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Final Fantasy VIII

Sujet : FanFic : Le secret du Mont des Tenébres
Chronos_Squall
Niveau 10
05 février 2013 à 20:59:49

Yep, c'est quelque chose que je faisais déjà dans les premiers chapitres et que j'aime bien utiliser régulièrement :)

Le chapitre suivant sera transitoire, et donc plus court. Après celui-là, y en aura encore trois, peut-être même quatre... J'avais prévu cinq chapitres pour terminer cette fic, mais en fin de compte, ça me prend un peu plus de temps que prévu et je vais largement dépasser cette estimation de départ.

Bon, j'espère quand même avoir fini avant, euh... le début de l'été ? :o))

Ekud
Niveau 21
07 février 2013 à 12:44:24

Va falloir que j'mette l'alerte mail sur ce topic xD sinon j'vois pas la suite =(

J'lis ça dès que possible :)

Ekud
Niveau 21
26 mars 2013 à 14:05:07

Aller Chronos_Squall, un peu de courage :o)) ça sent bientôt la fin :bave:

Chronos_Squall
Niveau 10
26 mars 2013 à 22:59:16

Ça vient, mais comme tous les chapitres censés être courts, il est plus long que prévu :o))
Bon, cela dit, pour cette semaine ça devrait largement être bon. Me reste plus qu'à peaufiner certains passages :-)))

yoshi1515
Niveau 12
27 mars 2013 à 22:05:05

OK ! J'ai hâte de voir cela, toutes mes félicitations et encouragements ! Bonne chance ! :play:

Chronos_Squall
Niveau 10
01 avril 2013 à 00:56:44

Petite note avant de poster le chapitre : il m'arrive parfois d'utiliser des " ***** " ; c'est un moyen que j'utilise pour marquer une transition, ou une ellipse temporelle entre deux portions de récit. Je pourrais juste passer une ligne ou deux, mais je m'en sert déjà de base, et assez fréquemment, pour faire en sorte que la lecture soit plus agréable, donc ça risquait de passer un peu inaperçu. Voili, voilou...

Chronos_Squall
Niveau 10
01 avril 2013 à 00:59:20

Chapitre LII : Le dernier jour.

- Zell... ?

Ce tatouage... Quistis ne pouvait y croire, et pourtant, elle ne l'avait vu que trop distinctement pour douter de son jugement. Mais comment, comment serait-ce possible ?! Zell était... était...
Mort.

- Quistis !! Ça ne va pas ?! lui hurla t-on soudain.

Cette voix, lointaine, qui la tira de sa stupeur, c'était celle de Leever. Elle réalisa alors que la G-Force avait disparu depuis un moment, et qu'elle continuait de fixer d'un œil vague l'endroit où elle s'était dissipée, trop stupéfaite pour s'en rendre compte. D'un mouvement nerveux, elle secoua la tête pour se remettre les idées en place, puis empoigna son fouet qu'elle avait lâché sans s'en apercevoir davantage. L'invocation avait provoqué d'énormes dégâts ; la rue était complètement éventrée, et la plupart des habitations – vides, heureusement – n'avaient pas échappé au désastre. Mais c'était sans nul doute dans les rangs ennemis que l'on comptait le plus de dégâts. Des carcasses de monstres en tout genre gisaient à perte de vue, et pas l'ombre d'une créature en vie ne se dessinait à l'horizon. Du répit... mais pour combien de temps ?

- Eh merde !! C'est quoi... CE TRUC ?! lâcha soudain Seifer.

Alors qu'elle s'apprêtait à relever le corps inerte de Squall pour aller le mettre à l'abri, Quistis se tourna brusquement vers Seifer pour comprendre ce qui le perturbait alors. Elle s'en détourna bien vite cependant, lorsqu'elle leva les yeux au ciel, attirés qu'ils furent par le survol d'une masse gigantesque et inquiétante, une créature à la peau noire, et écailleuse, qui contrastait avec ses deux ailes majestueuses d'un blanc pur et immaculé, à l'aspect plumeux. Un dragon ! Mais jamais Quistis n'en avait vu d'aussi colossal, d'aussi effrayant. Il n'avait rien à voir avec un Griffon, celui-ci était non seulement bipède, mais devait au moins faire la taille de la BGU !

Le dragon se posa lourdement en plein centre-ville, sur ses deux pattes arrières, propageant sous lui une telle onde de choc sismique que l'on aurait cru de la planète qu'elle ne supporterait pas un tel poids. Dans une plainte assourdissante, le colosse fit basculer son cou proéminent de gauche à droite pour intimider ses microbes d'adversaires, avant de s'immobiliser. La gueule ouverte, il tira lentement la tête en arrière, puis, d'un geste sec, cracha une formidable boule de feu qui alla s'écraser en plein quartier est, qui vola en éclats dans un geyser de flammes prodigieux. Puis ce fut bientôt le sud du quartier ouest qui fut dévasté par les flammes, sous des yeux terrifiés et impuissants.

Que faire pour arrêter un tel monstre ? Leever n'en avait aucune idée, pas plus que ses compagnons. Une terreur, encore plus grande que celle qu'il avait ressenti dans les profondeurs terrestres, lorsqu'il était seul, commençait déjà à le consumer. Il ne craignait pas pour lui. Non, il craignait pour ce bâtiment, si frêle et destructible face à un colosse de cette ampleur, cet abri où fourmillaient tant de vies impuissantes dont le sort reposait entre leurs mains. Mais comment protéger une fourmilière des pas écrasants d'un géant ? Comment vaincre ce même titan en étant soit-même une fourmi ? Les monstres eux-même le redoutaient tant qu'ils avaient pris la fuite dès son arrivée. Mais eux n'avaient personne à sauver...

Il tressaillit soudain du plus profond de son être, car le dragon venait de diriger son regard vers lui. Lorsqu'il tira la tête en arrière, signe de sa forfaiture à venir, Leever sentit un flot de pensées l'assaillir.

"Alors cette fois, c'est la fin... ?"
"Est-ce là tout ce nous pouvions faire ?..."
"Nous nous sommes tant battus..."
"Nous avons tout fait..."
"Tout fait..."
"Tout fait... ?"

- NON !! hurla soudain Leever.

Le Zerka décolla d'un trait et fila à la vitesse d'une balle en direction du monstre, au moment où celui-ci cracha une terrifiante boule de feu. Mais Leever, déterminé, ne s'écarta nullement de la trajectoire. Alors que son reflet s'élargissait dans les yeux indéfectibles du Zerka, la sphère incandescente percuta de plein fouet un mur invisible dressé entre les deux entités, mais freina simplement sa trajectoire, continuant de forcer son passage centimètre par centimètre, de manière inexorable, poussant Leever à reculer malgré tous les efforts qu'il fournissait pour annihiler le danger. Ses ailes battaient et brillaient comme jamais ; il voulait dissiper les flammes comme il l'avait fait pour le Kanibal, mais celles-ci étaient autrement plus denses et résistantes. L'impact entre les deux énergies était si intense, que des étincelles ne cessaient d'en jaillir. Mais ce terrible bras de fer ne penchait pas en la faveur de Leever, qui perdait de plus en plus de terrain.

"Arrête-toi... Arrête-toi !" pensa t-il de tout son cœur.

Squall, Kajikoh... Assylia... Karen... ses amis... et tous ces innocents... Mourir ici, et ne plus jamais les revoir ? Il y avait encore tant à faire, tant de choses à résoudre, tant de gens à sauver ! S'il craquait, si sa vie était emportée par les flammes, alors, tout le reste disparaîtrait également. Alors pourquoi... Pourquoi reculait-il encore ?

"Je ne veux plus..."

Son corps hurlait d'agonie. Mais son âme, elle, restait muette. Il voulait qu'il lui parvienne. C'était la solution... Il fallait que son âme sorte, qu'elle fasse entendre sa volonté. Qu'elle remonte tout son être, qu'elle atteigne sa gorge, et finalement... qu'elle explose.
Qu'elle explose !
QU'ELLE EXPLOSE !!

- Je ne veux plus... RECULER !! hurla t-il de vive voix.

Une déflagration imperceptible se répandit alors autour de Leever, agitant l'atmosphère même et stoppant net la boule de feu. L'espace d'un instant, il semblait que le temps s'était figé, et seules les ondulations incandescentes qui parcouraient l'immense boule de flammes purent témoigner du contraire. Les ailes de Leever s'étaient arrêtées de battre, mais leur brillance s'était accrue. Il avait réussi, et même mieux que réussi, car il avait maîtrisé la boule de feu au lieu de simplement l'annihiler.
Ses ailes se raidirent alors, prêtes à renvoyer ces flammes à leur envoyeur. Puis d'un battement brusque, elles déclenchèrent une violente bourrasque d'énergie qui fit repartir la sphère en sens inverse, et fusa sur le dragon qui se protégea de la riposte en plaçant l'une de ses immenses ailes en opposition. La créature hurla toutefois, car le feu – son propre feu – était si puissant qu'il en calcina toute la partie basse de son égide plumeuse. Mais Leever s'en rendit à peine compte, car quelque chose l'avait interpelé aussitôt qu'il avait amorcé son battement d'ailes. Car ce n'était pas une, mais deux bourrasques simultanées qui avaient renvoyé les flammes.

Leever leva alors la tête, et crut d'abord avoir une hallucination. La source du second battement d'ailes n'était autre que cette silhouette, cet ange gardien autrefois translucide, qui cette fois se présentait à lui sous une apparence nette et bien définie. Celle d'un homme, non, d'un Zerka, dont les teintes monochromes d'un blanc laiteux lui rappelaient la projection verte de Mustahren, le vieil homme qu'ils avaient rencontré dans les entrailles de la terre. Mais il y avait autre chose dans cet homme, un élément qui sautait aux yeux.

C'était... lui.
Son exact reflet.
Un clone tout de blanc recouvert, une copie de son être physique.
Un autre lui.
Un autre Leever...

Il aurait aimé avoir le temps d'exprimer davantage sa surprise, mais il y avait plus urgent. Mécontent d'avoir vu sa boule de feu lui revenir, le dragon géant exprima sa fureur par un rugissement tonitruant. Véritablement fou de rage, il tambourina le sol de ses pas lourds, impuissant, qui vibra comme jamais, entraînant dans ses secousses la chute d'habitations, et pire, l'apparition de crevasses comme autant de plaies béantes meurtrissant un peu plus le visage d'une ville d'ores et déjà en ruines. L'œil inquiet de Leever se déplaça sur l'infirmerie, qui tenait bon jusqu'à maintenant. Il n'aperçut pas Quistis, ni Seifer, mais sa priorité était de faire quelque chose pour calmer la furie destructrice du dragon.

Il s'élança à toute allure sur le monstre, en n'ayant d'autre plan plus élaboré que celui d'agir, vite, son alter-ego le suivant instantanément. Le corps du dragon était si imposant, si titanesque, qu'il avait davantage l'impression de tenir dans sa main un cure-dent qu'une épée de deux mètres. Il pourrait toujours lui crever les yeux avec, mais ne risquait-il pas de l'énerver plus qu'autre chose ?
"Le coeur" pensa t-il alors, redressant sa trajectoire en conséquence. Oui... Lui perforer le cœur, c'était le moyen le plus rapide d'en finir. Mais sa furie le rendait si vif, si agressif, qu'une approche frontale était risquée, pour ne pas dire suicidaire ; si seulement quelqu'un pouvait servir d'appât pour qu'il se détourne de lui l'espace d'un instant...

Comme s'il avait lu dans ses pensées, son clone le dépassa à toute vitesse pour venir se placer au devant de la tête immense de la créature, qui le fixa instantanément de ses yeux noirs. Son attention focalisée sur le Zerka blanc, le champ était libre pour le véritable Leever de fondre sur la poitrine du dragon, épée tenue à l'horizontale, de ses deux mains, prête à transpercer le corps du monstre. Il ne prêta guère attention à la détonation qui survint, plus haut, celle de son clone s'évertuant à concentrer toute l'attention de la bête sur lui. Il ne voyait plus que ces écailles, sombres, qui recouvraient le poitrail du dragon. L'ultime barrière à franchir avant d'atteindre son but...
Alors, de toute sa hargne, de toute sa rage, de tout le désir qui animait son être, ce souhait implorant de sauver ceux qui avaient déposé leurs vies entre ses mains, il adressa de ces mêmes mains un estoc d'une rare violence !...

Qui ne perfora rien.
Tout au plus son épée parvint-elle à pénétrer dans deux ou trois centimètres de l'épaisse cuirasse d'écailles qui servait de peau au dragon géant.

Ça ne pouvait pas être vrai...
Non.
Leever refusait d'y croire.
Non !

Cet échec ébranla tant le Zerka qu'il ne vit pas déferler sur lui la patte gauche du dragon, qui l'attrapa aussitôt et l'écrasa au sol, comme une vulgaire fourmi qu'il était. Satisfaite d'avoir éliminé ce gêneur, la créature releva sa patte qui écrasait le Zerka, dirigea son regard vers l'infirmerie, et tira de nouveau la tête en arrière. Leever souffrait le martyr, il avait l'impression que tous les os de son corps venaient d'être broyés, et il ne savait par quel miracle il pouvait encore ouvrir les yeux. L'infirmerie se tenait à quelques mètres sur sa droite, et comme un réflexe instinctif, il avait tout de suite tourné la tête pour contempler ce bâtiment qu'il devait à tout prix protéger.

"Relève-toi..." se dit-il alors.

Mais son corps était incapable de suivre ses pensées, tant la douleur le mettait au supplice. Son regard commençait déjà à se troubler, lorsque lui parvint une puissante émanation de lumière rouge, loin au-dessus. Le dragon s'apprêtait à faire feu..

