Se connecter

The Elder Scrolls V : Skyrim

Sujet : [Fic] La Grande Marche
Pseudo supprimé
Niveau 10
09 avril 2014 à 23:23:30

Intriguant, très intriguant :sournois:
et le pauvre Barakh qui souffre d'une malediction aussi mystérieuse que démoniaque :hap:

Istary
Niveau 10
10 avril 2014 à 00:30:57

C'est moi ou ce nouveau personnage à une main comme Barahk ? "(grise et craquelé,avec des griffes). Ils ont peut-être la même malédiction ou quel que chose de semblable, intéressant... :noel:

Sarto
Niveau 8
10 avril 2014 à 16:32:06

Non Istary tu es pas le seul à l'avoir remarqué, la première seconde je me suis dis que fout Barahk dans cette taverne? :)

Chocota
Niveau 10
10 avril 2014 à 20:15:48

il est le démon en personne

andjesslau
Niveau 8
10 avril 2014 à 22:47:18

Ou ce serait peut-être lui qui aurait infligée cela à Barakh
et il serait "liée" ou sinon,il aurait reçu le même sort.. :pf:
Et vous,vous en pensez quoi ?! :)

Chocota
Niveau 10
11 avril 2014 à 21:47:20

la même chose que moi même :hap:

j'adore tous les mystères de la FIC en tout cas

Pseudo supprimé
Niveau 10
11 avril 2014 à 21:53:01

en tout cas encore un mec bien crackos ça commence à faire un peu beaucoup vivement qu'ils se retrouve tous dans un battle royal sa serait juste jouissif

Chocota
Niveau 10
11 avril 2014 à 21:54:47

un p'tit royal rumble version peil

Peil
Niveau 56
12 avril 2014 à 09:17:19

Chapitre 37 :

Darios, assit sur un rocher, contemplait les rayons du soleil qui pénétraient à l’intérieur de la grotte par son entrée et qui se reflétaient sur la pierre humide. Les moments où la brume s’écartait, dans ce marais, et laissait passer ne serait-ce qu’un peu de lumière, étaient rarissimes.
Il mâchonnait une fine racine qu’il avait ramassée par terre, et qu’il n’ôtait de sa bouche que pour boire une gorgée d’alcool à intervalle régulier.
Son épée rouillée était bien accrochée à sa ceinture. Sa hache, elle, était coincée entre ses jambes. Faute de fourreau, il ne pouvait pas la mettre autre part et était obligé de la transporter à la main.
Soudain, un bruit retentit derrière lui.
Il lança un regard derrière son épaule et haussa un sourcil, sans chercher à dissimuler son sourire.

-Tiens, déjà de retour dans le monde des vivants ?

Raedyn Levenni regarda brièvement autour de lui. Il se rendit compte qu’il était torse-nu, désarmé, et allongé sur un tas de feuilles mortes et de branchages. Il tenta de se redresser sur un coude mais une grimace de douleur déforma son visage et il retomba lourdement sur le dos avec un soupir.
Il cligna des yeux une dizaine de fois, comme s’il n’arrivait pas à croire qu’il soit encore en vie.

-Où suis-je ? lança-t-il alors dans la direction du Rougegarde. Et qui êtes-vous ?
-Où t’es ? Dans le premier endroit sec et à peu près sûr qu’j’ai pu trouver dans ce foutu marécage, autrement dit dans une caverne inhabitée à quelques kilomètres de l’endroit où tu as faillis trépasser. Qui je suis ? Juste un mercenaire anonyme qui t’a sauvé le cul, mon beau. Si tu veux savoir, on m’appelle Darios. Même si ce n’est pas mon vrai nom, c’est celui que je préfère, alors je le garde, et je tente d’oublier l’autre. Eh, mais… Tiens-toi tranquille !

Le général Dunmer serrait les dents et essayait une nouvelle fois de se redresser. Son front luisait de sueur et des veines bleuâtres ressortaient de son cou.
Au prix d’efforts qui semblèrent surhumains, à tel point qu’il dû fermer les yeux, comme sous le poids d’une souffrance atroce, et haleter un long moment après cela, il parvint à se mettre en position assise.
Là, il porta la main à son ventre et palpa la zone où Roderick Lustwick lui avait enfoncé une flèche jusqu’à l’empenne.
Il retira vivement ses doigts, à peine furent-ils entrés en contact avec sa peau, et lâcha un juron. Darios en déduisit que la douleur était toujours vive. En revanche, il ne restait pas la moindre blessure sur son corps. Simplement de fines cicatrices à peine visibles.
Raedyn écarquilla alors les yeux.

-L’élixir bleu ! Tu m’as bien donné l’élixir bleu ?!
-Ouais.
-Oui, soupira le Dunmer. Si tu m’avais fait boire l’autre… je ne serais plus de ce monde. Qu’en as-tu fait ?
-J’l’ai balancé à la flotte, répondit distraitement Darios en mentant, car il avait gardé la fiole verte et l’avait rangé dans sa poche, comme le lui avait conseillé le Chevaucheur Sombre.
-Bien. Très bien. Merci, en tout cas. Mes compagnons sont…
-Morts ? Ouais. Crevés de chez crevés. Y’en a pas un qu’en a réchappé. Et t’aurais connu le même sort si j’étais pas passé par là. Affronter la Flèche Blanche, j’vous jure… Si tu tenais tant que ça à te suicider, tu aurais aussi pu simplement te pendre à une branche avec ta ceinture, ou t’ouvrir la gorge d’un coup de couteau.

Raedyn tourna subitement la tête vers le Rougegarde.

-Comment sais-tu qui j’affrontais ? Tu as vu le… combat ?
-Le « combat » ? ricana Darios. Le massacre, ouais ! La Flèche Blanche vous a flanqué une raclée mémorable. Vous étiez des cochons de lait, le marais un abattoir, et lui c’était le boucher.
-Où est-il parti ?
-Ca, mon gars… Aucune idée. Je ne me serais pas risqué à l’suivre.

