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The Elder Scrolls V : Skyrim

Sujet : [Fic] Au coeur de la tempête
TheEbonyWarrior
Niveau 31
03 mai 2018 à 19:57:55

C'est vrai que c'est pas très malin de ma part de foutre des pavés de cette taille au début quitte à décourager les potentiels lecteurs :hap:

Merci du compliment sinon :ok:

TheEbonyWarrior
Niveau 31
03 juin 2018 à 20:03:23

Suite dans le courant de la semaine :ok:

Ingobernable
Niveau 7
03 juin 2018 à 20:30:37

Faut que je trouve le courage de m'y mettre, je suis sûr que c'est du bon en plus. *~*

TheEbonyWarrior
Niveau 31
03 juin 2018 à 21:00:36

Le 03 juin 2018 à 20:30:37 Ingobernable a écrit :
Faut que je trouve le courage de m'y mettre, je suis sûr que c'est du bon en plus. *~*

Si t'as autant le courage de t'y mettre que moi de le faire de façon régulière, on est pas près d'y arriver :hap:

TheEbonyWarrior
Niveau 31
11 juin 2018 à 00:03:58

(Presque) dans les temps :snif:

Chapitre 7

La matinée était glaciale.
Réveillé par le froid s'étant infiltré à travers les fourrures de sa couverture, Renji se redressa péniblement, et contempla d'un œil désapprobateur le givre ayant recouvert la vitre de sa chambre.

Quelle heure pouvait-il bien être ? Il avait eût tant de mal à s'endormir la veille en raison de l'excitation que le sommeil ne l'avait gagné qu'au beau milieu de la nuit. Les paupières encore lourdes et les sens hésitants, le khajiit entama quelques pas titubants dans la pièce, faisant langoureusement craquer le plancher sous son poids. Il ne pouvait pas se permettre de traîner. Pas aujourd'hui.

Le grand jour était arrivé.
Rassemblant hâtivement ses effets personnels dans son havresac, incluant quelques vêtements, un reste de gigot qu'il n'avait su finir le soir précédent et un livre sur le culte des lunes à la couverture élimée, le khajiit retint une quinte de toux.
La chambre était aussi humide qu'un caveau, mais il n'avait pu se permettre mieux étant donné le maigre pécule qu'il avait été en mesure de réunir avant son arrivée en ville.

La porte s'entrouvrit à l'instant où il posa sa main sur la poignée. Le visage d'une jeune elfe des bois s'incrusta timidement dans l'encadrement, et les yeux de celle-ci s'agrandirent de surprise à la vue du voyageur sur le départ.

- Angor m'envoyait te jeter dehors, s'excusa-t-elle poliment en penchant la tête sur le côté, faisant apparaître une longue queue de cheval brune aux reflets solaires.

- B-bonjour, Dresnil, bafouilla le félin en contemplant avec une admiration contemplative les pupilles d'émeraude de l'elfe. Je m'apprêtais tout juste à partir.

- Désolé de te réveiller si matinalement. Je pensais que le temps lui ferait accepter la venue d'étrangers dans son établissement, mais il faut croire que la rancœur a la mémoire tenace.

- C'est à cause d'Ysolda ? demanda Renji en entamant sa descente des marches.

- Peu d'hommes en ville seraient enchantés par la perspective de voir leur femme commercer librement avec les caravanes khajiit, malheureusement. Il faut croire que les tiens ont du mal à trouver du succès ailleurs qu'à l'Ouest du continent...

Ils pénétrèrent dans la cuisine, adressèrent un salut silencieux au cuisinier, un vieux nordique à l'œil droit arraché, et s'engouffrèrent dans la salle principale.
De dimensions plus que respectables, celle-ci disposait d'une dizaine de tables agencées autour du centre de la pièce, occupé par quatre bancs et un âtre qui, bien qu'imposant, laissait une impression de vide en comparaison de celui qui ornait l'intérieur de Jorrvaskr. Les murs, en revanche, étaient somptueusement décorés de prises en tout genres : deux gigantesques vasards à la chitine aussi rugueuse que le granit bordaient les battants de l'entrée, tandis qu'un crâne de smilodon rugissant férocement semblait accueillir les nouveaux arrivants, à gauche du comptoir. Plus loin, une paire de défenses étincelantes reposaient contre les parois de la bâtisse, attirant immanquablement le regard. Aussi longues qu'un homme et probablement plus lourdes encore, les deux torsades d'ivoire étaient à elles seules une raison plus que suffisante pour visiter l'établissement, et avaient la réputation d'animer les soirées pour peu que quelques soûlards se mettent en tête de les décrocher pour les emporter avec eux -généralement sans grand succès-.

La salle était presque vide, et ne comportait pour tous clients qu'un groupe de nordiques décuvant affalés contre une table et un prêtre de Kynareth mangeant sans bruit dans un coin de la pièce. De l'autre côté du buffet, le tenancier essuyait une haute pile de vaisselle avec une frénésie presque inquiétante, faisant résonner le son des bols à travers le silence.

- Quelle heure est-il ? s'interrogea Renji en se retournant vers la charmante serveuse lui tenant compagnie.

- Le soleil s'est levée il y a à peu près deux heures, répondit la Bosmer avec un sourire timide. Je termine tout juste mon service.

- Je pensais avoir dormi bien plus longtemps, déplora le félin d'un air dépité.

- Toujours anxieux à propos de tout à l'heure ?

- Difficile de penser à autre chose... Ce soir, je serai Compagnon ou voyageur fauché, et je dois t'avouer que la seconde option ne m'enchante pas.

- Tout va bien se passer, le rassura l'elfe en retroussant néanmoins le nez sous le coup d'un rictus inquiet.

- Je l'espère. Je repasserai ce soir pour te donner plus de nouvelles.

- Bonne chance, alors.

Sur ces encouragements, Renji se dirigea vers la sortie, adressa au tenancier un signe de tête que ce dernier ne daigna pas lui rendre, et quitta la Jument Pavoisée.
Comme lui avait annoncé l'elfe, le jour s'était tranquillement installé au-dessus de la cité, teintant le ciel de reflets roses. La place marchande était encore relativement inoccupée, laissant les commerçants ajuster une dernière fois leurs étals avant que la foule ne surgisse. Armes, joaillerie, vivres et vêtements s'entassaient sagement devant chaque vendeur en attendant d'être écoulés à la population ou aux caravanes, destinées à rallier toutes les villes de Vendeaume à Solitude dans les jours à venir.
Autour d'eux, les dernières échoppes ouvraient tout juste, devancées par les enseignes plus matinales accueillant déjà leurs premiers clients, pressés d'effectuer leurs achats habituels avant la cohue quotidienne.

Frissonnant sous l'effet d'une bourrasque soudaine, le khajiit ne s'attarda pas, davantage désireux d'éviter de tomber malade que de flâner sans but dans les rues de la cité.
Au cours des trois derniers jours, Renji avait eût tout le loisir de découvrir les recoins populaires de la cité, et s'était doté d'une poignée de contacts sur lesquels il espérait pouvoir compter à l'avenir. L'idée de se rendre au Chasseur Ivre pour y discuter avec Anoriath lui traversa l'esprit, mais le Bosmer avait probablement une journée chargée devant lui, et il ne souhaitait pas l'alourdir davantage en lui faisant part de son appréhension. Le bon déroulement de cette journée dépendrait de lui, et de lui seul.

Le khajiit emprunta le chemin pavé de l'artère principale, et entreprit de regagner les portes de la ville. De part et d'autre de son chemin, deux rangées de bouleaux se dressaient imperturbablement au bord des rigoles d'évacuation, projetant vers les cieux leurs branches aux feuillages épars dans une tentative désespérée de protéger l'intimité des habitant se risquant plus loin à quitter leur habitations malgré le froid.

Bien que ne disposant pas d'une finesse architecturale aussi élaborée que celle de Fort-Dragon ou des manoirs du quartier des Nuées, les chaumières environnantes semblaient entrer en parfaite harmonie avec leur entourage, se fondant sans difficulté dans la masse fortifiée du rempart intérieur à mesure que les volutes cotonneuses s'échappant de leurs toitures claires partaient rejoindre la voûte nuageuse encore hésitante.

Ainsi se levait chaque matin le jour sur Blancherive. Bien que pompeux, le surnom de "joyau de Bordeciel" semblait trouver toute sa pertinence lorsque les cieux cléments se déployaient sur les façades rayonnantes de la ville comme pour mieux mettre en valeur l'étendue de la richesse des marchandises et des peuples qui s'y croisaient sans cesse.
Non contente de jouer un rôle capital dans le fonctionnement économique de la région, la cité se situait effectivement en plein centre des plaines, devenant ainsi un point de passage quasi-obligatoire pour tous les voyageurs se mettant en tête de traverser le pays dans un sens comme dans l'autre. Si la Cité Impériale et son cosmopolisme devaient être comparés à une autre ville humaine, il ne faisait nul doute que Blancherive était la candidate idéale que Bordeciel avait à offrir.

TheEbonyWarrior
Niveau 31
11 juin 2018 à 00:04:31

Sur la route, le khajiit croisa peu de gardes. En raison des contrôles rigoureux établis aux portes du quartier des plaines, la sécurité entre les enceintes de la ville avait été relâchée, au profit d'une surveillance accrue des bourgades et avant-postes alentours. Si les décisions du Jarl Balgruuf pouvaient parfois paraître contestables, celle de se prévenir des incursions de malfrats dans sa région l'était difficilement. Jusqu'à présent, les Compagnons et la garde régionale avaient contribué efficacement à sécuriser les routes autrefois gangrénées par le banditisme de grand chemin, facilitant considérablement l'expansion de la ville et de son influence tant diplomatique que culturelle.

Au bout d'une centaine de mètres, les murailles de la cité se dessinèrent derrière les rangées d'habitations. Il fallut néanmoins près d'un quart d'heure au khajiit pour les atteindre. Construite à flanc de colline, Blancherive jouissait d'une visibilité privilégiée sur les terres qui l'entouraient, mais souffrait des inconvénients liés à sa position : gravir les allées pentues de la cité pouvait s'avérer épuisant, et les descendre avait parfois tout d'une entreprise hautement hasardeuse, surtout en une saison où le givre se plaisait à rappeler son existence en s'insinuant entre les pavés des rues.

- Halte-là, voyageur ! le héla un nordique vêtu des couleurs impériales en lui barrant le chemin à seulement quelques enjambées des portes. Il me faut vérifier les registres avant de vous laisser quitter notre belle ville.

