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Sujet : ICHI ZATO Pur amour à Kabukichō
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A-San
Niveau 10
01 mai 2019 à 20:24:49

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Synopsis :

Airi, une jeune femme ayant renoncé à tout ce qu’elle a construit dans sa vie, profite d’une soirée tranquille dans un bar de Fukuyama, une ville de la préfecture d’Hiroshima. Là-bas, elle rencontre lors de la soirée, un vieil homme qu’elle connait bien. Sans le savoir, cette simple rencontre va la faire retrouver Ichi, un aveugle vagabond doué dans l’art de manier le sabre, avec sa jeune amie Fumiko. Le destin liera la troupe, à l’histoire d’un policier de la section de lutte contre le crime organisé à Tokyo accompagné d’un jeune chef de la capitale, et d’un nouvel ennemi redoutable. Les trois ne possèdent que deux choses en commun, la recherche de ce vieil homme qu’Airi semble connaitre et un lien particulier avec un mort.

A-San
Niveau 10
01 mai 2019 à 20:27:06

Avant-propos :

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Le rythme de parution :

Un chapitre tous les deux jours entre 20:00 et 21:00, en cas de changement ou d’imprévu je le signalerai à la fin du dernier chapitre poster ou en début de journée sur mon compte Twitter.

Est-il nécessaire d’avoir lu les épisodes précédents (Sous les Fleurs de cerisier, Comme un papillon bleu) ?

Non et oui. Non, car les histoires sont faites de manière à être indépendante les unes des autres, donc vous pouvez lire celle-ci sans avoir lu les précédentes, au niveau de l’histoire vous ne serez pas perdue. Oui, car les relations entre les personnages continuent, et je ne prendrai pas forcément le temps de réexpliquer qui ils sont ou les liens qui les unissent. Étant donné que le premier a pris un immense coup de vieux (et on ne va pas se mentir le premier Ichi c’est de la m*rde), je vous inviterai à lire Comme un papillon bleu et revenir ici, mais si vous n’avez pas envie, je vais faire en dessous un résumé (les grandes lignes) des deux épisodes précédents.
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Précédemment :
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ICHI ZATO Sous les fleurs de cerisier : Imagawa Fumiko une jeune lycéenne en dernière année est la fille d’un chef yakuza déchu. Tandis que ce dernier purge une peine de prison, son territoire est tombé aux mains du clan Izaemon. Un jour, elle rencontre par hasard sous les fleurs d’un cerisier, un étrange aveugle vagabond répondant au nom d’Ichi Zato un ex-yakuza doué dans l’art de manier le sabre cacher dans sa canne. Fumiko entretiens une relation avec Ichiara un hôte endetté auprès du clan Izaemon, ce dernier pour sauver sa vie leur vend Fumiko. Trahie par son petit ami et sa seule amie Reiko, elle est sauvée par Ichi qui commet un massacre emportant Ichiara et une grande partie des hommes du clan Izaemon dont leur chef. N’ayant plus aucune raison de rester, Fumiko décide de partir vagabonder avec Ichi.

ICHI ZATO Comme un papillon bleu : Airi est une jeune patronne d’un restaurant de rāmen, dans lequel Fumiko décide de s’arrêter pour manger. Cependant des yakuzas du clan Nakajima viennent racketter Airi, Fumiko bien décider à la défendre, blesse l’un des yakuzas, un geste grave, car il peut lui apporter de grave ennui. Après avoir ramené Ichi aux restaurants, ils décident de rester là-bas, le temps qu’Ichi règle la situation. Entre temps, Airi qui connait l’identité d’Ichi se confronte à la réalité de la légende qu’elle idéalise autant. Au bout milieu de tout cela, Ichi retrouve Someya un membre de l’organisation Sanno à laquelle il appartenait, il apprend également qu’Airi est son ex-petite amie. Alors que la situation semble s’être réglée pacifiquement, Someya lance un assaut sur le restaurant, Ichi et Fumiko réussissent à fuir, mais Airi se fait kidnapper. Someya en profite également pour tuer les membres du clan Nakajima. Ichi et Someya s’affrontent dans un duel où Ichi ressort victorieux, il ramène une Airi endormie chez elle et disparait. À son réveil elle admire son restaurant à moitié détruit et décide de partir sur la route.

A-San
Niveau 10
01 mai 2019 à 20:31:27

https://www.noelshack.com/2019-18-3-1556731430-c1.png

Chapitre 1 : Le papillon bleu (1/3)
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La patronne prit une bouteille derrière son comptoir. Divers alcools de tout âge et de toute époque décoraient une magnifique étagère en bois de chêne. La disposition allait du plus minable, à celui valant des millions de yens. Celle qui l’intéressait, était une liqueur très forte produite dans les hautes montagnes du nord.

Une rumeur populaire stipulait un secret de fabrication, macabre. Une branche de moines bouddhistes, sectaire, se purifiait le corps à l’aide de moyens non conventionnels, une saignée dans le but de se vider des impuretés du corps et de l’esprit. Pour se débarrasser des tonneaux de sang conservaient dans leur monastère, ils les vendirent, en jus de fruits à des commerçants en prétestant sa rareté comme un argument d’achat. La suite coulait de source. Un petit tabloïd couvrait l’affaire dès sa mise en circulation. Très vite, la rumeur se propagea et se déforma. Les moines furent remplacés par le gouvernement, accompagné de la théorie du complot. Arme chimique, implication d’une société secrète ou encore recyclage de cadavre, autant d’explication bénéficiant d’une couverture médiatique importante, cette histoire réussit à éclipser les scandales politiques à la mode.

Un mois d’agitation suffit à faire vendre la mèche à la marque, et au tabloïd. Une mise en scène, un poisson d’avril géant, et un coup de pub risqué, voilà l’unique raison, une manipulation de masse pour faire décoller le produit une fois la vérité découverte, il suffisait d’attendre. Une semaine plus tard, elle devint la plus vendue du pays. Dans les bars, elle atteignait une telle popularité que les responsables n’hésitaient plus à augmenter son prix, avec une garantie de succès immédiat.

Une parfaite réussite commerciale, mais pour la patronne, il s’agissait juste d’une boisson, emprisonnée dans du verre comme des centaines d’autres, qui en plus n’atteignait pas la qualité de certains de ses rivaux sur le marché.

Le bruit du décapsuleur dérangea les oreilles de sa cliente. Elle approcha son verre. Le liquide se mélangea au différent fond restant de whisky.

— Cela vous fera cinq mille yens en plus, madame.

La cliente ne se rappelait plus le nombre de verre ingurgité, ni de son propre nom, Airi. Ses yeux rouges se relevèrent, remplis d’ivresse.

L’alcool dans ses veines fit trembler ses membres et infecter sa vue, pour renvoyer à son cerveau une vision floue, décalée du monde. Sa bouche dans son mécanisme d’autodestruction ou d’imbécilité, ingurgita sans s’en rendre compte l’eau-de-vie. Elle se sentait légère, prête à s’envoler, comme le papillon bleu tatoué sur son dos.

Une petite bande de salariées locales rejoignirent le bar, afin de fêter la fin de semaine dignement.

— Bienvenue, souhaita la vieille patronne.

Ses mots résonnèrent dans la tête d’Airi. Ses phalanges passèrent dans ses longs cheveux noirs pour camoufler ses oreilles. L’alcool amplifia son ouïe, au point de la faire souffrir. Elle entendait tout, la discussion des businessmans, la télévision accrochait au mur ou la circulation de ses globines.
Le prochain verre risquait de ne pas la laisser s’en remettre. À cause de sa transpiration, son t-shirt blanc devenait quasiment transparent, la couleur rouge de son soutien-gorge en ressortit, attirant une partie des regards des clients masculins déjà en chaleur par la température nocturne d’été.

Les salariés s’installèrent ensemble sur une table, derrière elle. Le plus âgé occupait le poste de responsable de section. De jour, ses camardes de buveries s’inclinaient face à lui. Cette sensation de puissance, le pouvoir le transformait en un monstre, sans âme. Il virait ses employées, juste pour déguster cet instant, où l’espoir mourrait dans leurs yeux. Pourtant ce soir, ils ressemblaient tous à des amis, plus aucune frontière hiérarchique ne les séparait.

— Un autre verre, quémanda Airi en pointant au hasard une bouteille sur l’étagère.

Le reste du bar baignait dans une atmosphère plutôt chic, titillant le luxe. L’habit ne faisait pas le moine, les banquettes noires en cuirs, des petites tables basses en marbre et des tabourets œuf au comptoir, le bar restait un petit pub de quartier mal fréquenté la plupart du temps. Une clochette installait au-dessus de la porte d’entrée sonna, un nouveau client entra, un homme d’une soixantaine d’années. Le son de la sonnerie monta dans l’aiguë, Airi lâcha une larme de douleur, « Putain, fermez-là », pensa-t-elle.

— Bienvenue !

Le vieil homme se dirigea vers le comptoir, s’installant à côté d’Airi. Son nez, malgré l’usage de son âge, sentit l’haleine de la jeune femme empester l’alcool. La patronne servit sa commande.

— Vous me mettez le même, commanda-t-il.

Airi se retourna dans sa direction, avec la bouche grande ouverte, les forces manquaient pour la laisser fermer, elle scruta son visage. Quelques-uns des salariées aperçurent la tête étrange de la jeune femme, des moqueries émanèrent d’eux. De sa salive s’en échappa, la bave visqueuse s’écoula sur le comptoir, la pauvre était dans un sale état.

— Hé, on ne bave pas sur mon comptoir, merci !

La remarque de la patronne étonna le vieillard, il observa Airi. Son expression ne laissa apparaitre aucune surprise face à cette fille à moitié alcoolisée, les jeunes ne faisaient que boire à n’en plus finir
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— Bonsoir, dit-il d’un ton un peu gêné.
— Vous buvez ?
— Oui. Enfin je suppose.
— Bien…

Elle retourna à son verre. Sa mémoire oublia immédiatement les traits du visage de son interlocuteur, cependant, elle ressentait une sensation de déjà-vu, qui de manière importune perça son cerveau.

A-San
Niveau 10
01 mai 2019 à 20:34:19

Chapitre 1 : Le papillon bleu (2/3)
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La soirée se poursuivit, les salariées parièrent sur le premier qui aurait le courage d’aller draguer Airi. Aucun n’osa, cela se relèverait par un échec, Airi ne comprenait plus rien au monde autour d’elle. Ses souvenirs commencèrent à s’entremêler, les semaines passées, devinrent avant-hier, le temps ne trouva plus de sens pour elle. Seule, une chose restait constante dans son esprit, un seul souvenir.

— Vous voulez une belle histoire, proposa-t-elle en hurlant à l’ensemble des clients.

Celle d’un jeune aveugle vagabond, apparu par hasard, doué dans l’art de manier le sabre. Les situations surréalistes créèrent un effet de fascination, personne ne l’interrompit. Les salariées appréciaient plus particulièrement le détail cru décrit lors des scènes de sexe.

— Et donc, il a tué ton ancien petit ami, l’interrogea un des salariés.
— Il l’a tranché de la tête jusqu’à sa petite bite !

Un grand éclat de rire s’empara de la salle. La télévision, qui jusqu’ici diffusait une série des années 80, changea pour passer aux informations du soir, la voix de la présentatrice stoppa le récit.

« Aujourd’hui à Tokyo, un impressionnant dispositif de police de cinquante mille hommes a été déployé, devant plusieurs bureaux appartenant à des yakuzas. Effectivement, seulement deux semaines après l’assassinat du yakuza Otomo Aiichirō, aussi connu sous le surnom du Démon de Kabukichō de grave tension se sont soulevées dans les quartiers les plus à risque de la ville. Le ministre de l’Intérieur, et de la Sécurité se sont exprimés ce matin. Un conseil exceptionnel entre les membres du gouvernement se tiendra demain, à l’issue duquel un plan d’action sera mis en œuvre, pour éviter une nouvelle guerre de clan. De même, l’Assemblé sera amené dans les prochains jours à voter sur un possible couvre-feu, pouvant être appliqué dans certains quartiers en cas de débordement. En attendant ses décisions, le gouvernement invite les citoyens à ne pas se promener seul dans le quartier de Ginza et de Kabukichō, tant que la situation ne sera pas sous contrôle. Bien que l’enquête, personne n’est en mesure d’expliquer les circonstances de son assassinat… »

Le vieillard commença à se lever. Visiblement, il se sentait mal à l’aise. Il attrapa sa veste sur ses genoux. L’ivresse d’Airi l’empêcha de remarquer l’arme dans la poche intérieure de son manteau. Une fois vêtu, il paya son dû sans demander le reste. Il quitta le bar en un clin d’œil.

« Aussi à l’autre bout du pays, dans la préfecture d’Hiroshima, une situation semblable est en train de se produire. Après le chef du clan Izaemon, c’est le chef du clan Nakajima qui a été tué il y a dix jours dans un massacre avec un capitaine de l’organisation Sanno… »

Une semaine avait passé depuis son départ de Fuchū. Voilà maintenant trois jours, qu’elle vagabondait dans les rues de Fukuyama la journée, puis réaliser la tournée des bars la nuit, seule. Subitement, lors d’une forme de flash produit par sa mémoire, le visage du vieillard resurgit. Elle balança la totalité de son argent sur la table, toutes ses économies, payant au total une dizaine de fois son ardoise.

Ses pieds titubèrent jusqu’à la sortie. Son équilibre viciait à chaque pas. Sous ses chaussures, le sol paraissait moelleux. Le bar se trouvait aux deuxièmes étages d’un petit immeuble, accessible au client par un ascenseur réalisant le transfert entre les niveaux. Au rez-de-chaussée se trouvait la petite boite des salariées, dans de minuscules bureaux, à défaut d’avoir de la place, ils avaient l’usage de ne devoir pas réaliser un long trajet pour aller s’en mettre une.

Arrivée dans la rue, elle espérait pouvoir le retrouver. Ses yeux regardèrent à droite à gauche, personne. Juste un chat qui traversait le trottoir, il avait disparu dans les ténèbres de la nuit.

De retour à l’intérieur, la télévision s’illumina d’un fond jaune sur lequel apparurent les lettres pour former le nom de l’émission « MIZAWA SHOW TIME ». Au comptoir, Airi intercepta la patronne se préparant à ranger son verre. Sa fortune reposait dans les tiroirs de la caisse, Airi n’y pensait plus, elle voulait une chose, sa boisson. L’attention des salariées se détourna en direction de la télévision, le show de Mizawa s’annonçait, excitant. Ses oreilles écoutèrent malgré elle, la voix de ce clown enfonçait ses tympans à coup de marteau.
Il était déjà arrivé sur le plateau. Le jeu du jour allait comme il le dit « faire monter la chaleur ». Une femme était attachée à un piquet, vêtu d’un pull-over cousu d’un seul fil. Elle ne portait aucun pantalon, le haut descendait jusqu’à ses genoux. Par un savant mélange d’ingéniosité, on relia le bout du fil à une sorte de roue humaine. Le principe du jeu était simple, des hommes allaient courir sur la roue, déshabillant progressivement cette femme, dont les sous-vêtements étaient très légers.