"Relève-toi, bordel !! Allez !! ALLEZ !!" insista t-il, presque en larmes.

Hélas, il n'y avait rien à faire. Son corps refusait de lui obéir.

"RELEVE-T..."

Mais il était trop tard.
Le reste, ne fut rien de plus qu'une vision de cauchemar, une horreur trop invraisemblable pour être réelle. Tout alla si vite, et pourtant, Leever eut l'impression que le temps lui-même venait de freiner sa course. Il vit, impuissant, la boule de feu sortir de la gueule du dragon, amorcer une trajectoire inexorable, puis filer avec lenteur en direction de l'infirmerie, sur laquelle elle vint se fracasser, puis exploser aussitôt dans un déluge de flammes furieuses. Alors, ses dernières forces l'abandonnèrent, et son âme voulut crier, hurler son désespoir et sa peine, mais n'y parvint guère tant le choc l'avait atteint. Les flammes se rapprochaient de lui désormais, et la chaleur commençait à l'envelopper, avec une étonnante douceur. Et sans qu'il ne puisse en voir davantage, il sombra dans une profonde léthargie.

      • **

Tout n'était plus que néant autour de lui. Plongé dans un abîme sans fond, enrobé qu'il était par les ténèbres, il ne voyait plus rien. Mais il entendait.
Il les entendait.

- Comment va t-il, docteur ? fit une voix de femme.
- Il s'en sortira, lui répondit une voix plus grave. Ce qui est déjà inespéré vu l'état dans lequel il est arrivé. L'organisme des Zerkas est réellement fascinant...
- Quoi ?! C'en est un ?!
- Sans aucun doute. Une telle capacité de régénération...
- Ses parents sont morts... Que va t-il devenir ?
- Il deviendra ce que tous les orphelins qui arrivent ici deviennent. Mais il y a fort à parier qu'avec de tels pouvoirs, il leur soit rapidement supérieur. Tout comme l'autre.
- Pensez-vous qu'ils pourront nous sauver ?
- C'est pour ça que nous agissons ainsi. Ces enfants sont notre dernière lueur d'espoir.
- Docteur, je... Est-ce vraiment... bien raisonnable ?
- Le Xeon ne se développe pas aussi bien dans l'organisme d'un adulte que dans celui d'un enfant.
- Non, je veux dire...
- Je sais très bien ce que voulez dire, soupira t-il. Nous sommes des monstres, peut-être pires que la vermine qui s'est installée sur ces terres. Mais si nous voulons un avenir pour notre espèce, il faut donner à la génération future les armes pour vaincre ces démons. Nous, nous sommes condamnés.
- Condamnés... répéta tout bas la femme.
- Ces enfants monteront dans le Gungnir, et peut-être, un jour, reviendront-ils sur ces terres pour nous délivrer. Si nous sommes encore en vie d'ici là, alors nous accepterons leur jugement. Quel qu'il soit.

Long silence.

- Docteur, reprit la femme, quel traitement va t-il subir ?
- Le test au Xeon a révélé une forte compatibilité avec le secteur cognitif. Son esprit peut devenir une arme très puissante, s'il parvenait un jour à le maîtriser... Ce sera dur pour lui, mais je pense que l'on peut essayer le Matérialisateur.

Tout se brouilla à nouveau, puis, il n'entendit plus rien.

      • **
Chronos_Squall
Niveau 10
01 avril 2013 à 01:00:48

(Chapitre LII - suite)

- Leever ?

Bien qu'il en fut incapable quelques secondes auparavant, Leever réussit enfin à ouvrir les yeux, en ayant l'impression d'émerger d'un sommeil abyssal. La faible lueur d'un néon suspendu au plafond fut la première chose qu'il vit, et il réalisa aussitôt qu'il était couché, dans un lit de draps blancs. Quant à cette voix, familière, qui l'avait appelée, c'était celle de...

- Quistis... dit-il lentement. J'ai cru que... tu étais...
- Tout va bien. Enfin... Pas si mal, devrais-je plutôt dire.

Leever se releva à moitié dans son lit, grimaçant des douleurs qu'il ressentait dans tout son corps. La pièce dans laquelle ils se trouvaient tous les deux, Quistis et lui, avait cet aspect un peu miteux qui caractérisait chaque bâtiment qu'il avait visité sur cette planète. Les murs brunâtres étaient couverts de fissures, comme si un séisme avait entamé les fondations de l'endroit. Tandis que la jeune femme était assis à sa droite, il pouvait voir de l'autre côté une petite table blanche où étaient entreposés tout un tas de matériel médical.

- Où sommes-nous ? demanda t-il simplement.
- À Palmero.
- Quoi... ? Mais... comment ?

Une sinistre pensée revint soudain assaillir l'esprit de Leever et le terrifia.

- L'infirmerie !! s'exclama t-il. Je n'ai pas pu les protéger... Je... Je...

Quistis lui sourit, d'un de ces sourires faibles un peu forcés qui sont le signe d'une grande fatigue émotionnelle.

- Le bâtiment était vide quand il a été détruit, le rassura t-elle. Une chance que Kajikoh soit aussi têtu !
- Kajikoh... Alors...
- Oui, s'il ne s'était pas réveillé à temps, il n'aurait pas pu ouvrir de portail pour permettre aux habitants confinés à l'intérieur de l'infirmerie d'évacuer. Et il n'aurait pas pu revenir une première fois pour nous sauver, Seifer, Squall et moi, ni une seconde pour te secourir toi... Mais ça ne s'est pas joué à grand-chose, et si tu n'avais pas stoppé les flammes du dragon, personne n'aurait eu le temps d'en réchapper.

Leever ne répondit rien. Il était trop soulagé d'entendre ça pour se soucier de dire quoi que ce soit.
La porte s'ouvrit alors, et Kajikoh entra dans la petite pièce. Il avait meilleure mine qu'auparavant, mais portait toujours sa tenue en lambeaux qui avait été partiellement calcinée. Il s'approcha du lit et adressa un grand sourire à l'adresse de Leever.

- Oh, tu es réveillé ! On peut dire que tu l'as échappé belle, si je t'avais trouvé quelques secondes trop tard, ma petite brûlure m'aurait soudain paru bien superficielle...
- Le dragon... songea t-il alors. Tu l'as... ?
- Non. Je ne sais pas d'où sortait ce monstre, mais je n'aurais jamais pu faire le poids contre un mastodonte pareil, pas dans mon état actuel en tout cas. La priorité, c'était de te tirer de là et ensuite d'abandonner les lieux.
- Tu as vu ses ailes, non ? continua Leever. On aurait dit...
- Un Zerka ? termina Kajikoh.

Le mercenaire acquiesça lentement.

- Je croyais que seuls les humains pouvaient devenir des Zerkas ? leur fit remarquer Quistis.
- Je le pensais aussi, répondit Kajikoh. Mais qui sait ce que ce maniaque a trafiqué pendant toutes ces années ?... Quand je pense à ce qu'il a fait d'Assylia...
- Assylia... répéta Leever.

Dans toute cette agitation, il en avait oublié quelle triste révélation lui avait été confiée par la jeune Zerka, avant qu'elle ne s'enfuie vers Maresther. La cité où tout prendrait fin... ?

- J'ai dormi pendant combien de temps ?...
- A vue de nez, cinq ou six heures, lui confia Quistis.
- C'est bien assez, dit-il résolument.

Leever rejeta d'un geste les draps qui l'enveloppaient, et se mit en tête de se relever. Mais au moment de poser un pied à terre, il se raidit subitement, tiraillé par une douleur virulente dans le dos.

- Hé, tu devrais rester allongé encore un peu, lui conseilla Kajikoh. C'est pas raisonnable, dans ton état.
- C'est toi qui me dit ça ? lui rétorqua t-il, un sourire aux lèvres.
- Hum, eh bien... J'admets que je ne suis pas le mieux placé pour dire ça, mais...
- T'en fais pas, je peux me lever.

Et en effet, il surmonta la douleur, puis parvint aussitôt à se mettre debout. Il était pieds nus, et portait une longue chemise blanche à carreaux fins et bleutés, qu'on avait dû lui enfiler lorsqu'il était arrivé ici, inconscient. Il ne savait pas pourquoi, mais cet accoutrement le mettait particulièrement mal à l'aise.
C'est à cet instant qu'un homme, petit et trapu, entra à son tour dans la pièce, mais Leever ne l'avait jamais vu. L'inconnu le dévisagea longuement sous ses lunettes ébréchées, sans dire mot, puis se décida enfin à prendre la parole.

- Eh bien, je vois que vous êtes... déjà debout. Je suis médecin, Dryan m'a demandé de prendre soin de vous, et de ne pas vous garder ici plus longtemps que vous ne le souhaitez. D'habitude, je vous aurais interdit de vous lever pendant quelques jours, surtout dans votre état, mais...
- J'ai des choses à faire, et si je ne les fais pas, il n'y aura plus quelques jours, lui répondit-il d'un ton ferme.
- Bien, bien... Vos effets personnels sont dans l'armoire, ici (il pointa du doigt une vielle armoire grise nichée dans un coin de la pièce). Soyez prudents, vous avez un organisme solide, mais ça ne vous rend pas immortel.

Sans demander son reste, le médecin quitta la pièce d'un air pensif, en marmonnant ces paroles, que lui seul put entendre :
- Ai-je vraiment dit "solide" ? Il faut bien plus qu'un corps solide pour se remettre de telles blessures, en si peu de temps qui plus est. Stupéfiant...

Quelques minutes plus tard, et après qu'il se fut rhabillé, Leever sortit de sa chambre et rejoignit Quistis et Kajikoh, qui l'attendaient devant la porte. On leur avait dit que Squall venait de se réveiller, et ils étaient à la fois pressés et angoissés d'aller à sa rencontre. Et s'il s'en prenait une nouvelle fois à Leever ?
Sa chambre se trouvait au premier étage, soit un de plus que celle du mercenaire, située au rez-de-chaussée. Lorsqu'ils y entrèrent tous les trois, le lit qui faisait face à la porte était vide.. Mais le SeeD n'avait pas disparu pour autant, et ils le trouvèrent tout habillé en train de contempler, par delà la fenêtre unique de la pièce, la ville de Palmero qui baignait sous un soleil radieux. Un courant d'air passait au travers de la vitre à demi ouverte, agitant dans un souffle tranquille les rideaux écartés et les draps défaits du lit que Squall venait de quitter.

- J'ai l'impression d'avoir fait un long cauchemar, leur dit-il sans se retourner.
- Squall... répondit Quistis.
- Tu as repris tes esprits ? lui demanda Kajikoh.

Le SeeD ne répondit rien. Il se retourna, se dirigea vers le lit et s'y assit aussitôt, tête basse.

- Désolé, lâcha t-il enfin. D'avoir été si faible...

Quistis, Kajikoh et Leever se dévisagèrent un moment, puis, s'approchèrent d'un pas lent vers leur ami, près duquel vint s'assoir Quistis. La jeune femme semblait soulagée.

- Ne sois pas trop dur avec toi-même, Squall, lui dit-elle alors. Ressentir des choses nous rend parfois vulnérables, mais ça ne fait pas de nous des monstres. Bien au contraire, c'est ce qui fait que nous sommes humains... Tu es revenu, c'est le plus important.
- Elle a raison, poursuivit Leever d'un air pensif.
- Tu ne pouvais rien y faire, de toute manière, ajouta Kajikoh. Ils t'ont tendu un piège dans lequel n'importe qui serait tombé. Le seul moyen de l'éviter aurait été de n'avoir aucune attache avec ceux qui étaient restés sur Done. Ce n'est pas une faiblesse, Squall, c'est une force.
- J'aurais pu tuer Leever, répondit le SeeD.
- Et pourtant, je suis toujours là, reprit l'intéressé. Je crois bien que si tu avais réellement voulu me tuer... je n'aurais pas pu être ici, à me réjouir de ton retour parmi nous !

Squall ne répondit rien, et un silence pesant s'installa dans la pièce. Une image frappa alors l'esprit de Quistis, une image qui s'était noyée dans le flot d'événements qui venaient d'avoir lieu.

- La G-Force ! s'exclama t-elle.
- Oui, d'où elle sortait celle-là ? s'interrogea Leever.
- Quand je l'ai associée, j'ai eu l'impression qu'elle me détruisait le crâne, leur avoua Squall. Non, détruire n'est pas le terme exact... Mais je crois que d'une certaine façon, c'est ce qui m'a sauvé.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? continua Leever.
- Eh bien... Je l'ai vue de près avant qu'elle ne disparaisse, hésita Quistis. Je... C'est peut-être un peu fou, mais... Il y avait un tatouage, sur son museau... Le même que...

La jeune femme hésitait fortement à leur faire part de cette hypothèse, de peur qu'on ne la croit folle. Et peut-être qu'elle l'était, au fond. Et si tout cela n'était que le fruit d'une hallucination, ou que dans le feu de l'action, elle ait pris un désir profond de revoir leur ami revivre pour une réalité ?

- Le même que qui ? lui demanda Leever.
- Le même que... Zell, lâcha t-elle.

Comme elle le redoutait, ses trois amis la dévisagèrent sans dire un mot, dans un mélange de stupeur et d'incompréhension. Leever fut le premier à réagir.

- Tu... Tu es sûre ? dit-il.
- Je l'ai vu, distinctement. Mais... C'est impossible, pas vrai ?

"C'est insensé !" songea Squall, tout en restant silencieux. Pourtant, il avait ressenti un vague sentiment familier à l'instant même où la G-Force s'était associée à lui, un sentiment chaleureux, bienveillant et revigorant... Non, ça ne se pouvait pas. Zell était mort, et il avait d'ailleurs été aux premières loges pour assister à cet événement tragique, lorsque dans les entrailles du Mont des Ténèbres, il avait sacrifié sa vie pour le protéger du dément Keto.

