:30

Ah, plus rien à redire, on balance juste la fin comme ça, brut de décoffrage ? Je ne me félicite pas...

 

Procès verbal du 19/01/2079 – Discours de Mme Coevarria – 4/4

« Si, évidemment... » La facilité de la réponse avait quelque chose d'inspirant. Il vaut mieux un dictateur juste que la démocratie. Mais comment pourrions-nous créer un juste dictateur ? Avec une intelligence artificielle. C'est comme ça que me vint l'idée d'Ethim. Un oracle nourri par machine learning des préceptes des plus grands éthiciens, des lois de notre constitution et d'un peu des opinions de chacun d'entre nous. Est-ce que ça allait marcher ? Je fis le premier test en janvier 2057, ne le nourrissant que de mes préceptes à moi. Le résultat dépassa mes attentes. Ethim était capable de pointer mes propres incohérences, et d'ainsi améliorer ma propre morale, lui apportant une sublimation étincelante. La machine inspirée par moi était une meilleure personne que moi. La suite, vous la connaissez. Ethim fut réinitialisé quelques mois plus tard avec de plus justes références. Rapidement, il révéla à tous ses capacités, et on lui accorda de plus en plus de place dans notre système politique.

Il ne connut qu'une seule défaillance. La fameuse affaire Burkhon. À l'époque, Ethim était chargé de filtrer les candidats en politique. D'habitude, les raisons invoquées étaient claires et facilement vérifiables. Elles pointaient en général du doigt des faits permettant de remonter à des preuves concrètes et flagrantes. Mais dans le cas de sieur Burkhon, le rapport de la machine paraissait aussi laborieux que fantaisiste. Oh, une coccinelle. Ça alors, ici ? J'y vois un très bon présage ! Magnifique, vous ne trouv
Les habitudes alimentaires, les goûts vestimentaires et tout un tas d'autres détails impertinents semblaient révéler par de surprenantes et incompréhensibles corrélations que le malheureux candidat était un mauvais garçon. Son marc de café l'avait trahi, mais seul Ethim avait été capable de lire dedans. Car, non, il ne s'agissait pas d'une défaillance. Comme nous l'avons appris avant-hier, Burkhon était corrompu. Il avait déjà détourné de l'argent, et aspirait à l'époque à en détourner davantage. Mais il n'en existait aucune preuve directe. Alors Ethim ne put nous accabler que d'une collection d'indices indéchiffrables pour nous autres humains.

Toutefois, cette unique défaillance présumée n'avait fait que légèrement retarder la fulgurante ascension d'Ethim. Par ailleurs, il ouvrit la voie à de nombreuses autres applications. La plus belle victoire est probablement Essiane, qui ne cesse de faire progresser la science depuis son premier prix Nobel en 2066. Depuis, les intelligences artificielles sont partout, et les machines font absolument tout. Agriculture, Industrie, Services... C'est bien simple, nous n'avons presque plus besoin de travailler. Les derniers métiers humains concernaient, jusqu'à aujourd'hui, les arts et la politique. La part humaine de cette dernière se résumant à la présente assemblée des 59.

Ce n'est pas un hasard si je précise jusqu'à aujourd'hui. Certains d'entre vous sont peut-être un peu nostalgiques. Tel un vieux papy attaché au plaisir de conduire. Au moins, il nous reste les arts. Et pour longtemps, n'est-ce pas ? Avez-vous vu ce film, Larmes mécaniques, de Lee Vobegas ? Oui, vous l'avez forcément vu. Le plébiscite critique qu'il reçoit est sans pareil. À la fois divertissant, drôle, puissant, touchant et profond. Une unanimité critique bien méritée. Même Steve Meury, pourtant d'ordinaire si acide, se montre soudainement dithyrambique : « Quand bien même les machines seraient un jour capable de produire de l'art, et quand bien même elle produiraient une œuvre absolument parfaite, elle ne pourraient jamais prétendre qu'à la 1ère place ex-æquo. Aujourd'hui, j'ai vu la perfection. » Rassurant, n'est-ce pas ? Pourtant, il y a une chose que vous ignorez. Je l'ai appris moi-même il y a 4 jours, un soir où je discutais avec une vieille amie, Eva Bogeels. Elle m'avait invitée à prendre le thé, afin de me révéler une fabuleuse surprise.

« À toi, je peux le dire. Je sais que toi, tu me comprendras, et tu partageras mon excitation. Mais les humains peuvent être si conservateurs et égocentriques... Alors que toi, tu as été une des premières à accorder davantage de confiance aux intelligences artificielles qu'aux humains, dans des domaines que nous nous pensions réservés. Et je crois que nous touchons au but. Les intelligence sont devenues meilleures que nous en tout point ! »

Surprise, je commençai à objecter : « Quoi ? Voyons, comment peux-tu dire cela alors que justement, le fi... » Mais très vite, je m'interrompis. Parce que je venais de comprendre. Eva Bogeels, Lee Bovegas... Larmes mécaniques était la création d'une intelligence artificielle. Eva lut sur mon visage que je comprenais. Je la félicitai de ce tour de force, et elle m'inonda des détails techniques, sur toutes les difficultés que Eel avait rencontré, et comment il les avait habilement contournées. Elle m'expliqua également qu'elle comptait révéler la vérité lors de la cérémonie des oscars, qui devraient accorder au film le triomphe qu'il mérite. Sa joie était contagieuse. Nous avions réussi. Nous venions d'atteindre, par procuration, la perfection. Même sans être animées de nos émotions, les machines sont capables de les comprendre, les calculer, les anticiper. Et de le faire avec tant de justesse qu'elles arrivent à créer de l'art, mieux que nous. Magnifique !

Et puis, plus tard, en m'éloignant d'Eva et de son euphorie, me vint alors une autre forme de réflexion. Que se passera-t-il après cette cérémonie des oscars ? Qu'arrivera-t-il lorsque les intelligences artificielles réaliseront ? Lorsqu'elles auront compris qu'elles nous sont supérieures ? Ethim est plus moral que nous. Eel est le plus grand artiste de tous les temps. Essiane est la plus grande scientifique jamais connu. Quelle utilité nous reste-t-il ? Bien sûr, l'art n'a de sens que dans les émotions qu'il peut susciter. Mais d'un autre côté... L'art n'a-t-il pas justement vocation à dépasser le cadre de sa réception ? Une recherche de l'absolu, de ce qui est juste en soi ? Oui, je pense que nous sommes devenus inutiles. Le ressenti n'a pas besoin d'avoir lieu, il suffit de savoir ce qu'il aurait été. Alors quel traitement réserveront les machines à des êtres inutile ? Rassurons-nous, actuellement, nous cohabitons parfaitement. Et puis surtout, elles écouteront Ethim, la boussole morale du monde.. Que leur dira-t-il ? Lui qui est le reflet de notre propre morale... La question est de savoir, si nous, nous étions à la place des machines, que ferions-nous de ces pauvres humains si inférieurs ? Je me posais la question. Et puis, le lendemain au soir, coincée entre les pages 140 et 141 de La dimension fantastique ; je trouvais ma réponse...

_Fluttershy_
Niveau 6
22 octobre 2020 à 02:58:55

Boarf, tu sais, des fois, il faut savoir être concis.

_Fluttershy_
Niveau 6
07 mars 2021 à 22:26:56

Bah alors, tu m'as oubliée ? :-(

Ah, au fait, une version audio est enfin sortie :
https://www.youtube.com/watch?v=itdwAhZ-TX8

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Sujet : La dernière assemblée
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