Chapitre 111: Des liens incassables.
J’atterris enfin dans le néant, un monde noir, obscure, où il ne régnait pas la moindre lumière, le moindre son, et où tout objet étranger, c'est à dire moi, flottait doucement dans le vide.
Si j'étais ici désormais, c'était parce que j'avais quitté le monde des vivants...
Néanmoins, je n'étais pas encore tout à fait morte non plus.
-Bien joué mademoiselle Ledd ! Un véritable coup de génie ! Siffla soudain la voix de Samia à quelques mètres de moi, alors que son corps m'apparaissait lui aussi, flottant dans le néant le plus total...
Ainsi, j'avais vu juste...
La chose avait passé trop de temps dans le corps de la Bosmer, et avait fini par s'imprégner totalement de sa personne et de ses limites...
Désormais, ainsi plongé dans son propre monde, il était faible, et vulnérable.
Désormais, il était mortel...
Nous nous dévisageâmes durant de longues minutes lui et moi, échangeant un regard qui valait plus que tous les mots d'une vie...
Non, immondice, tu n'étais pas mon père, et certainement pas une personne que j'étais censée respecter ni admirer non plus...
Désormais, je prenais comme une insulte le fait que tu me considère comme ta fille, et je comptais bien te faire ravaler ta verve et tes propos odieux une bonne fois pour toute...
Animée par ma nature profonde, désormais pleinement libérée dans son monde originel, je crachai soudain toute ma fureur sur le monstre infernal, illuminant le néant lui même d'une éclair mortel qui alla aussitôt percuter celui lancé par la chose elle même, produisant d'emblée un craquement assourdissant qui ébranla ce monde obscure tout entier.
Ici, tout était plus facile en fin de compte, car seule la haine, la colère et la fureur étaient des armes, et ces sentiments, j'en débordais depuis trop longtemps...
L'éclair mortel gagna rapidement en intensité, sans toutefois pencher plus d'un côté que de l'autre, alors que le visage crispé et dément de la Bosmer me parvenait déjà, luttant avec hargne pour conserver son statut divin, ainsi défiée dans son propre univers.
-RRRRRAAAAAAAAH !
Pourtant, c'était moi la plus forte, la plus puissante, et la plus terrifiante désormais.
C'était moi la haine, la colère, le chaos.
Lui n'était plus rien, lui était faible, mourant, anéanti par ses propres erreurs, et son règne de terreur touchait immanquablement à sa fin...
L'éclair meurtrier gagna encore en intensité, bien que penchant désormais du côté de la Bosmer, dont la fureur ne rivalisait plus avec la mienne.
Non, ce n'était plus tous ces sentiments néfastes et violents que je voyais désormais dans les yeux dilatés de Samia, mais la peur, la frayeur, l'épouvante.
Je gagnais, j'allais gagner, et nous le savions tous les deux.
Il ne pouvait plus en être autrement...
Et enfin, l'éclair le frappa de plein fouet, fissurant aussitôt sa silhouette dans un cris à m'en déchirer les tympans.
Samia était vaincue ! IL était vaincu...
Le silence revint ensuite aussitôt, alors qu'une étrange scène se déroulait déjà devant mes yeux.
De fait, le corps de Samia se désagrégeait lentement, chaque particule de son être aspirée dans le néant, un peu comme si le mal lui même rappelait un être cher trop longtemps disparu.
Il ne resta bientôt plus rien d'autre, plus la moindre trace de cette chose immonde qui nous avait causé tant de tord par le passé, si ce n'est un étrange murmure, caché, diffus, à peine audible.
Il n'était pas mort, non, mais il était parti, et probablement pour très longtemps...
J'avais gagné, je l'avais chassé...
Comme si il avait pu en être autrement en fin de compte...
Après tout, ce combat n'avait été que l'aboutissement de toute une vie de promesses et de mensonges, et le néant lui même l'avait compris, clôturant cet affrontement qui n'avait finalement presque plus de sens...
Il était mourant, et sa place n'était d'ors et déjà plus parmi nous...
Je devais gagner, il en avait toujours été ainsi...
Je fus subitement ramenée dans le monde réel, comme si la mort elle même semblait vouloir me donner quelques instants de répit avant de m'emporter définitivement.
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-Sedris ? Lança doucement la voix de Samia, allongée à côté de moi.
Je ne répondis pas tout de suite, ne souhaitant pas que ma meilleure amie me voit ainsi pleurer bêtement le jour de son retour...
-Sedris...C'est toi...C'est bien toi...Sourit Samia alors que je tournais enfin mon visage vers elle.
Pour être honnête, j'avais tellement attendu ce moment que je ne savais même plus quoi dire.
Que pouvait-on bien ajouter après tout...
Non, Samia et moi nous connaissions trop bien, il n'y avait plus rien à dire désormais...
C'était très bien ainsi, finalement...
Nous restâmes allongées côte à côté durant de longues minutes, l'esprit ailleurs, progressivement entrainées vers ce qui serait notre dernière demeure...
