Rahine tapa dans ses mains avec réjouissance en sautillant de plaisir.
- Ca, c’est le bon esprit, mon frère ! Je vous aime déjà ! Ah… suivez moi histoire que je vous montre tout de même un peu à quoi ressemble votre demeure temporaire.
Rahine me reprit par la main et me tira dans les profondeurs de la mystérieuse grotte souterraine abritant le sanctuaire de Balmora.
J’étais particulièrement impressionné par sa taille, il faisait au moins dix fois la taille de celui de Cheydinhal et je ne voyais que la caverne centrale. Les flambeaux plantés partout dans le sol et les murs émettaient une lueur bleue qui inondait les ténèbres de la grotte pour tout éclairer. Comme je l’ai dis plus tôt, plusieurs énormes maisons de pierres se dressaient dans cet endroit incongru ce qui permettait d’achever cette sensation de démesure totale.
Rahine me désignait du doigt les bâtiments un à un.
- Alors… ici vous avez les quartiers des assassins, ici vous avez les quartiers des sanguins et de l’exécuteur… Quoique je dors volontiers avec les assassins ledit exécuteur n’ayant plus tellement de conversation. La bas vous avez une salle d’entraînement, tandis que celle la bas fais office de… de laboratoire, la bas vous avez nos stocks, celle dans l’ombre la bas c’est…
J’interrompis poliment Rahine pour lui demander une chose qui commençait à me perturber. Ou étaient tous les gens ?
- Ah, bonne question. C’est vrai que je ne me suis pas trop attardée la dessus tout à l’heure… je serai brève ! A ce jour, notre sanctuaire se compose de vous, moi, un autre membre en contrat, un autre membre alchimiste ainsi que l’exécuteur. Vous voyez ce que je veux dire par « accablés de travail ? »
Je n’allais certainement pas m’ennuyer.
- Enfin bref, en parlant de contrat, il va falloir que je m’y remette moi aussi. Les contrats sont toujours envoyés à l’exécuteur, allez savoir pourquoi, il n’est pas en état de faire quoi que ce soit. Venez avec moi pour en chercher un, je vous laisserai visiter plus tard, d’accord ?
La demi vampire, qui ne me lâchait jamais la main, me tira vers le bâtiment qu’elle avait désigné comme celui étant les quartiers des membres supérieurs de ce sanctuaire. De loin, je n’avais pas remarqué de différences particulières avec les autres. Il me semblait gris et ordinaire. De prêt, en revanche, je pus remarquer des fissures sur les murs et des impacts violents qui avaient créé des bosses, comme si à l’intérieur, quelqu’un avec une force inhumaine frappait les murs.
Rahine frappa à la porte, mais n’eût aucune réponse.
- Monsieur ? C’est moi, Marion, j’entre, d’accord ?
Voyant qu’elle n’avait toujours pas eût de réponse, Rahine poussa la porte en me faisant signe de la suivre à l’intérieur.
Il faisait noir complet à l’intérieur du bâtiment, la seule source de lumière était la porte ouverte qui se trouvait derrière nous, et naturellement, elle claqua très rapidement. Nous entendîmes le loquet tourner dans la serrure.
La jeune vampire claqua des doigts et son corps se mit à emmètre de la lumière à plusieurs mètres autour d’elle. La lumière stellaire était un sort d’illusion de très bas niveau, je n’avais jamais pris la peine de l’apprendre, le jugeant inutile.
Nous n’étions pas seuls dans cette pièce, quelque chose nous tournait autour en respirant comme un animal, tout en évitant soigneusement de pénétrer dans le halo de lumière autour de Rahine. Quoi que ce soit, c’était très fort et complètement sauvage. Est ce que ça avait pût tuer l’exécuteur lui même ? Je dégainai ma lame de malheur.
Contrairement à moi, la vampire ne semblait pas perturbée ou soucieuse le moins du monde, et elle me fit signe de ne pas bouger et de ranger mon arme. Elle attendit quelques instants en fermant les yeux, puis serra le poing gauche dans le vide. Un raffut terrible éclata des ténèbres, un bruit de verre cassé, des pleurs et de cris d’animal blessé.