Airi ne la reconnut pas, selon Mizawa, il s’agissait de l’actrice porno la plus populaire du moment. Son visage était simple, de longs cheveux bruns, de gros yeux et une paire de seins énormes. Même la fille qui accompagnait l’aveugle vagabond ne pouvait pas rivaliser avec cette bombe, « Son nom c’était quoi déjà ? », se demanda-t-elle.
Plusieurs personnes se mirent sur la roue. Bien évidemment, pour rendre le tout le plus excitant possible, un chronomètre de cinquante secondes se lança.

Airi ne prêta pas plus attention à l’émission, les yeux des salariées restèrent fixés sur l’écran. Quarante-deux secondes s’écoulèrent, ses oreilles captèrent un immense bruit de surprise combiné à une satisfaction perverse.

La porte d’entrée se claqua contre le mur, l’euphorie de la soirée fut stoppée. Le brouhaha donna l’envie à Airi de s’évanouir. Plusieurs hommes entrèrent, des jeunes voyous de caniveau avec des vestes en cuirs, seul un se distinguait de la masse. Cet homme, il pouvait exploser la tête d’une personne avec ses mains. Sa musculature impressionnante se dissimulait sous un costume gris, une vraie bête. Sa chemise blanche s’étirait à cause de ses muscles.

Il s’installa au bar, à la même place que le vieil homme tandis que les jeunes réquisitionnèrent une table, au fond de la pièce. Dès qu’ils purent, les salariées déposèrent le montant de la soirée et s’en allèrent, la nouvelle ambiance menaçante de la soirée les obligea à fuir. Seule Airi resta, pour finir son dernier verre, elle avait dépensé tout son argent, hors de question de partir. Les jeunes n’arrêtaient pas de la regarder.

— Dites patronne, l’accosta l’homme en costume, on cherche un vieux type sensé être ici. Un de mes gars l’a vu rentré.
— Il n’est plus ici. Il est parti…
— Merci je ne suis pas aveugle…

« Aveugle », Airi ne put s’empêcher d’avoir un minuscule fou rire.

— Qui y a-t-il ?
— Non rien. Vous n’avez pas de chance, il vient de disparaitre il y a cinq minutes.
— Vous savez où on pourrait le trouver ?

Sa bouche explosa de rire.

— Qu’est-ce qu’il y a encore, rétorqua un jeune.
— Vous n’êtes pas aveugle, en revanche vous êtes bien sourd…

Le jeune qui l’avait réprimandé se leva en rage. Il s’approcha, prêt à donner une correction si sa prochaine réponse ne lui convenait pas.

— Comment ça ?
— Je vous l’ai dit, il a disparu, boum plus là…

Le plus musclé des deux saisit son verre pour lancer le contenu dans ses yeux. Le liquide coula à l’intérieur, des gouttes touchèrent sa rétine causant une horrible sensation de brulure.

— Connard !

A-San
Niveau 10
01 mai 2019 à 20:38:02

Chapitre 1 : Le papillon bleu (3/3)
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La « bête » comme elle le surnommait, la saisit par son t-shirt en effleurant sa maigre poitrine pour la plaquer contre un mur. Le choc violent bloqua sa respiration, ses pieds ne touchaient plus le sol. L’alcool la détraquait, au lieu de paniquer, elle s’amusait de la situation.

La porte d’entrée s’ouvrit de nouveau, une voix féminine familière à Airi prit la parole.

— Bonjour tout le monde. On s’est perdu, on aimerait savoir si vous…

Face à la scène, sa voix se tut. Tout le monde la mata, des pieds à la tête, de longs cheveux noirs, un magnifique visage, une sublime paire de seins mis en avant par son uniforme de lycéenne à moitié ouvert. Son soutien-gorge menaçait d’exploser à tout moment.

— Fumiko, qu’est-ce qu’il y a, demanda une voix derrière elle.

Airi ne les reconnut pas tout de suite. Son cerveau amorça un cheminement laborieux pour les retrouver dans sa mémoire. Pour Fumiko, elle pensa à ses seins. Pour l’autre, ce fut plus complexe.
Il entra dans le bar. Un kimono noir, des cheveux longs et sombres, une peau douce, une canne sabre noir, un bandeau blanc avec un petit papillon bleu à une des extrémités recouvrant ses yeux, en amont de lèvre qu’elle rêvait d’embrasser.

— Ichi, murmura-t-elle.

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Lorsque Fumiko revit Airi, un soulagement la traversa dans un premier temps. La dernière fois, elle n’était pas très rassurée au sujet l’avenir de la jeune femme, la retrouver ivre à mettre sa vie en jeu ravit son inquiétude.

— Vous lui voulez quoi, demanda Fumiko à l’homme qui tenait Airi.

Il ne répondit pas. Les autres truands leur barrèrent la route dans l’éventuelle optique si l’un des deux se précipitait sur leur chef. Fumiko entendit des petites gouttes tombaient sur le sol, très proche d’elle.

— Ichi ?

Un petit écoulement de sang glissait le long de sa main, son poing refermait par la rage laisser ses ongles transperçaient sa chaire.

— Vous n’avez pas entendu quoi ? Lâchez là, ordonna Ichi.

L’homme qui la tenait haussa les sourcils de curiosité.

— Sinon quoi ?

Ichi dégaina son sabre de sa canne. La lame décapita une tête qui s’envola dans les airs, le sang alla tacher le plafond, il éventra un second en tranchant son foie et son tube digestif, le tuant sur le coup. Le passage de dégageait, il fonça.

Arrivé à sa portée, il se prépara à assener un coup horizontal d’en haut qui normalement devait couper son crâne en deux. Alors que le sabre tranchait l’air, il lâcha Airi. Le bras tenant le sabre se stoppa net. Fumiko n’en croyait pas ses yeux.

— Intéressant, déclara l’homme.

Ses doigts entouraient le métal de l’arme sans être égratigner, rien, aucune blessure. Son autre poing frappa l’estomac du sabreur. L’aveugle sentit la pression du coup resserrait les organes de son estomac, les uns contre les autres. Son corps vola en arrière, le sabre resta dans la main de son opposant.
De là où elle se trouvait, Fumiko ne réussissait pas à savoir si Ichi respirait encore. L’homme jeta le sabre sur lui, par chance la lame ne le blessa pas. Airi s’était cachée derrière le comptoir avec la patronne. Hormis le bruit, ils ne surent pas la situation en détail.

— C’était une soirée sympa, s’enjailla l’homme en costume. Aller les gars je vous les laisse, amusées vous bien avec eux, j’y vais.

Il commença à partir tranquillement par une sortie de secours, se trouvant à l’opposé de l’entrée du bar.

— Attendez, cria Fumiko.

La porte se ferma. Les yeux pervers dévorèrent Fumiko. Tous s’excitaient à l’idée de réaliser sur elle un gang bang, dans les règles de l’art. La jeune femme leva ses poings, bien déterminés à se battre. Les truands rigolèrent, Fumiko abordait une allure plus que ridicule dans cette position. Elle réussit à glisser entre eux pour atteindre Ichi. Il respirait encore. La lycéenne brandit son sabre.

Contrairement à l’aveugle, Fumiko le manier comme un katana lambda à deux mains. Le manier rester un grand mot, elle imitait les héros des films de sabre. Son but n’était pas de tuer ses opposants justes de les intimider, avec l’espoir de les faires fuir. Plusieurs mouvements partirent dans le vent, les plus froussards reculèrent, les plus stupides s’approchèrent.

— Reculez !

Un de ses coups en aveugles trancha la gorge de quelqu’un. Son cœur s’arrêta de battre, terrorisé de voir le sang couler par sa faute, elle lâcha la lame, ses bras tremblaient. Son corps entier se paralysa, elle ne l’avait pas voulu.

— Je suis désolé !
La porte d’entrée s’ouvrit, deux autres nouvelles personnes entrèrent dans le bar. La première chose que Fumiko remarqua, était l’insigne de police qui pendait à la ceinture du plus âgé, en plus de son imperméable bleu qui recouvrait sa chemise blanche et sa cravate noire. Il se frotta l’arrière du crâne tirant un poil de ses courts cheveux noirs afin de calmer son embarras d’atterrir au milieu de la scène.

Le second, bien plus jeune avoisinait l’âge de la jeune femme. Il portait un simple costume noir, avec une chemise blanche à col uniforme passant au-dessus de sa veste. Ces cheveux avaient un peu plus de volume, avec une mèche sur l’avant. Trois boucles d’oreilles étaient agrafées sur son oreille droite.

— Il se passe quoi ici, demanda le plus jeune.

Face au silence, il lança un petit regard au policier et les deux se préparèrent à se battre.
Fumiko resta plaquée contre un mur, dans la totale incapacité de faire quelque chose, alors que les hommes tombèrent comme des mouches. Elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi fort au corps à corps. Le jeune les envoya au sol, dans un style de combat représentant le parfait équilibre entre force et rapidité. Le plus âgé se défendait bien, les débuts de la vieillesse handicapaient la vitesse de ses mouvements.

Le jeune en saisit un par le cou pour le balancer derrière le comptoir, son dos heurta l’étagère remplie d’alcool. Les bouteilles se brisèrent, leurs éclats s’enfoncèrent dans sa peau. Le liquide rouge de son corps se mélangea aux divers alcools, qu’Airi tenta de boire en léchant le sol.

Soudain, un coup de feu se produit. Fumiko, dont le regard se perdit dans la bagarre, n’avait pas remarqué qu’un homme avait sorti une arme. Le policier par prévention le désarma d’un projectile bien placé aux creux de la main. Le sang éclaboussa le mur, ses alliés se regroupèrent vers la sortie, la menace du revolver les intimida.

— Partez, ordonna le policier, prenez votre copain et tirez-vous !

L’un d’eux passa vers le comptoir pour ramasser son ami, puis ils s’en allèrent conformément à la demande du policier. Ce dernier fut à la fois, surpris et déçu de ne pas pouvoir vider son chargeur sur eux.

Après la fermeture de la porte Fumiko tenta de relever Ichi, il semblait revenir dans le monde des vivants. Airi et la patronne laissèrent échapper leurs têtes du comptoir.

— Police de Tokyo, dit-il en montrant son badge à Airi et à la patronne. S’il vous plait, ne paniquez pas.

A-San
Niveau 10
03 mai 2019 à 20:02:41

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Chapitre 2 : Tokyoïtes (1/2)
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Ichi reprit connaissance, difficile de le savoir quand ce dernier ne possédait pas d’yeux. La patronne ramassait les débris aidés des deux inconnus. Des milliers de yens venaient d’être fracassés en mille morceaux. Afin de s’en excuser, le policier se proposa de participer à la collecte des dégâts. Le jeune responsable de cette perte ne broncha pas le moindre geste, son partenaire dû insister.

Airi décuvait, allonger sur un canapé, à quelque centimètre des jambes d’Ichi. Ses joues pouvaient sentir la chaleur en émanant, ainsi que son entre-jambe entrait en érection à son réveil. Rassuré de la retrouver, l’aveugle laissa sa main naviguer dans son océan de poil capillaire. L’alcool déforma la douceur ressentie par son geste, elle beugla de rire comme un âne.

— Vous deux, désigna Ichi en les pointant avec sa canne, vous êtes qui ?
— Moi, je m’appelle Shigeta Shinpei. J’appartiens à la division de lutte contre le crime organisé à Tokyo.
— Puis moi, je suis Okuda Kazuma.
— Okuda Kazuma, le dragon de Kabukicho du clan Otomo, révéla Airi.

Son cerveau récupéra certaines de ses capacités. Le lien entre Okuda et Le Dragon sauta à ses yeux. Les connaissances d’Airi sur la pègre japonaise s’approchaient de l’infini, le nom des grandes organisations, des clans, des yakuzas célèbre ou à la mode se trouvaient dans sa mémoire.

— Cet homme est un yakuza, confirma Shigeta. Nous sommes ici pour régler une affaire. Je suis chargé de sa protection.
— Quel genre d’affaires peuvent amener un policier et un yakuza si loin de Tokyo, s’intéressa Ichi.
— Nous recherchons quelqu’un, répondit Okuda.
— Vous recherchez un vieillard vous aussi, balbutia Airi.

Ses dernières paroles, quasiment incompréhensibles, ne tombèrent par dans l’oreille de sourd. Shigeta et Okuda se retournèrent rempli d’intérêt, attacher au mouvement de sa langue.

— C’est exact, on recherche un vieil homme, confirma Okuda en articulant lentement chacune de ses syllabes afin de s’assurer de leurs compréhensions par son interlocutrice. Pourquoi ?
— Ses mecs recherchaient un vieil homme aussi…
— Vous n’auriez pas une photo ?
— Ça ne les aidera pas Fumiko. Regarde dans l’état qu’elle est, je suis sûr qu’elle pourrait confondre le sol avec un lit.
— Ou une bouteille avec un sexe stoys, blagua Okuda.

Tout le monde le regarda, dans un silence total, sa lourde tentative d’humour tomba à l’eau, sans réaliser le moindre ricocher.

— Désolé. La photo…

Okuda l’afficha sur son smartphone. Son cerveau ne se souvenait que du général, les détails ne furent pas sauvegardés. Pourtant, elle réussit à le reconnaitre, mieux, elle pouvait l’affirmer.

— Oui c’est bien lui…
— Savez-vous où il est parti ?

Airi se remit à rigoler.

— Patronne, vous le reconnaissez ?
— Oui, il était là dans la soirée, mais ce n’est pas un de mes habitués. Je ne l’ai jamais vue avant ce soir et j’espère ne pas le revoir si c’est le responsable d’un bordel pareil. C’est la raison pour laquelle vous êtes rentré chez moi ?
— Oui, on sait qu’il se trouve dans la région, alors on a commencé à faire la tournée des bars pour voir si personne ne le connaissait. Puis on est tombé sur vous.
— De toute façon à chaque fois qu’il y a une emmerde ça se termine chez moi.
— Ses hommes qui nous ont attaqué, reprit Ichi, vous les connaissez ?
— Non pas du tout.
— Attendez, il y en a un qui est parti, leur indiqua Fumiko. Il était très musclé et très grand, un peu chauve et portais un costume gris.
— Style boxeur ?
— Oui, il ressemblait à une vraie bête. Quand Ichi a tenté de l’attaquer, il a arrêté sa lame en plein vol avant de l’envoyer au sol.
— Merci de me rappeler cet épisode de ma vie…
— Je vois…

Le duo s‘échangea un regard.

— Oui on le connait, certifia le policier sans consulter le yakuza.
— Des Tokyoïtes si loin de chez eux, releva Ichi. Le type que vous recherchez, c’est qui ?
— Ce ne sont pas vos affaires, affirma Okuda.
— De toute façon si vous vous tenez tranquilles il y a peu de chance pour que vous vous attiriez des ennuis, garantit Shigeta.