Le félin s'immobilisa. Il n'avait pas remarqué le garde, dont le plastron de cuir clouté se fondait dans les tons bruns de la caserne dont il sortait tout juste.
L'homme avait le teint rougeaud, mais paraissait encore en pleine possession de ses moyens malgré la boisson. Renji s'exécuta, fit quérir les effectifs qu'il avait confié en entrant à Blancherive, et se changea à l'arrière du bâtiment, évitant pudiquement le regard des voyageurs entrant en ville. Lorsqu'il entreprit de franchir les portiques de la ville, quelques minutes plus tard, il était vêtu d'une armure de cuir dont les pans dorsaux traînaient presque sur le sol, battant avec une régularité rassurante contre ses mollets.
D'un geste avisé, il saisit la corde de l'arc se balançant avec légèreté dans son dos avant de s'enfoncer dans la foule s'agglutinant à l'entrée de la cité, coupant ainsi à travers la horde de voyageurs sans avoir à craindre pour la sécurité de ses possessions. L'arme n'était pas d'excellente facture et n'avait rien d'unique, mais il s'y était suffisamment attaché au cours des dernières semaines pour savoir se montrer protecteur vis-à-vis de celle-ci.

Quelques pas supplémentaires au-dehors, et les rangs des passants se dispersèrent spontanément, le laissant respirer pleinement. Plongée dans une zone de semi-obscurité que les murailles mettaient à l'abri des vents glaciaux, il s'arrêta. D'ici, il était possible de contempler Bordeciel aussi loin que le permettait la brume matinale. Surplombant les ruines des anciennes fortifications de la cité, un paysage particulièrement déboisé s'étalait à perte de vue, offrant la vision prospère des champs et des plaines fertiles à tout individu à l'esprit assez contemplatif pour s'en saisir. Çà et là parsemées des caravanes et convois de marchandises rejoignant ou quittant la ville, les plaines semblaient parfaitement à l'abri des conflits qui avaient pourtant mit le pays à feu et à sang l'année passée. Même si de vieilles rancœurs hantaient toujours le coeur de certains nostalgiques de l'hégémonie Sombrage, tous les habitants se plaisaient généralement à espérer que cette illusion d'isolement et de distance face aux dissensions politiques demeurerait réalité aussi longtemps que possible.

Mais quelque chose d'autre attirait présentement l'attention du jeune khajiit. À peine quelques mètres plus loin, à l'écart des voyageurs se pressant avec avidité contre les battants du quartier des Plaines, un groupe d'une dizaine d'individus se tenait à l'ombre d'une tour de guet, discutant patiemment. Parmi eux, un nordique quarantenaire aux yeux cerclés de peintures tribales sombres se tenait immobile, échappant aux conversations multiples prenant place autour de lui.
À la vue de sa mine sévère et de la large armure de peau grise qui recouvrait sa silhouette large et stoïque, Renji su qu'il se trouvait au bon endroit. Cet homme était Vilkas, éminent membre des Compagnons de Jorrvaskr. Et ceux qui l'entouraient étaient probablement le tas de recrues auxquelles il s'apprêtait à se mêler.

S'avançant prudemment, le khajiit s'immobilisa à distance respectable du nordique, craignant qu'un raclement de gorge n'attire sur lui les regards d'hommes et de femmes dont il ne pouvait qu'espérer l'amabilité.
Bien heureusement, Vilkas remarqua rapidement son irruption, et lui adressa un signe de la main en guise d'invitation à les rejoindre. Renji s'avança parmi le groupe, n'attirant même pas l'attention de la plupart d'entre eux.

- Renji-ra ? supposa le nordique en haussant un sourcil interrogateur.

Le chat acquiesça sommairement, incertain quant au fait de savoir s'il devait ou non tendre la main à l'homme.

- Et bien, nous avions convenu de partir d'ici quelques heures, mais il semblerait que tout le monde soit présent, conclut le Compagnon en haussant brusquement la voix. Parfait ! En route, recrues ! Je vous expliquerai tout en chemin !

Un murmure d'assentiment parcouru les rangs des disciples. Sans attendre une seconde, ils se mirent en marche. Préférant le calme et l'observation à la perspective d'entamer une discussion avec des inconnus, Renji attendit que tous se soient éloignés de plusieurs mètres avant de poursuivre.
Le groupe quitta rapidement les abords de la cité. Arrivé à l'entrée des fortifications, Vilkas adressa un bref salut aux soldats gardant le pont-levis, laissant ces derniers s'atteler à dégager la voie encombrée de marchands à coups d'exhortations lasses et peu convaincantes. Quelques minutes supplémentaires furent nécessaires à ce qu'ils se soient éloignés du trafic, laissant les discussions s'estomper au loin face au bruissement grandissant des champs.
Vilkas s'immobilisa brusquement, et se retourna vers les membres de l'expédition, un air sérieux gravé sur la face.

- Aujourd'hui, vous allez devoir me prouver que vous avez du cran, et que vous n'êtes pas simplement ici pour séduire la fille de la ferme voisine, tonna t-il d'une voix surprenament assurée. Si vous avez l'étoffe d'un guerrier, vous vous tiendrez bientôt parmi nous, dans l'éclat de la gloire et l'opportunité d'un avenir meilleur. Et laissez-moi vous dire que lorsque vous serez des nôtres, les fermières seront bien votre dernière préoccupation.

Le nordique parcouru les rangs des troupes d'un regard calculateur, faisant brusquement taire les ricanements de quelques recrues.

- Laissez-moi être clair, reprit-il d'une voix empreinte de ce que l'on aurait facilement pu prendre pour du mépris. Aujourd'hui, vous n'aurez pas droit à une seconde chance si vous échouez. Soit parce que vous aurez trop honte de votre incompétence pour oser mettre le nez dehors, soit parce que vous serez morts.

- Quel genre de test compte-t-il nous faire passer ? chuchota un jeune nordique à une Dunmer du même âge.

- Écoute, et peut-être que tu vivra assez longtemps pour le savoir, rétorqua l'elfe sans lui jeter un regard.

- Suivez-moi, reprit Vilkas. Nous avons encore du chemin devant nous.

Sans un mot, le groupe se remit en mouvement.
Ils parcoururent plusieurs centaines de mètres ainsi, dans un silence tendu. Très vite, les moulins et les champs laissèrent place aux premiers bosquets, puis aux rivières, et enfin aux premières étendues boisées.
Arrivé au pied d'une colline au sommet de laquelle les cimes d'une forêt de sapins se dressaient imperturbablement en dépit du vent naissant, Vilkas s'immobilisa, et huma longuement l'air, comme pour déterminer quelles proies se trouvaient sur leur chemin.

- Bien. Quelque part devant vous se trouve un ancien fort impérial abandonné depuis la grande guerre. Comme beaucoup d'endroits de ce genre, ce lieu voit toutes sortes de rumeurs infondées courir à son sujet. Spectre, goules, créatures de l'Oblivion, et je ne sais quelles autres niaiseries folkloriques... D'après les habitants de la région, tout et n'importe quoi pourrait s'y cacher, mais les Compagnons ont décidé de réhabiliter les lieux, et c'est ce que nous ferons. Si certains d'entre vous se sentent gagnés par la superstition, il est grand temps de faire demi-tour.

Voyant qu'aucun membre ne prenait la parole, l'homme reprit :

- Ce que j'attends de vous est simple, même pour les quelques imbéciles qui doivent se trouver parmi vous : vous allez trouver ce fort, y entrer de quelque façon que vous jugerez appropriée, y dormir si cela vous chante, pour peu que vous soyez présents sur place demain matin. Si vous êtes dignes de nous rejoindre, vous rentrerez avec nous à Jorrvaskr en tant que recrues officielles.

- Comment pouvez-vous savoir qui se montrera digne ou non si vous ne vous accompagnez pas ? l'interrompit un second nordique aux cheveux roux.

Le Compagnon haussa un sourcil dubitatif.

- Mettez-vous en route au lieu de vous encombrer l'esprit de telles futilités. Si vous vous partez sans trainer, vous atteindrez votre destination bien avant la tombée du jour. Mais si vous lambinez... Eh bien, les nuits sont froides par ici, et cette forêt n'est pas exactement ce que j'appellerais un lieu accueillant pour s'assoupir.

Renji hocha calmement la tête. Il s'était préparé à croiser des bêtes sauvages en Bordeciel, et avait parfaitement conscience que loups, ours et autres prédateurs s'enhardissaient généralement avec la venue de la saison froide. L'idée que certains bandits se soient établis dans le fort lui traversa l'esprit, faisant brièvement passer un rictus inquiet sur son visage. Il n'avait encore jamais tué d'être humain, et espérait ne pas avoir à le faire aujourd'hui. Mais avec un peu de chance, les bêtes comme les hommes se montreraient réticents à l'idée s'en prendre à eux en plein jour. Mieux valait donc faire bon usage de leur temps, tant qu'il en restait.

- Des questions ? annonça Vilkas.

Durant plusieurs secondes, personne ne répondit. Le ton de l'homme était suffisamment éloquent pour que tous devinent que cette phrase était purement formelle et ne consistait guère en une invitation à formuler la moindre interrogation.
La jeune Dunmer voyageant avec le nordique blond s'avança alors.

- J'en ai une, lança-elle sans s'encombrer de la moindre trace de déférence à l'égard de son mentor. Qu'attendez-vous exactement de nous ? Jouer aux dés dans une forteresse ? Cueillir des baies ? Ou se rendre réellement utiles en se charger d'un travail digne de notre temps ?

Un rictus amusé traversa le visage de Vilkas.

- C'est bien simple. Si vous avez vraiment l'intention de nous rejoindre, vous allez devoir partager les ruines de cette citadelle avec la ou les choses qui y ont élu domicile. Et laissez-moi être franc : vous allez devoir vous battre.

SheogorathEV2
Niveau 14
11 juin 2018 à 01:59:17

[20:30:37] <Ingobernable>
Faut que je trouve le courage de m'y mettre, je suis sûr que c'est du bon en plus. *~*

La même.

Pseudo supprimé
Niveau 10
13 juin 2018 à 08:23:43

up j'ai enfin tout lu

:cimer:

hate de voir ce qui se cache dans le fort

TheEbonyWarrior
Niveau 31
13 juin 2018 à 10:51:52

Tu le saura... Après le BAC :noel:

TheEbonyWarrior
Niveau 31
22 juin 2018 à 23:26:21

Avec la relative fin du BAC, je vais pouvoir reprendre le chapitre :ok:
La semaine prochaine, soyez patients :noel:

JALLET_ledire6
Niveau 20
23 juin 2018 à 01:17:42

Le 22 juin 2018 à 23:26:21 TheEbonyWarrior a écrit :
Avec la relative fin du BAC, je vais pouvoir reprendre le chapitre :ok:
La semaine prochaine, soyez patients :noel:

moi qui venait up https://www.noelshack.com/2018-25-6-1529709458-86993-thumb.png

TheEbonyWarrior
Niveau 31
03 juillet 2018 à 13:06:06

Désolé du retard :snif:

Chapitre 8

De part et d'autre de leur route, les feuillages des buissons et des arbrisseaux s'agitaient avec irrégularité, malmenés par un vent de tempête à peine affaibli par les épineux les surplombant.
Les bottes couvertes de boues, Renji progressait d'un air maussade, se demandant s'ils parviendraient réellement à rejoindre le fort avant la nuit tombée.