Darios secoua son outre de vin, vérifiant qu’il lui en restait dans le fond, et s’en enfila une rasade, à la manière d’un de ses éleveurs de chevaux de l’Ouest de Hauteroche, affublé de chapeaux en cuir à larges bords, et de bottes à bout pointu.
Le Dunmer baissa les yeux sur sa main. Il la ferma, puis l’ouvrit, et ce à plusieurs reprises. Soulagé de voir que ses mouvements étaient toujours les mêmes et qu’il avait conservé sa motricité, il ricana et passa sa main dans ses cheveux trempés de sueur.

-Un massacre… Oui, on peut appeler ça comme ça. Quelle erreur j’ai commis. J’aurais dû… J’aurais dû lui tendre un piège. Ou… Ou…
-Ça ne sert à rien de ressasser le passé, l’interrompit Darios. A l’heure qu’il est, tu ne peux rien changer à la situation. Tes potes sont morts, et j’me doute bien qu’ils t’étaient chers, mais on n’a pas de nécromancien sous la main, et même avec, je penses pas que t’aimerais te trimballer trois zombies gémissant jusqu’à la fin de tes jours, dussent-ils avoir été tes frères d’armes dans une autre vie. Ils sont morts, point. Quant à la Flèche Blanche, oublie tout de suite une quelconque idée de vengeance. D’une, il est maintenant trop loin pour être rattrapé. T’as dormi deux jours entiers, et tous les participants de la Grande Marche doivent désormais avoir terminés c’t’épreuve. On est sans doute les derniers, en queue de peloton. Et de deux, dans ton état, je te briserais en quatre rien qu’en éternuant. Je ne préfère pas t’parler de ce que te ferais Roderick Lustwick. Vu ?
-Vu, répondit Raedyn. Je ne suis pas idiot à ce point.
-Bien. Heureux qu’on se comprenne. Etant rassuré quant à ta réaction, je peux te rendre ceci.

Le Rougegarde se pencha et ramassa un objet qui se trouvait à ses pieds. Il le balança vers Raedyn. Celui-ci ne rattrapa son épée que de justesse, et le pommeau heurta son épaule, ce qui suffit à la plaquer au sol.
Darios ricana.
Le Dunmer repoussa son glaive et se redressa une nouvelle fois, un peu moins difficilement qu’avant. Il fixa le Rougegarde un long moment.

-Quelque chose m’intrigue, Darios.
-Quoi donc ?
-Toi.
-Moi ? Qu’est-ce qui peut t’intriguer chez un modeste mercenaire tel que moi ?
-Pourquoi m’as-tu sauvé ? Pourquoi as-tu veillé sur moi pendant mon coma ? Nous sommes rivaux, dans cette course.

Darios gratta sa barbe mal-rasée et sourit.

-Les rivaux s’allient parfois lorsque les circonstances s’imposent.
-Tu souhaites faire équipe avec moi ?
-Peut-être que oui. Peut-être que non.
-Il va me falloir une réponse plus claire.
-Je n’en ai pas à te donner. Je réfléchis encore moi-même à ce qui m’a amené à te sortir de l’eau, il y a deux jours.
-Je vois.
-Mais que cela soit clair : Je vais gagner cette course. Ce n’est pas une question de savoir ou non si voyager à tes côtés augmentera mes chances d’arriver au bout, puisque qu’avec ou sans toi, je serais le champion. La vraie question est de savoir ce que tu peux m’apporter qui me facilitera la tâche et rendra ma route jusqu’à la victoire moins ardue.

Raedyn sourit à son tour.

-Tu as l’air bien sûr de toi.

Blue_Salamander
Niveau 7
12 avril 2014 à 10:11:25

On dirait qu'une drôle d'équipe vient de se former. Je me demande jusqu'où ils iront tous les deux. En tout cas ça devient de plus en plus intéressant :oui:

Peil
Niveau 56
12 avril 2014 à 21:29:37

Merci :hap:

kriggs
Niveau 5
13 avril 2014 à 11:54:31

Voici un chapitre qui conclut bien des choses :oui:
Maintenant, il ne reste plus qu'à savoir pourquoi Shuzug veut la mort de Rod, même si je pense qu'on a tous nos propres idées...

En tout cas, de plus en plus intéressant, SWEET ! :gni:

Chocota
Niveau 10
13 avril 2014 à 16:27:41

je n'en ai aucune idée perso :(

Pseudo supprimé
Niveau 10
13 avril 2014 à 18:16:17

moi aussi aucune idée :( !

Maxou88420
Niveau 8
13 avril 2014 à 18:29:39

De peur de ce qu'il pouvait demander si il gagné la course peut etre

Peil
Niveau 56
14 avril 2014 à 17:23:45

Chapitre 38 :

Shuzug poussa les portes de la salle et entra dans la chambre d’Atlus d’un air déterminé, la tête haute. L’intérieur était agréablement chauffé, et la fenêtre, dont les rideaux étaient écartés, laissait voir l’étendue de la cité de Daggerfall.
L’hiver se terminait et la neige fondait, sur les toits et dans les rues.
Quatre hommes se trouvaient à l’intérieur de la pièce. Tous assis. Sur quatre sièges. Il n’y en avait pas de cinquième. Shuzug allait devoir rester debout. Il savait très bien pourquoi il avait été convoqué, et la lettre que tenait le seigneur Atlus ne faisait que confirmer ce qu’il pensait.
A la droite de ce dernier était assis le général Jarus, l’énorme Impérial, bien que moins grand que Shuzug, à la barbe noire, aux cheveux noués en tresses, à la peau mate et aux yeux d’un bleu étincelants.
D’ordinaire si gai et bon vivant, il ne souriait pas, cette fois, et n’affichait qu’un air grave et froid. Le même air que celui d’Edgar Alastor, le jeune mage de guerre Impérial à la capuche toujours rabattue sur le crâne, qu’il soit en extérieur ou en intérieur, et à l’allure discrète. Ses yeux, brillants dans l’ombre de sa capuche, étaient fixés sur Shuzug et semblaient ne pas pouvoir le lâcher.
A la gauche d’Edgar, lui-même à la gauche d’Atlus, Seran Darius, le vénérable doyen du Conseil Impérial, l’un des hommes les plus influents de l’Empire. Le vieillard aveugle avait les yeux fermés et la tête baissée, et même assis, il s’agrippait à sa canne.
Au léger frisson qui secoua son corps lorsque Shuzug entra, l’Orque comprit que Seran l’avait entendu arriver de loin. Ses sens étaient bien plus développés que la moyenne, de par sa cécité.
Shuzug se mit presque au garde-à-vous, face à ses collègues. Malgré son grade et son statut dans l’Empire, il aurait été malséant de ne pas paraître gêné face à ce qui allait suivre.
Atlus prit la parole en premier.

