Bonne lecture. ^^
Chapitre 37 : Réminiscence : Le souhait.
« Sheena ! Sheena !
- Que lui est-il arrivé ?
- Qui l’a attaqué ?
- Orochi, prends des hommes avec toi et vérifie les alentours du village, l’agresseur est peut-être encore là !
- Mettez les enfants à l’abri ! »
Ces voix résonnaient. Des voix inquiètes, affolées, bouleversées. Les gens se pressaient auprès d’elle, le bruit de leurs pas, leurs paroles, leur présence, la rassurait. Allongée à même le sol, dans la terre rendue gluante par son sang, la jeune femme dont les yeux exprimaient encore une terreur immense, ne pouvait même pas se relever. Son corps lui faisait tellement mal que même respirer était un supplice.
- Sheena.
Son grand-père penché au dessus d’elle dégagea une mèche de ses cheveux souillés.
- Sheena, ma petite-fille…Qui a osé te faire ça !?
La jeune femme tenta de parler, mais ne fit que s’étrangler davantage.
- Doucement, lui murmura le vieil homme en soulevant délicatement sa tête. Nous allons nous occuper de toi, ne t’inquiète pas.
A cet instant, elle perdit tout à fait connaissance. Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, elle était chez son grand-père, dans la chambre qu’elle occupait autrefois. Des voix provenant de la pièce adjacente se faisaient entendre.
« Fujiyabashi ! Mon petit fils n’aurait jamais osé faire cela. Ce n’est pas dans ces manières d’agir !
- Hanae, je ne prétendais rien de tel !
- Notre village n’est plus en sécurité, celui qui a déjà tué nos hommes veut apparemment notre perte. Il a voulu tuer notre chef en exemple, cela semble évident ! Il faut prendre des mesures !
- Tôgashi a parfaitement raison, quelqu’un essaye de déstabiliser notre village, je suis sûre que c’est un coup du gouvernement de Meltokio.
- Attendons que mon élève revienne, je suis sûr qu’il est parti à la poursuite de l’agresseur, il le fera parler sans aucun doute.
- Espérons-le. En attendant, le village est sous surveillance, s’il y a un problème, Orochi nous avertira. Tant que ma petite-fille ne sera pas rétablie, je reprends les commandes de Mizuho, le conseil des anciens en a assez fait.
- Oses-tu dire que nous avons pris de mauvaises décisions ! s’indigna Hanae. Nous avons tout fait pour sauvegarder les intérêts de notre peuple. Mais depuis que tu as nommé Sheena à la tête du village, il n’arrive que des malheurs !
- Hanako et Naganori, tes petits enfants, ont tenté de la tuer juste pour obtenir ce que tu souhaitais, que ta famille dirige Mizuho. Leurs actes, ainsi que les tiens, ont fait que les habitants ont perdu foi en leur propre chef, je pense que tu as assez intrigué contre Sheena. Je n’étais pas aveugle, j’ai juste fait l’erreur de ne pas intervenir à temps mais je devais laisser Sheena se faire sa place, elle devait gagner la confiance des siens par elle-même. Je suis heureux de constater qu’elle y est parvenue malgré tous tes plans pour l’en empêcher.
- Ne sois pas ridicule ! Tu n’as aucune preuve de ce que tu avances.
- Ce n’est pas parce que les autres membres du conseil ferment volontairement les yeux que je devrais faire de même. La rumeur selon laquelle tu as subtilement assassiné ton époux est très persistante et inspire la peur, pourtant, je sais que tu ne l’as pas fais. Tu es une grande manipulatrice Hanae, mais pas une meurtrière…
- Arrêtons là les disputes, intervint Tôgashi. Cela ne sert à rien, juste à perdre du temps.