Ichi poussa un petit rire ironique, sa simple présence pouvait attirer une grande partie des yakuzas de la préfecture, qui rêvait de le tuer.

— De notre côté, poursuivit-il, nous ferions mieux d’y aller. Au revoir à tous et encore une fois désolé pour les dégâts patronne.

Ils quittèrent le bar, alors que les planches de l’étagère étaient encore éventrées du meuble. Fumiko alla aider la patronne à les remettre en place.

— Personne n’a appelé la police à cause du coup de feu de M. Shigeta ?
— Oh non, personne n’appelle la police pour s’occuper du bar ou des affaires de l’autre. C’est la règle dans le quartier.
— Ce n’est pas là le vrai problème Fumiko. Le vrai problème…

Airi restait à sourire comme une idiote. Le magnifique visage de l’aveugle se reflétait sur sa paupière. Lorsqu’Ichi la secoua, ce dernier se troubla dans ses petits yeux, mouillés de larmes incontrôlables. Pire, le contenu de son estomac s’agita se transformant en une bouille morbide. Au moment d’arrêter, cette chose remontait les parois de sa gorge.

— Pourquoi es-tu ici ?
— Tu veux m’embrasser Ichi ?
— Pourquoi tu es là, redemanda-t-il furieux.

Fumiko connaissait Ichi depuis environ un mois maintenant. Souvent, quand elle réalisait une action stupide, il prenait le même ton de voix. L’agressivité de ses propos cachaient un profond sentiment de bienveillance. Dans une grande majorité des cas, les gens ressentaient sa colère sans la comprendre.

— Ichi arrête. Tu n’arriveras à rien avec elle ce soir.

Cette phrase maladroite, remplit de possibles sous-entendus, influèrent l’imagination d’Airi, sa chaleur corporelle en subit les conséquences, une bouffé de chaleur sexuel, semblable à la température des fours fondant l’acier Tamahagane utilisé dans la fabrication des katanas.

— Vous devriez mieux partir, je vais devoir appeler la police pour qu’il me débarrasse des corps.

Une tête décapitée ne faisait pas un bon verre dans la décoration d’un bar classique, et la charogne, ouverte en deux, ne servira pas à la patronne de meuble de rangement, elle ne dirigeait pas un bar à thème gore, tel qu’on pouvait en trouver dans certains endroits de la capitale. Sa mention des cadavres bouleversa Fumiko, l’obligeant à revivre la scène de l’accident encore, encore, encore, le sang de la gorge tranchait, encore, encore, l’homme s’écroulait attiré par la mort vers le sol, encore, encore et encore.

— Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, murmura-t-elle à chaque fois que le souvenir repassait.

Elle tomba au sol en sanglot. Ichi se jeta sur elle, ses bras rassurants ne suffiront pas à la calmer.

— C’est bon, c’est fini Fumiko. On va partir, désolé pour le saccage patronne.
— J’ai l’habitude. Au revoir.

Airi se moqua de l’attitude de Fumiko.

— Vous devriez mieux partir vous aussi, lui conseilla la patronne. Appelez votre petit ami ou un membre de votre famille, vous êtes bien bourrés.

A-San
Niveau 10
03 mai 2019 à 20:04:42

Chapitre 2 : Tokyoïtes (2/2)
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Depuis son arrivée, Airi dormait dans les ruelles, avec la froideur de la nuit en guise de couverture, sans toit ni foyer, sans personne à attendre. Voilà, ce qui la torturait autant, cette chose qu’elle voulait tant essayer de noyer dans l’alcool. Personne ne l’attendait, sauf aujourd’hui. Un type bizarre la suivait dans son vagabondage sans logique. Airi ne le connaissait pas. Alors qu’elle se soutenait au mur, dans l’espoir de marcher un minimum droit, le mystérieux inconnu se présenta.

— Vous semblez perdu ?
— Et pas qu’un peu…
— Je peux peut-être vous montrer le chemin.

En prononçant ses mots, un sourire malsain se dessina déformant les autres traits de son visage. Soudain, il la plaqua contre un mur. La lame d’un cutter se colla à la peau du cou de la jeune femme.

— Alors maintenant salope tu me laisses faire ce que j’ai à faire.

Il bandait fort. L’état d’Airi l’empêcha de répliquer. Des lèvres se baladèrent sur son torse. Des petits ronds se dessinèrent à l’aide de deux doigts sur son entre-jambe tandis que cinq autres doigts abaissèrent son pantalon.

L’excitation de l’homme, d’accomplir sa quête de trouver un trou à fourré se coupa, une forme de décharge venait de traverser son corps. Une autre fit gicler du sang sur les cuisses nues de sa victime, il recula.

Airi entendit plusieurs cris de douleur. Une odeur abominable d’organe à l’air libre contracta ses dernières forces, le contenu visqueux de son estomac sortit par sa bouche lors d’un puissant jet. Sa couleur jaunâtre contrasta avec le trottoir gris de la rue, la chose ressemblait à une forme d’encre puante. Un morceau du tube digestif en fut recouvert, attirant les rats affamés des alentours, désireux de déguster cette saucisse accompagnée de sa sauce. Airi épuisait, usait, s’évanouis.

— Ichi…

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Petit message : pour les chapitres sortants entre le mercredi 15 mai et le mercredi 22 mai, ils seront postés plus tôt, aux alentours de 16:00 (je le rappellerai le moment venu de toute façon)

A-San
Niveau 10
05 mai 2019 à 20:47:56

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Chapitre 3 : Nouveaux amis (1/3)
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— Ichi !

Airi se réveilla en sueur. La couverture d’un futon, installé au milieu d’un salon avec une cuisine accolée, la recouvrait. La disposition des pièces laissait penser, qu’elle se trouvait dans un de ses minuscules appartements, à peine plus grands qu’une cellule de prison, dans un petit bâtiment résidentiel miteux. En se penchant pour observer le bout du couloir, elle distingua une dernière pièce, précédent la porte d’entrée et un placard.

— Ichi ?

Une forme d’ambiance glauque flottait dans l’air. Rien ne respirait la joie de vivre. Une peinture grise maussade recouvrait les murs, aucune photo d’attacher, et la télé datait des années 90. Airi ne possédait pas de grande connaissance dans la décoration. La chose primordiale à savoir, surtout quand on dirigeait un restaurant, était que la décoration pouvait jouer sur l’humeur d’un client. Là, elle se sentait dépressive. La lumière du soleil perdait sa vivacité à travers les rideaux trop épais.

— Ichi ?

Le bruit de l’ouverture de la serrure stoppa le règne du silence. Un homme, avec de longs cheveux blonds entra, tenant un petit sac en plastique. Son visage se formait de grands yeux verts accompagnés d’une petite barbiche. Airi ne put deviner son âge. Il possédait un caractère inquiétant, plusieurs nœuds se trouvaient dans ses cheveux mal coiffés. Sa tenue négligeait se composer d’un long manteau vert kaki, un débardeur noir et un vieux pantalon abîmé.

— Bien le bonjour.

Dans sa voix, elle distinguait les poumons d’un accro à la cigarette et à la drogue. Le genre de personne qu’elle détestait, au plus haut point.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Vous ne vous en souvenez pas ?

L’inconnu s’assit à ses pieds.

— On a essayé de vous agresser. Je suis arrivé, je vous ai sauvé puis vous avez perdu connaissance, se vanta-t-il. Comme je ne savais pas quoi faire de vous, je vous ai ramené ici. Puis tenez, dit-il en lui tendant le sac, c’est pour vous.

Entre des produits alimentaires simples, se trouvaient des paquets de cigarettes et des cannettes de bière. Airi ne fumait pas, et la bière rappela sa cuite. La honte l’occupait, elle se demandait comment cet inconnu la voyait. Si elle jugeait au contenu du sac, elle renvoyait l’image d’une défoncée.

— Excusez-moi, je ne me suis pas présenté. Mon nom est Sengoku Chigiru. Et vous ?
— Matsuba Airi.
— On vous appelle plus Airi ou Matsuba ?
— Madame Matsuba pour vous.
— D’accord…

Sengoku se crispa légèrement, son invité ne faisait pas dans la tendresse, justement, il adorait ce genre de caractère chez les femmes. Plus elle résistait, plus l’idée de pouvoir les mettre dans son lit l’exciter. Perdre un autre pervers, pour s’en retrouver avec un autre, le destin ne l’aidait point.

À force de la dévorer des yeux, il sua à grosse goutte, « Il n’y a pas à dire, elle me fait de l’effet celle-là » pensa-t-il. Il se saisit d’une des bières fraiches.

— Vous avez quel âge, le questionna Airi.
— Trente-deux, pourquoi ?
— Vous ne les faites pas. Je n’ai pas d’argent pour vous remercier, donc si je peux faire quelque chose.
— Juste répondre à une question. Vous n’avez pas l’air d’ici, je me trompe ?
— Non pas du tout.
— Et pourquoi êtes-vous ici ?
— Je croyais avoir déjà répondu à votre question.
— La gentillesse et la générosité ce n’est pas votre fort.

Airi poussa un grognement, elle tourna plusieurs fois la langue dans sa bouche, la curiosité de ce gars l’insupporter.

— Je cherche quelqu’un, répondit-elle par le biais d’une réponse bateau en se retenant énormément de l’envoyer se faire foutre.
— Un vieillard ?
— Non, à vrai dire, je ne sais pas qui je cherche.
— Pourquoi ?
— C’est personnel.

Son visage se figea dans une froideur indescriptible. Son hôte prit ses précautions et préféra changer de sujet.

— Il faut dire, moi non plus je ne suis pas de Fukuyama. J’y prends des sortes de vacances, donc je t’aiderai.
— Non.

Airi n’en croyait pas ses oreilles, il ne se proposait pas de l’aider, il s’incrustait. Ses affaires étaient les siennes, personne d’autre n’avait le droit de s’en occuper.

— Alors les jeunes, la forme, dit une voix provenant de la pièce du couloir.

Le son des paroles s’étouffa à cause des murs. Dans l’articulation des mots, elle discerna la vieillesse.

— Qui est-ce ?

Sengoku l’amena à la porte d’où provenait le bruit. Il l’ouvrit lentement. En le voyant, elle n’en crut pas ses yeux.

A-San
Niveau 10
05 mai 2019 à 20:51:18

Chapitre 3 : Nouveaux amis (2/3)
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Fumiko sortit lentement de son réveille. Sous sa couverture, elle était complètement nue. Le peu d’argent qu’avait récolté Ichi, grâce à ses talents de musiciens et de masseur, permettait au groupe de profiter de quelques jours à l’hôtel. Fumiko retrouva le confort du lit, et des nuits sous un toit. Un lit double en plus, pour elle seule, Ichi dormait sur le canapé. Il tenait beaucoup à la laisser regoutter au confort. Depuis leur départ, son corps acquiesçait très mal le coût d’une vie de vagabondage incessant. Plusieurs fois, la maladie l’affaiblissait, au point de subir des pertes de poids inquiétante.

Ses pieds se posèrent sur la moquette. Un petit frisson la parcourut, retrouver le confort d’un foyer provoqua une sensation étrange. Elle n’aimait pas. Retrouver son traintrain quotidien ne l’emballait pas.

Elle fonça dans la salle de bain. Sa dernière douche commençait à remonter. L’eau se déversa sur elle. Une goutte glissa le long des limites de ses petites lèvres, elle se sentit chaude. La douche fraiche devait compenser la chaleur d’été, pourtant, elle se sentait brulante. Au contact de sa peau, la température de l’eau augmentait. Chaude, tellement chaude que la chaleur présente dans l’espace restreint entre les quatre vitres l’étouffa, elle arrêta sa douche.

La température de la pièce restait modérée, le problème provenait d’elle. Plus particulièrement de sa tête, la surface de sa peau restait froide et d’une douceur exceptionnelle. Ses seins s’alourdirent, ils devinrent durs comme de la pierre. Un courant d’air traversa un des conduits d’aération. Le petit coup de vent effleura la paire d’obus de Fumiko, une immense sensation de plaisir parasita sa raison. L’intérieur de son vagin l’appelait, la mouille en découlait à chaque fois que ses doigts remuèrent à l’intérieur. Elle hurlait de plaisir.

— Tu vas bien Fumiko ?

Son cœur sauta de surprise. Ses phalanges s’extirpèrent toutes trempées.

— Oui ça va, juste deux petites secondes.

Ichi ouvrit la porte.

— Qu’est-ce que tu fais ? Tu pourrais attendre que je me rhabille.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Je ne vois rien je te rappelle.
— Mais je sais que tu peux facilement imaginer les choses.
— Tu m’as déjà vue nue aussi.

Ichi ouvrit le haut de son kimono. Son torse nu toucha le bout de ses seins, ils sourirent.

— Ichi, je crois qu’on devrait…

La main de l’aveugle saisit les doigts mouillés de son amie. Il ouvrit la bouche pour les lécher.

— Tu mouilles ?
— T’aimes bien ça toi, poser des questions dont tu connais déjà les réponses.

Leurs lèvres se collèrent l’une à l’autre. Les deux corps se dirigèrent vers le grand lit, laissant une trainée de vêtement sur le chemin. Fumiko se retrouva en position dominée. Ses seins s’étirèrent, aspirer par la bouche de l’aveugle, une immense sensation envahit son corps, elle poussa le plus grand orgasme de sa vie. Il ne tarda pas à la pénétrer, elle se sentit doucement s’en aller. Le bonheur la dévorait.

Du lait s’échappa de ses mamelons, le liquide coulait comme une fontaine dessinant sur le matelas, la silhouette de la jeune femme. La capacité de stockage paraissait sans fond, l’impression de les avoir remplis à ras bord ne le quitta pas.

Quand Ichi jouit en elle, son ventre commença à enfler. Le sperme déborda de l’estomac. Il entama un parcours, afin de se répandre dans les moindres recoins de son corps. Entièrement rempli, il déborda par tous les orifices possibles.

— Fumiko ?

La jeune étudiante se réveilla dans le lit de l’hôtel toute transpirante. Une cascade de mouille dégoulinait de son entre-jambe.

— Il s’est passé quoi ?
— Tu rêvais en jouissant.

La lycéenne se recroquevilla de gène.

— Je ne t’ai pas réveillé ?
— Si, grogna Ichi.

Ichi tenta de retrouver le sommeil. L’humiliation de la veille le hanter encore, il en avait rêvé, l’empêchant de guérir de sa fatigue et de ses blessures. Fumiko fila discrètement dans la salle de bain. Contrairement à Ichi, elle ressentait le besoin de prendre l’air, de sortir de cette vie de monsieur et madame tout le monde. Elle se doutait bien que son ami ne serait pas trop d’accord, pour la laisser partir seule avec un monstre de muscle en liberté. La conversation allait donc être courte.

— Je pars sortir. D’accord ?
— Tu vas où ?
— Je vais vagabonder.
— Tu comptes retourner au bar d’hier ?
— Peut-être…
— Tu ne devrais pas.
— Tu comptes m’empêcher de sortir, Ichi ?

