-Il aurait mieux valu pour vos gueules que vous parliez de meurtres, charognes !
Une ombre tomba du plafond, s'abattit sur le palier, et enfonça dans la tête du premier soldat des enfers une lourde hache d'acier. L'autre, arme à la main, se jeta sur elle. L'homme à la hache utilisa sa meilleure technique, réputée et crainte dans tout Shizen. Il leva son pied devant le torse de son ennemi, au milieu, et poussa brutalement. Propulsé par le choc comme par la poussée, le soldat traversa le fin battant de bois, et s'écrasa dans la chambre. Une hachette se planta dans sa poitrine, mettant fin à sa surprise.
-Salut, lança l'homme en entrant, après avoir extrait son arme du corps de son ennemi.
-William ! S'exclama sa mère. Est-ce que tu es pris dans l'armée ?
-Oui, maman, répondit-il en cachant le corps, devant sa jeune soeur qui, une main sur le coeur, les yeux fermés, tentait de reprendre son souffle. Je te ramènerai des médicaments. Mais avant ça, je te protégerai de ces chiens !
-William... nous sommes derrière les lignes ennemies... Tu dois fuir !
-Non. Je te protégerai, j'en fais le serment.
Il raffermit sa poigne sur sa hache.
-Mec... Un corbeau.
-C'est pas censé être un mauvais présage, ça ?
-Merde, lâcha un autre homme, derrière les palissades mobiles installées pour boucher les rues.
-Un mauvais présage ? Pas quand il y a Magnus, de la Garde Blanche, dessus. On est sauvés.
-Oh, j'ai tendance à penser qu'on surestime beaucoup la Garde. Ross est mort, Hardin est mort, tous deux en faisaient partie.
-Oh, ne t'en fais pas. On est en troisième ligne, on peut espérer qu'ils aient réglé le conflit avant qu'on se retrouve au front.
-Ça j'en doute fort, intervint un vétéran. Si les enfers tentent de nous coller un siège...
-Ils ne le feront pas, il y a beaucoup de villes autour de nous, avec leur armée. Ils ont lancé une attaque directe, ils n'oseraient pas un siège en plein milieu du territoire ennemi, ils se feraient tailler en pièces de tous les côtés.
-Tu crois ça ? Non... Je pense qu'ils veulent tenter un siège, et donc forcément qu'ils ont une arme surpuissante, mais qu'ils se basent sur l'effet de surprise...
Les soldats de la nature se turent, pensifs.
-A tous ! Ici Grey. Je répète qu'éliminer les cibles au sol n'est pas notre priorité. Notre objectif premier est de retrouver William, qui a probablement rejoint sa famille, et de l'aider à tenir sa position, ou de les évacuer vers le temple ou un bunker.
-Ça roule ma goule ! Lança Caïn en survolant la ville en guerre. Par contre si on croise des ennemis isolés, on peut lâcher des flèches ?
-Ouais, mais on doit vite se replier avec William et sa famille avant qu'ils ne meurent.
-On le sait bien, grommela Magnus, on fait ce qu'on peut. Si seulement cet idiot n'avait pas laissé sa Pierre de Com' dans l'armurerie, on aurait pu le localiser, mais...
-Il s'imaginait sûrement qu'on allait le punir s'il se laissait attraper, réfléchit Jyn.
-Dans ce cas il est con, déclara Magnus. Parce que plus ou perd de temps à le retrouver plus il va prendre dans la gueule.
-Que dans la gueule t'es sûr ? Commenta Caïn.
-Certain.
-Il ne pense pas comme ça, répondit Dolph. Je pense qu'il s'est dit qu'il préférait être puni à notre arrivée que de ne pas pouvoir protéger sa mère.
-... Ton raisonnement se tient, conclut Grey. Et on sait où il habite ?
-J'ai vu sur son torse le tatouage du Dragon Rouge, informa Jyn. Il appartient donc à un clan du nord de Shizen, et il en serait le chef si je ne me trompe pas.
-Un dragon sur le torse ? La classe ! Lâcha Caïn.
-Nord de Shizen, donc... On sait où orienter nos recherches, dit Grey. Magnus, Caïn... On y va !
-Le combat a commencé... Oh ! La troisième division de pégases est bien abîmée... J'espère qu'elle a fait des dégâts... et j'imagine que c'est le cas. Tiens, la deuxième et la cinquième ressortent. La deuxième a changé de montures. Les autres devaient être crevées. Wah ! Ça, c'était un coup de Blaster ! L'arme de Solice ! Il a donc pris part à la bataille... Et pas seul !
Pit jeta un coup d'oeil à la fenêtre, ou Phosphora bougeait dans tous les sens pour en voir le plus possible, et aperçut une pluie de rayons de lumière verte qui s'abattait au nord de la ville.
-Vas-y, Solice, tue-moi le plus possible de ces enfoirés qu'on nous libère !