- Tu as raisons…Je vais voir ma petite-fille, peut-être pourra-t-elle nous en apprendre davantage. »
Sheena entendit les invités prendre congé, quelques secondes plus tard, son grand-père entra dans la chambre. La jeune femme ferma les yeux faisant semblant d’être assoupie, elle n’avait pas envie de discuter, pas maintenant. La souffrance de son corps était bien plus supportable que les tourments de son esprit. La peur, une insondable et incommensurable peur, la submergeait dès qu’elle revivait cette effroyable scène.
- Sheena, souffla doucement son aïeul en lui touchant sa main. Pourquoi pleures-tu ? As-tu mal ? Je vais te redonner des calmants, Hanae les a préparé avec soin, ne t’inquiète pas.
La jeune femme sentit alors le flot de ses larmes couler le long de ses tempes. Elle ne s’en était pas rendue compte jusque là.
- Peux-tu parler ?
La jeune femme détourna le regard et secoua imperceptiblement la tête. Elle ne mentait pas même si elle en avait l’impression, sa gorge était comme broyée, elle pouvait encore sentir cette main qui l’enserrait quelques heures auparavant.
- Si je tenais le monstre qui a osé te faire ça, je le tuerais de mes propres mains ! Te voir ainsi, m’a brisé le cœur…J’ai cru te perdre pendant un instant…
Sur sa main que son grand-père tenait à présent contre sa joue, elle sentit quelques larmes y couler. Jamais il n’avait pleuré devant elle, cela la toucha énormément et la peina aussi, elle ne voulait pas qu’il souffre ou culpabilise à cause d’elle.
- Repose toi maintenant, tu es en sécurité. Je passerai te voir toutes les heures.
La nuit fut courte pour la jeune femme, dès qu’elle fermait les yeux, le cauchemar reprenait : Les coups toujours plus violents, les propos toujours plus incohérents, elle ne pouvait qu’assister impuissante à sa faiblesse. Trahison, humiliation, frustration. Pourquoi n’avait-elle rien vu ? Pourquoi n’avait-elle pu réagir ? Pourquoi lui avait-il fait ça ?
Quelques heures plus tôt.
- Comment ça il faut que tu partes ?
L’incrédulité lui avait fait hausser la voix. Sheena se redressa sous le coup de la surprise et resserra le nœud de son kimono en soie noire.
« Sheena, je te l’ai déjà dis, je n’ai pas prévu de rester à Mizuho pour l’éternité.
- Merci de me mettre au courant sur le fait ! s’énerva la jeune femme.
- De quoi tu te plains, dans quelques temps tu annuleras notre mariage pour un motif quelconque, tu retrouveras ta liberté et personne n’aura rien à y redire. Tu devrais plutôt me remercier au lieu de me crier dessus ! »
Sheena le regarda se préparer en silence. Elle ne savait que dire. Dans sa poitrine, un sentiment d’abandon lui pinça le cœur. Après les épreuves qu’avait traversé le village, qu’elle avait traversé, il était devenu plus que jamais un ami sur lequel elle pouvait s’appuyer pour ne pas tomber.
C’était un soir comme les autres pourtant, rien n’avait laissé paraître sa décision. Pourquoi ne lui avait-il rien dit avant ? Ces derniers temps, il avait été quelque peu distrait et distant, mais elle avait mis ses changements d’humeur sur le compte de sa mission au palais, surtout depuis l’assassinat des ninjas. Ne comprenait-il pas qu’elle avait besoin de lui ? Non seulement pour elle, mais pour le village entier, seul lui pouvait encore enquêter discrètement au palais et découvrir qui avait sauvagement assassiné ses hommes. Pourquoi devait-il partir maintenant ?
- Qu’en sera-t-il de ta mission ? demanda-t-elle plus calmement en espérant lui faire entendre raison.
Yohnis lui jeta un simple regard avant de lui tourner le dos, prêt à partir.
« Quoi que tu me dises cela ne changera pas ma décision.
- Pourquoi ? cela ne peut-il pas attendre ? »
Elle était complètement perdue, comment pouvait-il avoir d’autres priorités que celle de confondre le meurtrier de ses amis.