L’aveugle courut devant la porte. Fumiko le regarda faire. Il ressemblait à une statue gardant les temples. Au prochain pas, Ichi dégaina légèrement sa lame.

— C’est censé me faire peur ?
— Hors de question que tu sortes d’ici, tu vas encore nous attirer des ennuis.
— Nous ? Putain, je n’y crois pas, c’est toi qui tues les gens avant de parler et c’est moi qui pourrais nous, enfin, t’attirer des ennuis ?

Maintenant, elle se trouva à quelque centimètre de lui, il resta stoïque. Fumiko tenta de le faire bouger.

— Mais putain laisse-moi partir !

Il lâcha sa canne pour attraper les deux mains de Fumiko.

— Non, tu ne partiras pas d’ici…

Fumiko se débattit. Son coude cogna le bout du nez d’Ichi dans un mouvement trop brusque, trop irréfléchis pour étre intentionnel. Le coup douloureux ne cassa rien, il occasionna juste un petit saignement de plusieurs minutes. Fumiko se figea de peur.

— Espèce de…

Une gifle violente intentionnel atterrit sur la joue de la jeune femme. Les larmes montèrent à ses yeux. La surface du coup devint bleutée et froide.

— Tu n’es pas mon père, alors dégage de là !

Ichi regrettait son geste. Sa seule faiblesse, la colère, elle pouvait l’aveugler, corrompre son jugement jusqu’à le transformer en un vrai démon. Il s’écarta du chemin de son ami. Aujourd’hui, il voulait la laisser libre, vivre sa vie.

Sa prédiction disait vrai, elle se rendait au bar, pour s’excuser des dégâts et pourquoi pas, boire un verre ou deux. Elle qui n’avait jamais gouté à l’alcool, cela aurait pu être une bonne occasion, mais en observant son uniforme de lycéenne, elle abandonna cette partie de son plan.

A-San
Niveau 10
05 mai 2019 à 20:54:48

Chapitre 3 : Nouveaux amis (3/3)
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— Alors les jeunes, la forme ?

Airi n’en revenait pas, le vieillard de l’autre soir se trouvait là, assis sur un futon avec son pantalon de costume noir et sa chemise blanche de la veille, entièrement détendue. Elle attrapa Sengoku pour l’amener à l’écart, il se laissa faire, croyant qu’elle se préparait à l’embrasser.

— Ce type c’est qui ?
— Mon oncle…
— Et moi je suis ta sœur.
— Non c’est vrai, démenti-t-il avec un sourire nié.

Le vieil homme se souvint brièvement de cette fille. Quand elle revint, ses yeux âgés se plissèrent dans l’espoir, de reproduire ses traits déformaient par l’alcool.

— Attendez, je vous connais ?
— Quoi, Airi tu le connais ?
— Oui, on s’est rencontré dans un bar hier soir.
— Ah oui je me souviens, tu étais la petite à côté de moi au bar d’hier soir.

Airi coupa court au fil nostalgique du vieillard. Elle s’adressa aux deux avec un air sérieux, chose qui contrastait énormément avec son comportement d’hier.

— Écoutez, vous ne devez pas rester ici. Un type vous cherche et il n’a pas l’air forcément très sympathique. Il a débarqué au bar juste après votre départ.
— Et alors, je suis fort, je pourrais les battre, se vanta Sengoku.

Il commença à donner des coups dans l’air d’une manière fière. Airi voyait juste une sorte d’ivrogne se battre de manière lourde, contre un ennemi imaginaire.

— Dis-moi petite, les types qui sont venus après, il ressemblait à quoi ?
— Je ne m’en rappelle pas très bien, je m’en rappelle juste d’un. Une sorte de mastodonte quasiment chauve avec un costume gris. Vous le connaissez ?
— Ce n’est pas très important.

Pour l’instant, la jeune femme gardait sa langue dans sa bouche, elle connaissait l’homme en face d’elle. Otomo Minato, le chef du clan Otomo. Une question trotta alors dans son esprit. Si Okuda était bien l’homme qu’elle pensait, pourquoi ne se trouvait-il pas ici à la place de Sengoku ?

— En attendant, vous pouvez rester ici autant de temps que vous voulez, reprit Otomo. Plus on est de fou, plus on rit.
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Okuda et Shigeta accoudé au comptoir du bar se retournèrent lorsque Fumiko entra.

— Oh bonjour, les salua timidement Fumiko.

L’état des lieux sentait le neuf. L’étagère, remplit de nouvelles bouteilles, laissait la lumière des éclairages brillait sur le verre. Aucune tâche ne salissait le sol. Rien ne s’était passé, ni bagarre ou meurtre. La seule chose qui rappelait cette soirée se trouvait au bar, Okuda et Shigeta. Elle ne s’attendait pas à les revoir de sitôt. Ichi attirait les ennuis, donc attirer un flic pouvait être possible. Au fond, elle savait qu’elle les aurait recroisés à Fukuyama.

La patronne servit un verre à Okuda, il déposa l’argent sur le comptoir de manière très violente et agressive, affichant sa mauvaise humeur à tout le monde.

Dans la salle se trouvaient deux autres personnes. Une étrangère blanche aux longs cheveux châtains. Une chemise à carreaux avec un jean et des baskets recouvrait la jeune de dix-huit ans. Son magnifique visage compensait son mauvais gout vestimentaire. Au niveau de la poitrine, elle valait son charme, juste une taille en dessous de Fumiko.

— Qui est-ce ?
— Elle s’appelle Kloé, c’est une Française et c’est…
— C’est ma petite amie, répondit froidement Okuda entre deux gorgées.

L’autre personne était une petite fille de huit ans. Elle tenait dans ses bras un gros nounours rose, une couleur qui contrastait beaucoup avec le teint de son visage et ses petits cheveux noirs. Étrangement, elle restait à l’écart du groupe pour les observer depuis un coin.

— Et elle ?
— C’est Mizuno Sayuka.
— Et c’est ?
— C’est une très longue histoire, et je ne suis pas conteur, justifia le policier.

Fumiko rejoignit les deux hommes au comptoir. Avec un flic ripou et une sorte de yakuza en pleine crise d’adolescence, à défaut d’attirer les ennuis, elle attirait les mauvais gars.

— Patronne désolée pour l’autre soir.
— Ce n’est rien, j’ai connu pire en termes de bagarre dans mon établissement.
— Donc si je peux faire quelque chose pour réparer les dégâts.
— Non, c’est inutile en plus c’était de la légitime défense.
— Vous pouvez me servir un café ?

Okuda semblait particulièrement énervé. Shigeta gardait un calme proche du zen.

— Ce type, le grand musclé gris chauffe. Vous le connaissez ?
— On vous a déjà répondu oui, lâcha Okuda en fixant du coin de l’œil la forte poitrine de Fumiko.
— Hé, Okuda, l’interpella Shigeta.
— Quoi encore ?
— Tu as le droit de garder le silence. Et de relever les yeux aussi !

Okuda se leva brutalement, la remarque du policier le sortit un instant de ses gonds.

— Je reviens !

Le jeune sortit de l’établissement, l’air non infecté par Shigeta allait le détendre.

— Excusez-moi de la remarque M. Shigeta, mais l’ambiance entre vous à l’air, si particulière.
— C’est vrai. Et votre ami n’est pas avec vous ?
— Non…
— Je vois, moi avec ma femme ce n’était pas aussi la joie tous les jours. C’est bien d’ailleurs pour ça qu’on a fini par se séparer.
— Ce n’est pas mon petit ami…

Kloé lança à Fumiko un regard aussi noir que la nuit et plus sombre que le néant. La jalousie la possédait. Okuda avait plus maté les seins de Fumiko que les siens pendant la dernière semaine. En plus, une célibataire, elle n’allait probablement pas se gêner pour se jeter sur Okuda dès la première occasion, « Sale trainé, tu ne me le voleras pas », pensa Kloé.

— D’ailleurs ce type que vous recherchez, je peux vous aider si vous le désirez. Je cherche un peu à passer le temps.
— C’est gentil, mais ce ne sont pas vos affaires.
— Pourtant ce type en gris s’en est pris à nous, donc je pense que ça légitime le fait que l’on puisse s’en mêler. N’est-ce pas M. Shigeta ?

Durant cette partie de la conversation Shigeta observait à moitié Fumiko et la petite Sayuka. En parlant de l’homme en gris, il aperçut une once d’espoir éclairer les yeux de la fillette.

— Oui on le connait, lui murmura Shigeta. Il s’appelle Abe Toshikatsu.
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Ichi marchait sur la route pour rejoindre le bar. Une pluie violente s’abattait, les rues furent désertées. Entre le bruit des gouttes s’écrasant sur le béton, il distingua des bruits de pas. Une posture imposante se mit sur son chemin.

— Toi…

Il marmonna ses paroles entre ses dents. Abe se trouvait face à lui. L’aveugle ne prit pas plus de temps pour réfléchir, la colère le domina, il dégaina son sabre.

A-San
Niveau 10
07 mai 2019 à 20:52:19

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Souvenir 1 : Les frères, le père et le fils
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Tokyo, quelque part à Kabukichō, 2014 :
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Otomo Minato rangeait les dossiers de comptabilité sur son bureau. Un vrai bazar l’administration de son clan, avec l’âge, il devint de moins en moins exigeant. Les piles de papier s’accumulaient, cela ressemblait plus à un rangement digne d’un adolescent, qu’un bureau de chef yakuza âgé d’une soixantaine d’années. Dès que la moindre chose bougeait, un amont de feuille se déplaçait. L’immensité de l’espace ne pouvait pas être une excuse pour le décourager, les locaux du clan, comparer aux plus grands bureaux des yakuzas de la capitale paraissaient ridicules. Se minuscule espace se trouvait à l’arrière d’un parloir de majong, au troisième étage d’un petit bâtiment à l’entré du red light district. Le succès financier du clan ne se traduisait pas dans les équipements, ou par le nombre d’armes à feu à la disposition des hommes. Le bâtiment entier leur appartenait, comme tant d’autres du quartier, du rez-de-chaussée avec son club, le premier étage avec son bar à chat, le deuxième avec sa boite pornographique et le dernier avec le parloir de majong.

Mizuno Satoru, le second du clan âgé d’une quarantaine d’années, observait son chef dans sa galère.

— La réunion s’est bien passé patron ?
— Oui, ces petits cons du haut conseil ne changeront jamais de toute façon. Il continue à nous harceler pour que l’on divise Kabukichō, et qu’on en confie des parties aux autres clans.
— Rien de nouveau donc ?
— Non. La merde habituelle saupoudrait d’une autre couche de merde, dégueulasse. Vivement que la mort m’offre la retraite, je suis épuisé. Sinon je leur foutrai une balle dans la tête avant qu’ils partent en retraite. Ces fils de putes !

La porte d’entrée s’ouvrit, les bruits des pièces de bois se déposant sur les tables arrivèrent aux oreilles du vieillard. Le son le satisfaisait plus qu’une nuit avec une jolie fille, vierge, de vingt ans, au moins une chose marchait bien ici, à une époque où dégageait le moindre yen pour un yakuza relevait du miracle.

— C’est moi, s’annonça Abe avec des plateaux réchauffés dans les bras.

Mizuno fonça à son aide, le sommet de la tour de nourriture subissait un déséquilibre sur la droite.

— Le poisson c’est pour qui ?
— Il n’est pas encore arrivé, l’informa Otomo.
— Et tête de mule, se moqua Mizuno. Ça va faire des années qu’on mange ensemble tous les quatre et tu n’as toujours pas retenu qui prenez quoi.
— Tu parles, toi t’arrive même pas à te souvenir de la date d’anniversaire de ta femme. Ne viens pas me faire la morale.
— Les enfants, vous devriez mieux apprendre à apprécier les petites choses de la vie.

Mizuno et Abe se connaissaient bien, il formait deux frères de sang inséparable. Les petites disputes témoignaient d’une forme de complicité, il criait, mais ne se fâchait jamais, ou dans de très rares cas plus de cinq minutes. Leur rencontre remontait à l’époque du lycée, Mizuno organisait des petites magouilles financières, à son poste de représentant des élèves, auprès de l’administration. À l’exact opposé du jeune homme calme et exemplaire, Abe appartenait au club de boxe du lycée, violent, et parfois irrespectueux envers les autres. Un duo improbable, Mizuno le cerveau et Abe les muscles. Par la suite, ils rejoignirent le clan Otomo ensemble. Mizuno gravit la hiérarchie et Abe servait en tant que garde du corps pour son patron, et son second. Bizarrement, ses services de protection ne concernaient pas le petit protégé d’Otomo.

— Tu penses qu’il est où, demanda Abe.
— Surement avec cette fille du club à hôtesse.
— Que vous payez avec votre argent, pas vrai patron, alors qu’on a notre club juste deux étages en dessous ?

Otomo sourit.

— On ne va pas le laisser toucher des seins, là on risque vraiment d’avoir des emmerdes.
— Nous à son âge on s’était déjà tapé des putes, tu t’en rappel Abe ?

Les trois yakuzas rigolèrent aux éclats.

— D’ailleurs en parlant de fille, poursuivit Mizuno, ma femme est malade. Je vais devoir allez chercher ma fille à l’école, je partirais donc plus tôt aujourd’hui.
— Pas de problème, Abe tu peux l’accompagner si tu le souhaites. Je rentrerai tout seul.
— Vous êtes sur patron ?
— Putain, je ne suis pas un gosse, je ne vais pas me perdre sur le chemin.
— D’accord.

Le bruit du parloir revint caresser les tympans usagés d’Otomo.

— Désolé pour le retard.

C’était Otomo Aiichirō. La lumière se reflétait sur sa peau blanche. Ses yeux verts observaient son repas. Et sa coupe noire, avec un fort volume, descendait sur ses épaules. De loin, difficile de savoir que le jeune homme avait en réalité quinze ans, lui qui dans son accoutrement paraissait si adulte à l’exception des cheveux.

— J’ai raté quelque chose ?

A-San
Niveau 10
09 mai 2019 à 21:03:07

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Chapitre 4 : L'aveugle et le Tigre (1/2)
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Airi s’installa sur le canapé. Sengoku, qui rangeait quelque fourniture sur l’établi de cuisine, s’empressa d’abandonner sa tâche pour la rejoindre. Il s’assit en prenant soin de bien coller son corps légèrement contre le sien, pour profiter de la situation. La dernière chose qu’Airi voulait entendre, était bien la voix des publicités de la télévision que Sengoku alluma. Ses yeux restaient rivés sur les gouttes de pluie qui coulait le long de la fenêtre. Elle ne savait jamais comment l’expliquer aux gens, depuis son enfance l’extérieur l’appelait. « Le Monde » l’attirait, une force incommensurable, la poussait à aller dehors. Cette puissance agissait sur bien d’autres éléments de sa vie, l’obligeant à ne pas représenter ce que les Japonais appelaient, la femme idéale. Conforme à la société, douce, serviable et souriante dans n’importe quelle situation, et avec n’importe qui. La douceur subsistait en Airi, il fallait le mériter pour en apercevoir les éclats. Une seule chose pour elle était sûre actuellement, Sengoku ne méritait pas d’observer ses éclats.