Sous le couvert des branchages, la lumière du soleil couchant ne filtrait que par rais épars, plongeant dans l'ombre des pans entiers de végétation dont ils s'écartaient tant bien que mal afin de faciliter une marche devenue éreintante. Naturellement, le khajiit n'avait pas jugé utile d'emporter d'eau avec lui, décision qu'il commençait à regretter amèrement.

À ses côtés, les autres membres de la troupe semblaient plus ou moins partager ses inquiétudes. Plusieurs dizaines de mètres en avant, un Orsimer colossal ouvrait la voie, suivit de près par une khajiit à la fourrure blanche et un nordique au crâne rasé portant un luth dans le dos.
Plus près, deux nordiques en armure de mailles bataillaient à travers un bosquet de ronces, se frayant un chemin à travers la végétation à grands coups de glaive.

À ses côtés, les silhouettes courbées de ses trois compagnons d'infortune progressaient dans un silence plus que relatif, entrecoupé de soupirs et de grognements.
Les premières heures de marche avaient été relativement calmes. Bénéficiant d'un temps clément et d'un sentier boisé plutôt bien entretenu, ils avaient parcouru plusieurs kilomètres sans que le moindre détail ne vienne perturber leur expédition. Mais depuis, la qualité du terrain s'était dégradée continuellement, jusqu'à les forcer à progresser sur un amas de terre et de résidus neigeux mêlés. Luttant pour contenir son ennui, le khajiit s'était résolu à socialiser, et avait entamé une conversation avec le trio l'accompagnant désormais.

Rurick, le premier nordique, n'avait pas la vingtaine. Malgré cela, il demeurait plutôt grand et large d'épaules pour un humain de son âge, et dépassait Renji d'une bonne demi-tête. Malgré des traits épais et des yeux d'un marron brut, son visage semblait arborer une douceur inexplicable corroborée par ses mimiques juvéniles, lui conférant un air particulièrement jovial. Ses cheveux blonds, noués en une longue tresse sur sa tempe gauche, étaient coupés de façon négligée au milieu de sa nuque, laissant supposer qu'il s'était lui-même attelé à la tâche, sans toutefois présenter une grande expérience dans le domaine.
Son dos était barré d'une large housse de toile, dont le contenu intriguait particulièrement Renji, mais ce dernier n'avait pas réussi à lui arracher plus qu'un sourire malicieux en le questionnant à ce sujet. Hormis le couteau de chasse fiché à la boucle de son ceinturon de cuir, il ne portait pas d'arme.

Juchée derrière lui comme un oiseau de proie sur l'épaule d'un fauconnier se tenait l'elfe noire ayant questionné Vilkas avant leur départ. Bien que ne lui ait pas adressé la parole, le félin avait entendu Rurick s'adresser à elle par ce qu'il supposait être son prénom.

«Nemira... Un nom osé pour un peuple côtoyant les Daedra» songea-t-il en écartant une branche pendant en travers de sa route du dos de l'avant-bras.

Si une chose était sûre, c'était que la Dunmer avait peu d'attention à consacrer à autre chose qu'à leur objectif. Depuis le début de leur marche, son regard était resté fixé vers l'horizon, ne cillant que pour répondre brièvement aux injonctions de son compagnon nordique. Son attitude n'était que mise en valeur par son physique singulier. Dotée de pupilles vertes, chose qu'il avait toujours estimé impossible pour une originaire de Vvardenfell, l'elfe était vêtue d'une tenue de cuir noir aux brassards troqués contre des gants de chitine, sans doute plus confortables à en juger par les somptueuses dorures qui les ornaient. Encadré de mèches lisses d'un noir ténébreux, son visage semblait ne jamais se mouvoir, refusant de laisser transparaître plus de son intériorité qu'une extrême concentration.
En dépit de l'attirance générée par sa beauté indiscutable, Renji ne parvenait pas à fixer son regard sur elle, glissant sans cesse le long de ses membres à mesure que ces derniers se balançaient harmonieusement de part et d'autre de ses hanches avec une fluidité presque surnaturelle. Une chose était certaine : il ne serait pas celui à engager une conversation avec cette femme à moins d'y être explicitement convié.

En revanche, le second nordique, un trentenaire à la mine patibulaire, avait immédiatement attiré la sympathie du khajiit lorsqu'ils avaient entamé une conversation un peu plus tôt dans la journée.

Son nom était Frognir. Originaire de la petite cité d'Épervine, il avait développé très jeune un talent retentissant dans la concoction de remèdes à base d'herbes médicinales, mais avait catégoriquement refusé de prendre la relève de l'alchimiste de cour de la châtellerie, vouant une rancœur tenace au Jarl Dengeir ayant privé ses parents d'une large portion de leurs terres suite aux fausses accusations d'une famille rivale. Si le remplacement du seigneur nordique par son neveu Siddgeir lui avait redonné espoir dans la résolution de cette affaire, la réalité l'avait vite rattrapé : non content d'avoir prononcé son désintérêt complet des affaires familiales de son fief, le nouvel occupant du trône local avait rapidement fait comprendre à tous que la justice et la légalité étaient deux concepts qui lui étaient étranger.

Face aux échanges suspicieusement pacifiques instaurés entre le Jarl et les bandes de hors-la-loi pillant les caravanes de la région, Frognir s'était résolu non sans mal à quitter la ville à la mort de son père, deux ans plus tôt. Laissant les dernières possessions du clan dont il était l'héritier aux mains des moins scrupuleux, il s'était fixé l'objectif de parcourir Bordeciel pour en recenser toutes les espèces végétales. Mais une tâche pareille nécessitait du temps et les moyens de subvenir à ses besoins, ce qui l'avait conduit à découvrir une passion autrement moins monotone : celle du combat.

- Juste l'épée, donc ? fit le khajiit en observant la lame de mauvaise facture reposant dans son fourreau.

- Pas de quoi s'étonner, plaisanta le nordique en dégageant d'une main les mèches de cheveux châtains couvrant ses oreilles. L'acier dépasse mes moyens, et les manches des haches que je peux m'offrir sont couverts d'échardes. Je passe trop de temps à fourrer mes mains dans des bosquets d'orties pour vouloir continuer de les esquinter le reste de la journée.

- Votre collection avance ?

- Plus ou moins, grogna Frognir d'un air ennuyé. On m'a dit que les Companons m'offriraient l'occasion de rejoindre le grand Nord pour peu que je souhaite m'enfoncer dans une crypte remplie de macchabées. Et, par Akatosh, le nombre d'espèces sauvages que je pourrais y répertorier doit bien valoir une ou deux balafres ! Étant donné que j'ai dépensé toutes mes économies pour ratisser l'Ouest du pays, je n'ai de toute façon pas trop le choix. Et je suis sûr que les Anciens ont laissé quelques babioles dignes d'attention dans leurs tertres, au cas où de jeunes et valeureux guerriers passent leur rendre visite quelques millénaires plus tard.

- Peut-être de quoi t'offrir autre chose que ces loques, lança Rurick depuis l'arrière en désignant le simple gambison rapiécé couvrant le torse de leur interlocuteur.

- La ferme, gamin. Je suis parfaitement à l'aise dans cette tenue.

- Tant que vous survivez dedans, je ne me plains pas.

- Et pourquoi penses-tu qu'elle soit couverte de trous ? Ce sont les stigmates des combats que j'ai remporté.

- En parlant de ça... s'enquit Renji. Que pensez-vous que nous trouverons dans ce fort ?

- Des ronces, énormes ! murmura Rurick en adoptant un ton caverneux.

- Un peu de sérieux, soupira Nemira en prenant la tête du quatuor d'un pas rapide. Sous-estimer les risques que nous encourons me semble présomptueux, et j'aimerais passer le chemin du retour avec quelqu'un de vivant à mes côtés, si ca ne vous dérange pas trop.

- En toute honnêteté, je pense que ce fort est vide.

Tous trois se tournèrent vers Frognir, qui s'était arrêté. Le nordique arborait une mine concentrée, et paraissait en pleine réflexion.

- Réfléchissez-y un instant, reprit-il calmement en faisant courir un index songeur le long de sa mâchoire carrée. Vous savez comme moi que les Compagnons ne sont pas du genre à envoyer des recrues en mission, surtout si celle-ci implique de mettre sa vie en jeu. Se faire accepter chez eux n'a jamais été une tâche très ardue, et je doute qu'ils aient changé de méthode du jour au lendemain. Il suffisait autrefois généralement d'aller intimider un paysan qui refuse de payer ses taxes ou de faire un peu de zèle chez un contrebandier pour le persuader de fermer boutique. Nous ne sommes pas habilités à faire la loi, alors l'examen d'admission se résume souvent à de la basse besogne illicite qu'ils ne daignent pas imposer à leurs membres émérites.

- Nous ne sommes pas des mercenaires ! s'offusqua Rurick. Le maitre mot des Compagnons est l'honneur.

- Une fois que tu les aura intégré, peut-être bien... Avant cela, nous ne valons pas vraiment mieux que les bandits qu'ils chassent. Ils recrutent tout et n'importe quoi pourvu que ce n'importe quoi sache tenir une épée sans trembler. L'un d'entre nous pourrait même être un bandit en fuite, et personne n'en saurait jamais rien.

Le silence s'abattit sur le groupe.

- Enfin, je ne veux pas vous décourager, s'excusa le nordique en retirant distraitement une épine de pin s'étant coincée dans l'interstice de ses braies de cuir. Tout cela pour dire que je pense que Vilkas voulait juste faire du zèle pour se débarrasser des plus lâches, et que nous serons les uniques occupants des lieux ce soir.