-Bonjour, général Gro-Yargol.

Shuzug ne répondit pas.

-Je viens de recevoir une lettre de mon agent, tout à l’heure, par pigeon voyageur, continua le seigneur de Daggerfall. Un de mes trois jokers. Helzmar Griffelune. Son contenu nous a tous fort intrigué et nous pensons que nous devons vous en faire part. Permettez que je vous la lise : « Très cher seigneur, je sais que je ne dois vous contacter qu’en cas d’extrême urgence, mais il me semble que la situation s’y prête. A l’instant où j’écris ces lignes, je me trouve accroupi sur une branche d’arbre, au beau milieu du marais brumeux, dans lequel se déroule la troisième épreuve de la Grande Marche, et un étrange combat vient de se conclure, sous mes yeux. La Flèche Blanche s’éloigne, et elle laisse le cadavre de Raedyn Levenni et de ses trois compères derrière elle. Et figurez-vous que ce sont ses derniers qui ont ouvert les hostilités. Etrange, n’est-ce pas ? Moi-même, jusque-là, j’ignorais que le vieillard que je suivais, par simple amusement, était le légendaire Roderick Lustwick. Je suis donc fort étonné d’apprendre que l’Empire a lancé des tueurs à ses trousses. Si je vous envois cette lettre, et j’espère que vous y répondrez vite, honoré seigneur, c’est pour savoir si mes ordres ont changés, et si ma cible est désormais la Flèche Blanche. Dans le doute, je n’ai pas prêté main forte à Raedyn Levenni, mais je me doute bien qu’un homme de sa stature n’a pas attaqué Roderick Lustwick par hasard. A l’avenir, lorsque vous engagerez d’autre agents en secret et que vous leurs donnerez de tels ordres, prévenez-moi. En dehors de ça, la mission continue, de mon côté. Je n’ai toujours pas trouvé ma cible, et je sais de source sûre que vos deux autres jokers sont dans la même situation que moi. Mais nous progressons tous, chacun de notre côté. Et bientôt, toute cette affaire sera réglée, soyez en sûr. »

Atlus reporta son attention sur Shuzug.

-Une curieuse lettre, ma foi.
-Fort curieuse, approuva Jarus d’une voix glaciale, sachant que jamais l’Empire n’a donné le moindre ordre à Raedyn Levenni concernant cette course, que nous pensions qu’il concourrait en tant que simple participant pour la gloire de la Légion, et que nous ignorions tous que la légendaire Flèche Blanche supposée avoir disparue depuis sept décennies participait également.
-Des explications seraient les bienvenues, fit Seran Darius. Car nous nous doutons, général Gro-Yargol, que c’est sous vos ordres que Raedyn Levenni et ses hommes s’en sont pris à Roderick Lustwick. Est-ce le cas ?

Shuzug ne réfléchit pas la moindre seconde. Il n’y avait pas à réfléchir. Tous savaient. Inutile de chercher à mentir.
Il gonfla la poitrine et passa son regard sur ceux qui, la veille encore, étaient ses compagnons, et qui désormais ressemblaient à des juges.

-C’est le cas, dit l’Orque d’un ton neutre. Moi, Shuzug Gro-Yargol, j’ai missionné Raedyn Levenni pour qu’il élimine la Flèche Blanche, sans en faire part aux instances de l’Empire. Il a échoué. J’en assume les conséquences.

Il garda secret le fait que Raedyn était encore en vie et qu’il avait discuté avec lui, une heure plus tôt, par l’intermédiaire d’un Miroir de Divination. Si tous le croyaient mort, tant mieux. Il n’aurait pas de problème s’il restait caché et ne se montrait pas.
Jarus reprit la parole.

-Pourquoi, Shuzug, pourquoi avoir fait ça ?
-Et que nous cachez-vous encore ? fit Atlus. D’autres machinations ? Vous saviez que Roderick Lustwick était de retour. Quel intérêt aviez-vous à vouloir l’assassiner ?
-Quel rapport entre la Flèche Blanche et notre cible ? lança Edgard Alastor.
-Et surtout, quel rapport entre la Flèche Blanche et vous ? conclut Seran Darius.

Beaucoup de questions. Trop de questions.
Shuzug inspira.

-Messieurs, dit-il finalement d’un ton sombre, je crois qu’il est grand temps que je vous révèle la vérité. Que je vous raconte tout. Et qu’ensuite, vous preniez votre décision. Les évènements dont je vais maintenant vous faire part ont eu lieu il y a quelques mois. En Cyrodil. Je me trouvais dans ma demeure de la Cité Impériale, et il pleuvait…

Il pleuvait. Les torrents de pluie s’écrasaient sur les carreaux dans une série de cliquetis insupportables qui évoquaient le son d’une averse de flèche s’abattant sur des hommes en armure. Ou des milliers de petits ongles cognant nerveusement sur une plaque de métal.
Shuzug contemplait son verre de vin. Le liquide rougeâtre reflétait la lueur du brasier, dans la cheminée, derrière lui. Il en but une gorgée. Chaud, épicé, et dont le goût restait longtemps sur le palais. Comme il l’aimait.
Soudain, un bruit retentit. Un grincement. Celui d’une fenêtre qu’on ouvrait.
Shuzug tourna lentement la tête. Il resta stupéfait devant l’individu qui se trouvait là, dans le carré de sa fenêtre, accroché à un volet, dégoulinant d’eau de pluie. Un fantôme. Un spectre qu’il avait cru ne jamais revoir. Un homme qu’il avait connu jadis et qui était désormais un vieillard, mais qu’il aurait pu reconnaître, même de dos.
Vêtu d’une légère armure de cuir, d’une cape noire et d’une capuche, un arc en bandoulière et un carquois rempli de flèches dans le dos, Roderick souriait de toutes ses dents.