— Je sors, lâcha-t-elle entre deux pubs pour des bonbons en forme de culotte.
— Quoi ?
— J’ai dit que je sortais.
— Mais, il pleut.
— Tant mieux, je prendrai un bain comme ça, il n’y en a pas ici. Ne vous inquiétez pas, je rentrerai.

Sengoku resta la bouche bée. Otomo se pencha en dehors de sa chambre. Une fois entre hommes, il ne se priva pas de ne pas partager sa réflexion.

— Ça, c’est une fille qui a du caractère !

Airi ne pensait pas aller quelque part en particulier, juste respirer, se libérer de cet appartement morbide qui l’étouffait. Les grosses gouttes s’abattaient sur elle à un rythme présageant le début de l’averse. Ses vêtements se mouillèrent, autant que dans une machine à laver. Elle vagabondait, tel un chat errant.
Sa gueule de bois se reflétait dans les flac. Les signes de sa cuite restaient gravés sur son visage. Semblables à des marques de mutilation, ils ne cessèrent pas de rappeler cette nuit, si flou dans ses souvenirs. La culpabilité poignardait son cœur, ses quelques mots, ses quelques paroles échangeaient avec Ichi, elle vendrait son âme pour s’en rappeler, « Dans quel état j’ai été, ce n’est pas possible », se reprocha-t-elle.

Au milieu d’un trottoir d’une petite rue animée, on saisit son bras. Par réflexe, elle porta un coup en aveugle. La cigarette d’Okuda s’envola de ses lèvres, il en avait tellement marre de cette journée, tout lui tombait sur la gueule, au sens figuré, et au sens littéral du terme.

— Attends, cria-t-il.

Airi le reconnut.

— Oh, je suis désolé.

Son excuse cachait une grande couche de mépris colérique, « Tu t’attendais à quoi pauvre con ? On n’interpelle pas les gens comme ça dans la rue ».

Le jeune passa sa main sur sa lèvre, il saignait. Derrière le corps musclé, elle réussit à reconnaitre l’entrée du bar de l’autre soir.

.
Shigeta et Fumiko discutaient beaucoup. Le bruit de la taule sous la pression de l’eau étouffait une partie des brèves paroles échangées entre eux. La cloche sonna.

— Airi !

Fumiko alla vers elle pour la serrer contre elle. Toute la joie de la retrouver se traduit par une force incroyable dans ses bras, au point que ses gros seins écrasaient la faible poitrine de son ami. À la dévisager, Fumiko se mit à pleurer à cause de l’état pathétique d’Airi.

— Que se passe-t-il ?

Le silence de la lycéenne la laissa le temps d’imaginer les pires choses.

— Attend…

Ses jambes se préparaient à la lâcher, l’inquiétude agita son rythme cardiaque, les prochains mots de Fumiko pouvaient l’achever.

— Ichi, il est…
— Quoi, s’exclama Fumiko.

Fumiko regarda dans les yeux d’Airi. Parmi les gouttes de pluie roulant le long de son visage, elle distingua de vraies larmes.

— Non, non pas du tout, mais c’est juste toi regarde toi, Ichi était tellement en rogne quand il t’a trouvé hier.
— Ichi, il s’inquiète pour moi ?
— Mais oui, allez viens, calme-toi et asseyons-nous.

Elle l’installa au bar entouré par Fumiko et Shigeta. Airi ne se souvenait pas du visage du policier.

— Euh, Fumiko, excuse-moi de te le dire, mais c’est qui ?

La lycéenne les présenta tous un par un. Shigeta les laissa, Okuda camouflait sa lèvre sous un mouchoir ensanglanté. Fumiko se chargea de l’interrogatoire d’Airi, la soirée, la visite d’Ichi à Fuchū, ses choses perdues dans sa mémoire, elle voulait les raviver, en tirer le maximum d’information possible. Elle voulait comprendre, comprendre comment elle avait fini par se faire soulever par un yakuza. Les réponses restèrent vagues et liquides comme l’alcool contenu dans les bouteilles du bar.

— Attends, où est Ichi ?
— À l’hôtel, on est un peu en froid en ce moment…
— Pourquoi ?
— On s’est disputé un peu à propos d’un truc…
— C’est lui qui t’a fait ça à ta joue ?
— Non rassure toi, je suis tombé tout seul en glissant sur un tapis.

Fumiko ne voulait pas en dire plus. L’instinct d’Airi la poussa à ne pas croire à sa soi-disant chute.

— Comment tu t’es débrouillé pour tomber sur ta joue ?
— Oui c’est vrai je ne suis pas tombé, mais passons à autre chose. Tu es sûr de ne rien te souvenir à propos d’hier soir ?
— Non. À vrai dire, je n’ai pas l’impression de me souvenir de grand-chose dans ma vie…
— D’accord…

Sayuka se saisit d’un verre vide sur le comptoir.

— Dites madame, vous pouvez me le tenir, proposa-t-elle à Fumiko en parlant de son gros ours.

Elle accepta de le garder sur ses genoux. La fillette courut à travers la salle en direction de la sortie de secours. Un escalier montait le long du dos du bâtiment en brique, un des paliers s’arrêtait au bar. Sur le petit balcon en métal, Sayuka leva le verre vers le ciel. L’eau commença à le remplir.

— Ichi, il va comment ?
— Bien, même s’il a piqué une crise de colère énorme.
— À cause de moi, c’est ça ?
— Oui…
— Je ne te crois pas.

Les doigts de Fumiko caressèrent les poils roses de la peluche. Toute petite, elle aurait rêvé d’en avoir un. La police traçait la source de tous ses achats, pas facile d’être la fille d’un chef yakuza, donc l’argent de son père partait dans le strict nécessaire, elle grandit sans peluche et jouer.

— Écoute, je sais que ça ne parait pas au premier coup d’œil, mais Ichi s’inquiète beaucoup pour toi.
— Tu parles. À Fuchū, il était à la limite de l’hostilité à certains moments.
— Il ne veut pas te faire courir de risque c’est tout.

Fumiko commença à serrer l’ours contre sa poitrine, ce geste si innocent lui donna un courage inattendu.

— Airi, je dois te dire quelque chose. Ichi…

Soudain, le sol trembla légèrement et l’éclairage du bar clignota. Le tonnerre résonna à travers les murs, l’éclair tomba dans les environs.

Shigeta demanda à Sayuka de rentrer, voyant qu’elle n’obéissait pas, Okuda lui ordonna d’une manière plus violente. Sous son ton, elle rentra immédiatement, le verre d’eau à moitié rempli. Ses petits bras mouillés retrouvèrent la peluche. Un autre coup de tonnerre éclata au-dessus du bar, cédant à Fumiko un éclair de génie.

— J’ai une idée, puisque tu ne me crois pas, tu n’as qu’à aller lui demander toi-même.
— Nous aussi on devrait mettre les voiles, il commence à se faire tard, releva Okuda.

Fumiko regarda l’horloge du bar. Dix-neuf heures, elle avait passé son temps dans le bar sans remarquer les aguilles avancer, les premiers signes de la décadence.

— D’accord, pourquoi pas…
— Super, on file patronne, lança Fumiko.
— Nous aussi patronne, enchaina Shigeta.
— D’accord, à la prochaine fois. Faites attention à l’orage.

Dehors, la pluie s’intensifiait, les nuages noirs avalèrent les derniers rayons crépusculaires du soleil d’été.

— Au revoir, dit Airi à Okuda et Shigeta.
— Bonne soirée et soyez prudentes.

Alors que les deux groupes s’attendaient à partir dans deux directions différentes, ils partirent dans le même sens.

— Oh attendez, s’agaça Okuda, vous nous suivez ?
— Pas du tout, mon hôtel est dans la même direction, déclara Fumiko.
— Et mon logement aussi, avoua la seconde femme.
— D’ailleurs, Airi j’y pense. Tu te loges où à Fukuyama ?
— Dans un hôtel à l’autre bout de la ville, mentit-elle.

Plus le temps passait, plus Airi ne savait plus à qui faire confiance, et d’un côté elle ne mentait pas, l’appartement de Sengoku se trouvait bien à l’autre bout de la ville.

À la suite d’un croisement, ils aperçurent au bout de la rue sur le trottoir une sorte de forme noire en boule
.
— C’est quoi ce truc, demanda Shigeta.

Autour de la forme, l‘eau se mélangea à du sang frais. Le groupe s’approcha doucement, jusqu’à enfin comprendre.

— Ichi, hurla Airi.

Les deux femmes coururent vers leur ami. Il tenait fermement sa canne contre son torse. Son sang recouvrait chaque espace de sa peau. Ses membres tremblaient, à cause d’une douleur intense à peine imaginable. Airi le serra contre elle.

— Je t’en supplie Ichi, ne meurs pas, sanglota Airi.

A-San
Niveau 10
09 mai 2019 à 21:05:45

Chapitre 4 : L'aveugle et le Tigre (2/2)
.

Deux heures passèrent depuis l’arrivée d’Ichi à l’hôpital. Le groupe attendait dans le couloir près de la chambre de l’aveugle. Aucun médecin n’osa pour le moment se présenter à eux. Okuda et Shigeta les accompagnaient. Ils laissèrent Kloé et Sayuka rentrait à l’hôtel ensemble. Shigeta pensait que cela aurait permis de resserrer le lien entre elles, à un moment où Okuda les délaissait toutes les deux.
Un médecin sortit enfin de la chambre. Airi se jeta sur lui.

— Alors comment il va ?
— Étrangement bien.
— Quoi attendez je ne comprends pas ? Vous vous foutez de moi ?

Le docteur redressa ses lunettes sur son nez, Airi retenait tellement son envie de les balancer sur le sol, « Mais parle putain ! ».

— Je vais mettre les choses au clair, votre ami n’a rien. Il a subi un choc physique très grave. Normalement, il aurait dû avoir les os brisés, mais dans son cas il n’en est rien.
— Il pourra bientôt sortir ?
— Malheureusement non, il va bien, mais il est passé pas loin d’être paralysé à vie ou d’être aussi mou qu’un légume. Nous allons le garder un moment ici, ce n’est pas parce qu’il n’a rien de cassé que votre ami ne souffre pas. Nous ne le garderons pas longtemps, quelques jours le temps que la douleur se dissipe.
— On peut lui parler ? Je suis de la police.
— Dans dix minutes, on va lui administrer un puissant antidouleur dont l’un des effets secondaires va le faire dormir. Mais en attendant, vous pouvez aller lui parler.

Ils entrèrent tous les quatre dans la chambre. Ichi abattu dans son lit pouvait à peine bouger la tête, rien que le fait de respirer provoquait de grandes douleurs. Une machine attachait à son bras droit indiquait ses pulsions cardiaques. Ses bruits causèrent un frisson d’effroi à Fumiko et Airi.

Dans la petite chambre, une sorte de sofa se trouvait près du lit sur lequel s’effondra Airi, paralyser par cette vision d’un Ichi affaiblie.

— Vous nous entendez ?
— Tu me veux quoi le flic ?
— Le type qui vous a fait ça, c’était le type que votre amie nous a décrit dans le bar d’hier soir ?
— Oui, ce type c’est un monstre, articula-t-il difficilement.
— Très bien.

Shigeta et Okuda quittèrent la pièce avec cette réponse, Shigeta s’en doutait, mais comme Ichi vivait encore, il voulait vérifier. Ils s’assirent dans le couloir en attente des autres. Fumiko ne tarda pas à les rejoindre, laissant Ichi et Airi.

— Qu’est-ce que tu fais là toi, demanda Ichi sur un ton colérique.
— Quoi ? Comment tu oses me demander ça maintenant ?
— Tu nous as suivis ?
— Non !

La voix d’Ichi se tut, une de ses mains sortit du lit pour se diriger vers Airi.

— Approche-toi.

La jeune femme quitta le sofa pour aller vers l’aveugle. Sa main se posa sur son visage, il absorba chaque trait dans son esprit. Au niveau de la douleur, son corps entier hurlait de souffrance. Il avait l’impression, d’avoir sa peau de coller au lit. Il devait étirer sa chaire jusqu’à l’arracher, il abandonnait sa peau froide et impénétrable pour laisser place à une peau chaude, le vrai lui.

— Tu n’as pas changé Airi.

Au moment où sa main passa sur ses lèvres, elle ne résista pas à l’envie de déposer un petit baiser. Au contact de ses lèvres, il tenta de s’arracher du lit pour l’embrasser. Une sorte de clou transperçait son cœur et le matelas en mousse, l’empêchant de réaliser son envie. Il retourna dans le fond du lit, et la peau froide se recolla d’elle-même. La porte s’ouvrit, plusieurs infirmières débarquèrent avec du matériel dont une perfusion.

— Génial, je déteste ses machins.

Airi serra une de ses mains.

— Je suis là, ça va aller, murmura-t-elle.

Lorsque le tube entra dans ses veines, Ichi se crispa. Sans la présence rassurante d’Airi, avec sa phobie, il se serait débattu, se serait caché dans une armoire ou enfui à l’autre bout de l’hôpital.

— Airi pourquoi tu es là ?

L’infirmière injecta l’antidouleur, Ichi plongea dans le sommeil.

— Je suis désolé…

Elle quitta la chambre avec le personnel médical. De retour dans ce couloir, trop blanc à son gout, elle entendait Fumiko haussait la voix face à Shigeta.

— Arrêtez de me dire que ça ne me concerne pas ! Regarder dans l’état dans lequel il est, je ne sais pas si vous êtes là pour Abe, mais je sais qu’Abe semble chercher la même personne que vous ! Donc désolé, mais maintenant ça me concerne, donc je viens avec vous !
— Moi je ne suis pas contre, avoua Okuda en fixant ses seins du coin de l’œil.
— Bon d’accord, accepta Shigeta, mais je pose juste une condition. Tu ne poses aucune question. On t’expliquera les choses en temps et en heure, si on en décide.

Airi s’approcha d’eux.

— Vous allez faire quoi maintenant ?
— Nous, répliqua Shigeta, on va rencontrer le chef du clan Hosokawa.
— Le clan Hosokawa, répéta Airi.
— Le clan de yakuza qui dirige de la ville.
— Des yakuzas encore, génial, marmonna la lycéenne.
— Et vous, vous allez faire quoi, demanda Shigeta à Airi.
— J’ai deux trois choses à voire ici, puis je rentre à mon hôtel.
— Je vous conseille de ne pas y bouger. Et vous Mme Imagawa, on se retrouve demain à cinq heures devant le bar.
— D’accord.

.
— Êtes-vous sûr de n’avoir rien trouvé, rétorqua poliment Airi.

La jeune femme se trouvait à l’accueil de l’hôpital.