TheEbonyWarrior
Niveau 31
25 juillet 2018 à 12:29:50

Les membres du groupe se remirent en route pour rattraper leur retard, et les halètements reprirent bientôt possession de leur entourage.
Le nordique disait-il vrai ? Si tel était le cas, alors ils n'auraient pas à se battre contre qui que ce soit. Mais cette pensée ne rassura qu'à moitié Renji, qui venait tout juste de prendre conscience d'un détail des plus déplaisant.
Pas un oiseaux ne chantait au dessus d'eux. Jusqu'à maintenant, il n'avaient en réalité pas croisé un seul animal sauvage. Peut-être était-ce dû au vacarme lié à leur progression peu discrète, mais Renji commençait à penser que quelque chose d'anormal était effectivement à l'oeuvre dans cette forêt, comme le prétendaient les rumeurs. Le vent couvrait leurs traces et lui faisait parvenir les effluves de tout ce qui se trouvait devant eux, mais son odorat ne révélait rien, à part la sueur de ses camarades et la résine des pins embaumant l'air. Et il pensait avoir suffisamment arpenté les forêts de Bordeciel pour savoir quand s'inquiéter d'un calme aussi soudain.
Lentement, sa main se crispa sur la poignée de son épée courte, pour ne plus la quitter. Au moindre signal, il serait prêt à bondir... Si tant est que l'éventuelle menace planant sur eux trahisse sa présence avant d'avoir fondu sur eux.

Une dizaine de minutes plus tard, les meneurs de la troupe s'immobilisèrent une cinquantaine de pas devant eux, au sommet d'une butte rocailleuse infestée par les herbes rampantes et les troncs abattus.
En enjambant les souches, le félin remarqua plusieurs champignons aux couleurs exotiques poussant sur l'écorce pourrie, mais Frognir ne fit pas mine de ralentir pour les observer. Sans doute avait-il déjà recensé tout ce qui poussait ici depuis bien longtemps.

Lorsqu'ils rejoignirent la tête de groupe, à bout de souffle, ils découvrirent que l'Orsimer, le nordique et la khajiit les précédant s'étaient étendus au sol, et s'attelaient déjà à diverses activités sans vraiment leur prêter attention.

L'unique femme du groupe -exception faite de Nemira- se démarquait par sa fourrure blanche comme l'ivoire et le port d'une simple toge de moniale laissant présager son appartenance au culte de S'rendarr, l'équivalent khajiiti de Stendarr. Sortant un petit tas de provisions de son sac, elle adressa un cordial signe de tête à leur attention, avant de retourner à sa tâche.
Le nordique à ses côtés avait rabattu une capuche de tissu sur son visage, et s'était allongé au sol, se préparant visiblement à dormir.

L'orque se tenant un peu en retrait n'était pas simplement imposant comme l'avait précédemment estimé Renji. Les branchages qu'il disposait en tas devant lui pour préparer un feu ressemblaient présentement à des brindilles, écrasées par des doigts aussi épais et noueux que le manche d'un arc. Les muscles de ses avant-bras et de ses épaules roulaient puissamment au moindre de ses mouvements, agitant sa peau vert pâle de sursauts à eux seuls assez intimidants pour repousser définitivement l'éventualité d'un affrontement d'égal à égal. Ainsi courbé, il atteignait presque déjà la poitrine du jeune khajiit, et il ne faisait aucun doute que ce rapport s'inverserait diamétralement s'il décidait de se relever.
À la fois fasciné et inquiété par la perspective de voir le mastodonte mettre en œuvre la hache d'armes reposant silencieusement dans son dos, le félin passa son chemin sans même adresser la parole aux trois comparses.

- Que faites-vous ? les interpella Frognir d'un air intrigué. La nuit va tomber d'une minute à l'autre.

L'Orsimer leva vers eux une paire de pupilles irisées, et les contempla muettement durant plusieurs secondes. L'esquisse d'un sourire amusé se dessina soudainement sur ses lèvres, révélant une rangée de canines aussi disproportionnées que son physique.

- Personne ne nous a véritablement intimé de passer la nuit dans ce fort, dit-il avec un ton décontracté. Nous nous y rendront quelques heures avant le retour de Vilkas. Je vous laisse le plaisir de vous frotter à ce qui se trouve là-bas... si tant est que vous vous y rendez bel et bien.

- Eh bien, puissent les Dieux guider nos pas vers une route commune, conclut le nordique avant de s'éloigner à son tour. Attention aux loups qui rôdent. Les ours commencent tout juste à hiberner, alors les meutes sont particulièrement retorses en cette période de l'année.

- Ils sont malins, murmura Nemira à l'attention de Rurick, à peine assez fort pour que Renji soit en mesure de l'entendre. Contrairement à ce que cet imbécile pense, il n'y a aucun prédateur dans les environs, et ce qui habite le fort ne s'aventurera probablement pas en dehors de ses murs en pleine nuit. Ces trois-là n'auront sans doute pas à se battre.

- Mais... ? lança le jeune nordique avec un sourire taquin trahissant une certaine habitude.

- ...mais ce serait là garantir une victoire au prix de son mérite. Et je ne compte pas céder à la facilité avant même d'avoir fait mes preuves en tant que combattante.

Ayant saisit la fin de la conversation, Frognir étouffa un rire amusé.

- Eh bien ! Tant de témérité à un si tendre âge ! J'imagine que refuser de vous accompagner ferait de moi un lâche... Et toi, Renji ? Qu'en penses-tu ?

- Cet endroit ne m'inspire pas confiance, grogna la recrue. À vrai dire, je me sentirait plus à l'aise entre de solides murs que dans cette forêt boueuse.

- Alors en route, soupira Rurick. Hâtons-nous, le ciel ne va sans doute pas tarder à se couvrir, et j'ai déjà assez de boue dans les bottes pour ne pas y inviter un demi kilo de neige ou de pluie.

Par chance, une silhouette rocheuse massive les accueilli moins d'une demi-heure de marche plus tard, camouflée par un enchevêtrement de mauvaises herbes et de sapins.
Le chemin menant au fort avait presque complètement disparu sous la mousse et les aiguilles d'épineux séchées.
Derrière un rideau de végétation privée de lumière, une épaisse muraille de pierres grossièrement taillées se dressait hors du sol, atteignant au moins trois ou quatre hauteurs d'homme avant de succomber à l'épreuve du temps. La brique était fissurée de toute parts, envahie par les touffes d'herbes et les racines s'étant insinuées en son sein, donnant au rempart l'allure d'une créature mythique en plein sommeil.
La porte, aux battants enfoncés et à la herse rouillée percée de larges ouvertures, offrait une vision fort peu attirante de l'endroit, semblable à la gueule d'un monstre prête à se refermer sur les visiteurs occasionnels. Vilkas n'avait pas menti : le fort était bel et bien exempt de toute trace d'entretien. Personne n'avait sans doute mit les pieds ici depuis des mois, voire des années, et seul le silence accueillit les recrues lorsque celles-ci y pénétrèrent.

Parvenu de l'autre côté de la herse, Renji essuya consciencieusement la rouille et la poussière accumulée sur ses paumes, et passa en revue la court intérieure du bastion. Pas de grande surprise. Les murs paraissaient à peine en meilleur état de ce côté-ci, et n'offraient pour toute distraction que l'émeraude vivace du lierre se hissant au dessus des mauvaises herbes aux tons automnaux qui jonchaient le sol graveleux.
Aux quatre coins de la place se trouvaient les tours de guet du fort, vraisemblablement disposés à chaque point cardinal.

Dans son dos, Rurick et Frognir venaient à leur tour de franchir la barrière d'acier, légèrement handicapés face à la carrure fine du khajiit.
À sa surprise, l'ombre fugace de Nemira se dessinait déjà au sommet du rempart, et se dirigea vers le rebord d'un bond agile. Agile, et bien trop long. Avant même que le félin ne puisse avertir la Dunmer, celle-ci se retrouva en chute libre, et réceptionna lourdement, plus de cinq mètres plus bas.

- Nemira ! cria-t-il en accourant dans sa direction.

- Ne t'en fais pas, l'arrêta Rurick d'une main sur l'épaule. Venant d'elle, c'est une simple habitude.

Tout aussi alarmé que le jeune félin, Frognir s'était précipité près de l'elfe afin de s'enquérir de son état. Mais contre toute attente, cette dernière se releva sans un regard dans sa direction, avant de se diriger vers le centre de la cour. L'herboriste se tourna vers son compatriote, les sourcils arqués en une grimace d'incompréhension. La Dunmer n'avait pas la moindre égratignure.

- Gamin... Ne me dit pas qu'elle l'a fait exprès ?

Le jeune nordique céda à un mélange de gêne et de fanfaronnade, laissant échapper un rire nerveux.

- Disons qu'il s'agit là de sa façon de garder la forme. Et puis, elle ne risque pas vraiment de se blesser ainsi. Ses os sont aussi solides que du granite !

Scrutant avec circonspection l'intéressée, Renji acquiesça sans un bruit, se demandant intérieurement quelle était la part de vérité dans de telles affirmations.

- Assez bavassé, les coupa Nemira en s'aventurant au milieu des fourrés comme si ces derniers n'existaient pas. Si nous devons dormir ici, autant savoir à qui où à quoi nous avons affaire tant que nous y voyons encore clair.

- Que proposes tu ? s'enquit le khajiit.

Rurick fendit ses joues d'un faux sourire, et secoua la tête en soupirant.

- Je pense que ça ne va pas vous plaire.

- Nous sommes quatre, commença Nemira. Et il y a quatre tours dans ce fort. Pas besoin d'un dessin.

- Alors c'est une compétition ! s'exclama Frognir avec amusement. Et bien, vous me semblez prendre tout ceci de façon bien récréative pour de futurs guerriers, mais j'en suis ! S'ils existaient, les occupants des lieux nous auraient déjà remarqué et assaillit à l'heure qu'il est, mais restez prudents : quelques ragnars doivent bien rôder ici et là.

Sur ces mots, le nordique se dirigea d'un pas léger en direction de la tour Est, laissant Nemira lui emboiter le pas avant de bifurquer vers le Nord.
Incertain, Rurick attendit que le félin se décide, puis, voyant qu'il ne le ferait pas, s'avança vers le sud.
Ne restait que le guet Ouest.

Contemplant l'organisation chaotique des blocs rocheux de la paroi, le khajiit fit un premier pas, puis un second. Dévorée par une myriade de racines sinueuses, la tour paraissait prête à s'effondrer à la moindre secousse : grimper au sommet pour éviter d'être repéré par les éventuels habitants du bâtiment était sans doute bien trop dangereux pour qu'il s'y risque.
Lentement, bien après que ses camarades aient disparu dans l'entrebâillement des trois autres portes, Renji se remit en marche, plus que jamais habité par l'étrange sensation qu'ils n'étaient pas seuls.

Il n'en était pas certain, mais il lui semblait que l'odeur des environs venait de changer.