-Salut, Shuzug.
-R… Roderick ? C’est toi ? C’est… C’est bien toi ?
-Et comment que c’est moi.

Le vieil homme bondit souplement à l’intérieur et referma la fenêtre derrière lui. Shuzug se leva du siège dans lequel il était enfoncé et s’approcha de son ancien frère d’arme. Les deux hommes se prirent brutalement dans les bras l’un de l’autre et se serrèrent, à la manière de deux amis chers ne s’étant pas revus depuis des lustres, ce qui était le cas.
Dans les énormes bras musculeux de l’Orque, Roderick paraissait une poupée de chiffon. Il riait.

-Je suis content de te revoir, Shuzug.
-Par les Neufs ! rugit Shuzug. Je… Je n’en crois pas mes yeux. Tu… Mais… C’est si soudain !
-Je comprends, fit Roderick. Tu ne sais pas quoi dire. Moi non plus. J’ai tant de choses à te raconter… Je ne sais pas par quoi commencer. Mais je pense que le mieux à faire, tout de suite, serait que nous nous calmions tous deux.
-Me calmer ?! Es-tu sérieux ?! Soixante-dix ans que je ne t’ai pas vu, et que le monde entier te croyait mort, et tu apparais devant moi, comme une fleur !
-Tu es en colère ?
-En colère ? Je suis heureux comme jamais je ne l’ai été depuis des années ! Il faut fêter ça ! Moi-aussi, j’ai tant de choses à te raconter, mais… Que Boethia me maudisse, nous avons tous deux tellement de choses à nous dire ! Je n’en crois pas mes yeux… Mais où étais-tu ? Que faisais-tu ? Pourquoi as-tu disparu durant si longtemps ? Et pourquoi revenir maintenant ?

Les paroles se bousculaient, n’arrivaient pas à sortir dans un ordre logique. Roderick éclata de rire et ôta sa cape pour la poser sur une chaise.

-Shuzug, tu l’as dit toi-même, il faut fêter ça. Et il se trouve que j’ai la gorge sèche. Que l’alcool coule à flot, mon ami.
-Serviteur !

Un page poussa la porte de la chambre.

-Oui, messire Gro-Yargol ?
-Apporte-nous la meilleure bouteille de vin que tu puisses trouver ! Et vite ! Cours comme si ta vie en dépendait ! Car c’est le cas !
-Je… Je me dépêche, bredouilla le page en refermant la porte.

Tous deux entendirent ses pas précipités, derrière. Shuzug saisit Roderick par les épaules et le força à s’asseoir. Il alla s’installer en face de lui. Puis, il le fixa un long moment avec de prendre la parole.

-Tu es en Tamriel depuis longtemps ?
-J’ai accosté aux quais de la Cité Impériale il y a trois heures. Tu es la première personne que j’ai tenu à voir. Et la plus proche, géographiquement parlant.
-Hum… J’imagine que tu es revenu pour une bonne raison ?
-Effectivement.

Peil
Niveau 56
14 avril 2014 à 17:24:20

Les premiers moments d’euphorie passés, les deux hommes avaient repris un ton plus sérieux. Roderick se pencha en avant et plongea son regard dans celui de Roderick.

-Tamriel a beaucoup changé depuis le temps. En arrivant, j’ai vu un immense engin volant passer dans le ciel, au-dessus des toits. Et des écrans partout dans les rues. Des sortes de miroirs affichant des images et produisant des sons. C’est incroyable. La Cité Impériale aussi a évoluée. La Tour d’Or Blanc a été entièrement reconstruite, j’ai l’impression, et la ville s’est considérablement élargie. Vous avez fait reculer les remparts ?
-Roderick… Tu sais qu’ici, pour le peuple, tu es mort ?
-Je sais.
-Tu es une… une sorte de légende. Un héros disparu depuis des décennies. Et tous ceux que tu connaissais jadis sont décédés. A part moi et… Lynris.
-Je le sais également.
-Alors qu’est-ce que tu es revenu faire ici ? Plus rien ne te retenait. J’imagine que… que tu as voyagé. Visité le monde. Vécu de nombreuses aventures. Quelle est cette fameuse raison pour laquelle tu as décidé de revenir ?
-Je crois que moi-aussi, j’avais fini par me persuader que plus rien ne me retenait à ce continent mais… C’était un mensonge que je faisais à moi-même. Il reste une affaire que je n’ai jamais conclue. Un homme dont j’ai retrouvé la trace.

Shuzug savait parfaitement de qui il s’agissait. Il soupira.

-Le Serpent.

Roderick hocha la tête avec un sourire.

-Oui, Shuzug. Cet homme qui s’est volatilisé il y a soixante-dix ans, saches que j’ai appris où il se trouvait. Enfin… Où il va se trouver, dans peu de temps. Et mes sources sont sûres. Pourquoi cet expression Shuzug ? Tu ne devrais pas sauter de joie à l’idée que nos camarades d’antan vont enfin être vengés, et que tu vas pouvoir te débarrasser définitivement de tes démons ?
-Il se trouve que, moi-aussi, je sais où le Serpent se trouvera dans « peu de temps ». L’Empire le surveille et le suit à la trace depuis plusieurs années, maintenant.

