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L'enceinte du complexe était soigneusement jaugée par un œil cherchant la moindre de ses failles. Parfois, les silhouettes lourdes de prisonniers interféraient dans ce champ de vision déjà très limité. Mais cet handicap procurait davantage de concentration que chez toutes ces personnes disposant d'une vue dite « normale ». Dès que l'on comprenait cela, chaque détail, chaque mouvement, chaque couleur avait son importance.
Wolf caressa d'un air étrange son e-patch noir sur son œil gauche, avant de ramener le bras vers le corps en serrant le poing.
« Je ne vois rien. Tous les accès sont sécurisés, en haut comme en bas... lança-t-il sans bouger la tête.
- Les gardes sont en effet de sortie, patron... acquiesça Pigma à ses côtés.
- Knife nous a appelé un vaisseau protocolaire pour qu'on s'échappe d'ici, mais ça a aussi renforcé la sécurité de la prison, pesta Katt. Risques minimums. Le directeur ne veut certainement pas d'embrouilles la veille de l'exécution de Powalski.
- Et bien sur, ça sera encore plus chaud pour délivrer Léon hein ? soupira le porc qui sentait les ennuis arriver.
- Si tu devais faire une belle soirée, tu en défendrais la raison car sinon elle n'aurait plus aucun sens, rétorqua la chatte en continuant de guetter.
- J'avais pas besoin de comparaison, merci...
- Sais-t-on au moins où il se trouve ? coupa le loup en se tournant vers la sbire.
- J'ai un plan des couloirs sur moi, mais je ne peux pas le déballer devant tout le monde et... attendez... »
Une petite bande passa près du trio en ricanant puis s'écarta peu à peu d'eux.
« … Il faut arriver à franchir une porte sans se faire voir par les gardes...
- Tu n'as pas d'idées ? C'est toi la voleuse, lui indiqua l'omnivore d'un air narquois.
- Tu en es un aussi à la base Pigma, pour rappel, précisa le leader en se renfrognant. Je devrais t'envoyer faire un tour pour te le rappeler...
- Je... je crois que... gruiiink! Je crois que j'ai mal au ventre, ouille aie !
- Espèce de...
- Continuez de vous disputer ! Pendant ce temps, je vais tenter quelque chose » indiqua Katt.
La chatte interpella soudain un des pensionnaires d'un geste de la main sous l’œil méfiant de Wolf qui se demandait où elle voulait en venir. Un frisson parcourut l'échine de Pigma qui reconnut petit à petit l'individu concerné.
« Salut Jim.
- Salut ma belle, répondit l'animal avec un ton dragueur. Que puis-je faire pour toi ?
- J'aimerais que tu fasses un peu d'agitation pour moi, j'ai quelques petites bricoles à régler, mais ses gardes ne veulent pas me laisser passer, répondit la voleuse en jouant la petite fille embêtée.
- Ah, fit avec recul le détenu, tu sais, les gardes ont les nerfs à vif en ce moment, tu sais, avec l'histoire de la mort de Peretz, tu sais bien... alors, tu sais qu'ils risquent de me coller une balle dans le crâne, si, tu sais, je ne reste pas à ma place...
- Je suppose que tu souhaite bien sur avoir une compensation en contre-partie ? avança la chatte en souriant.
- Et bien... »
Jim lança un regard entendu en direction de Pigma, qui se cachait tant bien que mal derrière son leader.
« Tu ne préfères pas un partenaire un peu plus... souple ? » lança Katt, l'air attristée.
L'attention de Jim s'en retourna aussitôt vers la chatte qui se trémoussait devant lui. Les yeux du bagnard tombèrent vers des régions anatomiques que la voleuse se faisait un malin plaisir à exposer largement.
« Je suis très souple ! s'agaça le cochon.
- La ferme Pigma, marmonna Wolf en lui écrasant le pied.
- Si je fais ce que tu me demandes... toi et moi, tu sais...
- Tu sais bien que oui » affirma-t-elle en ponctuant sa phrase d'un clin d’œil.
Réajustant son pantalon, Jim courut vers ses congénères, en prit un au col et lui donna un magistral coup de boule. Les autres prisonniers regardèrent la bête blessée joncher le sol et leur orgueil en fut piqué. Cependant, d'autres bagnards se mirent aux côtés de Jim, qui bénéficiait visiblement d'une certaine réputation. Deux groupes se formèrent rapidement, s'observèrent en silence et s'échangèrent des œillades de rage, eux-mêmes étant sous les regards inquiets de détenus les plus fétiches et les plus pacifiques. Les gardes se relevèrent de leur chaise et saisirent leur armes sans mouvement brusque. Un sergent s'interposa de plusieurs mètres de loin et demanda le calme et l'ordre. Personne ne l'écouta. La situation resta ainsi la même pendant une trentaine de secondes. Mais quand un des partisans de Jim demanda « qui c'est ce cul terreux avec la gueule dans le bitume ? », la bagarre éclata. Un bourdonnement d'insultes et de coups plut d'un seul coup sur la cour. Le même sergent usa de toute sa voix pour ramener les détenus à la raison, mais en guise d'obéissance, il ne récoltait que des « Ta mère ». Les soldats quittèrent leur poste et se déployèrent autour du conflit général. Mais la haine des bagnards s'était accrue avec les années de pénitence et de souffrances, et cela intimida les gardiens qui préféraient attendre de les voir s’essouffler avant de passer à l'action.
« Qu'est-ce que je vois là ? Des chiens qui tremblent de peur devant des animaux de safaris ?! tonna un gradé, les joues rouges de colère. Vous allez me calmer tout ça ! Un vaisseau protocolaire va arriver bientôt, alors si vous ne voulez pas finir votre vie à la place de cette vermine, vous allez leur cravacher la figure jusqu'à ce qu'ils ne soient plus en mesure de prononcer leur prénom ! »
Cette menace eût l'effet escompté. Les quelques régiments foncèrent de part et d'autre dans le groupe de malfrats tandis que les fusilleurs faisaient des coups de semences pour disperser la foule. Ce spectacle fut plaisant pour Wolf, qui referma derrière lui une porte du complexe en savourant les cris, les tirs et l'anarchie envahir la prison.
To Be Continued...