— Je suis désolé, mais votre nom n’apparait pas dans notre base de données.
— Vous avez essayé avec mon nom d’épouse ?
— Oui, même s’il est très peu probable que votre certificat de naissance ait été modifié.
— Mais ce n’est pas possible, je suis née ici, dans cet hôpital. C’est marqué sur mes papiers d’identité.
— Je suis désolé, mais votre certificat de naissance, ne fait pas partie de nos archives, donc vous n’êtes pas née ici.
— Vos archives, elles n’ont pas été détruites à cause d’un ouragan ou de quelque chose ?
— Non.
— Mais alors comment ça se fait ?
— Vous n’êtes pas née ici, mais peut-être qu’après votre accouchement on vous a amené ici, avec votre certificat de naissance. Une erreur a dû avoir lieu au moment de l’enregistrement.
— Donc ça veut dire que ce certificat de naissance était ici, s’arma Airi. Vous devez bien en avoir une trace ?
— Oui il était ici, mais non, il a dû être renvoyé à l’hôpital de votre naissance. Je suis désolé, mais il n’est pas ici.
— Ce n’est pas possible…
— Écoutez, je peux demander aux autres hôpitaux de la ville pour savoir s’il n’a pas été déplacé, mais s’il n’est pas sur nos ordinateurs, il y a très peu de chance qu’il soit à Fukuyama.
— D’accord, je vous remercie.

Dehors la pluie recommença à tomber servant d’unique compagnie à la jeune femme. Au milieu d’elle, parmi les milliers provenant des cieux, elle se sentit terriblement seule.

A-San
Niveau 10
12 mai 2019 à 21:20:17

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Chapitre 5 : À la poursuite du passé (1/3)
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Fumiko arriva dix minutes en avance. À une heure si matinale, le bar restait fermé, les employées occupaient les sièges du bureau de l’entreprise, à taper frénétiquement comme des robots sans âme sur les ordinateurs. Une des fenêtres donnait sur le trottoir, où attendait Fumiko. Alors qu’ils pensaient déjà à retourner en haut, boire, l’un d’eux les réunit à la fenêtre, observer cette déesse sexuelle. Le plus fort rayon du soleil éclairait sa grosse poitrine, à croire que même les dieux la mataient.

La chaleur d’été écrasante, suivant l’aurore, ne possédait rien d’agréable. « Dans quoi je me suis encore embarqué ? » se demanda-t-elle. La belle ne trouva pas le sommeil à cause de ses angoisses. Ichi venait de frôler la mort. Il la frôlait chaque jour, sauf, ce jour si particulier, où elle laissa son empreinte. Fumiko croyait toujours Ichi invisible, il déviait les balles des armes à feu, pouvait affronter n’importe quel ennemi, et dégainer plus vite que le vent. Le voir se faire rétamer, en deux secondes, brisa cette vision idéalisée, raison de plus pour l’inquiéter. Maintenant, elle ne se sentait plus en sécurité comme avant, le danger la caressait à chaque seconde. Alors qu’elle ne cessa de balayer son regard inquiet autour d’elle, à la recherche de la moindre hostilité, elle aperçut Okuda et Shigeta s’approcher. Okuda jouait avec son briquet, le carré d’acier naviguait entre ses doigts hypnotisant Fumiko, qui ne cessa pas de penser aux jeunes hommes. Une vidéo YouTube d’Hajime Shacho se jouait sur l’écran de Shigeta, captivant l’attention du policier.

— Putain, qu’il est con ce gosse.

Leur attitude, cool, détendue, allait au contraire de l’attitude inquiète de Fumiko, ce décalage la stressa, encore plus.

— Bien, ne perdons pas de temps, déclara Shigeta. Allons-y.

Aucun des deux possédaient de voiture. Aucune école ne voudrait d’un yakuza, et le poing d’Okuda avait plus de chance de cogner le visage de l’instructeur, que de presser le klaxonne. L’excuse de Shigeta était d’une tout autre nature. Hormis ses derniers temps, où les conflits perpétuels entre les yakuzas les sollicitaient énormément, un policier de n’importe quel service, hormis routier, travaillaient peu. Ses longues périodes de temps mort renforçaient l’administration, surtout le service de comptabilité, et celui de Tokyo retenait bien les leçons. Tout membre de la police de Tokyo possédait une voiture de service, à l’exception de Shigeta. Vrai citadin, il voyait rarement le calme de la campagne. Quand une affaire l’obligea de partir dans les villes reculées de la préfecture, ce dernier paniquait sur les routes vides sans danger. Durant l’enquête, il avait planté une dizaine de voitures, un chiffre trop élevé pour l’administration, qui décida de stopper les frais pour ses voitures de service. Avec son divorce et la garde de sa fille, il n’eut jamais l'occasion de consacrer de l’argent à ses boites de métal à quatre roues.

Les grands immeubles les cernant rappelèrent à Fumiko sa place minuscule dans le monde, elle qui contrairement à Shigeta avait connu que son petit village de Sera. Fukuyama l’impressionnait, d’une certaine manière, elle redécouvrait la vie dans un Nouveau Monde sublime.

— Je sais que je n’ai pas le droit de poser de question, mais j’en ai quand même une. Pourquoi Abe s’en est pris à Ichi ?
— Parce qu’il l’a défié, répondit Okuda. Abe aime bien prouver qu’il est le plus fort.

Une demi-heure plus tard, ils s’arrêtèrent à un passage piéton. Un gigantesque embouteillage de voitures se formait aux feux rouges. Fumiko n’en pouvait plus, le manque de sommeil l’impactait beaucoup. Les bruits des klaxons sonnants ci et là, la fumée émise des pots d’échappement, le beau corps d’Okuda, tous ses éléments la berçaient. Son cerveau déjanta, l’air se transforma en un matelas doux. Son équilibre se perdit dans les bras de Morphée, elle tomba en arrière, rattrapé par Okuda.

— Que se passe-t-il, s’inquiéta Shigeta.
— Ce n’est rien, j’ai juste besoin de quelque seconde pour…

Un bras du jeune yakuza passa en dessous de ses cuisses. Les pieds de Fumiko décollèrent du sol, sa tête vint se coller contre son torse musclé.

— Si on nous demande, on dit qu’on rentre de soirée et qu’elle est ivre.

.
— Allez princesse, il faut se réveiller.

Les mots d’Okuda agir comme un doux réveil. Les genoux du jeune homme servaient à sa tête de coussin de fortune. Le tissu de son pantalon de costume donnait un confort inattendu.

— Je suis où ?
— Sur un banc, Shigeta est parti nous chercher à manger au Wild Jackson, il va bientôt revenir.

Sa voix paraissait appartenir aux anges, résultat de ses talents de dragueur. La situation ne gêna pas Fumiko, l’envie de s’en dégager ne traversa pas son esprit, elle était si bien avec lui. Face à eux, de l’autre côté de la route, un grand mur protégeait une immense parcelle d’herbe, au milieu de laquelle, s’élevait l’imposant château de Fukuyama.

Son visage retourna sur le jeune homme. Une partie des cheveux du yakuza tombaient en avant camouflant ses yeux, cela lui donnait une forme d’aura mystérieuse. Beaucoup de passants circulèrent aux alentours, sans les remarquer. Ils étaient dans leurs bulles. Lors d’une tentative maladroite de se relever, elle posa une main sur son torse. Elle sentit les moindres lignes de ses muscles à travers sa chemise. Okuda sourit de sentir son entre-jambe entrait en érection. La chaleur monta entre les deux. Fumiko se l’avoua, Okuda ressemblait à son style de petit ami. Elle pensa pour rigoler, qu’il s’agissait d’une version d’Ichi avec des yeux et plus de muscle, « Si seulement tu pouvais être qu’à moi… », si Kloé n’existait pas, aucun doute elle l’aurait embrassé.

Au lycée, ragots et rumeurs étaient monnaie courante, on pouvait savoir tout de la vie des couples, comme dans un grand catalogue ou répertoire. Parfois, des filles apprenaient l‘infidélité de leur petit ami, de la sorte. La nouvelle les détruisait, Fumiko refusait de faire subir ce traitement à Kloé. Surtout qu’une méfiance naturelle se formait en elle, depuis la baffe d’Ichi. Elle succombait à moitié. Dans la nourriture, il existait ce fameux plat que nous aimions, sans trop comprendre pourquoi, ou celui qu’on aimait, mais qui possédait un arrière-gout étrange. Avec Okuda, elle avait cet arrière-gout. Ce dernier ne pensait qu’à la sauter, et elle le sentait, elle sentait le truc dur entre ses jambes.

Son excitation ne dura pas longtemps, Shigeta revint du Wild Jackson avec des menus à emporter.

— Salut !

Il leur donna chacun un petit sac marron, sur lequel se trouvait l’enseigne de l’établissement, un géant dessin de poulet habillé en cuisinier. À l’intérieur, ils trouvèrent des frites et des nuggets, ainsi que de l’eau en bouteille.

— Bon appétit !

Okuda se jeta sur la nourriture comme Fumiko, les deux jeunes étaient affamés. En mangeant, une question importante vint frapper l’esprit de la lycéenne.

— Attendez, il est midi, mais vous n’avez pas parlé au patron du clan Hosokawa ?
— Non pas du tout, l’informa Shigeta avec la bouche pleine. Pour te dire la vérité, on doit le voir d’ici trente minutes.
— Quoi ? Pourquoi m’avoir fait lever aussi tôt ?
— J’aime bien repérer un itinéraire de repli et étudier un peu le terrain, cinq ans dans les forces d’intervention, ça forge.
— Ce que Shigeta essaye de t’expliquer, c’est qu’il s’est trompé sur l’heure du rendez-vous. On aurait pu dormir largement plus longtemps, vieux abruti.
— La ferme le gosse, ou je te coffre pour outrage à agent.

Ils essayaient de faire passer leur petite dispute pour une rigolade. L’hostilité régnait entre eux, la cohabitation entre un flic et un yakuza se déroulait rarement bien, eux deux ne faisaient pas exception à la règle.

— Sinon, les interrompit Fumiko, où c’est ?
— En face.

Fumiko regarda devant.

— Attendez ici, s’exclama-t-elle en pointant le château du doigt.
— Oui m’dame, affirma Shigeta.
— Mais comment c’est possible ?
— Je ne connais pas les détails. Il a été détruit par un tremblement de terre. À l’époque, à cause d’une polémique sur la provenance des fonds utilisés par le gouvernement, ils ont renoncé à le reconstruire. Mais une entreprise privée s’en est chargée, en achetant le terrain. On ne sait pas si elle était directement liée au clan Hosokawa, il est possible qu’il ait été revendu après la reconstruction ou pas. Aujourd’hui c’est leur quartier général et la résidence personnelle de leur chef.
— Je vois… On vit vraiment une époque particulière. J’aurais bien aimé moi aussi vivre dans un château.
— Dépêchons-nous de finir de manger.

Leur bouche déchiqueta le reste de la nourriture. Le moment venu, ils se présentèrent au portail d’entrée. Une sensation froide escalada le dos de Fumiko. Shigeta et Okuda paraissaient sérieux dans leurs habits, à côté d’eux, elle se trouvait complètement ridicule, dans son uniforme d’étudiante. Une sensation de mal-être se planta dans son esprit, elle se représentait comme une fille de l’ancien temps, amené pour conclure une alliance entre deux seigneurs de guerre, une simple décoration pour sceller une alliance grâce à un mariage. Les choses paraissaient bien plus simples, dans les temps anciens, surtout à l’époque des dieux. Ils suffisaient de demander pour pouvoir pénétrer le vagin d’une femme, pas besoin de faire la cour pendant des mois, une petite chanson et hop dans le lit, ou encore parfois les dieux ne demandaient même pas. Fumiko s’en rappelait tellement du Kojiki, le texte qui relatait l’histoire des dieux, dès les premières pages les dieux baisaient, elle ne se rappelait pas le nombre de liste des femmes des dieux et de leurs progénitures, tellement ils en existaient.

A-San
Niveau 10
12 mai 2019 à 21:23:03

Chapitre 5 : À la poursuite du passé (2/3)
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Un yakuza se présenta à eux face aux grands portails de bois sculpté. La scène représentait la bataille entre Susanoo et le Yamata-no-Orochi, une bataille pas épique, car Susanoo avait enivré le dragon à huit têtes grâce à du saké. Il suffit juste de l’achever, et accessoirement kidnappé la fille qui devait être offerte à cette bête dans l’optique de la sauter, et pas qu’une fois. La seconde partie du portail représentait quant à elle, une nouvelle fois Susanoo moins jeune, plus âgé. Un bandeau peint en or recouvrait ses yeux, le dieu de la tempête combattait un immense tigre avec son katana, la posture figeait le moment fatidique où les deux opposants s’apprêtaient à donner un coup fatal.

— Avant d’entrer, je vous prierais de donner toutes les armes que vous avez en votre possession.
— Shigeta…
— Je n’ai pas d’armes.

Le policier leva les mains en l’air. Après une rapide fouille au corps de chacun, on les autorisa à pénétrer dans l’enceinte. Fumiko n’eut pas à subir de main baladeuse, à défaut des autres il paraissait si respectueux face à sa beauté.

Un chemin de terre parcourait l’immense parc, jusqu’au seuil de la porte du château.

— Pourquoi vous ne m’aviez pas dit que vous n’aviez plus votre arme ?
— Cela me semblait évident. On ne va pas voir un chef armé, c’est mal poli. Arrête maintenant de faire l’enfant et concentre-toi Okuda. Je te rappelle que tu es un chef maintenant, tu représentes tes hommes parce que tu es leur chef. Et, de ce fait, tu vas te retenir de faire le con, car tu es un chef. Et sache avant tout chef, que moi je n’ai pas de chef, et qu’au niveau de l’ancienneté je suis ton chef, donc en tant que ton chef j’ai le droit de botter tes fesses de chef. Est-ce que le chef à bien comprit ?
— Putain de vieux gamins…
— Entre toi et moi, honnêtement t’es le plus mal placé pour faire cette réflexion.

Fumiko ne prêta aucune attention à la dispute. Ses yeux restaient émerveillés par la beauté de ce lieu, le jardin était magnifique. Un petit lac se trouvait à la gauche du chemin, au centre, un amas de terre formait une petite ile sur lequel se trouvait un petit autel shintoïste, entouré par les arbres, le cachant des regards extérieurs indiscrets.

La réalité la rattrapa bien vite, à la fin de la promenade. Les trois furent invités à se déchausser, pour ne pas abimer les tatamis. Ils parcoururent un petit couloir guidé par une domestique, vêtue d’un kimono rouge. Un autre jardin se trouvait au centre de la propriété, une petite cour intérieure qu’ils longèrent. Les murs étaient tapissés de papier de riz. Dans une salle, une jeune vierge, dont les parents étaient endettés auprès du clan Hosokawa, venait de vendre sa virginité pour rembourser leurs dettes, comme une dizaine d’autre entre les murs du château. Une salle au sommet se consacrait entièrement à cet usage.