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Soudain, et de façon beaucoup plus douce cette fois-ci, un dernier souvenir s'insinua calmement dans notre esprit, nous invitant à partager, et à comprendre finalement, l'histoire qui nous liait depuis si longtemps, et qui nous avait amené jusque là...
Nous étions revenues à Vivec, prêt de dix ans plus tôt, alors qu'une Bosmer de seize ans et une Dunmer de quatorze ans étaient toutes deux assises sur les remparts du quartier de l'arène, observant calmement le paysage sous le soleil de la fin de matinée.
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-Dis, Sedris, je peux te poser une question ?
-Hmmm ? Répondit la Dunmer d'un air un peu réservé, encore peu habituée à une telle promiscuité à l'époque.
-Tu crois qu'on a fait le bon choix en entrant à la Morag Tong ? Je veux dire, c'est un métier dangereux...Et difficile...On sera amenées à tuer des tas de gens durant toute notre vie, et...Et à risquer notre peau...
Bien sur, la Samia du souvenir était déjà un assassin talentueux de la Confrérie Noire à l'époque. Pourtant, on sentait aussi dans sa voix un profond attachement à la jeune Dunmer assise à côté d'elle...
-Et bien...J'imagine que c'est un métier dangereux oui...Commença lentement l'intéressée. Mais le chef...Enfin, le grand maitre comme on dit, semble particulièrement impressionné par nos talents respectifs, alors je pense qu'on devrait s'en sortir, non ? On a bien réussi le test final après tout. On est des vrais membres attitrés désormais...
-Oui, et peut-être même qu'on deviendra un jour des assassins d'élite renommés, qui sait ?
Les deux jeunes filles restèrent silencieuses quelques instants, observant les eaux de Vivec, l'esprit ailleurs.
-J'aime pas ces deux gars, cet Orque et cet Altmer là...Enchaina Samia, pensive.
-Aldaril et Rogdul ? Bah, c'est vrai qu'Aldaril boit beaucoup, mais...
-Oui mais Rogdul ronfle la nuit ! Il m'empêche de dormir !
La Dunmer esquissa aussitôt un sourire gêné.
-Et ceux qui viennent d'arriver, tu les trouves comment ? Enchaina Samia.
-J'aime pas le mec avec sa tête de tueur. C'est comment son nom déjà ? Celui qui a tué tous ces Khajiits là...
-Moi j'aime pas la petite madame je sais tout qui est arrivée hier en tout cas..."Oui MOI j'ai étudié la Morag Tong, MOI je sais ceci, MOI je sais cela !"
Les deux jeunes filles pouffèrent aussitôt de rire, parlant probablement d'Evos et de Gulena, qui venaient seulement de faire leur entrée à la Morag Tong à l'époque.
Après tout, pourquoi se prendre la tête et s'impliquer corps et âme dans un métier que l'on venait à peine de commencer quand on pouvait prendre un peu de bon temps entre filles ?
C'était une magnifique journée. La vie était belle...
Tout allait bien...
-Dis Sedris, j'aimerais que tu me promettes une chose...Enchaina enfin la Bosmer.
-Hmmm ? répondit de nouveau la Dunmer d'un air coincé.
-Que quoi qu'il arrive, on veille toujours l'une sur l'autre...
La Dunmer resta silencieuse quelques instants, son esprit naturellement froid et méfiant soupesant visiblement la question.
-Oui...D'accord...Acquiesça-t-elle enfin.
-T'es une fille super tu sais, Sedris...Je t'aime beaucoup...
Le souvenir s'effaça enfin, nous ramenant doucement à la réalité.
Depuis quand étais-je ici, à observer le ciel, l'esprit ailleurs ?
Dix minutes ? Une heure ? Deux heures ?
Je sentais ma conscience s'égarer de plus en plus au fil des minutes, progressivement engloutie par l'au-delà.
Pourtant, je n'avais plus peur désormais, car il était parti, et sa marque noire avec lui...
Oui, je le sentais...
J'entendais déjà leurs rires, j'entrevoyais déjà leurs visages...
Me pardonneraient-ils ?
Je ne sais pas...Peut-être pas tout de suite, mais qu'importe, car ils auraient tout le temps d'y réfléchir désormais, et moi de me racheter...
Samia posa délicatement sa tête sur mon épaule, alors que je scrutais calmement le ciel, m'attendant à y apercevoir le visage de mes amis d'un instant à l'autre, amis dont la voix se faisait de plus en plus limpide, comme si ils étaient désormais prêts à nous accueillir à leur côté.
Tiens...Je n'avais pas remarqué, mais on voyait la cité Impériale d'ici...
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Je fermai finalement les yeux, alors que Samia, toujours à mes côté, semblait avoir déjà gagné l'autre côté.
Les voix se firent encore plus claires, plus reconnaissables, plus accueillantes aussi...
J'avais changé, je n'étais plus tout à fait pareille depuis mon combat contre la chose...
Peut-être le sentaient-ils...Peut-être me pardonnaient-ils déjà...
Oui, pour la première fois depuis bien longtemps, je me sentais enfin chez moi...
FIN.
pas ce personnage mythique 