TheEbonyWarrior
Niveau 31
25 juillet 2018 à 12:32:44

Edit : c'est pas la suite, j'ai juste vu une faute immonde à la fin et j'ai pas pu m'empêcher de la rectifier :noel:

Sachez en revanche que je ne suis pas mort, j'ai un chapitre prêt (à 2-3 finitions près) qui arrivera dans les prochains jours :ok:

-Tatiana-
Niveau 10
25 juillet 2018 à 20:54:31

I came from the white arrow 😉

TheEbonyWarrior
Niveau 31
27 juillet 2018 à 11:38:00

Un nouveau lecteur ? On fête ça avec un nouveau chapitre :noel:

Chapitre 9

Lorsque Renji ouvrit la grille de fer déformée par l'âge, puis pénétra dans la tour en retenant son souffle, le silence l'accueillit avec une froideur stupéfiante. Brusquement, le khajiit eût l'impression que la mort elle-même s'était insinuée dans l'air du donjon, aux relents suffoquants de vivres avariés et de moisissure.
Le noir était presque total, simplement troublé par le rectangle de lumière déclinante que le jour daignait encore lui accorder en guise d'au revoir. Bien entendu, cela ne lui posait pas le moindre problème pratique, mais se savoir en pleine obscurité contribua à renforcer son inconfort.

La recrue fit quelques pas dans les ténèbres, une main rivée autour du manche de son arc tandis que la seconde tenait déjà la corde tendue, flèche encochée.
Les murs suintant d'humidité étaient vides de tout mobilier, le laissant seul face à une impressionnante rangée de tonneaux en décomposition. Plaquant sa capuche contre son museau pour échapper à la puanteur âcre du bâtiment, le félin parcouru les environs du regard à la recherche d'une quelconque trace d'activité récente.

Sur sa gauche, les restes d'une porte barricadée disparaissaient sous un monticule de gravas infranchissables, condamnant le passage. À l'opposé se dessinaient en revanche les contours d'une ouverture donnant sur une autre pièce, qu'il s'empressa de rejoindre aussi discrètement que possible.
Ici, une table vétuste entourée de tabourets rongés par les insectes trônait au centre de l'espace, encombrant la salle au point de le forcer à rentrer le ventre et à se coller dos au mur pour pouvoir la dépasser. Le félin poursuivit sa route, et traversa quelques pièces toutes aussi vides les unes que les autres.
Rien ne bougeait. Bien qui habitué à voyager seul, le khajiit était subjugué par la profondeur du calme l'entourant. S'il s'immobilisait, le silence devenait tel que le sang battant contre ses tempes se mettait à tambouriner contre ses tympans dans une tentative de le rattacher au monde des vivants. Dans l'obscurité, il lui sembla bientôt apercevoir diverses formes sombres s'agiter le long des parois, suivant son avancée avec fascination tout en le scrutant de leurs regards invisibles. Aucune de ces silhouettes n'était réelle, mais leur présence macabre acheva néanmoins de le persuader qu'il n'était pas seul. S'il n'y avait personne, il y avait néanmoins quelque chose, errant comme lui dans les corridors sans fin de ce fort à l'abandon.
Au bout d'un temps indéfinissable, il se retrouva confronté à un premier obstacle. La salle dans laquelle il venait de pénétrer de différait guère des autres, si ce n'était en la présence d'une large porte à double battants, close par une planche de bois filandreux. La recrue examina attentivement les rivets cuivrés retenant les battants aux murs, et posa sa main sous la barre lui bloquant le chemin.

Alors qu'il s'apprêtait à soulever la planche, un vague son métallique l'alerta, mobilisant instantanément l'intégralité de ses sens sur ce dernier. Le bruissement se répéta à, une, deux, puis trois reprises, avant de cesser. Après environ cinq secondes, il reprit, le même nombre de fois, et s'évanouit de nouveau.
Le phénomène, mortellement régulier, était jusqu'ici demeuré presque indiscernable par dessus le sifflement de ses propres tympans et le battement lourd et rythmé de son coeur dans sa poitrine. À travers le battant, il lui semblait distinguer le clapotis d'un liquide tombant goutte à goutte dans un récipient de fer ou de bronze.
Tentant rapidement de déterminer la cause possible d'une telle manifestation, le khajiit prit une grande inspiration, avança sa jambe d'appui contre l'épais portique, et souleva le barreau avec une extrême lenteur. En réponse, un bref frottement se fit entendre de l'autre côté de la cloison.
Plus de doute possible : il n'était pas seul dans ces lieux.

Renji poussa violemment la porte.
Immédiatement, un rai de lumière chaude inonda son regard tout juste acclimaté à l'obscurité, lui faisant brièvement clore les paupières. Lorsqu'il les rouvrit, l'un des battants avait à moitié pivoté sur ses gonds, révélant deux silhouettes courbées.
Le premier, un nordique de grande taille aux cheveux blonds, se tenait encore assis contre le mur de gauche. Le second, dont il ne distinguait que la chevelure d'ébène, était accroupi quelques pas plus loin face à l'unique source de lumière de la pièce, un brasier de taille modeste.
Si les deux individus s'était immédiatement mit en mouvement face à l'irruption du khajiit, aucun n'était encore parvenu à se lever.

Le khajiit tendit le bras et fléchit les jambes. La corde de son arc claqua bruyamment dans l'air, déchirant le silence d'un vrombissement sinistre. La première ombre se plaqua par réflexe au mur, mais la flèche la dépassa dans un sifflement argenté. La seconde silhouette ayant fait volte-face reçu le trait en pleine poitrine, et tomba à la renverse dans un grand fracas métallique.
Soudain, la luminosité chuta brutalement, les plongeant à dans la pénombre.

Cette fois encore, l'avantage était sien. Saisissant son épée, le khajiit se précipita sur la première silhouette, parfaitement distincte à travers son regard nyctalope. Il leva sa lame, la main crispée autour de la poignée par une concentration jusqu'alors inconnue. À moins d'un mètre de l'homme, il suspendit brusquement son geste, écarquillant les yeux en découvrant son visage. À sa grande stupéfaction, il connaissait ces hommes : il s'agissait là de deux membres du groupe avec lequel il venait de traverser la forêt.

Mais, s'il avait identifié ses interlocuteurs, l'inverse était moins certain. L'homme aveuglé se rua sur lui avec une précision stupéfiante, et le désarma d'un même mouvement sans qu'il soit en mesure de réagir. Le sol vint à sa rencontre avec fulgurance, et une douleur soudaine éclata dans son crâne, lui arrachant un gémissement qu'il cru entendre durer une éternité.

Puis l'acier rencontra sa gorge, traçant une ligne sanglante contre sa pomme d'Adam.
Durant plusieurs secondes, plus aucun bruit ne s'éleva. Puis les gémissements de l'homme au sol se firent entendre.

- Fjori ! Tu vas bien ? lança son comparse en se tournant vers lui, faisant choir les mèches de sa crinière blonde le long de son visage pâle.

- Joldir, dis moi que ce truc est mort.

- Je l'ai à l'œil. Tu peux te lever ?

- Ouais... Bon sang, il m'a fait une de ces peurs...

Renji tenta de parler, mais l'aigreur de l'acier douloureusement plaqué contre sa carotide le dissuada bien vite d'émettre le moindre son.
Comme s'il s'était aperçu de l'infime mouvement que venait de réaliser le félin, Joldir saisit fermement son crâne, et le fit basculer de côté, avant de l'immobiliser sous son genoux, positionnant cette fois la pointe de sa lame contre sa poitrine.

- Reste tranquille, maintenant, lui intima le nordique d'un ton impétueux.

Ainsi entravé, le khajiit remarqua avec stupeur que sa flèche gisait au sol quelques pas plus loin, parfaitement intacte. D'une contorsion discrète de la nuque, il réalisa que le dénommé Fjori était vêtu d'un haubert renforcé de plaques d'acier, rendant complètement inoffensives les munitions de chasse dont il disposait. La recrue se mordit la lèvre. S'il s'était trouvé face à de véritables adversaires, ce détail pourtant crucial lui aurait coûté la vie.

- Voyons voir ce qu'on va bien pouvoir faire de toi, le chat... grinça le premier homme d'un ton menaçant.

- Attendez ! souffla le félin, à moitié étouffé par la masse de l'homme. Il y a un malentendu !

Le dénommé Fjori se redressa à moitié, ravivant partiellement la lueur d'un feu de bois à moitié écrasé sous son poids. Un mélange d'émotions contraires passa sur le visage ombragé des deux individus lorsque ces derniers posèrent les yeux sur lui.

- Une minute, gamin... commença le plus grand des deux en allégeant son poids sur la recrue. J'te reconnais ! T'étais avec les autres Compagnons, pas vrai ? Qu'est ce que tu fabriques ici ?

- Je ne vous avais prit pour des bandits ! s'excusa précipitamment Renji. J'ignorais que vous aviez déja pénétré dans le fort.

- Par les Neuf ! grommela l'autre en se remettant sur pied. Aurait-il été si dur de t'assurer de qui tu avais en face de toi avant de décocher cette flèche ? Je suis sur que mon gambison est complètement noircit la-dessous !

- Comment es-tu entré ici avant nous ? reprit le premier nordique. Je pensais pourtant votre groupe derrière le nôtre...

- Je viens à peine d'arriver, s'étonna le khajiit.

L'homme observa la porte en secouant la tête.

- Cela fait dix bonnes minutes que nous nous étions installés. Par où es-tu entré ?

Le khajiit pensa brièvement à la porte barrant l'entrée de la salle. Impossible que les deux acolytes aient emprunté le même chemin sans avoir dégagé le passage derrière eux.

- Je suis rentré par la porte de la tour, expliqua t-il. J'imagine que vous avez trouvé une autre entrée ?

Le second nordique acquiesça.

- Ouais. Il y a un petit passage dans la muraille, sur le flanc ouest. Sans doute l'ancien système d'évacuation des eaux du fort. On pensait pouvoir surprendre les habitants des lieux en les prenant à revers. Mais cet endroit et vide, et chaque pièce respire la peste et l'ataxie. En plus de cela, on va devoir passer la nuit dans ces foutues ruines... Nous étions justement en train de nous installer.

L'holle désigna du menton la marmite posée juste à côté de lui. Soudain, le félin réalisa qu'il s'agissait là de l'origine du son qu'il avait entendu auparavant. L'eau contenue dans le récipient de fer blanc s'échappait en fines volutes de vapeur, jusqu'à se condenser au plafond pour retomber sur les arceaux métalliques avec une régularité hypnotisante.
Accompagnant le geste à la parole de son camarade, Joldir se dirigea vers la marmite, et plaqua ses mains contre le fer en fermant les yeux. Petit à petit, la quantité de bulles à la surface se mit à croître, et la vapeur redoubla d'épaisseur, couvrant bientôt l'atmosphère d'un voile occultant.

- En temps normal, mieux vaudrait ne pas se risquer à toucher à l'eau qu'on trouve dans un endroit pareil, mais nous sommes à court d'options...

