Chapitre 10 :
Six jours s’étaient écoulés depuis le départ de la Grande Marche. Sandre et Zimo avaient atteints la limite de la forêt la veille et traversaient maintenant un terrain vallonné, au sol rocheux et couvert de neige.
Le ciel était grisâtre et un vent froid soufflait du Nord. Les deux hommes avançaient silencieusement, préférant réserver l’énergie qu’ils auraient gâchée en parlant à leur allure de marche.
Zimo s’appuyait sur son bâton de bois.
Un bruit leur fit lever la tête.
Un énorme aéronef aux couleurs de la Grande Marche passa au-dessus d’eux, dans le ciel, sans leur accorder la moindre importance. Des rangées de Miroirs de Divinations s’alignaient de chaque côté du vaisseau et captaient les images de la course.
Probablement qu’ils avaient repérés un concurrent intéressant, plus à l’avant. Des coureurs anonymes tels que Sandre ou Zimo n’intéressaient personne.
L’aéronef continua sa route et disparut, au loin.
Sandre ralentit et s’arrêta. Zimo tourna la tête vers lui et haussa un sourcil.
-Eh ? Ca va ?
-Oui… Il faut juste que je me repose un petit peu.
Le Bréton se dirigea vers un rocher et s’y assit. Il reprit lentement son souffle. Zimo s’approcha de lui, posa son bâton au sol et profita de la pause improvisée pour tirer sa carte de la Baie d’Illiaque de sa ceinture et la déployer devant lui.
Sandre leva les yeux vers lui.
-Alors ?
-Alors quoi ?
-On est encore loin de la première épreuve ?
-Nous avons parcourus un peu plus de la moitié du chemin. Si on continue comme ça, on y sera dans… deux ou trois jours.
-Génial.
-Tu es sûr que tu vas tenir le coup ?
-Oui, oui… Je ne suis pas fatigué, ne t’inquiète pas. Mais j’ai soif.
Sandre saisit sa gourde, l’ouvrit et la porta à ses lèvres. Seules quelques gouttes d’eau en sortirent.
Zimo fronça les sourcils, puis reporta son attention sur la carte. Il la montra à son compagnon et posa son doigt dessus.
-Il y a un fleuve qui coula à quelques kilomètres à l’Ouest d’ici. On pourra y remplir nos gourdes. Moi non plus, je n’ai presque plus d’eau.
Sandre se releva et ils se remirent tous deux en route.
Ils marchèrent une bonne dizaine de minutes avant de tomber sur un énorme rocher qu’ils gravirent difficilement. Arrivés en haut, ils aperçurent une rivière qui serpentait dans la vallée enneigée, en contrebas, à une centaine de mètres.
Ils descendirent prudemment le rocher et se dirigèrent vers le fleuve. Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient, ils se rendirent compte que quelque chose clochait. Des formes flottaient à la surface de l’eau.
En arrivant sur la rive, ils se rendirent compte que ces formes étaient… des cadavres.
Il y avait là deux Brétons et trois Dunmers. Chacun avait une flèche fichée entre les deux yeux. Le sang qui s’écoulait d’eux teintait lentement l’eau de rouge. Les flèches qui les avaient tués étaient étranges. Elles avaient des empennes blanches et étaient taillées dans un bois d’un noir de jais. Zimo fronça les sourcils et huma les alentours.
-C’est récent. Ils ont été tués il y a à peine une demi-journée.
-Ce sont des participants ?
-Sans doute. Du même groupe, j’ai l’impression. Ils devaient attendre ici, afin de tendre une embuscade à leurs concurrents. Visiblement, ils sont tombés sur quelqu’un de plus fort qu’eux.
Sandre et Zimo s’éloignèrent des corps et plongèrent leurs gourdes dans le fleuve, à un endroit où l’eau était saine. Quand ils les eurent remplies, ils se désaltérèrent longuement. L’eau glacée pénétrait dans la bouche de Sandre avec une puissance qui lui faisait presque mal, à cause du courant, mais cela faisait longtemps qu’il n’avait plus ressenti ce genre de sensation.