L’air un peu moins joyeux que d’habitude, Rahine Lança quelques petites boules de feu avec les doigts de sa main droite, comme guidée par une force mystérieuse, les cinq sphères allumèrent toutes les torches de la pièce. Enfin, Rahine ramena lentement vers nous ce qu’elle avait attrapé en vol avec sa télékinésie.
Il était à l’envers dans les airs et se débattait, mais j’arrivais à voir ce que c’était. C’était un homme, un dunmer. Il sentait affreusement mauvais et ne portait qu’un petit pagne noir qui avait dû être un pantalon autrefois, avant qu’il ne soit déchiré. Ses cheveux et sa barbe blanche lui arrivaient presque au bas du ventre. A la vue de ses cernes, il n’avait pas dormi depuis plusieurs mois et les coupures sur son corps montraient qu’il c’était auto mutilé beaucoup de fois. Ses mains étaient en pièces, certainement à force de taper sur les murs. L’homme bavait tellement que s’en était presque attristant. Il était armé d’une jambe d’animal pourrie et décomposée recouverte de mouches et de vers, les mouches se posaient d’ailleurs volontiers sur le porteur de l’ « arme » qui sentait à peu prêt aussi bon. Le sol était recouvert de carcasse d’animaux faisandées. L’homme poussait des cris et des suppliques déchirants.
- NOOON ! LAISSEZ MOI, PAS ENCORE ! PAS ENCORE ! JE VEUX JUSTE VIVRE !
Rahine, sans lâcher son étreinte mentale sur le dunmer et sans cesser de regarder le sol, me parla d’un ton plein de nostalgie et de chagrin.
- Mon frère, je vous présente l’exécuteur du sanctuaire de Longsanglot. Le plus puissant qui n’ait jamais existé, ainsi que mon ami et mon mentor.
En bougeant dans la bulle télékinésique formée par Rahine, l’exécuteur envoyait de la bave dans tous les sens. Il était maigre comme un clou et ses côtes étaient si visibles sur son torse qu’on aurait pu croire qu’il n’avait pas de peau. Ses dents étaient dans un état atroce et il n’en restait plus grand chose. Sur chaque recoin de mur était écrit « nérévarine » avec du sang.
- Il n’a plus jamais été le même après ce jour là. Le combat l’a écrasé en combat singulier, et il a ressenti pour la première fois de sa vie la peur de mourir. Blessé à mort il a fui et c’est caché sous les cadavres de ses frères bien aimés. Il a attendu que le Nérévarine quitte Longsanglot avant de refaire surface, mais tout le monde l’avait oublié. Pour tenir bon, il dû se nourrir de la chair et se satisfaire du sang de ses compagnons. Quand on l’a retrouvé, il était dans un état encore pire que celui ci… Enfin, pardon, je vous ennuie avec mes histoires.
Rahine toucha légèrement l’épaule de l’exécuteur et ce dernier se calma instantanément. Il ferma ensuite les yeux et s’endormit. Rahine maîtrisait aussi très bien le toucher d’apaisement.
Enfin, le vampire le déposa par magie sur un matelas par terre alors qu’il continuait à gémir dans son sommeil.
Je demandai à la magicienne pourquoi la main noire tenait à ce qu’il reste en vie.
- Je ne sais pas. Il était si fort, je pense qu’elle espère qu’un jour il redevienne celui qu’il était, mais honnêtement, je crois qu’il n’y a plus de marque arrière possible pour lui.
J’étais fou, il aurait été stupide que je le nie. Rahine l’était aussi, tout membre de la confrérie l’était. Mais il y a un stade supérieur dans la folie que je craignais, que tout le monde craignait en vérité, même si on évitait d’en parler et on en avait fait un sujet relativement tabou.
