II. Types de navires.
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Un Atakebune du clan Mori abordé par un sekibune Oda. De l’autre coté se trouve un kobaya, lui aussi du clan Oda.
1) Kobaya
Nous partirons du plus petit pour aller vers le plus grand. Notre premier sujet sera donc le kobaya. Ce navire, de petite taille, est faiblement protégé. N’étant pas doté de « boîte » comme ses homologues de plus grande taille, il prend la forme d’une plate-forme flottante. Parfois doté d’une ou plusieurs tours, au centre ou aux extrémités, sa forme ouverte lui permet un rayon de tir de 360 degrés, au détriment de la protection de l’équipage. Son pont plat et dégagé est un lieu propice aux combats au corps à corps, selon la tactique japonaise de l’abordage. Le kobaya typique est occupé par un équipage de 40 hommes dont vingt rameurs et une dizaine d’arquebusiers. Il sert également de vaisseaux de reconnaissance, de vaisseau messager, et lutte contre ses homologues au combat. Sa vitesse en fait un élément important de la chasse aux vaisseaux marchands.
2) Sekibune
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Le sekibune forme l’épine dorsale de la flotte de guerre japonaise de l’âge des royaumes combattants. C’est, pourrait-on dire, un vaisseau de taille moyenne. Cependant, c’est la forme plus que la taille qui détermine la classe des navires. Un gros kobaya peut avoir la taille d’un sekibune. Le sekibune se différencie du précédent par un blindage en bois ayant la forme d’une boîte percée de meurtrières permettant aux tireurs de faire feu en s’exposant aussi peu que possible, tandis que les samurai et les autres combattants de mêlée sont protégés du feu ennemi. Les plaques latérales du blindage dépassent légèrement le pont, entourant celui-ci d’une petite muraille. Son gouvernail est opéré depuis le pont ouvert, lui aussi plat et dégagé. Le sekibune est le vaisseau principal de la flotte des daimyos : sa conception lui permet un équilibre entre vitesse et efficacité. Un sekibune est en moyenne servi par 100 hommes, dont 40 rameurs et 20 arquebusiers. Ils sont parfois dotés d’un unique canon.
3) Atakebune
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L’atakebune est au Japon féodal ce que le vaisseau de première classe est à la Royal Navy : le poids lourd de la flotte. Les atakebune sont, pour ainsi dire, de gros sekibune (ou les sekibune sont de petits atakebune, au choix.). Ils ont en commun l‘architecture, à savoir une forme en V surmontée d’un blindage fermé en bois, et la tactique de combat. Afin de souligner leur statut et les apparenter aux châteaux terrestres, les architectes dotent souvent les atakebune d’une cabine sur le pont, possédant un toit à tuiles similaire à celui d’un bâtiment en pierre. Pour augmenter leur vitesse, ils possèdent un mât unique pivotant, équipé d’une grande voile où figure le mon du clan, qui est repliée pour le combat. En conséquence de leur taille et de leur importance, ils servent de vaisseaux amiraux, et de points nodaux des formations de navires. L’atakebune est servi par 200 hommes ou plus, dont 80 rameurs et 30 arquebusiers. Un atakebune peut aussi compter sur une artillerie d’en moyenne 3 canons. Un atakebune de grande taille peut avoir un équipage montant jusqu’à 300 personnes. Leur rôle majeur dans la guerre navale est mis en lumière par un édit du shogun Tokugawa Ieyasu datant de 1609, interdisant aux daimyos de posséder de tels navires.
4) O-atakebune et Tekkôsen
http://static.blogstorage.hi-pi.com/photos/hebiyaro.blog.jeuxvideo.com/images/gd/1251031533/Kizugawaguchi-2eme-Oda-vs-Mori-Honganji-1578.jpg un tekkôsen à la bataille de Kizugawaguchi
L’architecture navale japonaise, simple et robuste, met à portée un gigantisme certain. En effet, les navires nippons ne sont pas des navires de haute mer, et restent donc à proximité des côtes, étant par conséquent aisément ravitaillés. Ces facteurs donnèrent naissance à de véritables châteaux flottants. Des navires immenses, nommés o-atakebune (« grands atakebune ») furent déployés par le clan Oda. Afin de les rendre invulnérables aux tirs ennemis, ils furent bardés de lourdes plaques de fer latérales, leur donnant la dénomination supplémentaire de tekkôsen, « navires de fer ». Le matériau principal restait bien évidemment le bois. Leur capacité offensive fut augmentée par l’ajout d’un second étage à la « boîte » caractéristique, permettant un feu plus nourri encore. Leur grand nombre de canons leur permit de disperser sans pertes une flottille pirate et de se mesurer à la flotte des Mori avec succès. Les tekkôsen, s’ils furent à la hauteur de leur réputation d’invulnérabilité, étaient des prototypes expérimentaux peu fiables. En effet, l’un d’eux, abordé par les Mori, chavira du fait du déséquilibre. Les autres furent rendus inutilisables peu de temps après la bataille par une pourriture du bois. Le navire français, la Gloire, premier cuirassé européen, connut le même problème technique au XIXe siècle.
http://www.mandragore2.net/dico/lexique2/navires2/cuirasse-gloire-gd.jpg La Gloire
Ces navires géants étaient un outil de représentation du pouvoir exceptionnel. Hideyoshi, une fois maître du Japon, décida de lancer la construction d’un navire dépassant même les tekkôsen de feu son maître Nobunaga, qui eux-mêmes avaient des dimensions doubles par rapport à un atakebune classique. Ce vaisseau amiral géant fut baptisé Nihon Maru – ce qui équivaudrait à HMS Japan selon la norme anglaise. Sa taille le classe dans la catégorie des o-atakebune, voire des tekkôsen, le manque de sources ne nous permettant pas de savoir s’il était blindé. Son nom et sa taille en faisaient le symbole d’un Japon unifié sous le règne du taiko. Il servit un temps de château flottant, lieu de réception d’Hideyoshi. La dimension religieuse s’ajoutait à sa majesté : il était doté d’une décoration figurant le mont Horai, lieu saint japonais. Un rideau de brocard servait à dévier les projectiles, tout en ajoutant à l’effet décoratif de ce monstre doté d’une tour centrale à trois étages, peinte en blanc et couverte de toits courbés à tuiles. Renommé Tairyu Maru après la guerre Imjin, il demeura au Japon, et finit par s’écrouler au XIXe siècle sous le poids des années. Sa proue richement décorée fut conservée un temps, puis détruite par un bombardement américain lors de la seconde guerre mondiale.