- C'est impossible, en effet, lâcha t-il à voix haute. Zell est mort, vous le savez bien.
- Alors, c'est une simple... coïncidence ? suggéra Leever.
- Peut-être que c'était une hallucination, dit alors Quistis. Dans le feu de l'action, j'aurais pu...
- Hum... En fait, commença Kajikoh, ce n'est peut-être pas si impossible que ça. Leever, tu te souviens de ce que disait le vieil homme à propos des Larmes Sélénites et de la malédiction de Firen ?

Squall et Quistis regardèrent leurs amis d'un air intrigué, sans savoir de quoi il était question.

- Oui, lui répondit-il alors. Chaque humain qui meurt sur l'une des deux planètes emprunte le cours des âmes pour rejoindre la Lune de l'autre planète, où il y est réincarné en monstre avant de tomber sur terre au moyen de la Larme Sélénite.

Quistis écarquilla les yeux d'horreur, tandis que Squall se leva d'un bond.

- Quoi ?! s'exclama t-il. Mais alors, tous ces monstres qu'on a tués... C'était...
- Rien de plus que des monstres, termina Kajikoh. Ils ont perdu toute trace de leur vie antérieure, et toute trace d'humanité. Vous ne pouviez pas faire mieux que d'abréger leurs souffrances.
- Et Zell dans tout ça... ? poursuivit Quistis.
- Le vieux m'a dit que parfois, certaines âmes se démarquent des autres dans le cours des âmes, de par leur force, leur énergie, ou leur attachement à quelque chose. Dans ce cas, la transformation est altérée, et au lieu de devenir un monstre, l'âme se réincarne en une puissante force énergétique ayant conservé une certaine part d'humanité. Ce que vous appelez une G-Force. Mais...
- Mais... ? répéta Leever, sans remarquer sa stupéfaction grandissante.
- Les G-Forces sont dénuées des souvenirs de leurs anciennes vies, reprit Kajikoh. En s'associant aux humains, elles cherchent à pénétrer leur mémoire. Ou, plus exactement, elle cherchent dans la mémoire de leurs associés des réminiscences de leurs vies antérieures, une trace de leurs souvenirs perdus. C'est un marché équitable après tout, vous ne trouvez pas ? Et pourtant, les G-Forces n'ont rien à y gagner car, en définitive, tout cela ne consiste qu'en un instinct profond et imperceptible, qui leur est devenu presque aussi naturel que de respirer. Elles ne savent ni ne sauront jamais pourquoi elles agissent ainsi, mais elles en ont besoin pour subsister. Vous comprenez ?
- Tu insinues que Zell se serait réincarné en G-Force ?... C'est ridicule, affirma Squall.
- Est-ce que ça ne pourrait pas être encore une de ces fichues illusions ? enchaina Leever.
- Ça, je n'en sais rien, leur avoua t-il. Il ne s'agit rien de plus que d'une hypothèse, basée sur ce que m'a expliqué le vieux Mustahren. Cela dit, ne perdez pas de vue ce qui importe vraiment à l'heure actuelle. Vous devez vous rendre à Maresther.
- Maresther ? s'interrogea Quistis.

Avec l'assistance de Kajikoh, Leever narra aux deux SeeDs les événements qu'ils venaient de vivre, de la rencontre d'Assylia en passant par leur séjour dans cette grotte, sans oublier la rencontre avec Mustahren, la véritable identité de Hyne, le fait que leur ennemi soit un Zerka, pour finir avec la trahison d'Assylia guidée par sa fusion forcée avec la démone Kerdahlia. Il sembla bien qu'une heure se soit passée avant qu'ils n'eurent terminé leur récit.

- C'est donc là-bas qu'ils vous attendent... finit par dire Quistis.
- Maresther est une cité en ruines, aujourd'hui. Je ne vois pas trop ce qu'ils espèrent y faire, avoua Kajikoh.
- Nous ne connaissons même pas leur but, ajouta le mercenaire. On dirait qu'ils veulent simplement tout détruire, mais pourquoi ? Qu'ont-ils à y gagner ?
- Je l'ignore, poursuivit Kajikoh. Mais à en juger par leurs actes, il leur fallait au moins deux choses.
- Lesquelles ? demanda Quistis.
- Eh bien, d'après ce qu'a raconté Leever, notre ennemi avait besoin de récupérer les pouvoirs d'Assylia. Il est difficile de déterminer lesquels, d'autant qu'à priori, elle m'en ait caché quelques uns. Ensuite...

Il se tourna vers Squall, qui était resté silencieux pendant tout leur récit, se contentant d'écouter et d'assimiler ce flot d'informations continu.

- Ensuite, reprit Kajikoh, je pense qu'ils avaient un intérêt dans la métamorphose de Squall, c'est pourquoi ils en sont probablement la cause. Peut-être que son retour à la normale va nous permettre de...
- On ne le saura jamais en restant ici, le coupa aussitôt Squall. Le temps nous est compté, on ne va pas en perdre davantage à émettre des hypothèses alors qu'on peut aller directement chercher la vérité, non ?

Le SeeD balafré se dirigea résolument vers un coin de la pièce où se tenait une armoire, et y récupéra à l'intérieur sa fidèle Lion Heart, soigneusement rangée dans un étui. Il se tourna vers ses compagnons, qui acquiescèrent d'un signe de tête comme pour approuver ses dires. D'un geste vigoureux, il se saisit de la poignée de porte et l'ouvrit aussitôt.
Il se retrouva nez-à-nez avec...

- Selphie ? dit-il.

La jeune femme avait le regard perdu dans le vague, comme un fantôme qui errerait dans les couloirs du bâtiment. Elle leva lentement les yeux d'un air absent, et se figea lorsqu'elle aperçut le visage du SeeD.

- S... Squall... ?

Elle continua de le dévisager, avec une expression d'incrédulité, comme cherchant à savoir si ce qu'elle voyait était bien réel. Ses yeux s'embuèrent alors, et, sans prévenir, elle se jeta dans les bras de Squall où elle éclata en sanglots.

- Squall !! Dis-moi... Dis-moi que c'est fini, Squall ! Dis-moi qu'on va rentrer chez nous ! Qu'on va... Qu'on va... retrouver tout le monde !! Linoa, Cid... Edea, Nida, Shu... Ir... Irv...

Le dernier nom qu'elle voulut prononcer se noya dans un sanglot tonitruant, et Squall, pris de court, la réconforta d'une tape mal assurée dans son dos. Mais sa voix, elle, ne trahissait aucune hésitation.

- On fera tout pour les revoir, dit-il.

      • **
Chronos_Squall
Niveau 10
01 avril 2013 à 01:02:57

(Chapitre LII - suite et fin)

Le petit groupe de nouveau réuni, Squall, Leever, Kajikoh, Selphie et Quistis se retrouvèrent quelques instants plus tard devant l'entrée de la ville, où les attendait Dryan, l'ancien chef de la désormais ruinée Lizéra. Son visage déjà marqué par l'âge semblait plus fatigué que jamais, et son long manteau gris déchiré lui donnait un air misérable. Néanmoins, lorsqu'il les vit arriver, il esquissa un mince sourire.

- Ah, vous voilà ! Je vous attendais.
- Un problème, Dryan ? lui demanda Kajikoh.
- Oh, tu dois être... Squall, c'est bien ça ? reprit-il à l'adresse de celui-ci.
- Et vous, vous êtes... ?
- Je manque à mes devoirs, excuse-moi. Mon nom est Dryan, je dirigeais la ville de Lizéra avant qu'elle ne soit... Bref. Je tenais à te dire deux mots avant que tu ne t'en ailles
- Allez-y, lui répondit-il.
- Kajikoh ne vous a certainement rien dit... (il se tourna brièvement vers lui, et le vit secouer la tête pour confirmer) mais, voyez-vous, il se trouve que je vivais à Maresther avant le début de l'invasion. J'étais un scientifique au service du gouvernement, et j'ai passé ma vie à étudier les étranges facultés dont sont dotés les Zerkas.
- Où voulez-vous en venir ? dit alors Squall.
- Quand tu es redevenu toi-même, n'as tu pas... récupéré quelque chose ?
- Vous parlez de ça ? répondit-il instantanément.

Il fouilla rapidement dans une de ses poches, et en ressortit une plume, noire, aussi longue que sa main. Tout le monde, à commencer par Dryan, la regarda avec un air tantôt fasciné, tantôt intrigué. Finalement, Leever demanda :

- Qu'est-ce que c'est ?
- On a retrouvé ça dans mes vêtements, d'après le médecin, leur confia le SeeD
- Puis-je te demander une faveur, Squall ? reprit Dryan. Pourrais-tu te transformer en Zerka ?
- Si ça peut vous faire plaisir...

Le SeeD se concentra un bref instant, et deux ailes se déployèrent aussitôt dans son dos, blanches et immaculées comme elles l'étaient avant qu'il ne perde le contrôle de lui-même.

- Et maintenant ? fit-il.
- Concentre-toi sur la plume, si tu le veux bien, lui indiqua le vieil homme.

Squall fixa la plume noire sans parvenir à comprendre ce qu'on attendait de lui, et sentit alors une étrange sensation lui envahir le corps. La plume se mit à briller d'un éclat noir, qui l'enveloppa tout entier dans un hâle ténébreux. Il sentit soudain la rage monter en lui, et peu à peu, prendre le dessus sur son esprit. C'est alors que le cri d'une femme lui vrilla les tympans de l'intérieur, engendrant un désespoir profond, comme seule la crainte de perdre un être qui vous est cher pouvait provoquer. À mesure qu'il se laissait submerger par les ténèbres, il sentait grandir en lui un pouvoir, incroyable, grisant, une force telle qu'il n'en avait jamais connue auparavant. Du blanc pur, ses ailes s'étaient teintées d'un noir profond.

Puis, tout s'arrêta. Brusquement.
Les ténèbres qui aspiraient son esprit s'en détachèrent aussitôt, telle une sangsue qui aurait lâché prise. Le hurlement cessa, et sa rage s'estompa presque instantanément. Il était tombé à genoux sur le sol sans s'en rendre compte, et se releva avec prudence. Il réalisa alors que la lueur qui enrobait la plume s'était volatilisée... Ainsi que la plume elle-même !
Squall se tourna vers ses compagnons. Ils semblaient stupéfaits en le regardant, et cette réaction l'intrigua. Quelque chose n'allait pas... Il examina son propre corps, et finit par comprendre.
Ses ailes avaient conservé leur teint sombre, et l'aura obscure qui l'entourait, bien qu'amenuisée, continuait de luire faiblement.

- Je n'ai pas... perdu la raison ? s'étonna t-il.
- Non, et pour un motif très simple, lui expliqua Dryan d'un air triomphal. Tu possèdes l'anticorps à ce virus, mon cher Squall ! En d'autres termes, la G-Force que tu as récupérée plus tôt semble avoir immunisé ton esprit de l'influence néfaste de la mutation. Mais tu en as conservé toute la puissance !

Squall se détendit, et retrouva aussitôt sa forme initiale. La plume noire lui réapparut dans la main.

- En revanche, c'est peut-être un jeu dangereux, l'avertit le vieil homme. Je ne peux pas t'affirmer que tu ne risques rien, donc s'il te plaît, ne t'en sers qu'en cas d'extrême nécessité.
- Compris, lui répondit Squall.
- Il est temps d'y aller, lança alors Leever.
- Je vais vous ouvrir le portail, continua Kajikoh. Prenez garde, qui sait ce que l'ennemi vous réserve...
- Tu ne viens pas avec nous ? s'étonna Quistis.
- Non, dans mon état actuel, ça ne serait pas une bonne idée. Je ne récupère plus aussi vite que lorsque j'avais votre âge...
- Tu deviens raisonnable ? Laisse-moi rire ! lâcha Leever.
- Rassurez-vous, j'ai encore des choses à faire de mon côté, pour vous aider. Mais vous n'aurez pas besoin de moi là-bas, vous obtiendrez la victoire. Je n'ai aucun doute là-dessus.

Il ne savait pas pourquoi, mais Leever retrouvait dans ces paroles une assurance presque déplacée vu la situation actuelle. D'où tirait-il cette confiance alors que la situation était si mauvaise ? Où peut-être était-ce lui-même qui ne croyait pas en leur victoire ?
Non, il devait y croire, et lui aussi, faire preuve de détermination.

- Bien, déclara t-il. L'heure n'est plus aux questions, il faut y aller !

Kajikoh approuva d'un signe de tête, et d'un geste assuré de la main, fit apparaître le vortex censé les conduire dans l'antre de l'ennemi. Squall avança le premier, mais s'arrêta net lorsque quelqu'un se mit à hurler derrière lui.

- Bordel, vous comptiez VRAIMENT partir sans moi ?!

Seifer arrivait à toutes enjambées dans leur direction. À en juger l'expression mauvaise sur son visage, il était furieux de ne pas avoir été convié à cette réunion.

- Tu es blessé, lui répondit Leever. C'est trop dange...
- Me fais pas rire, le coupa t-il. Je me sens suffisamment en forme pour leur botter le cul !
- Mais... protesta Quistis.

Mais il n'écouta rien, et s'avança d'un pas déterminé vers le portail. Il passa juste devant Squall, qui n'esquissa par l'ombre d'un geste pour l'arrêter. Juste avant qu'il ne franchisse le portail, Seifer ajouta :

- Traînez pas trop, si vous souhaitez que ces salauds soient encore en un seul morceau quand vous débarquerez !

Et il disparut aussitôt dans le portail. Quistis soupira de dépit.