Il y avait un stade de folie ou l’on ne devenait plus capable d’exécuter des tâches compliquées sans s’emmêler les pinceaux ou se perdre, voire ne plus arriver à suivre une idée jusqu’au bout sans dériver sur d’autres sujets. Ensuite, on n’arrivait plus à assumer des tâches simples comme aller d’un point A à un point B, ou tout simplement se nourrir. Enfin, on devenait incapable de faire quoi que ce soit et on devenait obsédé par une idée fixe et incapable de faire autre chose. N’importe quel événement trop brutal ou inattendu pouvait briser l’équilibre précaire et subtil dans nos têtes et nos rendre comme l’exécuteur en ce jour. Etre toujours prêt pour une leçon d’humilité et ne pas se croire invincible, c’était la règle. Et ça, il ne devait pas l’avoir respectée alors que le grand Nérévarine ne faisait qu’une bouchée de lui.
Rahine reprit ses esprits et ma main avant de me tirer vers un petit placard qui, contrairement au reste des meubles, n’avait pas été détruit.
- Bref ! Voyons voir ce que nous avons aujourd’hui.
La vampire l’ouvrit. Il s’y trouvait une dizaine d’enveloppes scellées portant le sceau de la main noire et le cachet de l’écoutant Ungolim. Rahine les prit sous son bras et nous quittâmes la puanteur du bâtiment, laissant celui qui fut le prodige de la confrérie noire seul à marmonner dans les ténèbres.
Une fois que nous fûmes dehors, et alors que Rahine lisait un contrat, nous allâmes vers les quartiers des assassins, qui eux étaient bien plus agréables. Illuminés par des torches de lueurs normales, lesdits quartiers se composaient d’une grande salle commune avec plusieurs tables, bancs et fauteuils. Plusieurs placards sur le côté étaient remplis de nourriture et d’alcool et une petite pièce à côté permettait de faire du feu. Les murs étaient peints de manière sobre en noir et en jaune, mais cela était indéniablement plus agréable. Une salle contenait des lits et des matelas et servait de dortoir. J’étais assez agréablement surpris par le confort que proposait ce sanctuaire.
- A qui le dites vous ? dommage que nous ayons si peu de membres… enfin. Revenons en au travail, vous allez devoir éliminer une grande joueuse de cartes, et ce en plein tournoi. Pour cela, vous allez devoir vous y inscrire et trouver un moyen de la tuer sans vous faire remarquer. Cela vous va-t-il ou est-ce que je place la barre un peu haut ?
Ah, cette ambiance, cette atmosphère, ces déclarations de missions, ça m’avait tellement manqué. Ma réponse fut pratiquement sans surprise pour Rahine.
- Ha ! Je m’y attendais et j’en suis ravie, mon frère ! Alors… par ou commencer… La personne que vous devez éliminer s’appelle Hasabi dit « dent-de-sucre ». Hasabi était un élément extrêmement important de la guilde des voleurs de Morrowind, mais lorsqu’elle a été détruite elle… Oh, vous ne savez pas ? Bon, laissez moi vous expliquer ça, ça a tout de même son importance.
Rahine me raconta une longue anecdote que j’ignorais.
Le Renard gris actuel se moquait apparemment totalement du fonctionnement de sa guilde en Vvardenfell, et c’était un homme du nom de Jim qui s’en occupait intégralement. La guilde des voleurs survivait tant bien que mal, elle était opposée à la guilde des guerriers, à la confrérie noire ainsi qu’a la Camonna tong, une organisation criminelle extrêmement violente et raciste dont le but était purement de chasser tous les étrangers et non dunmers de Morrowind, par la force brute et le meurtre si necessaire. La Camonna tong faisait usage de racket, d’extorsion et d’agressions.
Bref, la guilde des voleurs fut ravie lorsqu’une personne grimpa les échelons de la guilde très rapidement pour en prendre le contrôle total, et encore plus lorsqu’il s’averra que ladite personne n’était autre que le Nérévarine. Jim prit sa retraite et quitta Vvardenfell, certain que tout se passerait bien avec le héros des prophéties pour surveiller la guilde. Tout laissait indiquer que la guilde des voleurs perdurerait en Vvardenfell.
