Chapitre 28 : Vengeance
« Comment quelqu’un ayant passé une bonne dizaine d’années en milieu militaire peut être aussi irresponsable !? » s’indigna Xenora.
Le groupe avait atterri à l’entrée de la cité de Sybak. Cette dernière s’était agrandie depuis la réunification des mondes. De nombreuses académies et laboratoires de recherche étaient apparus. 64 se sentait mal à l’aise dans ce milieu. Et apparemment il en était de même pour Drilaz qui, pour la première fois, paraissait inquiet et n’osait pas s’éloigner du groupe. Même Xenora, en train de rager dans son coin, avait l’air de l’inquiéter, alors qu’il était habituellement plus intrigué qu’autre chose.
« Participer à un tournois et s’exhiber devant tout le monde, continuait la magicienne, en faisant équipe avec un monstre et une hors-la-loi ! Non mais tu te rends compte ?
- Oh oui c’est, affreux… » répondit mécaniquement Vharley qui n’avait pas écouté le moindre mot de ce que son amie venait de dire.
Zeratos, lui, semblait chercher quelque chose du regard. Il avançait sans vraiment faire attention à son entourage en marmonnant. La seule chose que 64 était parvenu à saisir était le mot « armurerie ». Mais ce qui l’intriguait le plus pour l’instant, c’était Philis. Cette dernière n’avait pas prononcé un seul mot depuis l’évènement du colisée. Elle s’obstinait à faire semblant de se gratter le cou pour cacher son cristal de la main et n’osait regarder personne en face.
64 fut tiré de ses pensées par Vharley qui avait décidé de fuir les sermons de son amie elfique :
« Et on viens faire quoi ici au juste ? demanda-t-il au demi elfe.
- J’ai deux ou trois petites choses à faire ici, répondit 64, des archives à consulter et une prise de sang à faire pour des analyses de mana.
- T’as l’intention de retrouver ta famille ? lança ironiquement le gladiateur, tu devrais éviter de te lancer dans ce genre de quête : c’est une perte de temps, tu te fais du mal plus qu’autre chose à être aussi obsédé que ça par ton passé.
- C’est facile à dire pour toi, rétorqua le demi elfe, toi tu sais très bien ce que son devenus tes parents. Moi je ne sais même pas si l’un d’eux est encore en vie.
- Tu sais, je pense vraiment que c’est une mauvaise idée, insista-t-il, je connais pas mal de personnes qui ont détruit leur vie à essayer de retrouver un être cher. Xenora aussi s’est faite du mal avec cette histoire de parent, et même des personnes célèbres ont très mal tournées à cause de leur famille. Regarde le célèbre Mithos par exemple…
- Je n’ai rien en commun avec Mithos Yggdrasil, coupa sèchement 64, et pourquoi tu insistes tant ? Je ne crois pas que quelqu’un ai un jour décrété que nous étions amis et que je devais t’écouter.
- Ecoute-moi bien petit arrogant, rétorqua Vharley, si je fais ça, c’est pas pour toi. À vrai dire si ça ne tenait qu’à moi je t’aurai déjà laissé moisir au milieu des soldats et des droïdes au camp d’entraînement. Seulement pour une raison ou une autre, Xenora tiens à toi et s’inquiète, c’est pour elle que je fais ça donc si tu as l’intention de te pourrir l’existence à poursuivre ton passé, libre à toi. Mais ne compte pas sur notre aide.
- C’est toujours facile à dire ce genre de chose quand on connaît sa famille, déclara le demi elfe.
- Crois moi, commença le gladiateur, il y a des familles et des parents qu’il vaut mieux ne pas connaître… »
Il se mit alors à l’écart de 64, car il n’avait rien d’autre à ajouter. Au bout d’un moment, ils arrivèrent à l’entrée de l’ancienne académie de Sybak. En effet, un nouvel immeuble avait été érigé juste à coté et servait de raccordement au bâtiment principal. 64 ouvrit la porte et pénétra dans l’enceinte de l’académie. Drilaz, à sa suite, poussa un léger grognement de mécontentement juste avant d’entrer le plus rapidement possible pour vite rejoindre le demi elfe.
La dernière personne à passer le pas de la porte fut Xenora. Cette dernière resta un petit moment à l’extérieur, fixant une fenêtre située au dernier étage. Elle eut un léger frisson avant de suivre le reste du groupe à l’intérieur.
Le bâtiment renfermait de longs couloirs, en divers étages, tous ornés de nombreuses portes. 64 commença à lire un panneau attentivement, cherchant quelle salle pouvait l’intéresser. Quelques jeunes savants qui passaient près de lui stoppaient leur marche pour regarder Drilaz d’un air curieux. Ils l’observaient, fascinés, s’approchants d’un pas hésitant. Lorsque l’un d’eux se trouva à moins d’un mètre du monstre, ce dernier fit claquer ses mâchoires à quelques centimètres de son visage pour l’éloigner.