- Vraiment, celui-là...
- Hoho, il ne manque pas de tempérament ! s'esclaffa Dryan.
- Quand même, je m'inquiète pour sa blessure, avoua Leever.
- Il est têtu, trop pour se laisser mourir, dit alors Squall.

Le SeeD s'avança à son tour vers le portail, mais Kajikoh l'interrompit alors.

- Squall... Il y a quelque chose que je dois te dire...

Il se retourna vers l'homme aux cheveux rouges, qui ne lui parut jamais aussi sérieux qu'à cet instant-là. Néanmoins, son visage affichait nombre de contradictions ; on aurait dit qu'il hésitait entre gravité et légèreté. Finalement, il esquissa un mince sourire et déclara :

- Non, ce n'est rien. Il y a plus important, après tout.
- Si tu le dis... lui répondit Squall.

Et sur ces paroles laconiques, il traversa le vortex à son tour. Ce fut alors à Quistis de s'avancer vers le portail, mais Dryan l'arrêta aussitôt et s'approcha d'elle.

- Avant que vous ne partiez, j'ai quelque chose pour vous, jeune femme.

Il fouilla dans une petite besace qu'il gardait près de lui, et en retira un petit écrin bleu qu'il tendit alors à la jeune femme. Quistis ouvrit la boîte, et découvrit à l'intérieur une petite bague incrustée d'un joyau aux reflets rouges éclatants. Elle se sentit alors un peu gênée.

- Dryan, c'est gentil, mais vous n'êtes vraiment pas mon genre...
- Quoi ? Oh, non ! Ce n'est pas une bague de fiançailles, rassurez-vous ! dit-il en riant. Cette relique est l'un des derniers vestiges de la technologie de ce monde. Elle a été créée à partir du Xeon, cette énergie qui coulait autrefois dans nos terres, et permet d'amplifier la puissance de vos sortilèges magiques !
- Oh, dans ce cas... Merci, Dryan !

La jeune SeeD retira la bague de son écrin et la fit glisser lentement le long de son index. Après avoir remercié Dryan une dernière fois, elle s'avança de nouveau vers le vortex, mais réalisa quelque chose et s'interrompit brusquement. Elle se tourna vers Selphie, qui les avait suivis jusqu'ici sans mot dire.

- Selphie... Tu es sûre de vouloir venir ? Tu n'es pas obligée...
- Je... Je veux me battre... bégaya t-elle. Je ne veux plus rester seule...

Malgré ses dires, elle ne semblait pas convaincue elle-même de pouvoir venir en aide à ses propres amis. A son grand désarroi.
Kajikoh l'avait remarqué, et se tourna vers elle d'un air pensif.

- Hmm, il existe un autre moyen d'aider tes amis, lui confia t-il. J'aurais besoin de quelqu'un pour une mission primordiale, et tu es sûrement celle qui est la plus à même de réussir. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Je... Je ne sais vraiment pas...
- Tu n'auras pas à te battre, ne t'inquiètes pas, la rassura Kajikoh.
- Je pourrai vraiment les aider, en faisant ça ?
- Oh que oui ! répondit-il en souriant.
- Dans ce cas...

Elle se tourna vers Quistis, comme pour lui demander pardon de ne pas venir avec eux. Mais son amie sourit à son tour et la prit par l'épaule.

- Fais ce que tu as à faire, sans te soucier de nous. Tout ira bien, on se retrouvera une fois que ça sera fini !
- Quistis...

La jeune femme aux cheveux blonds s'éloigna de son amie, et lui adressa un dernier sourire avant de disparaître à son tour dans le vortex. Il ne restait maintenant plus que Leever.

- Leever, est-ce que je peux te demander une faveur ? lui demanda Kajikoh.
- Bien sûr, lui répondit-il.
- En fait, ce n'est pas vraiment une faveur, puisque je ne doute pas que tu le souhaites autant, voire plus que moi, mais... S'il te plaît, ramène Assylia.

Leever fut d'abord étonné, puis sourit à son ami en guise de réponse. L'instant d'après, il avait disparu derrière le vortex, comme ses compagnons avant lui.

Kajikoh jeta un coup d'œil autour de lui. Il ne restait plus que Dryan, Selphie, et lui. Il fit un nouveau geste du bras, et le portail se referma.

- Bonne chance mes amis... murmura t-il.

Se tournant vers Selphie, il ajouta :

- Est-ce que tu pourrais m'attendre à l'infirmerie ? Je te rejoindrai pour tout t'expliquer...

Elle acquiesça et se mit en marche. Lorsqu'elle disparut au détour d'une ruelle, Dryan se tourna vers Kajikoh, l'air grave.

- Pourquoi ne leur as-tu rien dit ?...
- Ils n'ont pas besoin de le savoir maintenant, répondit-il. Ils ne pourraient pas se concentrer sur leur mission, et ce n'est pas ce que je leur souhaite. Ils se battent avec l'énergie du désespoir, et cette force-là ne sera pas de trop s'ils veulent vaincre ces démons.
- C'est un peu cruel, tu ne trouves pas ? Lorsqu'ils reviendront...
- Et toi, le coupa t-il, il me semble que tu ne leur as pas tout révélé de tes anciennes fonctions ? On dirait que je ne suis pas le seul à aimer les petites cachoteries !

Dryan prit soudain un air attristé.

- Le moment est mal choisi pour évoquer ce genre de choses, admit-il. Mais moi, j'aurais une chance de les revoir après tout ça. Alors que toi...

Kajikoh ne répondit rien, et se contenta de lever les yeux au ciel. Le voile brumeux qui s'était dissipé la veille avait laissé place à un ciel bleu rempli de nostalgie, et le soleil qui baignait les toits décrépis des bâtisses donnait à cette vision un aspect des plus contrastés.

- Il fait beau, non ? Je n'aurais jamais crû revoir ce soleil au moins une fois dans ma vie... déclara Kajikoh.
- Tu es sûr qu'il n'y pas d'autre alternative ? insista son vieil ami.
- Il est trop tard pour changer d'avis, de toute façon... Il y a bien longtemps que je m'y suis résolu.

Il ôta son regard du ciel pour se retourner vers Dryan, à qui il montra un petit objet. En y regardant de plus près, le vieil homme constata qu'il s'agissait d'un petit cristal, très pur, dont les reflets verts et brillants donnèrent à Dryan un étrange sentiment d'apaisement.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda t-il.
- L'espoir, mon ami, conclut Kajikoh.

Ekud
Niveau 21
09 avril 2013 à 17:58:16

Nickel, meme si j'ai vraiment peur que ce fzehrlziehrjze de Seifer y passe.

Serahlight
Niveau 10
12 avril 2013 à 11:13:32

Très bien cette suite, j'ai bien aimée la façon dont tu a fait revenir Zell en G-Force continue comme ça :oui:

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:47:34

Chapitre LIII : La Fondation XK

Le soleil était à son zénith, mais le sifflement d'un vent puissant et incessant, s'infiltrant ci et là dans de minces crevasses rocheuses, continuait de retentir dans leurs oreilles. En sortant du portail, ils s'étaient retrouvés sur ce qui semblait être le flanc d'un sommet aride et desséché, balayé de manière continue par un souffle poussiéreux et rocailleux qui leur troublait les sens. Il n'y avait toutefois devant eux qu'un seul et unique chemin, une piste légèrement ascendante qui disparaissait plus loin au détour d'un virage. Perdu dans ses pensées, Squall s'était adossé à la roche, les bras croisés et le regard vague. Il acquiesça simplement lorsque Quistis, arrivée peu après, lui avait confié son étonnement de se retrouver en ces lieux plutôt qu'à l'entrée de la cité. Seifer, quant à lui, se tenait un peu avancé par rapport à ses coéquipiers ; il fixait le bout du chemin avec impatience, comme en témoignaient les mouvements de va-et-vient continus de sa gunblade sur son épaule.

Enfin, Leever sortit du portail, qui se referma aussitôt derrière lui. Il scruta les environs et fut, de toute évidence, au moins aussi surpris que ses amis.

- Où sommes-nous ? Je ne vois aucune cité dans le coin...
- Il semble que l'on doive emprunter ce chemin, répondit Quistis. A moins que Kajikoh se soit trompé de destination, mais j'en doute.
- Eh, les sous-fifres, dit alors Seifer, vous avez fini de causer ? Si j'ai eu la patience de vous attendre, c'est pas pour vous entendre jacasser !

Alors que Quistis lançait un regard foudroyant à l'attention de Seifer, Squall se redressa et s'avança le long du chemin, passant devant son compagnon balafré sans dire un mot. Mais quiconque l'aurait regardé dans les yeux à cet instant-là n'aurait pu soutenir l'ardente flamme qui y brûlait, celle d'une détermination à toute épreuve.
A leur tour alors, Quistis, puis Leever lui emboitèrent le pas; et ainsi, les quatre coéquipiers faisaient désormais route le long d'un sentier sinueux qui entourait le vaste sommet rocheux, duquel ils n'étaient qu'à mi hauteur.

Lorsqu'ils atteignirent l'endroit d'où le chemin virait brusquement sur la gauche, ils entendirent monter au loin d'étranges bruits encore indistincts. La piste continuait de grimper en pente raide vers l'ouest, si bien qu'il fut impossible pour Squall et les siens d'apercevoir quoi que ce soit de ce qui s'y cachait, derrière; source à n'en pas douter de ces sons à peine perceptibles. Mais ils se firent bientôt plus distincts, à mesure qu'ils grimpaient cette nouvelle pente, et parmi la masse sonore qui s'élevait alors, de plus en plus audible, ils crurent distinguer des sonorités électroniques, lisses. Tout cela les intrigua, et lorsque Seifer arriva le premier au sommet de la pente, il resta là un moment, le regard figé au loin sur l'horizon dégagé. Stupéfait.

- Oh, c'est quoi ce délire ?... dit-il alors.

Sa stupéfaction n'eut d'égale que celle de ses comparses, lorsque ceux-ci vinrent le rejoindre au sommet de la pente – qui était en fait une falaise – pour apercevoir, loin devant eux, au pied de la montagne, une gigantesque cité d'où s'élevaient mille lumières et mille merveilles. D'immenses bâtiments aux proportions vertigineuses s'élevaient en nombre devant leurs yeux ébahis, d'une architecture telle qu'Esthar ne l'aurait reniée. Des rais de lumières rouges, bleus, dorés, en traversaient les parois avec régularité, et le son électronique qu'ils avaient perçu auparavant provenait en fait des véhicules, innombrables, qui survolaient une vaste route traversant la cité de part et d'autres, et où se rejoignaient quantité d'autres petites voies entrelacées entre les hautes bâtisses. Tout dans cette cité resplendissait, et faisait l'étalage d'une prospérité acquise par les bienfaits d'une très haute technologie.

- Est-ce Maresther ? s'interrogea Quistis. Il me semblait pourtant avoir compris que cette cité était en ruines...
- Elle le sera probablement quand j'en aurais fini avec ces salopards, ajouta Seifer.

Leever ne dit rien, mais la vision de cette cité prospère faisait revivre en lui un étrange sentiment de déjà-vu.

- Oui... dit-il sans détacher son regard. C'est bien Maresther.
- Qu'est-ce que ça veut dire, dans ce cas ? reprit Quistis.
- Ils peuvent utiliser des illusions, dit Squall. Tout ça n'est qu'une mise en scène...
- Tsch, lâcha Seifer, au lieu de rester plantés là, cherchez plutôt un moyen de descendre !
- Leever et moi, on peut s'y rendre en volant. Quistis, tu t'accrocheras à moi. Seifer...
- Ça va, j'ai pigé, l'interrompit-il. Pas besoin de t'entendre dire ce que je dois faire.

Squall se transforma en conséquence, mais Leever restait immobile à scruter la cité qui se tenait majestueuse en contrebas, sans pouvoir en détacher le regard.

- Leever ? s'inquiéta Quistis.
- Hein ? Q... Quoi ?

Comme si l'on venait de le tirer d'un rêve profond, le mercenaire aux cheveux blond se retourna vers eux, l'air absent.

- Ah, oui ! fit-il soudain.

Reprenant finalement ses esprits, il imita son ami et se métamorphosa en Zerka. Tandis que Quistis s'agrippait sur le dos de Squall, les bras autour du cou, Leever et Seifer se dévisageaient l'un l'autre, avec embarras pour l'un, et méfiance pour l'autre. De toute évidence, Seifer n'appréciait que modérément le fait de devoir s'agripper ainsi à Leever, mais il n'avait guère le choix et finit par s'y résoudre.

- Si tu me fais tomber, je te jure que... ! le prévint-il

Une fois les préparatifs terminés, les deux Zerkas décollèrent, alors affublés de leurs poids sur les épaules, puis piquèrent en direction de la cité. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à pénétrer dans son enceinte par les airs, ils perçurent un rapide flash aveuglant, suivi aussitôt d'un violent choc qui les rejeta de quelques mètres en arrière.

- Un champ protecteur, constata Leever.
- Posons-nous au sol, suggéra Quistis. Il y a sûrement un autre moyen d'entrer.

Squall et Leever suivirent son conseil et atterrirent avec douceur sur le sol, et ceci fait, revinrent aussitôt dans leur forme humaine. Devant eux se trouvait désormais un imposant édifice constitué d'un métal solide aux reflets d'argent, parcouru de traits lumineux rouges qui dessinaient sur cette façade un étrange symbole ; une vaste sphère dans laquelle pénétrait un trait vertical, de la surface haute jusqu'en son centre, représenté par un petit noyau illuminé de rouge. Juste en-dessous, on pouvait lire de mystérieuses inscriptions, écrites en grosses lettres noires. Mais il n'y avait aucune ouverture, aucun signe d'une éventuelle porte dans cette muraille tout de rouge et d'argent.