Roderick haussa un sourcil.

-Mais… Comment cela fait-il qu’il soit toujours en vie, alors ? Puisque vous connaissez sa localisation, cela ne devrait plus être un problème pour l’Empire de l’éliminer. Certes, c’est un individu extrêmement dangereux, mais…
-Rod’.

Shuzug fit un geste pour qu’il se calme. Le vieillard fronça les sourcils.

-Tuer le Serpent n’est plus d’actualité, déclara Shuzug d’une voix lasse.

Il y eut un instant de silence.

-Pardon ? fit Roderick au bout de quelques secondes, d’un air stupéfait.
-Personne ne tuera le Serpent. La situation a changée, depuis que tu es parti. Beaucoup changée. Je comptais t’en parler.
-Ne pas tuer le Serpent ? Comment ça ? Vous collaborez avec lui ? Il a perdu ses pouvoirs ?
-Ni l’un ni l’autre. Le Serpent nous est utile.
-Je ne comprends pas, Shuzug. Ou plutôt, j’ai peur de comprendre. Explique-moi.

Shuzug pris une profonde inspiration, avant de continuer. Visiblement, il craignait la réaction de son interlocuteur.

-Les expériences ont reprises, Rod’. Le projet consistant à créer des guerriers comme les Quatre, resté inachevé, a été dépoussiéré. L’Empire cherche à capturer le Serpent pour l’étudier, désormais. A le capturer vivant.

Il avait insisté sur le mot « vivant ».

-Il ne nous manque plus que lui pour que nous puissions commencer. Nous avons déjà des sujets d’expérience. Les informations que nous tirerons de lui seront plus qu’utiles. Alors, maintenant que tu es là, ton aide pour capturer le Serpent serait très précieuse, mais il n’est plus question de le tuer.

Roderick sourit.

-C’est une plaisanterie ?
-Non, Roderick.
-L’Empire compte… recréer des Quatre ?
-Pas des Quatre. Beaucoup plus. On m’a présenté les plans du projet il y a déjà quelques années et c’est très convaincant. Ecoute, la technologie et la science a énormément progressée, depuis que tu n’es plus là. Nous disposons de machines et de techniques que n’étions même pas capables d’imaginer, avant. Nous pourrions produire des êtres tels que les Quatre en masse. Dociles et…
-Stop, Shuzug. Pas un mot de plus. Ou je ne sais pas comment je réagirais.

Roderick, pâle, se leva. Shuzug se leva à son tour.

-Je ne te reconnais plus, Shuzug. Qu’est-ce qui t’es arrivé ?
-Ne prend pas de conclusion hâtive, s’il-te-plait. Et écoute-moi jusqu’au bout. Je savais que tu réagirais ainsi. Mais si tu prends la peine de réfléchir, tu te rendras compte que c’est loin d’être aussi stupide que tu le penses. Ici, en Tamriel, la guerre n’a jamais cessée, tu sais. La paix n’est qu’illusoire. Le Marais Noir et Morrowind se déchirent. En Lenclume, les pillards sont de plus en plus nombreux et dangereux. En Hauteroche, les nobles s’entretuent comme jamais ils ne se sont entretués, à coup de poison, de dagues dans le dos, et de flèches tirées depuis les toits. Une nouvelle guerre civile gronde, en Elsweyr. Et en Cyrodil, les émeutes se multiplient à cause des montées d’impôts et de la misère, et des révoltes éclatent partout, dans les campagnes. Tu as peut-être l’impression d’avoir retrouvée une Tamriel plus belle que jamais, après soixante-dix ans, mais en vérité, elle n’a jamais été aussi fragile.
-Et donc ?
-Et donc imagine, si nous disposions de nouveau de combattants comme le Rôdeur, ou le Corbeau ! Nous pourrions rétablir la paix, unir les nations, faire cesser les tueries ! Bien entendu, en soixante-dix ans, l’Empire a eu le temps de réfléchir aux erreurs qu’il a commises. Trop de précipitation. Pas assez de lucidité. Nous étions en pleine guerre. Aujourd’hui, le pays est plus stable, et nous avons plus de temps.
-Tu me fais peur, Shuzug. Les Quatre étaient instables et tu le sais ! Et maintenant, vous voulez créer une armée ?!
-Nous avions pris des prisonniers et des criminels comme cobayes, Roderick, ils n’étaient pas sains. Et nos méthodes n’étaient pas au point. Nous avons évolués. Nous sommes capables de faire mieux.

Le vieillard secoua lentement la tête, horrifié.

-Dis-moi que c’est une blague, Shuzug.

L’Orque fronça les sourcils.

-Ce n’est pas une blague, Roderick. Et je pensais qu’après mes explications, tu comprendrais.
-Les Quatre étaient un danger pour le monde ! Par les Neuf, tu… mais regarde-toi ! Tes cicatrices ! C’est l’un d’eux qui te les a faites !
-Les Quatre étaient des « ratés », rugit Shuzug hors de lui. Des monstres ! De simples prototypes !
-Et l’Empire a besoin d’étudier le Serpent pour pouvoir créer des… des « réussites » ?
-Oui.

Il y eut un long silence, seulement brisé par le crépitement du feu de la cheminée. Puis, Roderick recula de quelques pas, l’air choqué.

-En soixante-dix ans, Shuzug… tu as tellement changé…
-Et toi tu n’as pas changé ! répliqua le général Orque d’un ton exaspéré. Tu es toujours un enfant ! Tu es incapable de voir sur le long-terme !
-Le long terme ?! répondit Roderick en frappant violemment sur une étagère à côté de lui. C’est justement parce que je vois sur le long-terme que je suis aussi effrayé par tes propos ! La simple idée que l’Empire puisse donner naissance à une armée de… de Rôdeurs ou… de Serpents…
-Tu ne m’écoutes pas ! Bon sang, je te dis que nous allons être en mesure de créer des guerriers parfaits ! Stables, obéissants, et beaucoup plus fiables !
-Et au bout de combien d’essais ?
-Hein ?