« Tu devrais calmer ta bestiole, fit remarquer Vharley, il risque de blesser quelqu’un.
- Il ne fera rien tant que 64 ne lui aura pas demandé, signala Philis, par contre il n’a pas l’air rassuré.
- Il n’aime pas les laboratoires et moi non plus, déclara 64 en pointant du doigt un nom sur le panneau, on va commencer par celui-ci : direction le deuxième étage, salle 247. »
Ils empruntèrent donc les escaliers jusqu’au deuxième étage et avancèrent dans un long couloir en regardant les chiffres sur les portes de temps en temps.
Soudain, Zeratos se retourna. Il ne vit personne. Il s’approcha donc de Vharley pour lui parler.
« Xenora a disparu, murmura-t-il en marchant au même rythme que le guerrier.
- Je sais, répondit ce dernier à voix basse, et ça ne me dit rien qui vaille.
- On devrait aller la chercher, commença l’elfe.
- Non, coupa Vharley, si on ne lui fait pas confiance, elle nous en voudra. On interviendra si c’est nécessaire, j’ai déjà repéré le labo des explosifs et le bureau du directeur sur le plan tout à l’heure. »
Ils accélérèrent le pas pour rattraper le reste du groupe, lorsqu’une explosion retentit au loin.
64, Drilaz et Philis se retournèrent tout les trois pour essayer de savoir d’où provenait le bruit. Quant à Vharley et Zeratos, ils se fixèrent mutuellement, pensants tout deux à la même chose.
« La prochaine fois que je parle de confiance, adressa le gladiateur à l’elfe, frappe moi de toute tes forces. »
Ils firent immédiatement demi-tour et coururent jusqu’aux escaliers.
« Ça provenait de quelle direction ? » demanda Philis.
Un savant tomba du haut des escaliers pour atterrir lourdement au rez-de-chaussé.
« Je propose d’aller jeter un coup d’œil au dernier étage, lança Zeratos, je sais pas pourquoi mais j’ai l’intime conviction que le vacarme provenait d’en haut. »
Vharley n’écoutait déjà plus et fonçait dans les escaliers, il fallait agir vite.
« Oh bien entendu ce n’est qu’une supposition, continua l’elfe, rien ne prouve que… glurp ! »
Il se fit étrangler par son plastron, 64 montait les escaliers en le tirant par le col. Drilaz, quant à lui, regarda un bref instant la cage des escaliers puis se propulsa dans les airs jusqu’à atteindre un mur. Il réalisa ainsi plusieurs bonds et fut le premier arrivé au dernier étage, suivi de près par Vharley, qui avait pris de l’avance.
64 s’était résigné à lâcher Zeratos et arriva au dernier étage, suivi de près par l’elfe. Il pu alors constater le désastre
« La prochaine fois que je parle de confiance, commença le guerrier en fixant la scène, tue moi sur le champ. »
Même s’il savait que cette phrase lui était adressée, Zeratos ne réagit pas Il en était incapable, pas avec la scène qui se déroulait sous ses yeux.
Tout était dévasté, le toit avait explosé et le bâtiment était désormais à ciel ouvert. Des flammes dansaient en tout sens, rongeant de qu’il restait des murs. Les savants qui étaient encore conscient traînaient leurs collègues hors du massacre. On pouvait constater la présence de deux personnes au milieu des débris du dernier étage. L’un d’eux paraissait plutôt âgé, son visage déformé par la peur. Il s’agissait probablement du directeur des lieux. Quant à la deuxième personne, elle flottait à quelques centimètres du sol, diverses boules gravitaient autour d’elle, il était impossible de savoir de quoi il s’agissait exactement. La personne était de dos, impossible donc de voir son visage. Mais ses cheveux blonds, dont une longue mèche descendait jusqu’au bas du dos, laissaient supposer que c’était Xenora…
Dehors, un homme vêtu d’un long manteau noir se tenait dans la rue. C’était la panique à l’extérieur. Des savants couraient pour s’éloigner du lieu de l’explosion. L’homme regarda autour de lui, comme pour analyser la situation. Un soldat en armure, probablement un membre de la garde impériale, s’approcha de lui pour parler.
« Monsieur, commença le garde, je dois vous signaler que nous avons pour objectif prioritaire de protéger la population. Aussi je vous informe que la garde à l’autorisation de…
- Qui vous dit que j’allais vous empêcher de faire votre devoir ? coupa l’homme en noir.
- Personne mais…
- Sachez que je considère cette mission comme une affaire personnelle désormais, continua l’homme au manteau, aussi je ne vous veux pas dans mes pattes. Je me passerai de votre aide cette fois-ci. Allez faire votre devoir je m’occupe du reste. »
Le soldat sembla hésiter avant d’aller aider les médecins à déplacer les éventuels blessés, suivi de près par une troupe. L’homme au manteau, qui s’avérait être Zack, enfila un gant sur sa main gauche et s’avança vers l’académie brûlante.