- On dirait un genre d'alphabet local, fit remarquer Quistis en regardant les inscriptions. Je me demande bien ce que ça dit...
- "Contemplez l'œuvre de siècles d'évolution, la grandeur inébranlable de Maresther ! Le centre névralgique du monde, mû par l'incommensurable énergie qui git dans ses terres..."

Tous se retournèrent avec stupéfaction vers Leever, qui venait de prononcer ces paroles sans même s'en rendre compte.

- Tu arrives à comprendre ces inscriptions, Leever ? lui demanda Quistis.
- Je ne sais pas, c'est étrange... J'aurais juré ne jamais avoir vu ces symboles auparavant, pourtant, lire ces inscriptions ne m'a jamais paru aussi... naturel.

Soudain, et en un éclair, une petite ouverture apparut sur la façade du mur, sans qu'aucun des quatre compagnons n'ait fait le moindre geste.

- On dirait bien qu'on nous a entendu sonner, dit Squall.
- Ils savent que nous sommes ici, ajouta Quistis. Je n'aime pas ça.
- Tant mieux, conclut Seifer, plus vite on en aura fini, mieux ce sera !

L'ancien chevalier d'Edea n'accorda que peu d'intérêt aux inquiétudes de Quistis, et s'engouffra sans la moindre hésitation dans l'ouverture. Une attitude qui agaçait manifestement la jeune femme.

- Pourquoi a t-on accepté que quelqu'un d'aussi inconsidéré que lui vienne avec nous ?...
- Suivons-le, dit simplement Squall.

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:48:34

(Chapitre LIII - suite)

Ils pénétrèrent ainsi à leur tour dans l'ouverture, qui se referma aussitôt que le dernier d'entre eux fut rentré. L'obscurité les entourait de toutes part ; obscurité que seule perçait, à quelques mètres devant eux, une petite lueur d'un rouge vif. Un son retentit alors, comme si l'on activait quelque dispositif, et la lueur rouge vira au vert. Presque aussitôt, les murs de la salle se recouvrirent progressivement d'écrans à forme hexagonale qui, telles des fenêtres, laissèrent bientôt admirer la cité sous tous ses degrés. Car il leur apparut ainsi que la salle dans laquelle ils se trouvaient était à demi sphérique. En son centre, là où était apparue la lueur, il y avait une petite plate-forme circulaire légèrement surélevée, et une couplée de marches en permettait l'accès. La lueur était en réalité celle d'une diode située sur un étrange tableau de commandes, et lorsqu'elle avait viré au vert, d'autres diodes de diverses couleurs étaient venues éclairer la surface lisse du dispositif.

- On se croirait à Esthar, dit Quistis, mais en plus... avancé ?
- Il y a quelque chose de différent, lui répondit Leever. Vous ne le sentez pas ?
- Tu veux dire, ce sentiment d'être dans un lieu à la fois réel et illusoire ? lui suggéra t-elle.
- Oui, mais... il y autre chose.
- On dirait que la cité est vivante, dit alors Squall.
- Alors tu le sens toi aussi...
- De quoi parlez-vous ? leur demanda Quistis.
- On peut sentir les pulsations de la cité, lui expliqua le mercenaire. C'est comme si des milliers de veines la parcouraient de part et d'autre, et qu'elle convergeaient toutes en un point central...
- Le cœur, conclut Squall.
- C'est donc ce cœur qu'il nous faut chercher, reprit l'ancienne institutrice.
- Si vous avez terminé de causer, vous pourriez venir jeter un œil sur ce truc ? vociféra Seifer devant eux.

Pendant que ses compagnons discutaient, lui s'était dirigé vers la plate-forme centrale pour y examiner le tableau de commandes. Dès que tous l'eurent rejoint, le dispositif parut s'activer de lui-même, et une voix s'éleva alors dans les airs.

"Nombre de visiteurs........... quatre.
Identités......... confirmées.
Autorisation d'accès......... accordée.
Destination.......... Fondation XK."

Dès l'instant où la voix se tût, un halo de lumière verte embrassant la forme circulaire de la plate-forme s'éleva dans les airs, telle une paroi les entourant soudain; et tout, autour d'eux, leur devint flou. Pendant une fraction de secondes, Squall crut même perdre pied, mais cette sensation lui passa aussi vite qu'il ne l'avait ressentie. Au bout de quelques secondes, enfin, le halo de lumière s'estompa; et à leur grande surprise, ils se trouvaient désormais à un tout autre endroit. Sombre, obscur, la seule lumière visible étant un rai de lumière bleuté qui parcourait les contours d'une forme rectangulaire, une porte, adossée au mur à quelques mètres devant eux.

- On dirait bien qu'on nous a téléportés jusqu'ici, constata Quistis.
- Ils nous conduisent là où ils le souhaitent, dit Leever. C'est comme si nous étions dans un train qui suivrait les rails qu'ils ont posés...
- Et c'est justement pour faire dérailler ce train que nous sommes ici, conclut Squall.

Le SeeD s'avança hors de la plate-forme vers le portail entouré de bleu. Aussitôt, celui-ci s'ouvrit d'un "zip" instantané, laissant découvrir derrière elle un long couloir, si long que l'on n'en voyait guère le bout, et si ténébreux que seules la multitude de portes aux contours bleus adossées de chaque côté des murs semblaient en baliser le chemin. Le silence était de marbre, seulement perturbé par quelques étranges et faibles vibrations paraissant provenir de derrière quelques portes. Quistis en était perplexe.

- Je me demande où toutes ces portes mènent, dit-elle.

Elle s'approcha de l'une d'entre elles, sans que celle-ci ne daigne s'ouvrir. Elle colla alors son oreille contre la paroi métallique, pour essayer de distinguer un quelconque son qui proviendrait de derrière. Mais elle n'entendit rien.

- Je n'aime pas cet endroit, murmura soudain Leever.
- On devrait avancer, suggéra Quistis. La voie nous est toute tracée, contentons-nous de la suivre pour l'instant.

Le quatuor se mit en marche le long du couloir, dont l'obscurité en masquait toujours le bout. Ils avancèrent ainsi avec prudence, scrutant à droite et à gauche, à l'affut d'une quelconque singularité dans l'uniformité continue de ces parois et portes infinies. Seifer les devançait de quelques pas, bien décidé, semblait-il, à s'approprier un certain leadership. Squall suivait derrière, imperturbable, tandis que Quistis puis Leever fermaient la marche. Le mercenaire paraissait crispé, légèrement grimaçant, comme si chaque pas qu'il faisait dans ce couloir interminable le mettait un peu plus mal à l'aise. Son amie le remarqua soudain.

- Tout va bien ? lui demanda t-elle. Ça n'a pas l'air d'aller depuis que nous sommes entrés ici.
- Quelque chose me hante, dit-il. Je ne sais pas... Plus je pénètre dans cette cité, plus mon esprit semble m'avertir de quelque chose. Mais ce n'est rien, ne t'en fais pas pour moi ! s'empressa t-il de rajouter, voyant l'inquiétude s'accentuer sur le visage de la jeune femme.

Elle resta un moment à le dévisager de son air inquiet, sans dire un mot, puis se détourna finalement. Ils continuèrent d'avancer en silence pendant de longues minutes, puis, soudain, ils sentirent monter une vibration loin au-dessus de leurs têtes. On aurait dit qu'une machine s'était subitement mise en marche. Avant même qu'ils n'aient le temps de s'en intriguer, le couloir s'illumina soudain, sur tout son long, d'une intense lumière blanche provenant d'un néon incrusté au plafond, un néon d'une longueur telle qu'il semblait s'étendre à lui-seul sur l'intégralité du couloir.

- Quoi encore ?! lâcha Seifer. C'est pas bientôt fini cette mise en scène ?!
- Regardez, dit alors Quistis. Là-bas, au bout...

La luminosité nouvelle avait permis d'élargir leur champ de vision, et au bout du couloir, loin devant, ils pouvaient désormais apercevoir la forme vague d'un escalier, donnant à l'étage supérieur. Mais c'est à ce moment précis que retentit un cri strident, terrifiant, qui leur glaça le sang et leur contracta le cœur. Le cri d'un enfant, provenant au-dessus d'eux.

Leever écarquilla les yeux, soudain pris de terreur. Il sentit ses jambes trembler et son souffle haleter. Son rythme cardiaque s'accéléra, et sans qu'il ne le remarque, il se mit à courir comme un dément en direction des escaliers, entendant à peine Quistis le retenir, et remarquant à peine Seifer lorsqu'il le dépassa. Alors, brusquement, un mur jaillit entre le mercenaire, seul en tête, et ses trois compagnons, laissés derrière, empêchant ceux-ci de suivre la folle course de leur ami. Leever était seul, désormais, sans possibilité de revenir en arrière. Mais il ne s'en aperçut guère, obnubilé qu'il était par ce cri, et grimpa les escaliers quatre à quatre. A l'étage, il se retrouva devant un nouveau couloir, copie conforme de l'étage précédent. A la différence près qu'il vit, devant lui, deux individus en blouse blanche se précipiter à grandes enjambées vers l'une des portes, sur la droite, qu'ils franchirent aussitôt. De plus en plus effrayé par ce qui l'attendait derrière le portail, Leever ne s'en précipita pas moins à la suite des deux individus. Il arriva devant le portail, puis hésita. A cet instant-là, il remarqua enfin à quel point son cœur battait la chamade dans sa poitrine, et à quel point la terreur étreignait son esprit. Le cri avait cessé.
Tremblant de tous ses membres, il pénétra lentement dans la pièce.

- Sujet Z-02. Incident mineur, dû à la ré-ouverture de la blessure. Hémorragie décelée, mais état stabilisé. Injection d'une dose de Xeon type C pour tranquilliser le sujet. Terminé.

Leever s'avança lentement. Les deux médecins étaient penchés sur un lit devant eux, mais leurs dos obstruaient le champ de vision. L'un d'eux portait un genre d'oreillette, qui semblait avoir enregistré le discours précédent. Mais aucun d'entre eux ne semblait avoir conscience du mercenaire terrifié, derrière eux.

- Q... Qui êtes-vous ? se risqua t-il. Où sommes-nous ?

Ils ne réagirent pas. L'intonation de leurs voix baissa soudain, comme si les deux médecins s'éloignaient tout en restant là, entre lui et ce lit. Leurs silhouettes devinrent incertaines, et ils disparurent tout à coup comme deux ombres à l'approche du soleil.
Un enfant se tenait couché sur le lit, enveloppé dans des draps blancs tâchés par endroits de rouge.
Un enfant blond, qu'il reconnut aussitôt. Il avait les yeux fermés...
Et écarquillés à la fois.
Car cet enfant, c'était lui.

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:49:12

(Chapitre LIII - suite)

S'il n'avait pris conscience que tout ceci n'était qu'illusion, peut-être serait-il devenu fou. Peut-être aurait-il réveillé l'enfant, se serait-il réveillé, et qu'il lui aurait parlé, dans quelque folie sans but. Mais tout ceci n'était qu'illusion. Mais une illusion réelle, fondée sur une réalité passée. Il le savait, car cette scène, il l'avait déjà vécue. Et il l'avait revécue il y a peu, sous forme de rêve. Mais comment, bon sang, comment la démone pourrait-elle lui représenter ses propres souvenirs ?

- Pourquoi me montrer ça, dit-il tout haut. Ces souvenirs, ce sont les miens ! Quels sombres pouvoirs te permettent de sonder mon esprit ?!
- Est-ce là tout ce que souhaites me confier, dit une voix familière, alors que tu devrais plutôt me remercier de t'avoir rafraîchi la mémoire ?

A la manière dont avaient disparus les deux hommes juste avant, la silhouette d'une femme apparut cette fois derrière lui. Sous sa chevelure rousse désormais, Assylia – ou plutôt Kerdahlia – affichait le sourire malsain d'une démone appréciant le spectacle qu'elle a elle-même mis en scène.

- Mais ton ingratitude m'importe peu après tout. Je me réjouis de constater que tu as répondu à mon invitation, mon cher Leever !
- Que cherches-tu ? dit-il sèchement. Ce n'est pas en me montrant mon passé que je me détournerai du futur que je suis venu obtenir.
- De belles paroles ! Mais tu devrais attendre d'en voir plus avant de sous-estimer l'importance de ton propre passé, ne crois-tu pas ? Hin hin hin...
- Que veux-tu dire ?...
- Pourquoi n'irais-tu pas jeter un œil dans la chambre voisine ?

Sur ces mots, elle disparut de la même façon qu'elle était apparue, et laissa le mercenaire seul – avec lui-même, pour ainsi dire – dans cette chambre. Tout à coup, le bruit d'une porte qui s'ouvre lui parvint du couloir. Il laissa là son Lui-enfant, et sortit de la chambre, pour constater que la porte qui se trouvait juste devant, face à lui, s'était ouverte. Il jeta un regard méfiant à droite et à gauche, sans percevoir âme qui vive. Puis, il s'avança prudemment jusqu'à l'autre pièce, une chambre identique à celle qu'il venait de quitter. Avec un lit, et un enfant dedans. Mais cette fois, ce n'était pas lui. Son visage avait les traits doux, et l'épiderme pâle d'une jeune fille de quatre ou cinq ans.
Et des cheveux, longs, d'un rouge ardent...

- Alors ça... lâcha soudain Leever, réalisant.