« Non ! répliqua-t-il sèchement. Je suis resté bien trop longtemps déjà.
- Mais…Où vas-tu aller ?
- Cela ne te regarde aucunement. Cesse tes questions à présent, n’essaye pas de comprendre quoi que ce soit.
- Entends-tu ce que tu me dis ? s’indigna la jeune ninja devant le ton si froid, si impersonnel qu’il employait. Tu me parles comme si je n’étais rien ! »
Elle le vit porter une main à son front d’un air l’as. Ses maux de tête se faisaient de plus en plus fréquent ses jours ci, le manque de sommeil et ses voyages entre Mizuho et Meltokio ne devaient pas arranger les choses. Elle avait bien conscience qu’elle lui en avait demandé beaucoup depuis le drame, peut-être un peu trop.
« Est-ce à cause de moi ?
- Sheena, tu n’es pas le centre du monde, tout ne tourne pas autour de toi !
- Tu n’as pas besoin d’être si blessant ! rétorqua-t-elle à bout de patience. »
Il allait juste partir, sans rien dire. Il la traitait comme une étrangère, elle ne le supportait pas.
- C’est ridicule ! Continua Sheena avec véhémence. Tu ne partiras pas sans m’avoir expliqué ! S’est-il passé quelque chose au palais ? Laisse moi comprendre…
Elle le voulait réellement. Elle était prête à le laisser s’en aller mais pas sans en connaître la raison.
- Ne me retiens pas, souffla-t-il simplement. Il n’y a rien que tu puisses changer.
Alors qu’il s’apprêtait à quitter la pièce, elle le retint par le bras. Ce n’était en rien une tentative désespérée pour le retenir, elle voulait juste qu’il lui parle.
« Attends, s’il te plait ! Donne moi une véritable explication ! J’ai le droit et j’ai besoin de savoir…
- Ca suffit Sheena ! Ne fais pas l’enfant ! Tu n’as rien à comprendre, est-ce clair ?! Mon choix est fait, sois en reconnaissante…Je ne sais pas combien de temps encore … »
Il ne la comprenait pas, ne l’entendait pas. Un sentiment de colère et d’injustice monta alors en elle.
- Je veux connaître la vérité, coupa-t-elle d’une voix sèche.
Il soupira devant son entêtement, la jeune femme espéra un instant qu’il se confie à elle, mais il n’en fit rien.
« Je reviendrai te chercher le moment venu, n’oublie pas que tu me dois un service.
- Tu te moques de moi ! explosa-t-elle en crispant davantage ses doigts autour du bras du jeune homme pour qu’il daigne enfin lui faire face. En quoi devrai-je te rendre service ? Ne rêve pas ! »
A son grand étonnement, Yohnis lâcha un petit rire qui n’avait rien de joyeux et qui la fit frémir malgré elle.
- J’y ai vraiment cru …Sincèrement…Mais, c’était juste…Désolé, tu n’auras pas le choix. Je te conseille juste de me suivre sans faire d’histoire ce moment là.
Estomaquée par ce qu’elle venait d’entendre de la bouche de celui qui était devenu son mari, la jeune femme resta un instant interdite.
« Tu…Tu me menaces ?
- En effet… »
Le sang de la ninja ne fit qu’un tour.
- Aie alors au moins le courage de me regarder dans les yeux !
Au lieu de ça, il se dégagea de son étreinte avec une telle violence qu’elle faillit tomber à terre.
« J’ai perdu assez de temps avec toi ! Laisse moi avant que…
- Perdu de temps ?! s’écria-t-elle outrée. Avant quoi ?! De me blesser, de me faire de la peine ? Réalises-tu ce que tu viens de me dire ? »
Il passa une main sur son visage, mais ne se retourna toujours pas pour lui faire face. Avait-il honte ? Regrettait-il ses propos?