- J'espérais que vous auriez quelque chose à boire, déplora Renji. L'idée n'a pas traversé l'esprit de beaucoup d'entre nous, il semblerait.

- Il me reste un peu d'hydromel, si le cœur t'en dit, offrit Fjori en tentant tant bien que mal de faire repartir son feu malgré l'humidité des lieux. Mais si tu veux mon avis, mieux vaux garder la tête froide avant d'être sur de notre sécurité ici. Même vide, cet endroit ne m'inspire guère confiance...

La sensation d'inconfort qui avait accueillit le khajiit lors de son entrée dans le fort lui revint en mémoire avec déplaisir. Mieux valait interroger les deux comparses à ce sujet avant d'avoir de mauvaises surprises.

- On m'avait parlé de rumeurs au sujet de cette forteresse, mais personne n'est vraiment rentré dans les détails. Vous en savez plus ?

- Ouais, et c'est pas joyeux, soupira Joldir après quelques secondes de réflexion. J'imagine que la grande guerre te parle ?

TheEbonyWarrior
Niveau 31
27 juillet 2018 à 11:38:33

Le khajiit acquiesça silencieusement, laissant le nordique s'éclaircir la gorge.

- Pour faire court, l'Empire avait décidé de faire construire une ligne fortifiée en Bordeciel après la chute de la Cité Impériale, au cas où la ligne de front se soit déplacée au Nord. Le problème est que les hommes valides étaient pour la plupart déjà mobilisés, et que seuls les fils de fermiers désœuvrés et les vieillards du coin se sont portés volontaires. Même avec toute la bonne volonté du monde, les places fortes qui furent érigées à la va vite étaient pour la plupart condamnées à tomber en ruine au bout de quelques décennies. Et évidemment, les intendants impériaux se fichaient bien de savoir où ils installaient leurs avant-postes tant que ceux-ci suivaient les plans de leurs généraux.

Le félin pencha la tête, incertain.

- Où voulez-vous en venir ?

- En Bordeciel, les forêts et les plaines sauvages sont presque vierges de toute présence humaine depuis des millénaires. Il suffit de regarder l'avancement de nos villes et de nos villages pour se rendre compte qu'il s'agit d'une terre où la civilisation n'a pas sa place. Toutes sortes de légendes courent à propos de certains endroits inexplorés depuis les temps anciens, et ces bois ne font pas exception. Bien sûr, personne n'osait y songer en temps de guerre. Mais la Cité Impériale fut reprise, le Traité signé, et le projet de construction fut laissé dans de vieux tiroirs à prendre la poussière. Ne restent que les bâtiments... et ce qui en a prit possession.

- Vous pensez que des esprits hantent ces ruines ? demanda Renji.

Le combattant esquissa un rictus ironique.

- Oh, si ce que je pensais était fréquemment en accord avec la réalité, j'aurais sans doute les fesses fourrées entre deux jeunes demoiselles à la cour de Daguefilante, et je ne pataugerais pas dans ces satanées forêts boueuses. Toujours est-il que je préfère me méfier des lieux dans lesquels je m'aventure, aussi tirées par les cheveux soient ces rumeurs.

- D'après Frognir, il est peu probable que les Compagnons aient envoyé des recrues dans un endroit pareil si le danger est bien réel, conclut Renji. Nous n'avons qu'à attendre pour le découvrir, j'imagine.

- Frognir ? lança Fjori en agitant les mains au-dessus du brasier. Un chic type, celui-là. Il travaille à la ferme des Guerriers-Nés depuis son arrivée en ville, si ma mémoire est bonne. On a pu discuter brièvement avec lui, et je pense qu'il fera un excellent frère d'armes. Si seulement on pouvait en dire autant de chacun...

Face à la mine interrogative du khajiit, l'homme reprit :

- Sans vouloir vous décourager, vous n'êtes que des gosses. Pourquoi gâcher les dernières belles années de votre existence en vous livrant aux aléas d'une vie comme la notre ? Cela m'échappe.

- C'est ce que je sais faire de mieux, pour être honnête.

- Alors il te faudra réapprendre si tu comptes continuer à fouler le monde des vivants. Rentrer par la grille du fort était ta première erreur, et passer à l'attaque sans rien savoir de nous fut la seconde. Estime toi heureux qu'elle n'aie pas été ta dernière, et que nous soyons de ton côté.

- Je me suis montré imprudent, reconnu humblement Renji. Mais je suis déterminé à m'en sortir. J'ai mes raisons d'être venu me présenter à Jorrvaskr, et je pense que Rurick et Nemira aussi.

- Un sale nom, ça, grommela Joldir, en essuyant la sueur perlant à son front, l'autre main toujours collée à sa marmite. Quel genre d'esprit tordu ont les parents qui ont décidé de l'appeler Nemira ? On ne plaisante pas avec ces choses-là.

Une exclamation victorieuse retentit du côté de Fjori, et la luminosité ambiante augmenta brusquement d'un cran.

Son comparse se détourna chaleureusement de son occupation, et le rejoignit face aux flammes renaissantes.
D'un geste amical, il invita le félin à les rejoindre.

- Enfin, puisque vous avez décidé de vous enrôler, autant apprendre à se connaître. D'où viens-tu, dis moi ?

- De Cyrodiil. De Kvatch, plus exactement.

Une ombre passa sur le visage des deux nordiques à l'écoute de ses mots.

- Oh, murmura Joldir. On raconte que les bandits ont complètement prit possession de la ville. C'est vrai ?

Le khajiit se contenta de hocher la tête, songeur.

- Sale histoire, reprit le nordique. Tu as prévu d'y retourner si la situation s'améliore ?

- Je ne serais pas ici si tel était le cas, déplora Renji. Je préfère laisser ces souvenirs derrière moi.

- Quel genre d'Empereur laisserait son peuple à la merci des hors-la-loi ? souffla le second nordique en secouant la tête.

- C'est pour cela que tu as choisit les Compagnons ? embraya l'autre. Je suppose qu'une famille de guerriers reste une famille, même pour un gamin.

- Je ne sais pas encore, songea le khajiit. Je suppose qu'il me faudra du temps pour prendre une décision. Quoi qu'il en soit, il me faut de l'or pour vivre, et rester à Jorrvaskr est un bon moyen d'en obtenir.

- De sages paroles, plaisanta Joldir en ouvrant un vieux sac de toile posé près du feu. Tu as faim ?

Le félin avait emporté ses propres provisions, mais accepta avec joie l'offre des deux hommes. Saisissant la cuisse de volaille que lui tendait le nordique, il commença à manger, prenant soudain conscience qu'il n'avait rien avalé depuis le matin même.
Après une petite heure de discussions plus ou moins légères, ils se résolurent à consommer l'eau récupérée dans la marmite. Ils furent prit d'un haut le cœur collectif en trempant tour à tour leurs lèvres dans le liquide, mais leur soif était trop importante pour que la sensation de boire dans un étang d'eau stagnante les en dissuade véritablement.
Par chance, la chaleur avait sans doute éliminé la plupart des maladies s'y étant accumulées au cours des derniers mois.

Une fois sûr que les forces qu'il avait récupéré lui permettraient de poursuivre sa route, le khajiit se leva, épousseta sa tunique, et saisit son arc par la corde.

- Je vais rejoindre les autres, annonça-t-il calmement. Vous voulez m'accompagner ?

- Sans façon, rétorqua Joldir en étouffant un bâillement. Même si nous n'avons pas croisé âme qui vive, cette marche m'a épuisé. Le jour où quelqu'un te passera une cotte de mailles sur les épaules, tu comprendras de quoi je veux parler.

Sans un mot, Renji salua ses nouveaux camarades et s'éloigna, prenant la route que les deux nordiques avaient emprunté plus tôt dans la journée.
Il devait faire nuit noire, à présent. Même en intérieur, l'air semblait se rafraîchir inlassablement, et l'humidité suintante couvrant sa fourrure fit vite remonter de longs frissons le long de sa moelle épinière. Il songea brièvement à retourner dans la cour du fort pour rejoindre directement ses compagnons, mais les mots des deux nordiques lui revinrent en mémoire. Prudence était de mise. S'il était arrivé quelque chose à l'un de des trois camarades, leur emboiter le pas risquait bien de lui assurer le même sort. Mieux valait ruser : si cette partie du fort communiquait avec l'extérieur, il en allait sans doute de même pour les autres. Il n'avait qu'à sortir à l'air libre et longer silencieusement le mur jusqu'au rempart Nord pour s'introduire une nouvelle fois dans le bastion, invisible aux yeux du monde.

Il traversa plusieurs salles désespérément désertes, avant de rencontrer une grille de fer entrouverte, dissimulée dans le coin d'un cellier. Après avoir fait le tour des lieux, il obtint la confirmation qu'il s'agissait bien là de l'unique passage susceptible de le conduire au dehors. Comme l'avaient annoncé les deux hommes, le couloir semblait s'étréçir peu à peu, et cette estimation s'avéra sans tarder lorsqu'il s'enfonça dans le boyaux.
Rapidement, il se retrouva accroupi dans l'eau, sentant les parois se resserrer progressivement autour de lui jusqu'à ce que les algues pendant au plafond lui chatouillent le haut du crâne. Réprimant un rictus de dégoût, la recrue poursuivit quelques minutes dans le clapotis de l'eau glaciale s'engouffrant abondamment dans ses bottes, jusqu'à parvenir à un premier embranchement.

Le félin étouffa un juron. Devant lui, le chemin se séparait en deux conduits de taille et d'inclinaison identiques. Et, si lui était en mesure de se repérer dans le noir le plus total, Joldir et Frogni disposaient d'une vision tout à fait humaine. Les deux nordiques s'étaient probablement contentés de longer une paroi à tâtons pour avancer dans les étroites galeries du fort, ce qui signifiait qu'ils n'avaient probablement même pas conscience de s'être enfoncés dans un véritable dédale souterrain. Restait à savoir de quel côté ils avaient bien pu venir.
Sollicitant toute la concentration que le confort des lieux lui permettait de déployer, le khajiit plissa les yeux. Ses pupilles s'étrécirent et se dilatèrent à de multiples reprises, tentant de déceler la moindre variation de luminosité d'un côté comme de l'autre.

Après un long moment sans résultat, il se résigna à choisir. Pas question de faire demi-tour pour demander au duo la route qu'ils avaient suivit. La fatigue s'était longtemps tenue en retrait, mais commençait sérieusement à peser sur sa conscience. Tôt ou tard, il devrait trouver le sommeil, et faire marche arrière risquait bien de le décourager pour de bon. Sans attendre, il emprunta le chemin de droite.