L'enfant semblait profondément assoupie, et un long et mince tuyau empli d'un liquide vert fluorescent reliait un étrange appareil cylindrique à ses narines. Leever s'approcha lentement, fixant des yeux son visage calme et tranquille. Elle avait beau avoir plusieurs années de moins, sa beauté future pouvait déjà se deviner aux traits angéliques de son visage, une grâce et une délicatesse telle qu'elle en possédait le don d'apaiser aussitôt le cœur de Leever. Mais la voir ainsi, reliée à cet étrange tuyau comme si sa vie en dépendait, ne l'apaisa guère plus que de l'affliger.

- Assylia... C'est vrai, dit-il. Elle était ici, elle aussi. Comment ai-je pu l'oublier ?
- Les souvenirs les plus douloureux sont ceux que l'on cherche à enterrer au plus profond de nous-même, fit une voix derrière lui.

Kerdahlia était réapparue, mais il ne se retourna pas pour s'en assurer, ni-même par prudence. Il ne pouvait décoller son regard de l'enfant alitée.

- Et je peux percer les murailles de ton esprit pour y déterrer des secrets que la raison même t'a fait oublier, termina t-elle. Il n'est aucun esprit qui ne puisse me résister, et aucun souvenir que je ne puis atteindre !
- Tu prétends pouvoir sonder mes souvenirs ?...
- Je ne le prétends pas, preux chevalier. La preuve en est devant tes yeux ! A moins que tu ne trouves ce souvenir factice et monté de toutes pièces ?

Leever resta silencieux un instant. Non, tout ceci est réel, se dit-il. La démone venait de fissurer un pan de son esprit jusque là solidement barricadé, et ses souvenirs de cette époque lui revenaient au compte-gouttes. Mais quelque chose, il le sentait, restait encore profondément ancré dans les tréfonds de son esprit, si massif et considérable qu'il ne pouvait s'en échapper par une simple fissure...
Il fut soudain tiré de ses pensées par le rire sardonique de la démone derrière lui.

- Ton passé commence à te rattraper, dit-elle, et tu ne peux le nier. Mais tout ceci n'est que le début... Tes mains n'étaient pas encore souillées à cet instant-là.

Ces derniers mots provoquèrent chez lui un nouvel accès de terreur, si bien qu'il se retourna brusquement. Kerdahlia s'était volatilisée, ne laissant derrière elle que l'écho lointain de son rire dément.
Que voulait-elle dire ?

Tout à coup, il eut la nette impression que le temps s'accélérait. Jetant un œil au dehors, derrière l'unique fenêtre de la chambre d'Assylia, il vit le soleil descendre à une cadence folle vers l'ouest et disparaître, derrière le sommet montagneux que lui est les siens avaient emprunté pour pénétrer dans ces lieux. Il se rendit alors compte que ses trois compagnons étaient restés en arrière, derrière ce mur qui s'était soudain interposé entre eux. Tandis que l'obscurité récente commençait déjà à être chassée par les premiers rayons du soleil, il restait figé là, à ne savoir que faire. Retourner en arrière chercher ses amis, ou... découvrir le sens des paroles de la démone ?
Le soleil s'arrêta peu après avoir atteint son zénith, et rien dans le chambre dans laquelle il se trouvait n'avait changé par rapport au jour précédent. C'est alors qu'il entendit hurler dans la chambre voisine, une plainte atroce qui lui fut rapidement familière. Horriblement familière.

Il accourut dans la chambre d'en face, celle du Lui-enfant, et constata que les deux médecins étaient revenus, penchés à son chevet. L'enfant hurlait de plus en plus fort, et l'adulte se sentait défaillir à l'écoute de ce son qu'il trouvait, plus que quiconque en ce monde, insupportable. Finalement, le hurlement s'estompa, et le silence fut de retour. Il entendit alors les médecins parler entre eux.

- Bon sang, fit le plus âgé d'entre eux. Le Matérialisateur a échoué, et a révélé une incompatibilité avec toute tentative de renforcement psychique.
- Les analyses précédant le début du traitement nous confirmaient pourtant une forte compatibilité, et les résultats des premiers tests étaient tous très bons. Que s'est-il passé ?
- Je l'ignore. Peut-être notre système a t-il eu une défaillance... Ou peut-être que les Zerkas ont un métabolisme plus complexe que nous ne le pensions.
- Que va t-il lui arriver, après ça ?
- Hélas, la situation du sujet est préoccupante. Le flux de Xeon a perturbé son esprit, à un degré que j'ignore, et les chances d'avoir occasionné des séquelles irréversibles sont fortes, j'en ai bien peur. Le mieux est de le placer en zone de quarantaine, et sous haute surveillance, jusqu'à l'établissement d'un diagnostic plus précis. Mais à n'en pas douter, nous avons commis là une erreur qui va nous coûter cher.
- C'est le deuxième Zerka victime d'un accident, après le sujet Z-01...
- J'espère que celui-ci ne nous créera pas autant de problèmes que l'autre. Nous avons bien assez d'une catastrophe. Mais le temps nous presse, puis-je vous demander d'aller chercher quelques collègues pour s'occuper de l'enfant ?
- Bien, monsieur le directeur.

L'un des deux médecins, le plus jeune, quitta la pièce en hâte, tandis que restait-là le second, un homme aux cheveux bruns virant légèrement au gris. Jusqu'ici, Leever ne l'avait vu que de dos, aussi fut-il stupéfait de voir enfin son visage lorsqu'il se retourna.

- Dryan ! lâcha t-il.

Même s'il paraissait moins frappé par l'âge, l'homme en blouse blanche qui se tenait devant lui était bel et bien l'homme qu'il connaissait en tant que chef de la défunte ville de Lizéra. Toutefois, s'il le voyait en chair et en os devant lui, ce ne semblait pas être réciproque. Aussi l'entendit-il ruminer comme pour lui seul :

- Nous n'en serions pas là s'il n'y avait pas eu cet accident avec la fille, dit-il. Est-ce là une manière de nous punir de jouer ainsi avec la vie de ces enfants ? Sommes-nous donc allés trop loin ?...

Après quoi, une obscurité parfaite tomba d'un seul coup dans la chambre; et dans cette noirceur, seule restait visible la fenêtre derrière laquelle le temps témoignait d'une nouvelle avancée rapide. Un jour sembla ainsi passer, puis deux, avant qu'une faible et grise lumière ne reprenne possession des lieux. Dryan avait disparu de la chambre, ainsi que l'enfant. Plus que la solitude dans laquelle il se trouvait, c'est le silence pesant et anormal qui régnait désormais tout autour de lui qui l'inquiéta le plus.
Quelque chose n'allait pas.

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:49:36

(Chapitre LIII - suite)

Il hésita, puis se dirigea vers la sortie. Lorsqu'il pénétra dans le couloir, il sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine, et l'horreur envahir son esprit. Les cadavres frais et gisants d'hommes et de femmes en blouse blanche jonchaient le couloir sur toute sa longueur, au milieu de ce qui ressemblait aux carcasses sans vie de quelques sinistres créatures. Le long des murs, tâchés de sang, les portes de toutes les chambres étaient désormais ouvertes, mais Leever supposa que les enfants avaient été évacués avant le début de l'assaut. Une présomption qui lui fut confirmée lorsqu'il pénétra dans le chambre d'Assylia, la jeune fille ayant disparu du lit où elle gisait auparavant, ne laissant derrière elle que le tuyau et l'appareil qui la reliait. Il ressortit aussitôt, et s'avança dans le couloir tout en enjambant les dépouilles malheureuses. Il jetait un œil de temps à autre dans l'une des chambres, mais celles-ci étaient fort heureusement vides de toute forme de vie, ou de mort. Après un moment passé à arpenter le couloir, il entendit des voix paniquées se rapprocher. Il arriva alors à une bifurcation au bout du couloir. Les voix qu'il entendait venaient de la droite, d'un double escalier automatique inactif, probablement privé d'énergie comme le reste du complexe, et qui semblait conduire très bas sous terre. Le chemin de gauche, quant à lui, débouchait sur une porte simple, mais à l'aspect différent des précédentes. La lueur qui en parcourait le contour n'était pas bleue, mais d'un rouge vif, et il y avait un petit tableau de commandes placé juste à côté, d'où brillait une lueur toute aussi écarlate.

- Vite, VITE !!

Ce cri paniqué était celui d'un homme, dont la silhouette précipitée se dévoila finalement sur le seuil de l'escalier, à droite; il était suivi d'un autre homme, les deux étant relativement jeunes mais tout aussi terrifiés et tremblants. Ils passèrent devant Leever comme s'il n'existait pas, et coururent à toutes enjambées vers la porte aux contours rouges, à l'exact opposé. L'un d'eux s'affaira sur le tableau de commandes, pendant que son collègue scrutait les alentours avec une nervosité et une angoisse palpables.

- Dépêche-toi, dit-il, ils peuvent revenir n'importe quand !!
- La ferme, LA FERME !! Cette connerie de sécurité, bordel... BORDEL !!

Un rugissement soudain les fit sursauter de terreur; une plainte profonde, et inquiétante, qui provenait du couloir principal. Leever regarda dans cette direction, et vit alors, au fond, des cadavres projetés avec brutalité sous le poids et la force d'une créature touffue et sinistre s'avançant à pas lents vers eux. L'homme affairé à débloquer la sécurité de la porte se retourna alors vivement vers son collègue, un masque d'effroi au visage.

- Va le retenir !! lui hurla t-il.

Avec l'expression d'un homme terrifié par des paroles qu'il avait redoutées, il s'exécuta aussitôt et vint se poster près de Leever, devant le couloir où la bête progressait, écrasant désormais les cadavres qui lui obstruaient le passage. Sa silhouette se faisait plus claire à présent, celle d'une créature proche du gorille, mais affublée de poils oranges et d'yeux sanguinaires. Lorsqu'elle perçut l'homme se profiler devant elle, la créature marqua un temps d'arrêt dans sa lente avancée, puis se rua sauvagement en avant. D'une main tremblante, le pauvre homme terrifié sortit de sa blouse une arme étrange, en forme de pistolet à demi transparent d'où émanait une lueur verte, et tira aussitôt sur la bête folle qui s'immobilisa instantanément, prise de spasmes et de violentes convulsions. Mais elle résistait, toujours sur ses quatre pattes touffues, sans daigner s'effondrer, et parvint à faire un pas en avant au prix d'un effort colossal, puis un deuxième, et un troisième. L'homme tira une nouvelle salve de son arme, mais l'inexorable était en marche, et rien ne pouvait l'arrêter.

- CA Y EST !! exulta soudain son collègue.

La sécurité avait été débloquée, et la porte s'ouvrit alors devant les yeux du scientifique.
Il sursauta alors en voyant, debout juste derrière celle-ci, comme s'il avait attendu qu'on lui ouvre la porte, une petite silhouette le dévisager d'un œil inexpressif. Leever, enfant.
Reprenant un semblant de contenance, malgré le sentiment de malaise qu'il avait en regardant cet enfant, l'homme lui dit alors :

- On est venus te chercher, vite !

Mais l'enfant ne bougea pas, ni ne retira son regard dérangeant du visage de l'homme.

- Allez, c'est pas le moment de...
- Mort, l'interrompit soudain l'enfant.

Alors, l'homme poussa un cri étouffé de surprise et d'incompréhension, mêlé de souffrance, et s'écroula au sol. Alors qu'une mare de sang se déployait autour de son corps sans vie, le mercenaire adulte, qui avait observé toute la scène, se précipita vers l'enfant. La main baignée de sang, et le visage soudain animé d'une expression hallucinée, presque démente, l'enfant murmura doucement et avec satisfaction :

- Ha ha ha... Tué... Tuééé !

A cet instant, le second homme, qui voyait toujours avancer sur lui la créature, se tourna sur sa droite et constata le drame avec une horreur incrédule.

- Qu... Quoi ?! bégaya t-il. Pourqu...

Et brusquement, tandis qu'il cherchait à comprendre pourquoi son collègue était mort, en oubliant le reste, la créature lui sauta dessus et ne lui laissa absolument aucune chance. Devant un Leever adulte tétanisé par ce qu'il voyait, le Leever enfant s'avança le long du couloir et attira aussitôt l'attention de la bête, qui se rua sur lui après n'avoir fait qu'une bouchée du pauvre homme. Mais un champ de force la repoussa brusquement, lorsqu'une paire de petites ailes blanches sortit du dos de l'enfant. Alors, tendant sa main toujours ensanglantée vers la créature, il se concentra, un rictus au visage, et propulsa une intense boule d'énergie blanche sur le monstre qui hurla à la mort, consumé par des flammes blanches.

- Monstre... Humain... Quelle différence ? dit alors l'enfant.

Puis il s'esclaffa, d'un rire dément et incontrôlé, et se mit à courir vers les escaliers qui descendaient de l'autre côté, suivi aussitôt de son alter-ego adulte halluciné. Ils descendit ainsi à grandes enjambées les marches qui menaient aux profondeurs de la cité, et finit par arriver en bas. Un portail, large et haut, se dressait ouvert devant lui; lorsqu'il en passa le seuil, il se retrouva alors dans une gigantesque cavité sphérique, taillée à même la roche, dont la voûte haute était soutenue par d'immenses piliers d'un métal argenté. Elle était occupée en grande partie par un vaisseau colossal et tout de blanc recouvert, en plein centre de l'endroit. Sa forme longue et aérodynamique était surplombée d'une espèce de dôme translucide, dans laquelle pouvait-on apercevoir de petites gerbes d'étincelles vertes, électriques, en parcourir la surface avec brièveté et intermittence. Un sas, fait du même métal que les piliers, avait été aménagé au sommet de la voute, juste au dessus du vaisseau, pour lui permettre vraisemblablement de sortir le moment venu. Mais celui-ci était solidement fermé.