5) Navires spéciaux
A certaines occasions, des bateaux japonais furent conçus dans des rôles plus spécialisés que ceux des trois catégories de bases que sont le kobaya, le sekibune et l’atakebune.
Le seirobune, littéralement « bateau-tour de siège » est un sekibune ou un atakebune doté en son centre d’une haute tour de siège en bois dont la stabilité est assurée par des cordages la reliant aux extrémités du navire. La haute plate-forme centrale donne aux arquebusiers qui y sont postés la possibilité de faire feu sur les défenseurs d’un château côtier depuis une position surélevée.
L’umabune, « navire à chevaux » est un bateau spécialement conçu pour le transport des chevaux. Le clan Shimazu en utilisa plusieurs durant l’invasion de la Corée.
Le mekarabune, « bateau aveugle », est un kobaya doté d’un épais blindage en bambou sur les côtés et le dessus, le rendant totalement fermé. Quatre ouvertures sont percées de chaque côté, permettant d’armer le navire de huit canons européens à chargement par la bouche. Chacun était servi par trois personnes : un chargeur, un pointeur et un tireur. L’espace occupé par les canons demandait une réduction dans le nombre de rameurs. Le bateau était néanmoins rapide, et fut utilisé pour bombarder les défenses des forts d’Osaka en 1614 et 1615. Il constitue donc une plate-forme d’artillerie légère.
http://www.hapshack.com/images/mekarabune.jpg un Mekarabune à Osaka
III. Méthodes de combat
1) Le combat à distance
http://s-furusato.net/fukurojyo/atakebune.jpg duel d’arquebuse entre un atakebune et un sekibune
Les bateaux de guerre de l’ère Sengoku suivent la logique guerrière de l’époque : le corps à corps, ici l’abordage, est le combat roi. Cependant, les navires nippons sont également conçus pour servir de plateformes de tir avant la confrontation entre équipages. Les techniques de l’époque sont multiples, et usent de procédés variés pour détruire ou endommager le navire ennemi à distance. Le matériau essentiel étant le bois, les japonais ne dérogent pas à la logique universelle : le feu est une arme d’importance majeure. Des archers tirant des flèches enflammées sont fréquents, bénéficiant de la longue portée assurée par leurs puissants arcs. Une arme d’influence coréenne, un canon tirant une très grande flèche enflammée (arme représentée dans age of empires III) était également montée à bord des navires. Pour enflammer un navire présent à courte portée, on faisait aussi usage du horokubiya, de petites bombes incendiaires sphériques en fer, en céramique ou en papier. Elles étaient attachées à une corde, que les lanceurs faisaient tournoyer en l’air avant de la lâcher, projetant la bombe sur le navire ennemi. D’autres méthodes de lancer incluent un filet attaché à un bâton et une sorte de trébuchet à traction. Sakuma Uemon, un général de Nobunaga, eut son navire détruit par une de ces armes incendiaires.
L’apparition de l’arquebuse réduisit l’importance de l’arc dans la guerre navale, reprenant son rôle de base : nettoyer le pont ennemi pour faciliter le combat au corps à corps. L’architecture des sekibune et atakebune permettaient à des tireurs protégés de faire feu de tous côtés depuis l’intérieur de la protection en bois couvrant le navire.
L’usage de l’artillerie est une nouveauté apparue avec le développement de la poudre à canon. Quand un navire européen arrivait au Japon, les canons qu’il portait étaient achetés à prix d’or par des daimyos comprenant la puissance de cette nouvelle arme. Cependant, ils étaient ensuite usés comme arme de siège, et non remontés sur des navires nippons. La première mention de canons européens utilisés sur mer par les japonais est celle des mekarabune en 1614. Le canon utilisé par les japonais lors de batailles antérieures n’est donc pas une pièce à l’européenne, mais plus une arquebuse de très gros calibre : un atakebune n’a pas la stabilité nécessaire pour le recul d’une couleuvrine occidentale. Ces pièces d’artillerie légère furent utilisées pour le bombardement de la forteresse Ikko-Ikki de Nagashima en 1573 et 1574.
2) L’abordage
Un navire japonais est avant tout une plate-forme d’abordage, doté d’une réserve de combattants armés pour le combat rapproché, gardés en réserve à l’intérieur de la partie protégée. Pour aborder le navire ennemi, on se sert de crochets reliés à des cordes ou des chaînes. Pour le combat proprement dit, en plus des habituels yari, katana, naginata, on se sert de lances à crochets et de kumade, « pattes d’ours ». L’extrême fierté qui accompagne le combat d’abordage se ressentit lors de la guerre contre la Corée, où un commandant de navire japonais, voyant un collègue se joindre à l’abordage d’un bateau coréen dans lequel il était lui-même engagé, ordonna à ses hommes de couper les grappins de son allié pour ne pas se faire voler l’honneur de vaincre le bateau ennemi en « duel ».