« Il est trop tard, murmura-t-il comme pour lui-même.
- Oui…Trop tard…, souffla-t-elle avec une peine immense. »
C’était dur. Vraiment dur de se quitter ainsi. Repenser à ce qu’ils avaient vécu ensemble ses derniers mois lui fit monter les larmes aux yeux. Elle n’avait pas voulu voir ce côté de sa personnalité, préférant toujours apprécier en lui l’ami qu’elle avait connu autrefois. Sans doute parce que cela l’aidait à accepter plus facilement leur mariage et parce qu’elle n’avait ainsi pas peur de lui. En quelques minutes, il venait de faire voler en éclat le lien qui les unissait. Dégoûtée et amère, elle se retourna pour ne plus le voir. Ses mots l’avaient blessé, profondément blessé. Elle réalisait maintenant à quel point elle avait été naïve et idiote.
« Je crois…je crois que je me suis trompée sur toi…, exprima-t-elle avec tristesse.
- Tu n’imagines pas à quel point.
- Pars…Pars et je ne veux plus jamais te revoir.
- Ce ne sera pas si simple Sheena…
- Pars ! hurla-t-elle. N’est-ce pas ce que tu voulais ? Alors pars ! Mais s’il te plait, ne reviens pas…Je ne te suivrais pas, quelque soit le service que je te dois. »
L’ambiance se fit soudain lourde, pesante, Sheena le ressentit au plus profond de son corps. Quelque chose avait changé. Elle se sentit paralysée par une indéfectible et irrationnelle peur.
- Tu es décidemment bien têtue, constata-t-il d’une voix sombre.
Sheena tressaillit malgré elle. Un courant glacé s’insinua en elle tel un mauvais présage.
- Je me fiche éperdument de tes états d’âmes, si tu ne veux pas souffrir inutilement, tu devras m’obéir.
Il était tout proche d’elle à présent, il avait murmuré ses mots à son oreille. Elle retint un hoquet de surprise et de terreur. Aucune émotion ne transparaissait dans sa voix, aucune pitié, aucune once de sympathie, rien.
- Jamais !
La déception et aussi l’humiliation qu’elle ressentait à cet instant avaient parlé pour elle.
- Je vois, il me revient alors la charge de te faire comprendre les choses, ainsi, je ne perdrais pas de temps la prochaine fois.
Sheena se détacha de lui rapidement et lui fit face le souffle le court. Le sourire cynique, presque cruel qui étirait ses lèvres, ses yeux reflétant une pleine satisfaction la laissèrent sans voix. Etait-ce le même homme qu’elle avait connu ? Celui avec lequel elle avait partagé ses nuits ? Elle ne voulait le croire, mais la vérité s’imposait à elle.
- Veux-tu que je te révèle quelque chose d’amusant ?
Son sourire s’étira davantage, augmentant d’un cran sa terreur. Impuissante, incapable de bouger la moindre parcelle de son corps elle ne pu que le regarder sans rien dire.
- Ils avaient le même regard que toi quand je les ai tué. Des êtres si pathétiques, si faibles, bien dignes de leur chef.
Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent davantage sous le choc. Les mots se bloquaient dans sa gorge. Elle voulait crier, hurler, mais aucun son ne sortait. Elle sentit à peine les larmes s’échapper de ses yeux et glisser sur ses joues devenues pâles.
- Ne me regarde pas comme ça, c’est toi qui as voulu la vérité.
Il s’approcha d’elle avec une lueur malsaine dans le regard, Sheena, dont l’instinct de survie la poussait à s’enfuir recula d’un pas chancelant jusqu’à ce qu’elle bute contre le mur de la chambre.
- Ar…rête…
Ce fut le seul mot qu’elle arriva à articuler. Sa poitrine oppressée par cette indicible peur ne se soulevait qu’avec peine, l’étouffant presque.
pour ma part j'espère que tu en as encore un ...