Leever n'avait cependant pas le temps ni la tête à s'en émerveiller, car son Lui-enfant se tenait maintenant sur une plate-forme qui permettait de descendre plus bas, à la base raccourcie de la sphère. Alors que celle-ci commençait déjà à descendre, il se précipita et, d'un bon leste et gracile, parvint à la rejoindre. Pendant que l'ascenseur les conduisait tous deux vers le bas, Leever regarda longuement cet enfant avec l'infâme sentiment d'avoir déjà vécu ça; puis ce fut le dégout et la répugnance qui l'envahirent lorsque ses yeux se tournèrent sur ses petites mains ensanglantées. Il avait... tué un innocent, à mains nues. De ces mains. De ses propres mains. Était-ce la raison pour laquelle il avait tout oublié de son passé ? N'était-il finalement qu'un meurtrier pris de folie ? Seul le désir d'en voir davantage l'empêchait de devenir fou, à présent. Mais ne risquait-il pas de découvrir quelque chose de pire encore ?...

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:50:00

(Chapitre LIII - suite)

La plate-forme s'arrêta, et l'enfant repartit aussitôt. Tandis que le chemin central menait, plusieurs dizaines de mètres plus loin, à une espèce de quai pour embarquer dans le vaisseau où s'affairaient quelques silhouettes indiscernables, Leever remarqua à droite et à gauche de ce chemin, quelques bâtiments à toits plats et peu élevés, dont la plupart semblaient servir d'entrepôts. L'enfant s'était dirigé sur la gauche, vers l'un d'entre eux, et y avait pénétré aussitôt. Lorsque Leever y entra à son tour, il vit que tous les enfants, tous les orphelins à la charge du laboratoire, avaient été réunis ici, sans nul adulte pour les surveiller. La peur se lisait sur leurs visages, certains pleuraient et hurlaient même. Ils étaient si nombreux que personne ne remarqua le nouvel enfant arrivant, qui se dirigea vers le fond de la salle. Là-bas, des lits étaient entreposés, et sur l'un d'eux, toujours plongée dans un profond coma, c'était Assylia.

En voyant ça, Leever sentit la crainte qui le dévorait jusqu'à présent prendre une ampleur nouvelle, et plus terrible encore. L'enfant se pencha sur le lit avec un regard dément, et, contre toute-attente, prit la jeune fille sur son dos. Puis, s'assurant que personne ne le regardait, il quitta furtivement l'entrepôt par une porté dérobée. Le suivant toujours, Leever le vit alors prendre le chemin inverse et repartir vers l'ascenseur. Que cherchait-il à faire avec Assylia ?

Une fois remonté, il retraversa le portail de la vaste cavité pour en sortir, puis regrimpa les escaliers à toute allure sans dire un mot. Un monstre hideux rugit alors, et jaillit du néant tandis que l'enfant n'avait encore parcouru que la moitié de l'escalier. Mais comme son prédécesseur, la créature d'aspect batracien se consuma dans un déchainement de flammes blanches sans opposer davantage de résistance. Sans n'accorder à ce haut fait qu'un simple sourire satisfait, l'enfant repassa dans le couloir où il avait tué l'homme venu le secourir, enjamba son corps meurtri, et entra dans la pièce sécurisée en refermant la porte derrière lui, si bien et si vite que son alter-ego adulte dut se hâter pour en franchir le seuil à temps. Là, il déposa soigneusement le corps de la jeune Assylia sur un lit aux draps déchirés, seul mobilier dans cette pièce vide, et lui mit alors sa main ensanglantée sur le front avant de fermer les yeux. Un hâle de lumière blanche l'entoura, brillant de plus en plus, puis se dissipa soudain au plus fort de son intensité. Les paupières d'Assylia remuèrent alors, et elle ouvrit les yeux avec difficulté. Elle tourna lentement la tête sur son côté, et vit le visage du jeune Leever, apaisé, mais gardant tout de même quelques réminiscences de démence.

- Je t'ai sauvée des monstres, lui dit-il alors.
- Des... monstres ? répondit-elle faiblement. Je comprends pas...
- Je les ai tués, reprit-il, j'ai tué les monstres.
- Pourquoi... ?
- Parce qu'ils te faisaient du mal. Ils NOUS faisaient du mal ! Maintenant, écoute-moi... Il faut qu'on sorte d'ici, mais il y a des monstres, partout, de tous les côtés. On doit sortir d'ici, et on partira loin, loin d'ici, et on vivra en paix, hein, tu comprends, dis ?!

Alors qu'il s'était apaisé momentanément, son visage se tordait de nouveau sous les coups d'une folie montante. Il avait les yeux exorbités, et, sans même s'en apercevoir, avait récupéré son rictus malsain.

- Ils ne peuvent pas nous arrêter, continua t-il en haussant la voix. On est... On est... On est différents d'eux, plus FORTS qu'eux !!
- Qui es-tu ?... Tu n'es pas... Tu n'es pas Leever. J'ai peur... Va t-en.
- Je suis tout ce qui te reste ! Assylia, viens avec moi ! Tu ne peux pas me laisser tout seul, non, tu ne peux pas faire ça ! Sinon tu seras seule, toi aussi ! SEULE !!
- On n'est pas seuls, lui répondit-elle. Tous les autres... Tous les autres sont là...
- Ils ne valent rien... Leur vie n'a aucune importance, aucune ! Ce ne sont des monstres, plus petits, mais ce sont des monstres, comme les autres, comme TOUS les autres !!

Son visage s'illumina soudain d'une pensée sinistre.

- Je sais ! hurla t-il presque. Je vais... Je vais tous les tuer ! Comme ça, il ne restera plus que TOI, et MOI !! Ha Ha !!
- Leever, non !! Ne fais pas ça ! C'est.. C'est mal !
- Reste là, ne bouge pas, je reviens tout de suite ! Ha Ha Ha !!
- LEEVER !!

Mais il s'avança l'air plus dément que jamais vers la porte, et entendit le lit crisser derrière lui. D'un réflexe rapide, il se retourna, et vit Assylia tenter de se lever, mais il tendit aussitôt la main en sa direction. Sa paume s'illumina d'une lueur pâle, et la jeune fille retomba alors en arrière dans un profond sommeil. L'enfant fou ouvrit alors la porte, au moment-même où le sol se mit à trembler. Des monstres accouraient en masse dans le couloir, nombreux, et désireux de porter l'estocade finale aux derniers survivants de cette terre après en avoir percé les dernières défenses. Refermant soigneusement la solide porte blindée de la chambre derrière lui, une fois que son Lui-adulte l'eut suivi au dehors, il recommença à courir et à descendre les escaliers à toute allure. Leever le suivit avec angoisse, apercevant furtivement, en passant devant le couloir droit, une multitude d'yeux rouges et de formes monstrueuses fonçant vers eux. Ils suivirent le chemin jusqu'à l'ascenseur et, pendant qu'ils descendaient, Leever vit débouler derrière eux une horde de monstres. Trois d'entre eux, des chenilles géantes d'aspect visqueux, les pourchassèrent ainsi jusqu'à l'entrée de la cavité, et parvinrent à sauter sur la plate-forme qui les menait de nouveau en bas. Sortant son épée, par réflexe, le mercenaire asséna un violent coup de lame à l'une d'entre elles, mais ne fit que la traverser, comme si la chenille n'avait aucune consistance. Alors, trois éclairs terribles s'abattirent de concert sur les monstres, qui rendirent l'âme aussitôt. Visiblement galvanisé par la réussite de son attaque et la puissance qui en découlait, le jeune Leever se mit à rire de nouveau sous les yeux apeurés de son alter-ego adulte.

Arrivé en bas, l'enfant se précipita en avant, suivant cette fois le chemin principal qui menait aux quais, où il semblait plus que jamais y avoir de l'agitation et du monde. Il n'était qu'à mi-chemin, lorsque tout à coup...

- Non, NOOOOON !! hurla t-il. Ma tête.... Ma tête !!

Se prenant subitement la tête à deux mains, il s'effondra à genoux sur le sol, tandis que déboulaient derrière eux des hordes de monstres en grandes quantités. Seul, sans défense, le sort du jeune Leever semblait scellé, lorsque soudain, un immense mur de flammes s'érigea entre les monstres et l'enfant, dans lequel vinrent se consumer les créatures les plus hâtées. Sans même remarquer que deux silhouettes, une homme et une femme, accouraient à son secours, le jeune Leever s'évanouit et perdit connaissance. Parmi les deux nouveaux arrivants, il y avait là une silhouette que le mercenaire connaissait bien. Il paraissait plus jeune, plus fringant, mais aucun doute sur son identité.

- Emmène-le avec les autres, vite !! hurla l'homme aux longs cheveux rouges. Et partez, ne m'attendez pas ! Je me charge de les retenir !!
- Mais, Kajikoh ! protesta la femme à ses côtés. Si tu fais ça, tu ne pourras pas... !

La femme qui accompagnait Kajikoh était d'une grande beauté, et son visage, entouré d'une magnifique chute de cheveux bruns, était marqué d'une grande sagesse.

- Nous n'avons plus le choix, lui répondit-il. L'un de nous doit survivre, Ihrin. Prend bien soin de notre enfant, il ne doit pas mourir ici !

Ihrin le regarda une dernière fois, les larmes aux yeux, le cœur tiraillé mais résolu. Elle s'avança vers l'enfant étalé sur le sol, et le prit dans ses bras avec douceur. Puis, s'arrêtant là devant son mari, elle le fixa d'un air quasiment implorant.

- Ne t'en fais pas, je ne mourrai pas maintenant, la rassura t-il en souriant. Pas avant que vous ne soyez revenus pour délivrer cette planète.
- Je t'aime, lui dit-elle finalement, la mort dans l'âme.

Et le cœur déchiré, elle s'éloigna vers le quai d'embarquement pendant que Kajikoh restait là, ses deux épées dégainées, prêt à en découdre avec les hordes de créatures qui s'entassaient derrière la muraille de flammes, de plus en plus vacillante. Et alors que le Zerka aux cheveux écarlates s'élançait vers son destin, le temps se figea d'un seul coup. Le spectacle était terminé.

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:50:25

(Chapitre LIII - suite)

Devant une telle succession de scènes, Leever avait senti peu à peu toute volonté lui échapper, et jamais auparavant n'avait-il ressenti autant de dégoût pour lui-même, et pour les souvenirs qui constituaient de nouveau sa mémoire. Il n'était plus Leever, ni un Zerka, ni même un être humain. Il n'était plus qu'un meurtrier, un fou, un psychopathe, que des mains douces et innocentes avaient mené vers une forfaiture plus terrible encore. Car de cette scène, il connaissait la suite, hélas. Il ne savait que trop bien ce que son Lui-enfant s'apprêtait désormais à faire dans ce vaisseau d'où nul ne pouvait plus s'échapper, ni même lui résister. Il regarda la silhouette de la douce Ihrin, figée plus loin, tenant dans ses bras un meurtrier, qu'elle amenait désormais vers son crime futur sans même le savoir. Alors, comme pour exprimer toute la haine, tout le mépris qu'il éprouvait à présent, il foudroya du regard le Kajikoh immobile et hurla de tout son cœur :

- Pourquoi m'avoir sauvé, pourquoi... Pourquoi ?! Pourquoi avoir sauvé un ASSASSIN, pourquoi avoir sauvé un tel MONSTRE !! Pourquoi ne pas m'avoir laissé mourir, mourir... MOURIR !! POURQUOI, KAJIKOH, POURQUOI ?!

Et il tomba lui-même à genoux, dévoré par les remords, dévoré par les propres défaillances de son esprit. Il les entendit alors, résonner dans sa tête, des hurlements pires que la raison ne saurait en supporter. Des cris d'enfants, des plaintes atroces d'enfants terrorisés, suppliant pour leurs vies, réminiscences sinistres d'un passé que plus aucune barrière ne retenait désormais. Et un rire, celui d'un enfant qui se galvanise de tels actes, qui abat le fer d'une épée pour ôter à l'espoir les jeunes vies qui l'entretiennent. Son rire, son propre rire. Il n'aurait jamais dû embarquer dans ce vaisseau, jamais... Il aurait dû mourir ici, à l'endroit même où il se trouvait désormais.

C'est ce moment que choisit alors Kerdahlia pour réapparaître devant lui, tel un oiseau de mauvais augure. Voir Leever dans cette détresse extrême semblait la combler d'une extase suprême.

- Tu sembles tourmenté d'avoir récupéré tes chers souvenirs, dit-elle d'un ton moqueur.
- Je ne suis qu'un assassin, répondit-il d'une voix faible et neutre. Un homme sans aucun cœur, ni droit de vivre. Un monstre, je suis un monstre...
- Le preux chevalier aurait-il abdiqué, après avoir découvert sa vraie nature et laissé sa dulcinée derrière lui ?... Oh, quelle idiote je suis ! Tu l'avais déjà abandonnée depuis des années !!
- Je suis...
- Tu n'es rien, absolument plus rien, l'interrompit-elle. Toute parole, tout désir, toute prétention de vie te sont désormais interdites. Mais je peux te délivrer du tourment qui t'habite, oui, je le peux... Hin Hin Hin...

Leever entendit alors tomber un petit objet métallique devant lui. De ses yeux sombres, inexpressifs, et pourtant embués de larmes, il découvrit là la forme d'un petit poignard à lame blanche. Il y garda fixé son regard, comme pris d'une soudaine et noire obsession. Alors, il tendit la main en avant, lentement...

- Oui, c'est ça, dit alors la démone. Prend-le, je te l'offre de bonne grâce...