« Tout ça c’est de votre faute, hurlait Xenora au directeur, vous n’avez que ce que vous méritez !
- Mais… mais vous êtes folle, comment aurai-je pu deviner que la foudre frapperai la fenêtre de ce labo ? C’était impossible à prévoir ! »
Le directeur de l’académie était paniqué. Il était allongé au sol, dos au mur, ou de ce qu’il en restait. Il cherchait visiblement des excuses, mais pourquoi ?
« Peu importe la raison, songea 64, il faut intervenir. »
Il s’approcha donc vers la magicienne, mais Vharley le retint du bras.
« Tu ne peux pas faire ça, dit-il alors, ce n’est pas aussi simple.
- Alors explique-toi, s’impatienta le demi elfe.
- Il y a longtemps, la foudre a dévasté le laboratoire des explosifs. Xenora et son père s’y trouvaient à ce moment. Plus tard elle a découvert que tout le bâtiment était protégé des éclairs grâce à un sort de déviation.
- Alors comment le labo a pu être…
- Le laboratoire des explosifs n’était pas protégé, intervint Xenora qui avait écouté la conversation, ils auraient dû le protéger mais il ne l’a pas fait ! »
Elle avait dit cela en pointant le directeur du doigt. La magicienne était littéralement en pleurs. Ses larmes coulaient sur ses joues et allaient graviter autour d’elle avec les sphères qui l’entouraient.
« Il faut l’arrêter avant que quelqu’un ne soit tué, affirma Philis.
- Malheureusement, commença Zeratos le plus calmement du monde, on a plus de risque de se faire tuer si on intervient. »
Devant l’air perplexe de l’archère, il se sentit obligé de fournir des explications.
« Les objets qui flottent autour d’elle sont des explosifs, poursuivit-il, ils sont lancés à pleine vitesse mais Xenora les maintient autour d’elle, ce qui explique pourquoi ils tournent. Si jamais on agit, elle perdra son influence et les explosifs partiront dans toutes les directions…
- S’il vous plait, coupa le directeur, venez m’aider. Arrêtez cette folle !
- Fermez-là espèce de meurtrier ! » hurla Xenora.
Un des explosifs se stoppa dans ses déplacements et se mit à vibrer. Il fut alors propulsé à quelques mètres du directeur, provoquant une explosion qui fit voler quelques débris.
64 se sentait impuissant. Il ne pouvait intervenir et la magicienne avait encore une bonne dizaine d’explosifs, de quoi faire sauter tout l’étage…
« Sortez ! » dit-il alors.
Tous ses compagnons, sauf Xenora, le regardèrent d’un air inquiet.
« Qu’est-ce que tu vas faire ? questionna Vharley, tu comptes tout de même pas intervenir ?
- C’est du suicide, ajouta Zeratos, personne ne peut résister à l’explosion qu’il risque d’y avoir.
- Je vous ai demandé de sortir pas de poser de questions, lança 64, je sais parfaitement ce que je fais. Et puis Drilaz restera avec moi. »
Tous semblèrent hésiter. Puis ils empruntèrent les escaliers à toute vitesse.
Arrivés au rez-de-chaussée, les deux humains et l’elfe tombèrent face à Zack. Ce dernier se tenait devant la sortie…
« Vous auriez dû faire protéger le labo de la foudre ! hurlait Xenora au directeur.
- C’était impossible, affirma ce dernier, toujours allongé sur le sol, si un accident avait eu lieu, le sort aurait contenu l’explosion qui se serait alors répandue dans les couloirs du bâtiment…
- Alors vous auriez dû installer le labo au sous-sol, à l’abri de la foudre !
- Pour que l’immeuble s’effondre en cas de fausse manœuvre ? Ça n’aurait fait qu’empirer…
- Vous pouviez blinder les fondations par des sorts permanents, trancha la magicienne.
- Vous avez une idée du prix que ça aurait coûté de faire ça ? » fit remarquer le directeur.
64 soupira, il savait que l’erreur du directeur allait le pousser à agir. Xenora était entre l’outrage et la colère. Les explosifs commençaient peu à peu à ralentir leurs cercles autour d’elle et à vibrer de manière inquiétante…
Le demi elfe se jeta alors en direction de la magicienne. Drilaz n’eut pas besoin de consigne et alla vers le directeur. Chacun plaqua sa cible sur le sol avant de leur servir de bouclier.
Tout le reste se passa très vite. Les explosifs partirent en tout sens avant de balayer tout l’étage de leur souffle.
64 et Drilaz résistaient aux flammes du mieux qu’ils le pouvaient, protégés des flammes par leur mana, couvrants Xenora et le directeur de leur corps.
Puis, tout s’arrêta aussi vite que ça avait commencé. Le demi elfe roula sur le coté et se retrouva allongé sur le dos, à coté de la magicienne. Il essaya de reprendre son souffle mais les flammes avaient consommées pratiquement tout l’oxygène.
Il eut le temps de voir que Xenora était inconsciente avant de s’évanouir également…