Roderick s’approcha lentement.

-Toi comme moi savons que vous n’y parviendrez pas en claquant des doigts. Il vous faudra du temps. De nombreux échecs. Et des morts.
-Tu…
-Combien de cobayes sont décédés, lorsque les Quatre ont été « fabriqués » ? Ils étaient cinq-cents au départ. Il n’en restait que quatre à la fin. Et aujourd’hui, puisque tu m’as dit que le projet était prêt à être relancé et que l’Empire n’avait plus besoin que du Serpent… Combien de nouveaux sujets d’expériences attendent sagement, enfermés dans des camps Impériaux, que les tests commencent ? Des milliers ? Des centaines de milliers ? Pour combien de résultats « corrects » ?

Shuzug baissa les yeux.

Peil
Niveau 56
14 avril 2014 à 17:24:38

-Je… Je ne sais pas.
-Combien de tentatives allez-vous faire avant de parvenir à créer vos guerriers parfaits ? fit Roderick froidement. Hein ? C’est une montagne de cadavres que vous allez produire !
-Peut-être ! répondit Shuzug avec véhémence. Mais nous réussirons. Nous le devons !
-Quoi ?
-Toutes les créations de l’humanité sont passées par ce genre de phase. Des essais, des tâtonnements maladroits, des tentatives infructueuses, des échecs sur échecs… Pour finalement réussir. A ses débuts, la magie, lorsqu’elle était mal maîtrisée par nos ancêtres, était destructrice et mystérieuse. Crainte. Aujourd’hui, on peut soigner et sauver des vies, avec cette même magie. Bâtir des villes, améliorer la vie du peuple. L’engin volant que tu as vu en arrivant en Cyrodil s’appelle un aéronef dwemer. Saches qu’avant que le premier modèle fiable soit construit, plus de cinquante ont explosés en vol, avec leurs conducteurs à bord. Il y a eu des morts, oui. Mais grâce à ces ratés, les scientifiques et les ingénieurs ont compris leurs erreurs et ont finalement mis au point des aéronefs performants. De nos jours, ils servent à transporter de la marchandise, à voyager, à fluidifier le commerce…

Roderick afficha une expression de colère.

-C’est aberrant, Shuzug… Nous ne parlons pas ici de quelques pilotes morts en vol pour faire avancer la science mais de dizaine de milliers d’innocents tués à cause d’expériences atroces, dans des conditions misérables, dans le seul but de produire en masse des armes massives ! Regarde tes vêtements luxueux, Shuzug ! Cette demeure ! Ce vin de qualité qu’il y a dans ton verre ! Tu es devenu un politicien, un bureaucrate sans âme qui ne voit que les frontières sur une carte, pas les gens ! Tu ne vois plus les vies humaines ! Tu es tellement pragmatique !
-Et toi tu es un foutu idéaliste rêveur ! explosa Shuzug en renversant sa chaise. Moi, je ne vois pas les vies humaines sur une carte ?! Oui, je suis devenu un politicien, et avoir à gérer des centaines de milliers de soldats chaque jours te fait voir le monde d’une autre façon ! A quoi crois-tu que je pense, à la suite d’une bataille en Argonie ou à Lenclume, lorsque des femmes éplorées portant des bambins dans leurs bras viennent me voir pour me demander pourquoi leurs époux ne sont pas rentrés ?! Je pense à la manière dont je vais devoir leur annoncer le fait que leur mari et le père de leurs enfants est mort au combat, et je penses aussi au fait que si nous avions des guerriers parfaits sous nos ordres, ces hommes seraient toujours en vie, et que les guerres qui déchirent actuellement Tamriel ne seraient plus que des souvenirs lointains !

Face à un Shuzug en colère, n’importe qui autre que la Flèche Blanche se serait littéralement uriné dessus, voire se serait évanouit. Roderick Lustwick était sans doute la seule personne au monde capable de tenir tête à quelqu’un comme lui, sans se démonter.
Le vieillard s’approcha de Shuzug et l’empoigna par le col, malgré le fait que l’Orque le dépassait de trois têtes.

-Les Quatre ne sont pas une solution ! J’ai beaucoup voyagé, et durant ma vie, si j’ai bien appris quelque chose, c’est qu’il y a toujours un moyen de régler un problème ! Celui auquel tu penses n’en es pas un !
-Oh, tu peux parler ! répliqua Shuzug en se dégageant brutalement. Tu reviens en Tamriel comme une fleur, sans savoir de quoi tu parles, avec tes grands airs de sage vénérable qui a tout vu et tout vécu ! Moi je suis resté en Tamriel ! Moi, j’ai vu les atrocités de ce monde ! Après la Réunion Sanglante, lors de laquelle nos compagnons sont morts, je ne me suis pas enfuit sur un navire pour rejoindre d’autres contrées !
-Enfuis ?! cria Roderick. Tu insinues que je me suis enfuit ?!
-Oui, tu t’es enfuit ! Mais moi, je suis resté ! Je suis allé sur le champ de bataille ! J’ai vu d’autres de mes camarades mourir ! J’ai vécu la guerre aux premières loges, et je peux te dire que Fenrir, Anor et Raizo auraient été les derniers frères d’armes que j’aurais eu à enterrer si l’Empire avait pu mettre la main sur le Serpent plus tôt, et recommencer ses expériences ! Si… Si nous avions eu les Quatre à nos côtés !

Roderick cracha par terre et toisa Shuzug.

-Et je te le répète : Tu serais prêt à sacrifier des milliers de vie pour ça ?
-Pour en sauver mille fois plus ? Oui, sans hésiter.
-Pas moi. Ce ne sont pas mes valeurs.
-Ah, ne me parles pas de valeurs, Roderick, ricana Shuzug sans joie en redressant sa chaise et en s’asseyant lourdement. Ce genre de grand mot n’a pas sa place ici. Ne me dis pas que si tu t’opposes à ce projet, c’est pour ta grandeur d’âme, et pour sauver des vies innocentes. Tu es un tueur, au même titre que n’importe lequel des Quatre. Au même titre que moi. Nous avons autant de sang sur les mains qu’eux, voire plus. Quelque chose me dit que ton arc t’a beaucoup servi, durant ces soixante-dix ans.