A cause du froid, ses lèvres étaient toutes engourdies. L’impact de l’eau sur son visage, même s’il le faisait souffrir, le revigorait.
Quand il sortit la tête de l’eau, ses cheveux dégoulinaient. Il avala le liquide glacial qu’il avait à l’intérieur de sa bouche et il frissonna quand celui-ci descendit le long de sa gorge. Puis, il secoua brusquement la tête et s’essuya le visage avec sa manche.
-Ca fait du bien !
-Tu l’as dit, approuva Raizo en vidant le contenu de sa gourde sur son crâne pour se réveiller.
Le froid intense de l’eau était un véritable coup de fouet.
Sandre se redressa. Zimo avait la fourrure trempée. Il s’essuya, puis remplit de nouveau sa gourde et l’accrocha à sa ceinture.
-Bien, on peut repartir. Il faut que…
Il se stoppa en entendant un hurlement, au loin, qui résonna dans la vallée. Sandre et Zimo se regardèrent, perplexes. Puis le cri retentit de nouveau, plus proche. Ils attendirent quelques secondes, tous deux en position de combat.
Alors un homme apparu au sommet du rocher d’où ils venaient. Il avait l’air paniqué et courait.
Zimo et Sandre le virent dévaler le rocher à toute allure et les dépasser. Il se jeta dans le lac et nagea pour rejoindre l’autre rive, en lâchant quelques cris d’effroi. C’était sans doute un participant de la Grande Marche, au vu du sac qu’il portait sur le dos et des instruments de survie qui pendaient et s’entrechoquaient à sa ceinture.
-Eh ! cria Sandre. Qu’est-ce qui vous arrive ?
L’homme, arrivé sur la berge, lui lança un coup d’œil, puis se remit à courir sans même lui répondre.
Sandre haussa un sourcil.
-Etrange… Il avait l’air poursuivit par quelque chose.
-Euh… Sandre ?
-Quoi ?
-Tu devrais jeter un œil derrière toi.
Sandre se retourna mécaniquement et leva la tête vers le sommet du rocher. Là, il déglutit.
Une ligne de chiens se dressait sur le rocher, les babines retroussées et les crocs dénudés. De la vapeur sortait de leurs naseaux et leurs yeux jaunes brillaient d’un éclat féroce. Ils étaient décharnés et avaient la fourrure éparse mais ils possédaient des pattes et des cous musculeux de tueur.
Des gouttes de bave dégoulinaient de leur gueule et allaient s’écraser sur la neige.
-Une meute de chiens sauvages, balbutia Zimo. Merde.
Sandre posa doucement sa main sur l’épaule de son compagnon.
-Nous allons reculer lentement. Très lentement. Sans faire de mouvements brusques. D’accord ? Surtout, pas de mouvements brusques.
Les deux hommes firent un pas en arrière. Les chiens en firent un en avant. Sandre se risqua à jeter un bref coup d’œil derrière son épaule. Son pied touchait l’eau.
Au sommet du rocher, il entendait les chiens gronder. Le Bréton fit soudain volte-face et s’élança vers la rivière.
-Cours ! hurla-t-il à Zimo.
Le Khajiit ne se fit pas prier. Ils partirent tous deux en trombe alors que derrière eux, des aboiements féroces et des grognements éclataient alors que la meute descendait le rocher. Sandre et Zimo plongèrent dans le fleuve de la même façon que l’homme paniqué précédemment.
Le contact avec l’eau glacial faillit paralyser Sandre. Mais le Bréton se força à battre des bras et des jambes et à avancer coûte que coûte, malgré le courant. Heureusement, il avait pied, et il pouvait se propulser par à coup.
Finalement, Zimo arriva sur la rive. Trempé et frigorifié, il tendit sa main à Sandre. Le Bréton la saisie et se hissa à son tour sur la terre ferme. Derrière lui, à entendre les multiples éclaboussures et les gerbes d’eau, les chiens n’avaient pas hésités à les poursuivre.
Sandre et Zimo se remirent à courir, à en perdre haleine.
Ils soulevaient des nuages de neige derrière eux.