Pit sourit, amusé. Phosphora était visiblement frustrée de ne pas pouvoir se battre, et compensait en commentant tout ce qu'il se passait, et en encourageant les combattants. Bien faible remède face à l'impuissance... Si seulement cet idiot ne leur avait pas parlé de l'attaque pour les retarder, car c'était évidemment le seul but de la manœuvre : les bloquer en salle des armes...
-Ouvrez la porte ! Ordonna Dolph.
Jyn leva les yeux. Ils étaient arrivés devant une palissade de bois, avec des hommes un peu partout autour. Un rapide coup d'oeil lui permit d'observer les blasons sur les armures. La pomme de Viridi était de loin majoritaire, mais l'éclair Phosphora se laissait voir ici et là, et, bien plus rare, se montrait le circuit imprimé Solice. Et, de temps en temps, les armures dorées arboraient le bouclier blanc de le Lumière. Jyn sourit. En moins d'une semaine elle était passée de combattante d'arène à membre de l'élite d'une armée. Son ascension avait de quoi choquer, et elle en avait parfois la tête qui tournait. Toutefois l'heure n'était pas à la nostalgie, mais au combat. Dès que la porte fut ouverte, elle remercia les hommes d'un signe de tête, et s'élança avec Dolph jusqu'à la prochaine.
-Chef !
-Mmmmoui ?
-Les Brutes sont arrivées, les Nomades aussi.
-... et les Barbares ?
-Les Barbares... n'ont pas été envoyés, chef.
-Ah... C'est problématique. On se bat contre la Garde blanche, c'est pas avec des Brutes, des Nomades et des guerriers lambdas qu'on va aller loin. Le boss veut qu'on survive et qu'on gagne cette guerre, mais sans troupes dignes de ce nom on n'a aucune chance. Envoyez les Barbares, bordel !
-Tout de suite, chef !
-J'espère bien, pas dans trois ans ! Pfff...
L'homme partit en courant. Joshua, au sommet de sa tour d'assaut, se tourna vers la bataille. Il avait averti Pit, mais probablement pas à temps, ou alors il ne l'avait pas retardé assez longtemps pour que la porte se ferme devant lui. L'ange devait, comme la fille, être enfermé dans l'Armurerie ultime. Et ça ne lui plaisait pas. Pas du tout. Sans oublier les oiseaux qui survolaient la ville... S'il ne réagissait pas, ça la foutrait mal, et les soldats se poseraient des questions.
-Jorge !
-Oui, mon général ? Demanda le chef des archers en arrivant.
-Le corbac et les deux pégases... Dis à tes hommes de faire semblant de leur tirer dessus, et de les rater. Ne les tue pas, surtout, sinon leur sang n'ornera pas seul le sol.
-Mon général... vous jouez pour perdre, n'est-ce pas ?
-Pardon ?
-Vous ne cherchez pas la victoire.
-... Ce n'était pas une question.
-En effet, approuva Jorge.
-Je vais juste te dire que si tu répètes à Hadès que cette défaite était volontaire, tu mourras de ma lame. Retiens ça.
-Bien, mon général. Je vais rassembler les troupes et rater mon tir au pigeon.
Jorge s'éloigna, et Joshua soupira. Son destin était maintenant lié à celui de l'archer... Il avait confiance en Jorge. Il devrait tuer Jorge avant sa trahison. Et il savait comment le faire. Il appela un de ses soldats.
-Magnus, qu'est-ce que...
L'homme venait de se laisser tomber de son oiseau, au-dessus d'un groupe d'archers. Grey chercha quelques secondes le but de cette chute libre, quand il vit William, devant un bâtiment, et le chef des archers qui le mettait en joue.
Il ne le garda pas en joue bien longtemps. La lame de Magnus lui fendit le crâne, puis il se précipita vers William.
L'illusion se dissipa. Vu de près, à part les vêtements, l'homme ne ressemblait pas du tout à William. En poussant un juron, Magnus envoya sa grosse épée dans la gorge du guerrier ennemi, avant de rappeler Jais. La manœuvre avait probablement eu pour seul but de le tuer à l'arc, et ils n'avaient pas encore échoué... Magnus était entouré d'archers belliqueux.
Grey lâcha des rafales de javelots qui fendirent l'air, fusant vers le sol et la batterie d'archers qui se dispersaient pour échapper à une tornade noire. Déjà les fantassins revenaient en courant sur leurs pas, voyant qu'il y avait du grabuge à l'arrière.
-Belle baston, nan ? Commenta Caïn en s'arrêtant près du vétéran, tirant à tout va avec son propre arc.
-Ouais... Mais Magnus est dans le pétrin.
-Ouais, il va pas s'en tirer à ce rythme. Heureusement que son armure fait bien son boulot, parce que sinon...
-Pelote d'épingles.
-Exactement. Tiens, prends ça, toi, ça t'apprendra à me viser quand je suis en stationnaire...