Cette fois, le vieillard ne répondit pas. Il fixa la cheminée d’un air sombre. Shuzug continua, sans cesser de ricaner férocement.

-Non, Roderick, tu n’es pas le vieux guerrier sage que tu veux me faire croire. Tu n’as réellement pas changé. Je t’ai dit que tu t’étais enfuit de Tamriel, après la Réunion Sanglante, et je le maintiens. Tu as fuis, comme un lâche, la queue entre les jambes. Tu as fuis parce que tu avais peur. Peur de faire face à la peine, à la mort de tes compagnons, à la guerre qui continuait, aux conséquences de tes actes, mais surtout peur de toi-même, et de ta haine, ta rage envers les Quatre. Même tuer Felisia et le Rôdeur ne t’as pas suffis. Il t’en fallait plus. Tu avais envie de faire couler le sang pour étouffer ta colère et tes regrets. Cela t’a fait peur, et tu t’es éloigné du monde. Et aujourd’hui, au fond de toi, cette haine est encore présente, bien vive.

Shuzug porta le verre de vin à ses lèvres et secoua la tête, dépité.

-Ce n’est pas pour sauver des vies que tu veux éliminer le Serpent, Roderick. Tu veux le tuer parce que tu le hais. Et que tu haïras à jamais tout ce qui ressemblera de près ou de loin à un des Quatre. Dut-il être bénéfique pour notre société.

Roderick reporta son attention sur Shuzug, et dans les yeux du vieil archer, le général lut de la tristesse. Il sut qu’il avait touché juste. Et qu’il avait fait mal.

-Tu as raison, Shuzug, dit la Flèche Blanche d’un air fatigué. Tu as entièrement raison. Je ne peux rien te dire de plus.

Shuzug se leva lentement et saisit Roderick par les épaules. Il força son ancien compagnon à le regarder dans les yeux.

-Roderick, dit-il d’un ton ferme. J’ai tout autant vécu que toi. Et moi-aussi, j’ai appris bien des choses. L’une d’elle, une leçon qui m’a été inculqué de façon particulièrement amère, au prix du sang et de la douleur, c’est qu’en vérité, il n’y a jamais de bonne solution. La bonne solution n’est qu’une utopie, un rêve, un espoir dont se bercent les gens du commun. Nous qui avons combattus, versés notre sang, tués, et vue la mort de près, nous sommes si ancré dans la réalité que cela nous effraie, mais nous ne pouvons-nous y soustraire. Nous sommes les seuls à voir le monde tel qu’il est. Et ce monde est ainsi fait : Il n’y a pas de bonne solution. Il n’y en a que des mauvaises, et une moins pire. Il ne s’agit là que de choisir le moindre mal. C’est ce moindre mal que je t’offre, Roderick. Ensemble, toi et moi, comme au bon vieux temps, nous pouvons faire de grandes choses.

Roderick, silencieux, écoutait Shuzug. L’Orque se mit à sourire faiblement.

-Cette haine que tu portes, tu peux la vaincre. Je le sais. Car moi je l’ai vaincu. Je crois en la cause que je défends plus que tu ne peux l’imaginer, et même si cela m’a été insupportable, j’ai accepté de faire passer mon devoir devant mes sentiments. En entrant dans la Légion, j’ai fait le serment de protéger le peuple, et ma patrie. Ce projet… Il parait fou… Insensé et atroce… Mais crois-moi, c’est bel et bien la solution la moins pire. Aide-nous. Collabore avec l’Empire pour capturer le Serpent. Et participe à la création d’un monde meilleur que celui que nous connaissons.
-Je ne peux pas.

Le sourire de Shuzug s’effaça instantanément. Roderick secoua doucement la tête et écarta son compagnon de lui.

Peil
Niveau 56
14 avril 2014 à 17:24:55

-Je ne peux pas, répéta-t-il. Cette solution est peut-être la moins pire mais elle n’en reste pas moins mauvaise. Après ce que je viens d’entendre, je sais qu’il me sera impossible de te raisonner, Shuzug. Tu es allé trop loin. Et moi… Je suis allé encore plus loin que toi. Mais je suis lucide. C’est la différence entre toi et moi. Tu crois en ce monde meilleur dont tu parles, mais tu es si emporté par tes idéaux que tu en as perdu de vue la réalité dans laquelle nous sommes ancrés. La réalité dans laquelle je vis, c’est une réalité dans laquelle on ne joue pas impunément avec la nature. L’Empire a jadis essayé. Il a été puni. Et vous souhaitez recommencer ? A une échelle mille fois plus importante ? Shuzug, comment ne peux-tu pas t’en apercevoir ? Une erreur dans les calculs, une maladresse dans les expériences, et c’est avec une armée de monstres que vous vous retrouverez. Nous voyons tous deux à long-terme, mais pas de la même façon. Toi, tu m’as traité d’idéaliste, mais de nous deux, je pense avoir la vision la plus réaliste de l’avenir qui s’annonce : Un monde ravagé par des créatures que l’Empire n’aura pas su maîtriser, emporté par une ambition dévorante et effrayante. Quatre, Shuzug. Le Rôdeur, le Corbeau, le Scorpion et le Serpent. Et nous n’en avons eu que trois. Et à quel prix ? Alors imagine celui que nous devrions payer si nous nous retrouvions avec une armée de ces choses ?
-Cela n’arrivera pas, Roderick, fit Shuzug en voulant s’approcher.

Le vieillard se mit en garde. Il referma ses doigts sur son arc. Le général Orque se figea.

-Pas un pas de plus, Shuzug.

Ce dernier fronça les sourcils.

