Les Réincarnations (partie 4) :
1943, France…
Franz Malroy termina de nouer sa cravate autours de son cou. Pour l’occasion, il était habillé d’un élégant costume de soirée et de gants blancs, ainsi que de chaussures en cuir ayant coûté plus que dix salaires annuels de travailleurs honnêtes.
Tout avait été offert par l’As de Pique, bien sûr, qui hébergeait les deux frères depuis un peu plus d’un an.
Franz sortit de la salle et passa sa main dans ses cheveux avec un sourire. Deux majordomes l’encadrèrent. L’un d’eux lui tendit discrètement un petit bracelet noir avec un canon au bout. Franz haussa un sourcil et l’enfila sous sa manche.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Les armes seront interdites durant le repas mais l’As de Pique tient à ce que vous ayez au moins ça. Au cas où les choses tourneraient mal. Les individus avec lesquels vous allez vous entretenir sont assez instables.
-Comment je m’en sers ?
-Il y a une gâchette sur le canon. Vous donnez une petite tape sèche sur votre poignet, sur le haut du bracelet qui se trouve sous votre manche, et le coup part. L’As de Pique y a mis six balles. Cet appareil à peu de puissance et ne peux être réellement mortelle qu’à bout portant. Néanmoins, nous espérons que vous n’aurez pas à vous en servir.
-Naturellement. Peter en est-il équipé ?
-Oui, ainsi qu’As, Pique, et l’As de Pique lui-même. Soyez discret et évitez de retrousser votre manche par inadvertance. Monsieur a fait confisquer tout matériel dangereux à ses « invités » et il serait malvenu que ceux-ci se rendent compte que tous ne bénéficient pas du même traitement. Sommes-nous clair ?
-Très clair.
Les majordomes s’écartèrent au milieu du couloir et laissèrent Franz continuer seul. Le Malroy se mit à siffloter.
Il arriva devant une grande porte en bois qu’il ouvrit nonchalamment.
La vive lumière l’aveugla légèrement.
Une longue table se dressait au centre de la pièce. Huit personnes étaient déjà assises, de part et d’autres. Il y avait Peter, le visage sombre, As, très souriant, et Pique, occupé à tapoter la table du bout des doigts pour chasser l’ennui.
Les cinq autres se trouvaient en face. Quatre hommes et une femme. Franz n’en reconnaissait aucun, excepté le premier. Herman Klauster, dit « le Faucheur ». Ils avaient eu l’occasion de se parler, un an auparavant, et la rencontre n’avait pas été très amicale.
A la vue de Franz, Herman tourna la tête vers lui et lui offrit un sourire carnassier. Bien que son sabre avait été confisqué pour le repas et rangé dans l’entrée, surveillé par des majordomes, Herman n’en restait pas moins assez effrayant.
Franz lui fit un clin d’œil en retours, accompagné d’un baiser dans l’air, en signe de provocation.
Herman ne répondit pas mais une lueur de colère passa dans ses yeux.
Franz alla s’asseoir au bout de la table.
La porte s’ouvrit de nouveau. Pique se leva et tapota son verre avec sa cuillère.
-Messieurs, madame… Mon père, le maître de ces lieux, j’ai nommé l’As de Pique.
Le vieil homme, vêtu d’une façon très chic et s’appuyant sur une canne en ivoire, pénétra dans la salle avec un sourire en coin. Il fit passer son regard fatigué sur toutes les personnes présentes et celles-ci, Franz inclus, eurent l’impression qu’il lisait en eux comme dans des livres ouverts.
Derrière l’As de Pique suivait un jeune homme habillé de la même façon que la plupart des invités. En costume. Il avait le visage très sérieux et les bras croisés dans le dos. L’As de Pique alla s’asseoir à l’extrémité de la table, et le jeune homme s’installa à sa gauche.
L’As de Pique avait donc à sa droite Franz, puis ses deux fils, As et Pique, et enfin Peter, en bout de table. A sa gauche, il y avait d’abord le jeune homme, puis les cinq Réincarnations dont faisait parti Herman Klauster.
L’As de Pique écarta les bras.
-Merci d’être venues, Réincarnations. Je sais que certains d’entre vous ont du faire énormément de route pour être présent. J’avais aussi invité votre chef Hitler, dans ma lettre, mais il semblerait qu’il ne soit pas venu.
-Trop risqué, fit une des Réincarnations.
-Je comprends.
-Qui est-ce ? demanda une autre Réincarnation en désignant le jeune homme inconnu.