La domestique s’agenouilla face à un panneau, qu’elle fit coulisser.

— Je vous en prie.

Le trio entra. Sur une petite estrade reposait assis en tailleur Uesugi Ikaku, le quatorzième chef du clan Hosokawa, recouvert d’un kimono noir avec des bordures dorées. En bas de l’estrade se trouvait son second, Oda Ibiki habillé de manière plus conventionnelle avec son costume vert et sa chemise noire, il était bien plus jeune que son patron dans la trentaine d’années.

— M. Uesugi nous vous souhaitons le bonjour, le salua Shigeta en se prosternant face à lui.
Okuda et Fumiko le suivirent dans son mouvement. Le chef réalisa un geste de la main, signe de sa toute-puissance, pour les inviter à s’assoir.
— Je crois que vous souhaitiez vous entretenir avec nous, car vous vouliez nous soumettre vos interrogations, insinua Uesugi.
— C’est exact, je suis Shigeta Shinpei membre de l’unité qui lutte contre le crime organisé à Tokyo. Voici, Okuda Kazuma le nouveau chef du clan Otomo.
— Et elle, demanda Uesugi en pointant Fumiko de la main.
— Elle est une civile.
— Vous êtes Imagawa Fumiko, la fille du chef du clan Imagawa, déclara Oda.

Son cœur sauta dans sa poitrine. Elle sentit la surprise d’Okuda et Shigeta.

— Oui c’est exact, prononça-t-elle lentement. Ravie de vous rencontrer, mais je suis juste une civile. Je n’ai rien à voir avec les yakuzas, et j’aimerais qu’ici on me tienne à ce statut.
— Enfin, passons, nous ne sommes pas là pour elle, reprit Shigeta.
— Je vous prierai de faire brève, car voyez-vous, mon patron doit partir en vacances juste après notre entrevue.
— D’accord, nous n’irons pas par quatre chemins. Nous aimerions savoir si vous avez vu l’ancien patron du clan Otomo ses derniers temps ?
— Otomo Aiichirō ?
— Non pas celui-là, Otomo Minato.
— Non je suis désolé, il n’est jamais venu ici.
— Très bien, dernière question. Aujourd’hui qu’elles sont vos intérêts pour Kabukichō ?
— Je vois où vous voulez en venir, clama Oda. Vous pensez qu’on est lié à la mort d’Otomo Aiichirō ?
— Je n’ai rien déclaré de semblable, protesta le policier.
— Alors pourquoi une-t-elle question à mon patron, s’injuria-t-il.
— Votre ancien patron avez tenté de s’emparer d’une partie de Kabukichō, il y a deux ans.
— Oda calme toi, effectivement, mon ancien patron a tenté de prendre le contrôle d’une partie de Kabukichō, mais je ne suis pas dans l’optique de continuer à suivre ses convictions. Le passé est le passé.
— Je vois. Dans ce cas nous ne vous embêtons plus. Sur vos belles paroles, je crois que nous avons terminé. Au revoir et bonne vacance.

Shigeta se releva, l’esprit d’Okuda se remplit d’incompréhension, mais il suivit son partenaire dans un silence total, Fumiko se contentait d’observer le regard des deux.

Une fois dehors, Okuda attrapa Shigeta par sa cravate.

— Qu’est-ce que tu as foutu, on n’a rien appris du tout espèce de vieux con !

Le policier le repoussa violemment.

— Réfléchis, on ne peut pas poser les questions que l’on veut sans signer notre arrêt de mort, on doit la jouer plus fine. Allons au bar, on discutera là-bas.
— Avons, nous pourrions faire un petit détour à l’hôpital, proposa Fumiko.

A-San
Niveau 10
12 mai 2019 à 21:26:49

Chapitre 5 : À la poursuite du passé (3/3)
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L’électrocardioscope se mit à s’agiter. Airi au chevet d’Ichi paniqua. Le bruit commença à s’accélérer, il partait. La jeune femme tenta d’appeler les médecins, personne ne se présenta. Dehors le monde s’obscurcissait, la lumière mourrait pour laisser place aux ténèbres. Airi prit Ichi dans ses bras, la machine s’agitait de plus en plus.

— Ne meurt pas Ichi je t’en prie !

La fenêtre s’ouvrit dans un grincement horrible. De l’obscurité une silhouette se détacha, une main attrapa le rebord se hissant à l’intérieur de la chambre. Une forme ténébreuse représentant une femme s’approcha d’elle. Les montagnes sur l’écran se transformèrent en une plaine. Entre ses bras le corps de l’aveugle fondu en sang.

— Je vais me réveiller, je vais me réveiller, je vais me réveiller…

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Sengoku accourut auprès d’Airi, elle hurlait de toute ses forces.

— Réveille-toi !

La jeune femme ouvrit les yeux, des larmes de sang roulèrent sur ses joues. Son souffle ralenti, retrouvant un semblant de calme. Depuis sa rencontre avec Ichi, ses cauchemars agissaient violemment sur elle.

— Je sors.

Sengoku la regarda agir se démêler de ses bras sans trouver une chose à dire. Il n’était pas doué avec les femmes.

— Airi, tu devrais…
— C’est madame Matsuba pour vous, je vous rappelle, ne m’obliger plus à le mentionner.

Il attrapa son bras pour la retenir, le regard de cette fille se transforma en regard qui en disait long, « Retiens-moi une seule seconde de plus, et je te jure que je te fous dans un fauteuil roulant pour le restant de tes jours », pouvait-il y lire.

— Laisse-la partir Sengoku, requêta Otomo depuis sa chambre. Elle a besoin de respirer.

Airi voulait partir retrouver Ichi. Cette drôle de femme en noir occupait l’intégralité de ses pensées, dévorant certains de ses souvenirs, dont la route de l’hôpital. Par dépits, elle partit au bar chargé de l’espoir d’y retrouver Fumiko.

Son cœur battait aussi fort que ses pieds à l’impact contre le sol en béton. « Et si Ichi était mort ? », ses foulées commencèrent à accélérer de plus en plus vite, en même temps que son pou.

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La patronne, Okuda, Shigeta et Fumiko découvrirent une Airi transpirante à grosse goutte.

— Bonjour tout le monde…

Fumiko s’approcha d’elle, prête à la rattraper si elle tombait dans les pommes.

— J’aimerais aller voir Ichi.
— Tu ne peux pas Airi.
— Quoi ? Mais pourquoi ?

Ses mains attrapèrent les épaules de la lycéenne.

— Pourquoi ? Il s’est passé quelque chose, s’affola-t-elle en hurlant.
— Non pas du tout calme toi. On est allé le voir, on en revient justement, les médecins lui ont donné un antidouleur puissant, il va dormir le restant de la journée, encore une fois.

Fumiko aida Airi à s’assoir au comptoir. Elle avait passé une grande partie de la journée à dormir, pourtant, elle se sentait encore fatigué. Ses cauchemars ne la reposaient pas.

— Patronne, ça ne vous dérange pas que je dorme ici un moment ?
— Tant que vous ne recommencez pas à baver sur mon comptoir ça me va.

Airi mit sa tête entre ses bras.

— Elle a quoi, demanda Shigeta.
— Elle est beaucoup stressée en ce moment.

Deux minutes plus tard, Airi ronflait.

— Bon et maintenant nous, on fait quoi ? Vous avez vu celui que vous vouliez voir, c’est quoi la suite ?
— Uesugi ment.
— Merci, monsieur le génie, railla Okuda.
— Je te remercie de la remarque.
— Alors on fait quoi, répéta Fumiko.

Airi simulait bien, ses oreilles écoutaient la conversation.

— On va voir la personne qui déteste le plus Uesugi. Il pourra nous aider à trouver nos réponses.
— Écoutez, je comprends que vous ne vouliez pas me dire la raison pour laquelle vous faites tout ça, mais si vous voulez que je vous aide. Je pense que je mériterai de connaitre certains détails.

Shigeta marqua une petite pause pour bien dévisager Fumiko. Entre elle et Okuda, il la préférait, rien que son attitude avec Uesugi témoignait d’une certaine forme de maturité, qu’Okuda n’avait pas.

— Euh… non.

A-San
Niveau 10
13 mai 2019 à 21:23:44

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Souvenir 2 : Bienvenue
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Fuchū, restaurant de rāmen d’Airi, 2015 :

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La pancarte « ouverte », attachée à la porte d’entrée, s’affichait fièrement sous le soleil de midi. La première journée d’ouverture, la propriétaire Airi se rappela toutes ses galères, les nombres d’heures à bosser dans les konbinis, le nombre de soirs où elle avait joué les hôtesses, ou les serveuses de thé pour un célèbre cabinet d’avocat, cet argent, tout cet argent gagnait grâce à ses boulots minables étaient partis dans l’acquisition de l’établissement. Elle s’excita à l’idée de ce nouveau départ, loin de son petit ami et d’Hiroshima. La seule chose qu’elle craignait, la routine, une nouvelle routine qui avec le temps pouvait se révéler ennuyante. Pour l’instant, elle ne pensait pas à cette optique, juste au moment présent à s’imaginer la tête de son premier client.

Dans un endroit comme Fuchū, les gens n’affluaient pas trop à l’intérieur des établissements locaux, il fallait dire que de plus en plus de monde fuyait la campagne en direction des villes. Les débuts seront donc difficiles. Airi ne rêvait pas de gloire, tant qu’elle pouvait remplir les bols des clients, et les siens, cela suffisait.
Une plaque chauffante s’alluma.

— C’est ouvert ?

Son premier client entra. À sa plus grande surprise, il était blanc, surement un touriste de passage, en direction des tristes sites touristiques d’Hiroshima.

— Bienvenue. Oui je vous en prie, par ici.

La patronne l’installa à une des tables très proches du comptoir.

— Des rāmens s’il vous plait.
— Très bien.

Ils tombèrent dans l’eau bouillante. La cuisson durait un moment, gêner de l’ambiance silencieuse légèrement recouverte d’une musique japonaise disco des années 70, elle discuta avec son client.

— Dites, monsieur, vous êtes un touriste ?
— Non pas du tout, mais j’étais en vacances, on va dire. Cela vous dérange, demanda -t-il en montrant une cigarette.
— Je vous en prie.

Une petite flamme sortit de son briquet. À la combustion du tabac, un immense nuage de fumée se dégagea. Entre ses bouffés, elle le regarda plus en détail. Visiblement, il ne possédait pas l’âge pour pouvoir fumer, loin de là. Il ressemblait à un adolescent qui devrait porter un uniforme de lycéen, au lieu de son pantalon de costume gris et de sa chemise noire, dégageant l’aura que seuls possédaient les adultes. Certains de ses traits allèrent dans ce sens, trop pour être naturel. Airi n’arrivait pas à l’expliquer, cette étrange sensation, elle se méfia, son client devait être une sorte de voyous de bas étage, un adolescent en crise entre seize et dix-huit ans qui voulait jouer aux gangsters, ou dans le pire des cas un psychopathe.

— Je viens de Tokyo avant que vous demandiez.
— Et vous avez quel âge ?
— Seize ans.

Sa réponse surprit la patronne, elle ne s’attendait pas du tout à ce qu’il soit honnête. Elle s’en méfia encore plus. À chaque passage auprès de sa table, elle se tenait prête à agir, si jamais il décidait de s’amuser avec elle. Cette panique provenait de la méfiance naturelle d’Airi à l’égard des êtres humains de ce bas monde, plus particulièrement envers les hommes. Son unique relation amoureuse, l’avait marqué, au sens figuré, et au sens, propre.

— Vous dites que vous étiez en vacances ?
— Oui, je me prépare à rentrer à Tokyo.

Son japonais excellait, aucun accent et aucune faute.

— Pourquoi vous êtes partis en vacances ?
— Enfin, vacance est un grand mot. J’ai plutôt pris une sorte de congé forcé.

Sa voix insista sur le mot « forcé » sous-entendant beaucoup de choses. La maladie, la prison ou n’importe quelle raison pouvait sortir de la bouche du jeune inconnu.

— Et vous, votre restaurant est ouvert depuis longtemps ?
— Non pas vraiment. Et vous qu’est-ce qui vous à amenez à prendre un congé forcé ?
— Vous avez des toilettes ?

Airi indiqua avec son doigt une porte derrière lui. Ses questions ne comportaient aucune marque d’intérêt. Elle le savait quelque chose ne tournait pas rond.

Pendant ce temps, les rāmens finirent de s’imprégner de l’eau bouillante. Les pattes délicieuses se déversèrent dans un petit bol. La vapeur s’envola imprégnant les contours de son visage. Cela ne la réchauffa pas, les gouttes qui coulèrent de sa peau étaient froides. Cet étranger, elle ne l’aimait pas.
À son retour, sa commande se trouvait à sa table. Le plat bouillonnait d’une chaleur proche à celle du soleil, pourtant, quand il les porta à sa bouche, aucune réaction de douleur se lisait sur son visage.
De son comptoir, la patronne vu cinq autres hommes en costume arrivés. Airi ne douta pas de leur identité, sa main se referma sur un couteau de cuisine.

— Salut, tu es nouvelle ici ?
— J’ai déjà payé, répondit-elle.
— Pas nous…

Chaque commerçant devait payer une taxe de protection aux yakuzas, elle le savait, elle venait du milieu, personne ne pouvait l’embrouiller sur ses points.

Son client ne bougea pas d’un pouce. Son attitude insupporta le plus frustré des cinq.

— Hé, tu ne voudrais pas nous laisser, on a des trucs à règle ici, demanda un des yakuzas.

La troupe le fixa du regard, il les ignorait. Un s’assit sur la chaise voisine à la sienne.

— Tu es sourd ou quoi ? On t’a dit de dégager !

Il balança le reste de son bol sur le visage du voyou. L’eau brula légèrement sa peau. La douleur l’envoya au sol, accompagné d’une flopée d’insulte raciste.

— Désolé, il m’a échappé des mains, mentit l’inconnu en les regardant comme un idiot.
— Tu ne vas pas nous faire croire ça !

Il se leva de sa chaise. Les yakuzas se préparèrent à se battre. Airi garda un calme exemplaire, une bagarre dans son restaurant risquait de couter cher en termes de réparation.

— Dans ce cas, continua le client, allons régler notre différend dehors.
— D’accord !
— Je vous préviens, ça va se passer mal, conclut l’inconnu en craquant ses poings entre eux.

La patronne les regarda partir. Ils n’allèrent pas loin, juste en face. Grâce à la grande vitre à l’avant de son établissement, elle pouvait observer la scène. Si sa méfiance résistait au fond d’elle, le courage de cet homme l’impressionnait, ses doigts se refermèrent sur le couteau, paré à l’aider en cas de danger. Sa corpulence ne ressemblait pas à celle d’un combattant endurci, il était maigre à croire qu’il était mal-nourri. Le moindre coup bien placé l’enverrait au sol pour un bout de temps.

Vingt secondes plus tard, les autres yakuzas arboraient un visage en sang. Leurs jambes de briser, ils rampèrent fuyant ce type si rapide, si inhumain.