-Que fais-tu ?
-Tu ne comprends pas ? A partir de maintenant, nous sommes ennemis.
-Arrête cette mascarade, Roderick, pendant qu’il est encore temps. Tu ne réalises pas ce que tu es en train de faire.
-Tu serais étonné de savoir à quel point je le réalise.
-Ce n’est pas une simple querelle, gronda Shuzug en écartant la table qui le gênait. Si tu tentes par n’importe quel moyen de… de nous empêcher de capturer le Serpent… d’attenter à notre projet… Tu te dresseras devant l’Empire tout entier.
-J’en suis conscient. Et j’en assume pleinement les conséquences.
-Est-ce que tu saisis ce que tu es en train de gâcher ?! Enfermé dans un cycle de peur et de haine, tu es incapable de voir les bienfaits que pourrait apporter ce projet ! Tu…
-Ne gaspille pas ta salive, Shuzug. Nos idées diffèrent radicalement. De ton point de vue, ce projet est une cause noble qui pourra sauver Tamriel et améliorer le monde dans lequel nous vivons. Très bien. Je respecte cela. Mais de mon point de vue, ce n’est qu’une abominable folie dont vous sous-estimez les risques et les sacrifices nécessaires.
-Le crois-tu vraiment ?

Roderick soupira.

-Je l’espère, Shuzug. J’espère que vous sous-estimez vraiment les risques. Parce que si vous en étiez bien conscients, et que vous persistiez dans cette voie, alors… Non, je ne veux même pas envisager cette hypothèse. Je préfère penser que vous êtes inconscients. Cela me serait trop douloureux de te voir comme le monstre que tu es sans doute devenu, Shuzug.

Ces paroles firent un choc. Shuzug avait l’impression de recevoir un coup de poing en pleine mâchoire. Il afficha la même expression que celle qu’avait eu Roderick lorsque Shuzug l’avait mis face à la vérité de ses sentiments envers les Quatre.
Roderick le comprit.

-Maintenant nous sommes quitte, déclara solennellement le vieillard.

Il lâcha son arc, se détourna sèchement et se dirigea vers la fenêtre. Shuzug secoua la tête, sonné, et fit un pas en avant. Il écarta les pans de sa veste et tira une dague de sa ceinture, dague qui ne le quittait jamais.
La Flèche Blanche ouvrit lentement la fenêtre. La pluie avait redoublée d’intensité.

-Si tu sors, lança Shuzug, Si tu oses sortir… Je te considérerais comme un ennemi à abattre ! Roderick, c’est ta dernière chance !
-Tu peux déjà me considérer comme tel, répondit calmement le vieillard en jetant un dernier regard à Shuzug. Moi, c’est ainsi que je te vois.
-Je ne te laisserais pas t’interposer ! Si te tuer est le prix à payer pour sauver des millions de vie, alors je le ferais sans hésiter !

Roderick passa une jambe à travers la fenêtre et se plaça à califourchon sur le rebord. Il avait préalablement ramassé sa cape, accroché à une chaise, et avait rabattue sa capuche sur sa tête. Les gouttes de pluie tombaient lourdement sur ses vêtements et les faisaient luire.

-Dénonce-moi, fit Roderick sans regarder Shuzug. Envois l’Empire à mes trousses. Je n’en ai que faire. Je tuerais le Serpent avant que vous puissiez le capturer et pratiquer vos expériences sur lui. Nous le savons tous deux, il participera à la Grande Marche, dans quelques mois. Tout s’y jouera. Ce sera une course sanglante, Shuzug.

L’Orque baissa sa dague. Alors c’était ainsi que tout se finissait ? Comme ça ?
Avant que Roderick n’ait pu s’élancer dans le vide, la voix de Shuzug retentit. Faible et désespérée.

-Je me sens idiot, Roderick, pas toi ?

Le vieillard sembla l’ignorer. Il bondit et disparut du champ de vision de Shuzug. Un éclair illumina le ciel et le tonnerre gronda. Pourtant, l’Orque était certains d’avoir entendu quelque chose, juste avant le départ de son ancien compagnon. Deux simples mots, prononcés avec une tristesse profonde.

« Moi-aussi. »

Shuzug s’approcha lentement de la fenêtre, tel un fantôme. Il jeta sa dague au sol et referma les volets. Inutile de tenter de poursuivre la Flèche Blanche. Impensable, même. Un homme tel que lui ne pouvait être rattrapé.
Ce dont Shuzug était sûr, c’était qu’il allait très vite en entendre parler.
Derrière lui, la porte s’ouvrit. Le page entra dans la pièce, une bouteille à la main. Il remarqua d’abord que Shuzug était maintenant seul, puis, que l’ambiance s’était considérablement refroidit.

-Je… Je vous laisse toujours la bouteille ? balbutia le serviteur sans oser s’approcher.
-Oui, répondit doucement Shuzug sans le regarder. Laisse-là ici. Et rapportes-moi en d’autre. J’ai besoin de boire pour oublier. Boire comme jamais je n’ai bu.

Le page obéit et déguerpit. Shuzug se resservit un verre de vin. Il s’affala dans son fauteuil et sortit un petit Miroir de Divination de sa poche. Après une courte incantation, l’écran s’illumina. Un visage de Dunmer y apparut.

-Salut Shuzug, lança Raedyn Levenni. Drôle d’heure pour me contacter. A la tête que tu fais, j’ai l’impression que quelque chose te tracasse.
-Si tu savais.
-Dis-moi tout.

Shuzug soupira.

-Raedyn, je te laisse carte blanche pour rassembler tes meilleurs hommes et les préparer du mieux que tu pourras. Car dans trois mois, tu participeras à la Grande Marche.

Pseudo supprimé
Niveau 10
14 avril 2014 à 18:30:34

C'est triste :snif2:
et je sens que Lynris va se meler au jeu :-(

Sujet : [Fic] La Grande Marche
   Retour haut de page
Consulter la version web de cette page