Celui-ci tourna la tête et se présenta.
-Mon prénom n’importe guère. Je suis un Lenski, et ce soir, je représente ma famille à cette table. Mais je ne suis ici qu’en spectateur.
Peter garda le regard fixé sur le Lenski.
Les Lenski, à l’instar des Magerlan et des Malroy, faisaient parti des plus illustres lignées d’Assassin à travers l’histoire, et il était de notoriété publique, dans la guilde, qu’il valait mieux ne pas se les mettre à dos si l’on voulait faire une longue carrière dans le milieu. Les Lenski avaient été, et étaient toujours, une des lignées les plus puissantes et les plus influentes du monde, dans l’ombre. Et Peter voulait bien le croire.
-Bien, fit l’As de Pique. Je vous remercie encore d’être venu.
Franz croisa ses deux mains derrière sa tête, d’un air nonchalant. Les convives commencèrent à parler entre eux alors qu’on apportait des plats variés mais préparés par les plus grands chefs et dégageant des odeurs alléchantes.
Dehors, la pluie tombait.
Franz se pencha en avant et s’adressa à une des Réincarnations en face de lui qui était occupée à décortiquer une cuisse de poulet.
-Je pensais que tous les membres des Réincarnations étaient des jeunes hommes et jeunes femmes.
En effet, l’homme devait avoir dépassé les soixante-dix ans. Ses cheveux blancs étaient attachés en queue de cheval et des rides profondes marquaient son visage. Une moustache grise épaisse se dessinait sous son nez.
-J’ai subi un vieillissement instantané après l’opération, d’une bonne quarantaine d’année. C’est un effet secondaire assez gênant. Mais même si j’ai l’apparence d’un vieillard, j’ai toujours le corps et l’esprit d’un jeune homme.
-Je vois. Et quels habilités de Marcus avez-vous gagnés ?
-Ca vous intéresse ?
-Plutôt, oui.
-Si nous nous affrontons un jour, vous aurez l’occasion de le découvrir.
L’As de Pique frappa légèrement la table trois fois, avec sa canne.
-S’il-vous-plait, pas de tels propos à cette table. Ceci est une rencontre cordiale. Franz, les Réincarnations sont mes invités. Ne les provoque pas. C’est un ordre, mais aussi un conseil pour ta vie.
Franz ricana et leva les mains à la hauteur des épaules, comme en signe de paix.
-Moi, je n’ai rien fait.
-Très bien, fit Pique. Père, pourrions-nous entamer les négociations ?
-Nous y voila, fit le Faucheur.
L’As de Pique se racla la gorge et demanda le silence. Quand celui-ci fut fait, il passa son regard sur son invité et porta son attention sur les Réincarnations.
-A cette table sont réunis quatre des plus puissants groupuscules du monde. Les As de Pique, les Malroy, les Lenski et les Réincarnations. Il y a fort à parier que le moindre geste déplacé, le moindre sous-entendu, pourrait déclencher une guerre. Une guerre autrement plus violente et sanglante que celle qui se déroule actuellement.
L’As de Pique but une gorgée de vin.
-Il est clair que toutes les personnes présentes ne partagent pas les mêmes idéaux et les même valeurs, de part nos origines et nos parcours différents. Cependant, ce soir, c’est ces différences de valeurs et d’idées que je voudrais que vous mettiez de côté. Je veux une alliance. Une alliance invincible des Malroy, des As de Pique, des Lenski, et des Réincarnations, ou plus particulièrement du Parti Nazi, œuvrant dans un seul but.
-Et lequel ? demanda la femme des Réincarnations.
-Tuer le dernier Magerlan.
Autre part, en France…
Le mentor de la guilde souffla un nuage de fumée. L’objet qu’il tenait dans ses mains illuminait la pièce d’un éclat doré et dégageait une aura attirante, hypnotisante. Le mentor gardait les yeux braqués dessus, incapable de les en détacher.
Un Fragment d’Eden, une relique des temps anciens. Pas n’importe lequel ceci dit. L’un des plus convoités de tous, qui aurait fait couler plus de sang que la plupart des guerres, qui aurait amené des frères à s’entretuer, des familles à se déchirer, des nations à s’embraser, des peuples à se soulever, des pages de l’Histoire à se tourner.
L’ankh.
Le mentor referma sa main mais la lumière continua à percer de l’espace entre ses doigts, intense sans être aveuglante.
Le mentor écrasa sa cigarette par terre.
-Il va bientôt falloir t’utiliser, je le crains.
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C'est sur ! 
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