Durant plusieurs minutes, rien ne bougea. L'air était toujours aussi âcre et froid que celui d'un caveau, l'eau continuait de lui ruisseler sur le visage avec une insistance passablement déplaisante, et le silence s'épaississait continuellement. C'était à se demander comment les deux nordiques avaient pu suivre ces conduits encombrés par leur armure et contraints par leur taille.

Puis il aperçu quelque chose. Une lueur, infime mais bien réelle, semblait scintiller quelque part devant lui.
Pressant le pas au détriment de la discrétion, le khajiit se mit à patauger lourdement, impatient de pouvoir soulager son dos courbé à un point insupportable depuis de longues minutes. Rapidement, une cloison de bois incrustée dans la pierre se dessina, faisant scintiller la roche du tunnel alentour. Parvenu à une dizaine de mètres de la source lumineuse, le niveau de l'eau se mit à diminuer drastiquement, et l'effort se fit plus intense : le passage entamait une montée qui, bien que mesurée, se fit sentir pour le félin aux mollets s'engourdis par le froid.
Entre les barreaux, la lueur grandit petit à petit, jusqu'à devenir assez forte pour que ses pupilles retrouvent leurs propriétés diurnes.

En atteignant la cloison, Renji s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Ici, il était en mesure de se redresser à moitié, ce dont il s'enivra avec délectation en étirant chacun de ses membres meurtris. Sur sa droite, le boyau reprenait, semblable à celui qu'il venait de traverser. Face à lui se tenait la paroi de bois, irradiant triomphalement le conduit d'une lumière claire et vive. Retenant son souffle, il pressa son visage entre les planches afin de distinguer ce qui se trouvait de l'autre côté.

TheEbonyWarrior
Niveau 31
27 juillet 2018 à 11:38:58

La première chose qu'il remarqua lui fit serrer les dents de rage : de sa position, le plafond de la salle communiquante paraissait indéniablement plus proche que le sol, près de dix mètres en contrebas. Son errance dans les espaces réduits n'avait visiblement pas touché à son terme.
En revanche, la vue de deux figures familières lui redonna courage. Assis devant un âtre consumant chaleureusement les bûches qui s'y trouvaient se tenaient un jeune nordique et une elfe noir à la chevelure sombre comme la nuit.

- Nemira ! Rurick ! lança la recrue à travers la paroi.

Renji réitéra son appel à deux reprises, avant de comprendre que l'espace accordé par le faible écart des planches n'était pas suffisant pour que sa voix porte de l'autre côté. Il tenta d'écarter les lattes, mais celles-ci se révélèrent étonnamment bien ancrées au mur, ne lui accordant comme tout tribut qu'une large écharde dans l'index.

Estimant que multiplier gesticulations et coupures dans un lieu à la propreté aussi discutable reviendrait à signer son arrêt de mort, le khajiit se détourna de la cloison, et emprunta à contrecœur le passage de droite. Si les deux jeunes recrues étaient parvenues à se rejoindre, alors chacune des ailes du fort communiquait bel et bien avec les autres. Il ne devait pas être très loin d'un accès lui permettant de les rejoindre.

Absorbé par ses réflexions, le khajiit fit quelques pas dans le passage sans prêter attention à ce qui se trouvait devant lui. La descente s'avéra bien plus traître que ne l'avait été la montée.
La botte du félin fut soudainement emportée par un amas de mousse, le faisant chuter en arrière sans prévenir. Avant que ses mains ne puissent s'agripper au moindre renfoncement rocheux, il se mit à glisser incontrôlablement sur plusieurs mètres, avant de s'engouffrer jusqu'aux épaules dans dans une masse d'eau stagnante tout aussi glaçante que les précédentes. Les éclaboussures couvrirent son visage, ne s'arrêtant qu'à la commissure de ses lèvres, qu'il pinça de toutes ses forces pendant plusieurs secondes avec une moue mortifiée.
Se relevant dans un tonnerre de remous fétides, la recrue s'apprêtait à laisser échapper un torrent de qualificatifs peu flatteurs à l'encontre des lieux jusqu'à présent fort peu accueillants à son égard, lorsqu'un éclat de voix attira son attention.

- Eh ! Qui va là ?

Le félin se figea complètement. Ce timbre de voix ne lui disait rien.

Les échos de pas rapides lui parvinrent. S'immergeant de force jusqu'au cou, Renji cessa presque de respirer. Cette fois, il en était certain : il ne connaissait pas cet homme.

- Fried ! tonitrua ce dernier d'une voix bourrue. On a encore un problème de ragnars !

Un autre individu sembla lui répondre dans le lointain, mais Renji ne saisit de son intervention qu'un vague braillement intelligible.

- Dans les conduits, où veux-tu qu'ils soient ? reprit l'inconnu d'un air plein de reproche. Tu sais qu'on en avait discuté, bordel ! Fait ton boulot, et vire moi ce truc de là !

Le silence s'installa quelques instant, durant lesquels le khajiit sentit sa poitrine se serrer. Ses membres, pétrifiés par le froid autant que par l'horreur, refusaient de se mouvoir malgré son envie dévorante de se rapprocher de la source du bruit, quelques mètres plus loin.
Laissant aller sa rage à l'articulation d'une série d'injures à l'encontre des géniteurs de son interlocuteur, l'homme s'en alla bientôt d'une démarche effrénée, vite étouffée par un silence tendu.
L'air que le khajiit inhala en reprenant son souffle sembla débloquer son corps. Il lui restait trop peu de temps pour hésiter.

La recrue se rua en avant, butant sans s'en soucier contre une série d'obstacles invisibles dissimulés sous la surface trouble de l'eau.
Le conduit s'ouvrit brusquement sur sa gauche, révélant un panneau de bois semblable à celui qu'il avait aperçu plus tôt. Par un heureux coup du sort, ce dernier semblait à peine fixé au mur qu'il condamnait. D'une simple pression de la paume de la main, le khajiit fit basculer la plaque d'égout improvisée, qui s'écrasa au sol avec un son mat. D'une enjambée, il se retrouva hors du conduit.

Une myriade de senteurs indéfinissables assaillit ses narines, encore incapacitées par son escapade pestilentielle.
Une demi seconde plus tard, il était parvenu à identifier la plupart d'entre elles, et ce qu'il découvrit ne l'enchanta guère.

Aux relents de déjections l'entourant se mêlaient la senteur doucereuse d'un mélange d'ail et de gibier émanant des couloirs s'étendant devant lui. Par dessus le fumet, qu'il aurait sans mal trouvé appétissant en d'autres circonstances, la marque du fer et de l'acier s'imprimait avec une force surréaliste, emplissant l'air de relents acides.
Une véritable armurerie semblait se trouver à quelques pas de là. Et, avec elle, l'odeur des hommes, chaque instant plus pressante que le précédent.
Très vite, ils viendraient pour lui.

L'esprit affuté par l'urgence, Renji s'avança le long du corridor, et s'arrêta devant la première porte qu'il aperçu. D'une poussée de l'épaule, il fit grincer le battant, et pénétra dans la salle, griffes dehors.
Celle-ci n'avait pas grand-chose à voir avec les pièces abandonnées qu'il avait découvert en entrant dans le fort. Ici, le feu brûlait dans l'âtre, les étagères étaient encombrées de plats, d'alcool et de peaux de bête, et un livre ouvert sur la table à côté d'une choppe à moitié pleine ne laissait aucun doute sur le récent passage d'un occupant des lieux.

Aucune porte. Faisant courir un regard erratique le long des meubles à la recherche d'un objet utile, le khajiit fixa finalement son attention sur une clé, grossièrement dissimulée sous une armoire. Sans hésiter, il saisit le bout de métal, et le coinça entre sa ceinture et sa tunique avant de quitter la pièce.
La voix de plusieurs hommes l'accueillit à son retour dans le corridor. Par chance, ceux-ci étaient encore suffisamment éloignés pour lui laisser le temps de s'engouffrer à la volée par une seconde porte située non loin.

La pièce était pratiquement dépourvue de toute lumière, mais l'odeur de sang décupla d'intensité dès qu'il entra, lui permettant aussitôt d'identifier la fonction de son havre provisoire. À hauteur d'épaule, plusieurs carcasses de cerfs, de loups et de chèvres se balançaient avec une lenteur morbide, attachées par de larges cordes fixées à un lustre au plafond. La puanteur se renforça lorsqu'il s'approcha des tonneaux entreposés dans un coin de la salle. D'un plissement du museau, le khajiit fit fi des puissant relents de pourriture s'exhalant des barils, et dégagea assez d'espace entre les contenants et le mur pour pouvoir s'y glisser sans bruit.

Les pas de plusieurs hommes se mirent à croitre dans le corridor, et le félin suspendit de nouveau sa respiration. D'après ce qu'il entendait, au moins trois individus progressaient dans le couloir. La sonorité sèche et régulière de leurs bottes martela un moment le sol humide du donjon, puis faiblit peu à peu, avant de disparaître.
Renji laissa échapper un profond soupir de soulagement. Bien qu'hors de danger immédiat, il lui fallait penser avec autant d'ingéniosité que de rapidité s'il voulait s'en sortir.

Dans l'obscurité, le khajiit observa son entourage immédiat, et fut vite attiré par la grille de fer située au pied du mur le plus proche. Là aussi, il lui semblait pouvoir entendre le son d'un homme en mouvement. Mais s'il pouvait clairement voir la lumière filtrer à travers les barreaux, il n'était pas en mesure de se pencher suffisamment pour observer la source du bruit sans compromette sa propre sécurité.

Pendant de longues minutes, rien ne se produisit, et les déambulations de l'homme se poursuivirent sans interruption.
Puis il s'arrêta.

- Combien de temps ? lâcha une voix grave.

- Encore quelques minutes, fit une autre. Leur fatigue était palpable. Encore quelques minutes, et nous pourront agir.

- Ça fait des semaines. Si on ne trouve pas au moins un ou deux truc de valeur, j'arrête tout.

- Aucun problème, reprit le second. C'est mon dernier coup aussi. Je me suis trop exposé récemment, tous les gardes du coin me connaissent, sans parler des Compagnons. Je suspecte même qu'ils aient envoyé leurs recrues ici en connaissance de cause. Enfin... Après ce coup-ci, on part pour Faillaise ou Fort-Ivar, et on s'occupe des caravanes. Bien plus sûr.

Brusquement, la porte de la pièce sembla exploser sur ses gonds, faisant déferler une vague d'adrénaline dans le cœur du khajiit, qui pivota sur ses appuis en une fraction de seconde. Dissimulé entre deux barils, la recrue aperçu deux hommes pénétrer dans la salle avec empressement, torche à la main.

- Pas ici, grogna l'un d'eux. Bon sang, où est-il ? Fried !!!