— C’est un putain de démon !

Airi n’en revenait pas, encore moins quand il retourna à l’intérieur pour payer son repas. Il se proposa même de nettoyer les quelques gouttes d’eau qu’il pouvait avoir accidentellement renversées sur le parquet. Il la laissa sans voix.

— Non, je ne peux pas accepter…

Il venait de lui sauver probablement la vie, lui demander de faire le ménage était insultant. Il la salua, Airi se toucha les cheveux tellement elle était embarrassée.

— Comment vous appelez-vous, demanda-t-elle à son sauveur.
— Otomo. Otomo Aiichirō.

A-San
Niveau 10
15 mai 2019 à 16:51:58

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Chapitre 6 : Le dragon de Fukuyama
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Airi se réveilla à cause de Sengoku, lavant les assiettes de son repas bon marché, la forçant prématurément à sortir de son rêve avec Aiichirō. Dès qu’elle eut le malheur de faire le moindre bruit, Sengoku se concentra sur elle.

— Bonjour !

Sa voix perça les oreilles d’Airi, toutes ses capacités se remettaient lentement en marche, sa barrière de tolérance envers cet être ignoble se formait à peine.

— Bien dormi ?
— Oui, on va dire…
— Je peux vous poser une question ?

Airi ne répondit pas, car peu importe sa réponse, cela n’aurait rien changé.

— Vous trainez avec qui ?
— Des amis, enfin, des gens que je connais…
— Oui, je vois.
— Attendez est-ce que m’avez suivi ?

Le regard de Sengoku s’enfuit de celui d’Airi. Il cherchait ses mots, puis répondit sèchement.

— Non.
« D’accord » pensa-t-elle.
— Otomo est déjà réveillé, demanda la jeune femme.
— Oui.

Elle se leva en snobant Sengoku qui attendait un remerciement. Elle frappa, quatre fois, à la porte du vieillard.

— Entrer !
— Excusez-moi de vous déranger.

Elle ferma la porte, pour éviter de faciliter la tâche aux oreilles baladeuse de Sengoku, même si elle ressentait sa présence derrière le bois, cela suffisait à l’aider à respirer, un meilleur air.

— Que veux-tu ?
— Je voulais vous présenter mes condoléances pour Aiichirō.

Le vieil homme pencha sa tête vers le sol, le regret remplit son verre d’émotion un court instant.

— Donc tu me connais ?
— Oui, je vous ai vue à la télé…
— Tu es bien la première à me le dire pour Aiichirō, ricana-t-il avec un immense sourire forcé. Vous avez vu ça aussi aux infos ?
— Oui…

Le visage d’Airi se referma dissimulant sa tristesse derrière ses traits, malgré ses talents, elle ne réussissait pas à le cacher dans ses yeux.

— Tu en fais des yeux. Qu’est-ce qui se passe, tu l’as connu ?
— On va dire d’une certaine façon…
— Il ne m’a jamais parlé de vous. Vous vous êtes rencontrés comment ? A ma connaissance le peu de femmes qu’il fréquentait été des hôtesses ou des prostitués.

Otomo plaisantait bien évidemment, sauf qu’Airi ne prit pas sa plaisanterie par le bon bout. Le mot « prostitué » résonna en elle, en fonction des événements des derniers jours, elle se demandait si elle n’en était pas une. Otomo remarqua sa mauvaise tête.

— Hé, je rigole…

Airi sortit le tanto d’Aiichirō, d’habitude elle l’attachait à son jean et le cachait sous son t-shirt. Hormis pour se défendre, elle sortait rarement ce petit trésor qu’elle chérissait. Son bras tendit l’arme au vieil homme. Il l’examina un moment, l’empoignant par le manche, toujours décorait de ses démons en or.

— Il me disait qu’il l’avait perdu depuis longtemps.
— Il l’a laissé, lors de sa visite dans l’établissement dans lequel je travaillais. C’était mon premier client. Il avait fait du grabuge donc il me l’a donné en guise d’excuse.

Otomo redonna la lame à la jeune femme. Elle y tenait beaucoup. Une sorte de souvenir d’une période de sa vie perdu à jamais.

— Pour toi, il était quoi ?
— Un héros…

Le visage d’Otomo se déforma de surprise.

— Et pour vous ?
— Un sacré con, répondit-il sèchement.

Un silence entre eux s’installa, Airi avait la tête vide, elle ne savait plus du tout quoi penser.

— Je sors.

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Le trio arriva dans une longue petite impasse tranquille, entourée de bar ou de club minable.

— Ce Takeda se trouve là ?
— Oui Okuda, dans le petit bâtiment au fond.
— Je ne sais pas pour vous, mais moi je dis que ça ressemble beaucoup à un piège, supposa Fumiko. Si on doit faire face à une embuscade, on n’aura pas le choix, il faudra se battre.
— Ne t’inquiète pas, s’exclama Okuda, on s’en sortira si ça arrive.

Le groupe s’enfonça dans la rue. Fumiko guetta le moindre bruit suspect, alors que ses deux camarades restaient très décontractés, comme à leur habitude. Une fois devant le quartier général du clan Takeda, la jeune fille accéléra pour être la première à rentrer.

À l’intérieur, ils arrivèrent dans une petite pièce sentant le vieux, uniquement composé d’une table basse avec quelque cousin. Sur un des murs de pierre fissurés proche de l’entrée, un magnifique cadre. Sous le verre, une main de dragon tenait une petite lune avec les kanjis composant le nom « Clan Takeda » de gravait sur sa surface. Au fond de cette ancienne pièce, un escalier permettait d’accéder à l’étage.

— Et c’est tout, s’étonna Okuda.

Shigeta alla s’assoir à la table avec Fumiko, le chef resta à la porte, l’air indigné de recevoir cet accueil misérable, il préférait largement être accueilli dans le luxe d’un château.

— M. Shigeta, vous êtes sûr que M. Takeda nous aidera ?
— Oui, j’en suis persuadé. Lui et Uesugi ne sont pas très amis.
— Comment ça ?
— Uesugi est en grande partie responsable du déclin qu’a subi Takeda, raconta-t-il en faisant naviguer sa main dans la pièce pour désigner l’endroit misérable où il se trouvait. Avant, il dirigeait le plus grand clan de la ville, mais quand Uesugi est arrivé au pouvoir, il s’est méfié de lui et a réduit son influence, jusqu’à ce qu’il ne soit quasiment plus rien.

— Je comprends. Les années n’ont pas été clémentes avec lui. Il lui reste quoi aujourd’hui ?
— Hormis cette petite impasse quasiment plus rien.

Un homme, plutôt âgé, descendu des escaliers.

— Mon chef est prêt à vous recevoir, par ici, je vous prie.

À l’étage, ils passèrent dans un petit couloir jusqu’à une chambre. Okuda ne se gêna pas pour râler à voix basse, jamais on ne recevait un chef de clan dans une chambre.

— Chef veuillez m’excuser, vos hôtes sont arrivés.

On les fit rentrer. Fumiko fut surprise, elle ne l’imaginait pas aussi vieux, et aussi jeune à la fois. Vieux dans l’âge, et jeune en apparence, ses cheveux ressemblaient à ceux d’Aiichirō, avec du volume sur le dessus, en beaucoup plus gris, et une petite moustache fine très taillée. Elle se l’imaginait sans problème chanter dans un groupe de métal.

— Bonjour M. Takeda, dit en première Fumiko suivie de Shigeta puis Okuda.
— Merci, Kazuki, tu peux nous laisser maintenant.

Takeda était assis sur un futon blanc, accoudé à une petite table sur laquelle se trouvaient plusieurs magazines X, accompagnés de petite sucrerie gourmande. Sa tenue se composait d’une chemise rouge, et d’un pantalon de costume gris clair.

Le trio s’assit face à lui. Takeda s’alluma une cigarette, avant d’en proposer au groupe, seule Fumiko déclina respectueusement son offre.

— Donc si j’ai bien compris, vous voulez que je vous aide à enquêter sur Uesugi ?

Les deux fumeurs tiraient une latte à ce moment, Fumiko, un peu gênée de faire attendre Takeda, prit le relais.

— Oui, c’est cela. Nous sommes persuadés qu’il serait lié à la mort d’Otomo Aiichirō, mais nous n’avons aucune preuve pour l’instant, déclara la jeune fille. Et en ce qui concerne vos intérêts ?

Fumiko regarda dans un éclair furtif Shigeta, ce dernier semblait tout relaxer alors qu’Okuda paniqua à l’idée de devoir verser de l’argent à un type pareil.

— Ne vous inquiétez pas, si vous me donnez l’occasion de pouvoir rendre l’appareil à Uesugi ça me va largement. En attendant, je m’appelle Takeda Toshio, ravie de vous rencontrer !

A-San
Niveau 10
15 mai 2019 à 16:52:43

message temporaire

Petit message, comme annoncer, les chapitres qui sortiront entre le mercredi 15 mai et le mardi 21 mai inclut, seront publiés entre 16h et 17h.

A-San
Niveau 10
17 mai 2019 à 17:02:28

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Chapitre 7 : Un coup dans le cœur
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Dès que les premières lueurs d’activité apparurent dans ses yeux, aux alentours de midi, Airi se précipita à l’hôpital. Son esprit ne cessa de remercier Fumiko de ses indications. Dans les couloirs blancs, les bruits des brancards, accompagnés de ceux causés par les différentes machines, ravirent ses doutes. Celons Fumiko d’après les médecins, l’état d’Ichi s’améliorer, dans leurs visions des choses, raison d’angoisser du point de vue d’Airi. D’une manière ou d’une autre, elle accordait sa confiance à trop peu de personnes, pour ne pas se retrouver à angoisser pour oui ou pour un non.

La jeune femme pensait beaucoup, une sorte d’impression de douceur mélangée à un gout amer se trouvait dans sa bouche. Elle voulait voir Ichi, sans savoir quoi dire. De plus, elle était persuadée de ne plus pouvoir se tenir face à lui sans perdre le contrôle de ses sentiments.

Un médecin entra avec elle dans la chambre, il changeait des poches de médicament sur la perfusion. Une fois seul, Airi saisit une des mains de l’aveugle pour la faire caresser son visage. Sentir sa peau sur elle, accéléra son cœur, une petite larme s’échappa de son œil, elle n’en pouvait plus de le voir dans cet état. Ichi dirigea un de ses doigts, séchant délicatement sa larme. Depuis s’être ôté la vue, il ressentait beaucoup plus les émotions d’autrui. Il colla la tête d’Airi contre son épaule. Ses sanglots tachèrent l’obscurité de son kimono.

— J’ai tellement eu peur Ichi…
— Je sais Airi…

Une des mains caressa ses cheveux pour la consoler. Airi en avait besoin, elle avait besoin de lui, de sentir la chaleur de son corps contre elle, aujourd’hui plus que jamais. Ses ongles firent glisser le bandeau blanc de ses yeux. Sa longue cicatrice apparut sous la légère lumière éclairant Ichi. Il brillait.

Un docteur entra alors que les deux s’enlaçaient.

— Je vous dérange, demanda-t-il.

Airi surprise se leva brusquement. Encore un type qui s’ajoutait à cette longue liste, de personne qu’elle n’aimait pas.

— Non pas du tout, grogna-t-elle.

Le médecin afficha un sourire rempli de sous-entendu.

— Ne vous inquiétez pas, il pourra sortir d’ici quelques heures.

Il se dirigea avec deux poches de liquide vers la perfusion d’Ichi. Airi qui jouait avec les extrémités du bandeau blanc, glissant entre ses doigts, trouva cela louche, surtout quand il enleva les poches installé cinq minutes avant.

— Excusez-moi, mais un de vos collègues les a changés il y a quelque minute.

Elles étaient encore pleines, Airi saisit la canne de l’aveugle une main sur la poignée, un mauvais pressentiment la hantait.

— Ne vous inquiétez pas, c’est un somnifère. On va lui faire passer un dernier examen.

Le docteur sortit d’une de ses poches, un scalpel, en laissant le liquide couler le long du petit tube en plastique. Airi dégaina le sabre, la lame passa au-dessus d’Ichi pour couper sa perfusion, par chance, aucune goutte ne rentra dans sa circulation sanguine.

Le faux docteur se précipita sur elle, la pointe du scalpel pénétra dans sa poitrine. Ichi était toujours en mauvais état, mais à l’odeur du sang d’Airi, une rage exceptionnelle l’envahit. Alors que son sabre et Airi tombèrent, il se jeta sur son ennemi, l’envoyant au sol avec lui. Le bras tenant le scalpel se tordu sous sa fureur, jusqu’à être désarticuler, plusieurs morceaux des os transpercèrent la chaire. Le bout de la canne s’abattit sur le visage apeuré du docteur. Dans la lutte, les yeux d’Ichi laissèrent échapper une couler de sang, donnant un aspect inhumain à l’aveugle. Les globines giclèrent de partout, Ichi exprimait une violence déchainée, quasiment animale. Au fond de ses orbites vides, une lueur rouge en émana. Quand le faux docteur hurla de douleur, Ichi planta sa canne à l’intérieur écrasant sa langue. Airi, toujours consciente, observa la manière dont Ichi arracha sa mâchoire du reste de l’os, à l’aide de sa canne utilisé comme levier. Il ne s’arrêta pas là, une fois les os séparés, il saisit le bas, et tira. Les bouts de chairs se déchiquetèrent, quand tout lâcha, une immense giclé de sang recouvrit Ichi. Malgré cela, sa fureur n’était pas satisfaite, elle continua à se déchainer. La pointe du scalpel encore taché du sang d’Airi, s’enfonça au milieu de son buste. Sa langue séparée du reste de sa bouche, se recroquevilla à croire qu’elle hurlait. Son cœur fut transpercé, et il mourut enfin.

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Okuda finit son verre.

— Encore un, patronne !

Le groupe campait au bar, avec Kloé et Sayuka pour passer le restant de la journée ensemble. L’ambiance était particulièrement tendue, Okuda tourner le dos à Kloé, Sayuka jouait avec son ours à l’écart des autres, puis Shigeta parlait avec Fumiko au comptoir.

— Takeda semble être un bon gars finalement, confirma-t-elle. On fait quoi maintenant ?
— On se branle, dit Okuda.

Shigeta et Kloé lancèrent un regard noir à Okuda, ses mauvaises blagues insupportaient le policier, tandis que Kloé ressentait ces dernières comme un remuement d’un poignard dans le cœur.

— On va attendre. De toute façon, je ne vois pas quoi faire d’autre. On n’a aucune piste à suivre, déplora Shigeta.

Fumiko contempla avec désespoir l’ambiance maussade, régnant à l’intérieur du bar.

— Et si on sortait, proposa-t-elle.

Un gigantesque bruit provenu de la porte. Elle s’ouvrit doucement, Ichi apparut, sur ses épaules Airi complètement ensanglantées.

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Sujet : ICHI ZATO Pur amour à Kabukichō
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