Chapitre 2
Renji se réveilla en sursaut, couvert de sueur. «Un sale rêve, sans doute», soupira-t- il en se redressant. Après tout, c'était le grand jour, et il était normal de faire des cauchemars la veille d'un événement important.
Il ne tarda pas à entendre l'une des serveuses, Drenil, une jeune altmer, monter les marches pour venir le réveiller :
_Ta nuit est passée, tu as dix minutes pour sortir avant d'être jeté dehors, lui jeta la jeune elfe avec un sourire.
_Merci beaucoup, je ne serait pas long, lui répondit le khajiit.
Il se hâta, et remarqua que le jour était bien avancé en jetant un coup d'œil à la fenêtre. Une fois habillé, sa tunique rangée dans son sac, il ouvrit la porte. Avant de la refermer brusquement pour récupérer son épée courte, cachée sous son oreiller, et de la ranger dans son fourreau. Une vieille habitude, de nouveau présente chez le commun des habitants de Bordeciel, depuis quelques années, suite à la dangerosité accrue de la région. Il s'interrogea sur cette coutume, qu'il jugeait inutile même s'il l'appliquait scrupuleusement depuis son arrivée dans la contrée. Les gardes étaient bien capables de donner l'alerte en cas de problème. À moins que la menace ne vienne de conflits à l'intérieur même des villes...
Décidément, il avait parfois du mal à comprendre les habitants du Nord.
En sortant de l'auberge, il entendit un bruit de verre brisé, suivis des cris de la gérante, destinés à Drenil :
_Mais c'est pas possible, t'as deux mains gauches ou quoi ?! Saadia au moins faisait attention en débarrassant !!!
_Je suis désolée, je ne sais vraiment pas ce qui s'est passé...
Au fur et à mesure qu'il s'éloignait du bâtiment, le reste de la dispute fut noyé par les cris des marchands, vantant la qualité des produits de leurs étals. Bijoux, denrées alimentaires, armes et outils, on pouvait trouver de tout sur cette place.
_Gibier frais, chassé ce matin par mon frère ! scandait un dunmer.
_Les meilleures équipements de tout Bordeciel ! Venez faire vos achats chez mon mari, à Faillaise ! Des échantillons ici à moitié prix, n'hésitez plus ! répétait une autre.
La ville était très animée depuis l'arrivée des troupes impériales, deux mois plus tôt. Bien qu'arrivé plus tard, le khajiit avait eu le temps de faire connaissance avec la plupart des habitants, mis à part ceux gravitant dans la sphère du Jarl, qu'il n'avait pas jugé utile de rencontrer.
Sans plus tarder, Renji traversa le marché et emprunta les marches à sa droite pour apercevoir un magnifique arbre en fleur, d'une taille peu commune. Il était entouré de quatre bancs, et marquait la séparation entre les quartiers populaires et les plus riches, situés au sommet de la colline ou s'était construit la cité.
«Le Vermidor, murmura t- il. La merveille de Blancherive.»
_Eh toi, le chat ! l'interpella un grand nordique musclé en descendant un escalier à sa droite. Si tu veut rejoindre les Compagnons, c'est peine perdue, ils ne recrutent pas les faibles et encore moins les étrangers comme toi.
Renji détailla l'homme : mesurant au moins deux mètres, il était torse-nu, et portait un pantalon de mailles épaisses, des grèves d'ébonite et des gantelets du même matériau. Pas le genre d'adversaire duquel on se moquait ouvertement. Pourtant le khajiit ne sembla pas le moins du monde impressionné :
_Eh bien, le «chat» va quand même tenter sa chance, fit- il avec un sourire en coin.
_Je vais me répéter une fois, et une seule... , fit le colosse en approchant son visage à quelques centimètres de celui du jeune khajiit. Fait demi-tour maintenant si tu ne veut pas te retrouver avec une hache plantée dans le crâne d'ici une minute. Compris ?
Renji, trop occupé à évaluer ses chances, ne remarqua pas tout de suite un vieil homme s'approcher du nordique et lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Ce devait être quelque chose de très urgent, car l'autre pâlit et s'en alla non sans jeter au passage un regard mauvais au khajiit. Ce dernier voulut remercier l'inconnu, mais le vieillard avait également disparu, comme par magie.
«Bah, les excentriques sont partout», se dit-il pour se rassurer.
En arrivant aux abords de la statue de Talos, il parvient à percevoir les rires qui provenaient de la demeure des légendaires Compagnons. Il obliqua vers la droite pour apercevoir la raison de sa venue en Bordeciel. En gravissant les escaliers, il put sentir, malgré l'odeur omniprésente du pollen du Vermidor, grâce au flair propre à sa race, une forte senteur alcoolisée émanant du hall. En pénétrant dans l'édifice, qui avait remarquablement bien surmonté le passage des ans, il fut frappé de plein fouet par la chaleur et l'odeur des victuailles. Apparemment, les Compagnons fêtaient une grande victoire : la grande-salle,en effet, ressemblait plus à une taverne qu'au quartier général d'un ordre légendaire de combattants. Au centre, une table rectangulaire, entourant un feu de taille peu commune, débordait de vivres en tout genres. À la démarche titubante de certains, il devina que la fête durait sans doute depuis plusieurs heures.
«Et sa tête a roulé sur cinq mètres !!!» hurla un ivrogne, dont la voix fut rapidement couverte par les rires festifs de trois impériaux se livrant à un concours de boisson. La grande-salle résonnaient des rires et des chants d'une quarantaine de guerriers, complètement saouls pour la plupart.
S'approchant de l'un des seuls membres sobres de la salle, un nordique quadragénaire aux cheveux bruns mi-longs, adossé à un pilier, portant une armure de cuir grise, lui évoquant la peau d'un loup, il fut bousculé par un argonien massif, titubant.
_Bien l'bonjour mad'moizelle, ça vous dirait une p'tite daaanse ??!
_Oka, ferme la un peu, tu veux ? , lui intima un second argonien de taille moyenne aux écailles turquoises.
_Mais t'es qui twaaa ?!? , lui rétorqua le premier en le foudroyant du regard.
_Par les Hists, qui m'a donné un frère aussi stupide !? Allez, on se tire d'ici, sinon tu va finir par tuer quelqu'un !
Le khajiit, intrigué par le duo inhabituel, se retourna vers le nordique pour le questionner :
_Excusez-moi...
_Pour rejoindre nos rangs, allez au sous-sol pour vous adresser à Rigel, le coupa l'homme. Faites attention en descendant l'escalier, les marches sont glissantes.
_M...merci, bredouilla le khajiit, surpris par l'attitude altière de l'individu.
Ri'Drassa se dirigea sans plus tarder vers le sous-sol.
Enfin. Il allait accomplir son destin et avec un peu de chance, ses exploits seraient chantés sous peu... L'avenir lui souriait, désormais.