Au travers de ses yeux embués, et n'entendant alors que le battement retentissant de son cœur, il vit sa main tremblante se refermer sur le manche du poignard, puis lentement revenir vers lui. Il contempla son reflet dans l'épaisse lame, et n'y vit là que le visage sinistre de l'assassin qu'il était devenu – non, qu'il avait toujours été. Enfin, il plaça la pointe du poignard contre sa poitrine, le manche placé entre ses deux mains, et ferma les yeux. La démone semblait sur le point d'exulter, un large sourire aux lèvres.

- Hin Hin Hin... Vas-y, ton salut n'est plus qu'à quelques centimètres. Enfonce-le, de ces mains souillées par le sang des êtres purs et innocents que tu as froidement massacrés ! Enfonce-le !!

Leever resta figé dans cette position, pendant une longue seconde, puis deux, et bientôt trois. Le temps continuait de s'écouler avec lenteur, bien qu'en apparence, il parut s'être arrêté. D'éternelles secondes semblèrent ainsi être passées lorsque, impatiente, la démone perdit soudain son sourire.

- Qu'attends-tu ?! vociféra t-elle.
- Je ne peux pas, répondit Leever, sans rouvrir les yeux.

Comme répondant à un ordre du plus profond de lui-même, ses mains refusaient de lui enfoncer ce poignard dans le cœur. Il restait quelque chose, un détail que l'on aurait jeté dans un abime de son esprit, et qui refaisait surface subitement, comme activé par un instinct primaire de survie. Des visages lui apparurent alors, formes floues mais familières dans son esprit, et son être tout entier se mit à protester contre la puissante injonction qui lui commandait de mourir.

- Squall... Quistis... Seifer... Selphie... Kajikoh, énuméra t-il lentement. Je ne peux pas mourir, ni me laisser aller au désespoir. Il me reste des vies à sauver, et des amis qui partagent mon destin... Je ne peux pas... Pas maintenant... Pas maintenant !!

Auparavant si exaltée, Kerdahlia ne riait plus du tout. Une fureur impatiente commençait même à se lire sur son visage.

- Aurais-tu déjà oublié tes actes, insignifiant petit Zerka ?! Les monstres tels que toi ne méritent pas de vivre, ni même d'hésiter à mourir !! Il n'y a d'autre solution face au désespoir absolu que de céder, et de MOURIR !!

Alors, les voix sinistres et macabres de ses victimes se mirent à résonner de plus belle dans son crâne, et il se mit à trembler des tous ses membres, à serrer les dents, sans pour autant effectuer le geste final que la démone souhaitait lui faire commettre. Dans un tintement métallique retentissant, alors, le poignard s'échappa des mains de Leever et tomba sur le sol, à la grande stupéfaction de la démone. Le visage animé par une haine et une fureur plus terrifiantes que jamais, celle-ci dégaina alors son épée dans un geste brusque.

- Stupide Zerka, vociféra t-elle. Je t'ai laissé ta chance, mais puisque tu t'entêtes, c'est par ma lame que tu te repentiras !!

Fixant la silhouette tremblotante, immobile et impuissante de Leever avec mépris, elle s'approcha de quelques pas. Mais au moment où elle arma son geste, levant son épée, son bras s'arrêta net.

- NON !! hurla alors une voix dans le crâne de Kerdahlia.
- Que fais-tu, inconsciente ! lui répondit-elle à voix haute.
- Je ne te laisserai pas... !
- Comment peux-tu... Je te pensais disparue, noyée à tout jamais !
- Tant que j'aurai la volonté de nager, je ne coulerai pas dans ton océan de folie !
- Cet océan de folie est autant le tien que le mien. Oublierais-tu la cause de son existence – de MON existence ?! C'est à cause de ces misérables scientifiques, ces pauvres humains qui tentent d'égaler Dieu ! Je suis le résultat de ton ressentiment, de ta haine à leur égard !! Pourquoi t'interposer pour sauver quelques uns de ces pathétiques êtres ?!
- Parce que tu ne cherches que destruction, et anéantissement !! Je ne veux pas d'un tel monde, et je veux croire en l'humanité !! Tout ce temps séparé de toi, de ma propre folie, m'a permis de découvrir ce que je souhaitais réellement, et de déceler l'espoir dans le cœur des hommes !!
- Tu ne comprends donc pas ?! L'humanité n'a aucun avenir, et continuera de répéter les mêmes erreurs, encore et encore, jusqu'à la fin des temps !! Comment peux-tu encore croire en de telles monstruosités ?!
- Parce que l'humanité n'est pas aussi stupide que tu le penses !!
- Ce corps est MIEN, tu ne l'auras pas !! cria la démone.
- Alors, je le reprendrai de force !!

Lâchant soudain son épée, qui tomba sur le sol de la même manière que le poignard plus tôt, Kerdahlia, la tête entre les mains, se mit à hurler de tout son être, puis s'effondra à genoux à son tour. Une aura flamboyante l'entourait, que de vives étincelles parcouraient parfois, et le sol s'était mis à trembler. Leever ouvrit les yeux, stupéfait, et inquiet. La vaste cavité du hangar dans lequel il se trouvait semblait se déformer, les murs enflant et désenflant grossièrement comme si leur structure se liquéfiait; et leur couleur ne cessait de changer, d'osciller de manière totalement incohérente. Le vaisseau, le sol, les plates-formes ; tout, autour d'eux, semblait être la proie de cette altération soudaine.

Continuant de hurler comme une démente, Kerdahlia descendit à tâtons ses mains qui lui enserraient la tête, atteignant le haut de ses oreilles, leur creux, puis enfin le lobe. Agrippant alors avec force et fermeté les deux ornements dorés qui y pendaient là, elle tira d'un coup sec, et arracha aussitôt ses boucles d'oreilles maudites, déchirant par la même occasion chacune des membranes inférieures de ses deux oreilles. Alors, un flash de lumière blanche envahit l'intégralité du champ de vision de Leever, et tout décor comme tout son s'y dissipa, comme avalés.

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 01:50:46

(Chapitre LIII - suite et fin)

Lorsque la lumière s'évanouit, lentement, les deux jeunes gens se trouvaient toujours au même endroit, mais dans un état bien différent. Le vaisseau n'était plus là, et la splendeur que Leever avait pu observer dans l'architecture de Maresther n'était plus qu'un tas de ruines, poussiéreuses, où gisaient ci et là les carcasses de diverses créatures, si puantes et délabrées qu'elles devaient être ici depuis des années. Les entrepôts derrière lui étaient en ruines, leurs toits éboulés et d'énormes brèches ouvertes dans leurs parois salies par le temps.

Kerdahlia se tenait toujours devant lui, à genoux, les jambes écartées vers l'arrière et la tête baissée. Ses oreilles étaient en sang, tandis qu'à terre gisaient les deux boucles d'oreilles dorées qui avaient cessé de la tourmenter. Leever, quant à lui, se sentait émerger d'un cauchemar, et son esprit torturé s'était détendu, comme libéré d'une main oppressante qui l'enserrait jusqu'alors. Jetant un œil sur le poignard, qu'il pensait encore tenir dans sa main, il vit qu'il avait disparu, purement et simplement.

- C'est un mensonge... fit alors une voix douce devant lui.

Leever se releva, et s'approcha de la jeune femme. Les spasmes légers qui agitaient son corps, ses reniflements et les larmes qui tombaient sous sa tête lui indiquèrent qu'elle pleurait. Et lorsqu'elle releva enfin la tête, pour le regarder, Leever se sentit tout à coup pris d'un immense soulagement, et d'une joie qu'il s'efforça de contenir. La démence avait cessé de tirer les traits de ce beau visage, que seules les larmes et une profonde bonté animaient désormais.

- Assylia... Assylia...

Mais il était incapable de dire un mot, ne croyant pas à son bonheur soudain. Une larme s'écoula, à sa grande surprise, le long de sa propre joue, larme qu'il effaça d'un revers de poignet.

- C'est un mensonge, répéta Assylia. Tout ce qu'elle t'a montré... Ce n'était pas toi.

Leever ne répondit pas, mais il l'avait compris dès que la jeune femme avait retiré ses boucles d'oreilles, et que l'influence de Kerdahlia s'était tue. Tous ces souvenirs que la démone lui avait montrés... ce n'étaient pas les siens, non. Elle s'était immiscée dans son esprit, comme elle l'avait fait pour Squall, et lui avait montré des souvenirs et des sensations illusoires. Il n'avait pas tué d'innocents, et ce n'était pas non plus lui qui avait tué les enfants dans le vaisseau qui faisait route vers Done.

- Elle tenait ton esprit depuis des jours, lui expliqua Assylia. Elle l'a conditionné, depuis ton arrivée sur Tritéria, en te montrant des rêves qui ne t'appartenaient pas, pour que tu croies en des souvenirs qui ne le sont pas plus. Elle voulait te détruire, te tuer de l'intérieur, pour que tu finisses par te suicider de désespoir devant elle. Le désespoir nourrit son être, et son existence toute entière. Mais c'est terminé, maintenant...
- Alors... Qui suis-je réellement ?
- Je peux te le dire, lui répondit-elle. Mes souvenirs sont clairs désormais...
- J'étais... ici, moi aussi, n'est-ce pas ?
- Oui. Dans l'illusion qu'elle t'a montré, elle n'a fait allusion qu'à deux des trois Zerkas qui se trouvaient alors dans cet orphelinat. J'étais la première, et le garçon que tu as cru être toi était le second. Il était gentil, et nous étions assez proches. Mais comme moi, il a été victime d'un accident qui a corrompu son esprit. Dès lors, il est devenu fou, et a dû être placé en zone de quarantaine. La suite, tu l'as vue par toi-même... Il a profité de la situation pour essayer de s'enfuir avec moi, mais a fini par être ramené, bien malgré lui hélas, dans le vaisseau où il a...
- Comment s'appelait-il ?

A cette question, Assylia le regarda d'un air grave, se remémorant les souvenirs que la démone avait découverts en sondant l'esprit de Leever. Enfin, elle lui avoua :

- Tu as déjà eu affaire à lui, hélas. Il s'appelait Keto.
- Keto ! répéta t-il, incrédule.

Le souvenir du psychopathe par qui toute cette histoire avait commencé lui revint alors. Celui qui avait réveillé le Mont des Ténèbres, sur Done, puis qui avait tué Zell... Il le haïssait, et pourtant, il fut tout à coup pris de pitié pour lui, pour cet enfant que la science avait corrompu.

- Je n'arrive pas à y croire, dit-il. Keto...
- C'est le résultat des atroces expérimentations dont nous étions victimes, dans cet orphelinat. Tu y as eu droit, également, et peut-être serais-tu toi aussi devenu fou si tu avais subi un traitement plus long. Ils t'ont recueilli peu après le début de l'invasion, et juste avant l'accident de Keto. Tu étais le sujet Z-03...

Mais leur discussion fut soudain interrompue par une puissante secousse sismique, et le bruit sourd de quelque chose de massif ayant violemment percuté le sol de la Cité, loin au-dessus d'eux. Un énorme rocher se détacha alors de la voûte et vint s'écraser dans un fracas assourdissant à quelques mètres à côté d'eux.

- Tu me raconteras ça plus tard, lui dit alors Leever. Il faut partir d'ici !

Il lui tendit aussitôt la main, qu'elle agrippa pour se relever. L'ascenseur qui montait plus haut semblait ne plus marcher, et ce depuis des années. Ils se transformèrent alors en Zerka, chacun leur tour, et s'envolèrent vers l'entrée de la vaste cavité, tandis qu'un nombre croissant de fragments rocheux se détachaient de la voûte, qui s'effondrait presque toute entière désormais. Lorsqu'ils arrivèrent en vue de la porte, ils se posèrent quelques mètres devant elle, et remarquèrent alors trois silhouettes descendre de l'escalier, derrière le portail.

- Squall, Seifer, Quistis !! cria Leever.

Alors que les deux groupes accouraient l'un vers l'autre, un rocher s'effondra brusquement juste devant la porte, en bloquant l'accès. Il restait un petit espace, par dessus le rocher effondré, par lequel les deux groupes pouvaient toujours faire entendre leurs voix; mais il était trop mince pour s'y glisser.

- Leever !! cria alors Quistis. Tu vas bien ?
- Et merde, faut péter ce rocher ! lança alors Seifer.

Mais au même moment, une nouvelle avalanche de pierre vint consolider la barricade impromptue, et le soupirail qui les reliait encore fut obstrué brusquement, dernier lien qui reliait alors entre eux les deux groupes. Le sol tremblait de plus, et le fracas des rochers de l'autre côté continuait et s'amplifiait rapidement. Les secondes passèrent ainsi, avant qu'un bruit extrêmement sourd et une secousse d'une violence extrême leur firent comprendre que la voute avait totalement cédé. Puis, plus aucun bruit ne se fit entendre, jusqu'à ce que Quistis crie :

- LEEEEEEVEEEEER !!

Ekud
Niveau 21
19 juillet 2013 à 12:12:06

Sympa ce passage psychologique :) ça diversifie bien ton roman.

Encore une fois, beau travail :p

Chronos_Squall
Niveau 10
19 juillet 2013 à 13:27:33

Merci, je t'avoue que j'en ai bien chié pour le pondre ce chapitre-là. Je pars toujours avec l'espoir de faire court, d'aller à l'essentiel, sans en écrire 10 pages, et je me retrouve toujours au final devant un pavé pas possible :o))

Aussi j'avais un peu peur, avec le flot d'informations, de révélations et de revirements, que tout ça soit un peu bordélique. Mais je suis content que ça t'ait plu :-)

(Et puis j'ai dû le poster en sept parties celui-là, non pas parce qu'il est à ce point plus long, mais parce que JVC a, semble t-il, fait baisser sa limite de caractères par post :( )

Sujet : FanFic : Le secret du Mont des Tenébres
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