Bien. Jorge était mort. Maintenant il pouvait passer aux autres préoccupations. Le chef des Brutes, un homme noir en armure rouge avec un casque de la même couleur et un gourdin, et celui des Nomades, tout de cuir et de tissu brun et écarlate avec une longue lance dans le dos et une hache au côté, l'attendaient.
-Vos noms ?
-Tran Kharl, répondit la Brute.
-Thurj Thalan, cracha l'autre.
-D'accord. Thalan, tu vas me parler autrement, je en suis pas ton chien, et si tu me manques de respect encore une fois dans ta vie, crois-moi tu ne le feras plus. On ne se moque pas des autres quand on n'a plus de langue.
-Euh... bien, mon général.
-A la bonne heure ! Kharl ! Tu vas renforcer les troupes de l'Est. Thalan, toi, tu vas repousser un assaut au Sud, ils résistent, et enfoncer. On doit gagner au moins cent mètres d'ici ce soir.
-Bien, mon général.
Ils sortirent. Joshua sourit.
-Eh, toi ! T'es qui, et tu fous quoi ici ?
-Je suis ta mort, mon gars. Et si tu me crois pas, viens me chercher !
William raffermit sa prise sur sa hache. Le soldat ennemi se jeta en avant, lui aussi. La lance passa juste à côté de ses côtes grâce à une esquive calculée au millimètre, et il envoya sa hache. Le sang gicla. Deux hommes débarquèrent sur le palier. William affronta le premier, l'élimina en vitesse, puis se tourna vers le deuxième, lui enfonça sa hache dans l'épaule, son pied dans le torse, et de nouveau sa hache, mais dans le crâne cette fois. Trois hommes se présentèrent.
-Merde... Lily ! Sauve-toi !
-Me sauver ? Mais...
-Tire-toi ! Tu ne peux plus rien pour moi, c'est fini. Maman, si tu peux te lever, pars aussi. Fuis, réfugie-toi dans un bunker, et ne regarde pas derrière ! Lily, tu es ce que j'ai de plus précieux au monde...
Les hommes se jetèrent en avant, après s'être concertés du regard. Derrière leur ennemi, une jolie rousse d'une quinzaine d'années, bien formée pour son âge, et une femme beaucoup plus mûre, d'aucune utilité. Toutefois ils devaient tuer tout le monde. Et en face d'eux et de la fille, il n'y avait que ce gamin, épuisé, hache à la main, en garde fatiguée...
-Crève !
-Lily ! Fuiiis !!!
Tout le bâtiment fut secoué par une explosion énorme, et William se retrouva avec sa soeur et sa mère dans son appartement dont tous les murs avaient été détruits. Les quatre qui formaient la façade du bâtiment laissaient voir de grosses lézardes, et l'immeuble ne semblait plus très stable.
-William, retentit la voix fatiguée de sa mère... Abandonne-moi. L'immeuble ne tiendra pas longtemps. Pars, avec ta soeur. Pars et laisse-moi derrière. Je ne suis qu'un boulet, un poids inutile, depuis que j'ai perdu mes jambes. Va, et vis ta vie...
William allait refuser, quand un morceau de plafond d'une dizaine de kilos s'abattit près de ses pieds dans une pluie de poussière. Il fit ses adieux à sa mèe, en vitesse, pendant que le plafond commençait à leur tomber sur la tronche, accompagné par les meubles de l'étage d'au-dessus, puis ils descendirent en courant les escaliers.
Quand ils sortirent de l'immeuble qui comemnçait à s'effondrer, ils se retrouvèrent entourés d'une vingtaine de soldats en armure noire des enfers, lances pointées vers e centre de leur demi-cercle. Vers William.
-Bouge plus !
-Rends-toi et tu auras la vie sauve !
-Les mains en l'air !
-Mon gars, tu vas écouter ta mère...
Le corbeau passa en rase-mottes et Magnus saisit William à bras-le-corps, avant de remonter en chandelle. Les soldats, en-dessous d'eux, ne comprenaient pas.
-Magnus ! Fais-moi redescendre !
-Laisse tomber, pour ta mère... c'est inutile.
-Pas pour ma soeur ! Il faut la sauver ! Elle est trop jeune pour...
Mgnus baissa les yeux. La jeune rousse avait été projetée au sol, et était immobilisée par deux soldats. Visiblement, elle était en mauvaise posture.
-Putain... CAÏN ! Descends ! Fille à sauver ! Quinze ans, rousse, soeur de Will !
-J'la vois ! T'inquiète, je ne laisserai pas ÇA arriver à ta soeur !
Il descendit en piqué, atterrit au milieu des ennemis en crachant ses rafales de flèches, attrapa la jeune fille par le bras, la releva sans douceur, puis l'attira contre lui, sur sa pégase, avant de lui intimer l'ordre de redécoller en vitesse. La jeune fille terrifiée se colla contre lui, tremblante, les yeux fixés que les soldats qui rétrécissaient en-dessous d'eux.