Ce que Jim ne savait pas, c’est que le Nérévarine était aussi devenu, entre-temps, le grand maître de la Morag tong, le maître de la guilde des guerriers ainsi qu’un archimage. Et qu’après avoir terminé ses affaires en Morrowind, il est parti en laissant la guilde des voleurs sans le moindre maître, contrairement aux autres organisations qui avaient prévu un second pour le remplacer en cas de problème.
Résultat des courses ? La guilde des voleurs a été anéantie et sans chef, elle n’a pas pu s’en relever. Ses membres ont été dispersés et la plupart ont retrouvé une vie plus ou moins normale. La Camonna tong ne posait que peu de problèmes à la confrérie noire et elle ne nous cherchait en général pas d’ennuis. Même chose pour la guilde des guerriers. Le seul vrai problème était donc, et il n’était pas moindre, la Morag tong, qui était chez elle.
- Ou en étais-je ? Oui, d’accord. Donc, Hasabi, après la destruction de la guilde, a décidé d’employer un talent qu’elle avait toujours eu pour s’assurer un revenu : elle est devenue une célèbre joueuses de cartes. Plus précisément de roulette impériale. C’est à cause de cela qu’elle a dû se faire des ennemis qui veulent la réduire au silence. Frère Valtie… Valerai m’a dit que vous étiez un bon joueur, non ?
En toute modestie, j’étais particulièrement doué au jeu de la roulette impériale, un jeu de cartes intelligent ou on jouait avec la chance, le hasard mais surtout avec les mensonges et le bluff. Je faisais de belles parties avec Taleandril et Teineeva.
- Alors tout devrait bien se passer pour vous. Un tournoi va avoir lieu très bientôt dans l’auberge du Rasoir ébréché. Trouvez un moyen de vous inscrire et de jouer à la même table qu’elle le plus rapidement possible. Gardez en tête que vous serez inspecté à l’entrée, pour voir si vous ne cachez pas des as ou des rois dans vos manches, vous voyez ce que je veux dire ? Hi hi… A vous de trouver un moyen de dissimuler vos armes, poisons ou autres accessoires, pour cela je vous laisse voir avec notre alchimiste –très doué en passant-. Venez, venez mon frère !
Après cette explication qui était aussi complète qu’une de celles qu’Ocheeva aurait pu me fournir, Rahine m’emmena vers celui qui servait de laboratoire, pour reprendre les termes qu’elle avait utilisé.
Les réserves étaient aussi bien plus impressionnantes que celles de Cheydinhal, les armoires recouvertes de fournitures alchimiques montaient jusqu’au plafond et il y avait du matériel d’excellente qualité. Dans une pièce à côté, il y avait une quantité exceptionnelle d’armes, d’outils et de gadgets méticuleusement fabriqués, ainsi que des mannequins en paille pour faire des tests sur eux .De quoi alimenter une centaine d’assassins. Seulement, encore une fois, tout était vide de présence humaine, excepté une seule petite forme assise dans un coin en train de manipuler une cornue et un incinérateur. Ladite petite forme me parût très familière et je fus ravi de constater qu’il s’agissait de Loup.
- Ah, mon frère, je vous présente ce frère. Il ne se lève pas souvent et n’est pas très bavard, mais il a un réel talent en matière d’alchimie et de fabrication d’objets, croyez moi.
Loup se retourna et fit un large sourire quand il me vit. Il se traîna mollement sans se lever jusqu'à moi et me donna un petit coup amical dans le genou, je lui rendis une petite caresse sur la tête. Je dis ensuite à Rahine que ce n’était pas qu’il n’était pas bavard, c’est qu’il était muet. J’ajoutai aussi qu’il s’appelait Loup et pouvait communiquer par mysticisme.
- Muet ? Oh, ma foi ça explique bien des choses, heh. Je déteste le mysticisme, c’est l’école la plus inutile qui soit, si vous voulez mon avis. Je vous laisse vous préparer, j’ai moi même du travail à faire. Je vous dis à bientôt et… amusez vous bien.
Rahine disparût subitement, elle venait de se téléporter.
D’après moi, elle aurait incapable de tenir la moindre arme, mais en matière de magie, il aurait difficile de lui trouver un égal.