- Quoi encore ? rétorqua un petit argonien d'une voix sifflante en apparaissant dans l'encadrement de la porte. C'est juste un ragnard ! On a des choses plus...

- Les ragnards n'ouvrent pas les plaques d'évacuation, Fried ! L'un de ces chiens est rentré ici, et tu as plutôt intérêt à le trouver rapidement si tu veux éviter d'avoir une hache fichée dans la cervelle !

- Et comment veux-tu qu'il soit passé derrière nous sans qu'on le voie, gros malin ? S'il n'est pas ici, alors il est reparti avertir ses camarades !

- Je te préviens : s'ils foutent le camp avant qu'on leur tombe dessus, je me fais une nouvelle paire de gants avec l'infâme cuirasse reptilienne qui te sert de peau !

Les trois malfrats poursuivirent leur dispute à vive voix et quittèrent la pièce dans un raffut monstrueux, laissant le khajiit seul. Contre toute attente, l'irruption des trois bandits si près de lui était bien le cadet de ses préoccupations. Présentement, seule la voix terriblement familière d'un homme qu'il considérait comme un allié l'instant précédent lui importait.

Un véritable étau s'était reffermé autour de son être tout entier, enserrant son esprit et emprisonnant ses pensées dans une spirale d'éventualités au dénouements tous aussi macabres les uns que les autres. Les mains moites, la recrue se jeta vers la grille, le souffle court et l'estomac pétri par l'angoisse, souhaitant avec horreur s'être trompé.
Mais ses pires craintes se confirmèrent lorsqu'il porta les yeux sur l'un des bandits se trouvant dans la pièce.

Vêtu d'une armure de plates, casque et lame à la main, Frognir se tenait là, à seulement quelques mètres de lui, le visage déformé par un sourire mauvais.

- Allez, ordonna-t-il à la demi-douzaine de hors-la-loi lui faisant face. On leur tombe dessus vite et bien, et on fout le camp. Méfiez vous de la Dunmer. Et bien sûr, ne laissez aucun survivant.

EsZanN
Niveau 25
27 juillet 2018 à 15:24:33
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TheEbonyWarrior
Niveau 31
02 août 2018 à 11:14:58

Chapitre 10

Lorsque plus aucun bruit ne lui parvint, Renji se redressa lentement, jaugeant ses chances de réussite.
Lorsqu'il s'aventura dans le couloir, il s'assura à deux reprises qu'aucune autre forme de vie ne partageait les lieux avec lui avant de bifurquer.
Il atteint bien vite la salle dans laquelle il avait aperçu Frognir et ses hommes.
Aussi circulaires que faire se pouvait, les murs de pierre se prolongeaient jusqu'à une ouverture de quelques mètres laissant place à une allée périphérique, depuis laquelle l'air nocturne se déversait par les rectangles de nuit froide des meurtrières. De chaque côté, les marches s'élevaient ou plongeaient vers les étages adjacents, laissant le khajiit hésitant. Les malfrats s'étaient dirigé vers le rez-de-chaussée où se trouvaient encore Nemira et Rurick, inconscients du danger imminent qui planait sur eux. Mais s'engouffrer à la suite d'hommes qui souhaitaient le voir mort n'arrangerait guère la situation s'il ne se montrait pas capable d'agir de façon parfaitement discrète.

Avant toute chose, il lui fallait une arme. S'il s'était attendu à pouvoir échapper au combat rapproché, la dure réalité le rattrapait à présent : il se trouvait face à des hommes plus forts, et sans conteste plus expérimentés que lui. Si l'un d'entre eux parvenait à l'atteindre, des griffes bien aiguisées ne suffiraient pas.
Malheureusement, le temps jouait contre lui, et choisir avec quoi il combattrait était un luxe dont l'urgence de la situation le privait. À peine avait-il posé les yeux sur la dague et l'épée déposées sur une table basse que celles-ci trônaient déjà entre ses mains, l'accompagnant dans la descente des marches.

Malgré leur nombre, les habitants du fort savaient se montrer discrets, tant et si bien que le félin faillit se faire surprendre en surgissant brusquement derrière eux au pied de l'escalier.
Se dissimulant avec horreur dans l'angle du mur, il retint longuement sa respiration, étonné que les hors-la-loi se montrent si méticuleux.

Ils restent sur leurs gardes, songea Renji. Ils savent qu'ils ont affaire à de futurs Compagnons

Serrant avec violence le manche de ses armes, il se résolu à lancer un regard prudent en direction des malfrats, qui venaient silencieusement d'entrouvrir une porte par laquelle ils s'engouffrèrent tous à la suite.

En rejoignant l'entrebâillement, Renji fut en mesure de les apercevoir plus clairement. Ils étaient au nombre de six. La recrue dénombra trois nordiques, deux rougegardes et un Orsimer, avant de réaliser que Frognir et les trois hommes ayant failli le repérer plus tôt étaient absents du groupe.

Soudain, le khajiit se figea. Étaient-ils déjà aux prises avec ses camarades ? Non, les hors-la-loi qui le précédaient semblaient faire montre d'une extrême prudence, signe qu'ils devaient être en tête du cortège.
Alors où étaient-ils ?

Hanté par la possibilité de se retrouver prit entre deux feux, le khajiit contemplait l'escalier d'un œil inquiet, lorsque soudain, la solution s'imposa dans son esprit.
Devant lui, les hommes se préparaient à ouvrir une seconde porte, dans un calme et une organisation forçant le respect. Il pouvait à peine discerner leurs respirations à cette distance, et il était bien possible que ses deux jeunes camarades ne prennent conscience de leur présence que lorsqu'il serait déjà trop tard.

À moins qu'il ne fasse diversion.

S'armant d'une précaution absolue, la recrue fit un pas en avant, et sa botte se posa contre le sol sans émettre le moindre son. La porte était à portée de bras. Sa main couru le long de sa ceinture, saisit la clé dont il s'était emparé plus tôt, et la fit pénétrer dans la serrure. Le khajiit ne pût réprimer un soupir de soulagement en sentant le fer blanc s'enfoncer sans encombre dans l'encoche. Les serrures semblaient identiques.
Dès que les bandits furent hors de son champ de vision, il cogna le battant de l'épaule, le refermant de toute ses forces dans un lourd fracas. Une exclamation retentit de l'autre côté de la porte. Trop tard.

La clé pivota dans le verrou, émettant un déclic satisfaisant. Un premier choc sourd vint faire trembler les gonds de la porte, suivit d'un second, qui détacha plusieurs nuages de poussière et d'échardes du battant. La clé vibra dangereusement, mais demeura enfoncée dans la serrure, empêchant son ouverture depuis l'intérieur.
Sans savoir si ses adversaires étaient ou non en mesure d'ouvrir celui-ci -mais ayant fort à parier sur le contraire-, il recula de plusieurs pas précipités, jusqu'à buter du dos contre le mur de la cage d'escalier. Laissant les hommes aux prises avec l'obstacle, il se mit à gravir quatre à quatre les marches, ne se souciant guère du bruit qu'il causait.
En son fort intérieur, le félin espérait de tout cœur que tout se déroulerait selon ses prévisions.

<><><>

Rurick s'éveilla en sursaut.
La main plaquée contre son visage pour l'empêcher de crier, Nemira se tenait immobile, ombre parmi les ombres ayant envahi la pièce depuis le déclin fatidique du feu dans l'âtre.

- Quelqu'un approche, murmura la Dunmer en désignant l'escalier de la tour.

- Mais je viens à peine de fermer l'œil ! s'indigna le jeune nordique à voix basse. Par Stendarr, ce serait trop demander que de vouloir dormir sans que tu m'interrompes une fois de temps en temps ?

- Je suis sérieuse, rétorqua t-elle en faisant miroiter l'éclat de sa dague au clair des flammes mourantes. Qui que soit notre visiteur, il essaye de faire discret, et ça ne me plait pas.

Rurick porta les yeux sur le sac de toile reposant tranquillement au coin de la salle, là où il l'avait consciencieusement déposé lors de leur arrivée plusieurs heures plus tôt.
D'un regard inquiet, il dévisagea longuement l'elfe noire.

- Tu penses que je vais devoir m'en servir ?

- Il vaudrait mieux s'en passer, si tu veux mon avis. Nous ignorons tout de leur nombre, et j'aimerais éviter que le fort ne s'écroule au dessus de nos têtes. Donne moi ton couteau.

La recrue s'exécuta sans discuter, et détacha le coutelas de son ceinturon avant de le tendre aux doigts délicats de sa camarade.
Une mélopée envoûtante s'échappa bientôt des lèvres de celle-ci, puis une lueur violette illumina brièvement le creux de ses paumes.

La lame que la Dunmer lui rendit était plus longue, plus solide, et infiniment plus acérée qu'elle ne l'aurait jamais été en temps normal. Le nordique soupesa l'épée, vibrant d'une énergie éthérée, et sourit sous la légèreté de cette dernière. Bien entendu, Nemira ne créait rien; elle ne faisait que déformer la réalité, mais s'y prenait avec tant d'habileté qu'il lui était bien impossible d'émettre la moindre critique à ce sujet.

- Il faudra que tu m'apprennes, un jour, lâcha-t-il avec une pointe d'admiration.

- Cantonne toi à ce que tu sais faire correctement, et suis-moi. Nous avons encore assez d'avance pour les surprendre.

- Tu penses qu'ils sont nombreux ?

- Je l'ignore, mais mon ouïe ne m'a pas trompé, et je doute qu'ils nous attaquent gentillement un par un.

Le nordique scruta l'obscurité relative les entourant. L'avantage était leur, si tant est qu'ils soient en mesure d'exploiter efficacement le court laps temps dont ils disposaient.

- Tu es sûre que Frognir est l'un des leurs ?

- C'est un amateur, lâcha froidement la Dunmer. Il savait exactement comment venir ici, quelles portes étaient barrées ou non, et n'a même pas prit la peine de s'en cacher. Même les bûches qu'il a fait mine de trouver dans cet âtre respirent le faux. Un fort abandonné, fourni en bois fraîchement coupé ? Il connait cet endroit comme le revers de sa main.

- Alors où est-il à présent ?

- Cela fait plus d'une heure qu'il est parti, et je doute qu'il soit allé piquer un petit somme dans un coin humide de cette ruine. Si tu veux vraiment savoir ce qu'il fabrique, je pense que le plus simple reste de poser la question à ses petits camarades lorsqu'ils arriveront ici. À moins, bien sûr, qu'il ne nous rende directement visite avec eux.

Un sourire éclaira le visage cerné de Rurick. Face à un ennemi en surnombre et mieux informé, il leur faudrait composer avec les moyens du bord. Par chance, il s'agissait là de ce qu'ils avaient toujours fait de mieux.

<><><>

Lorsqu'il atteint l'étage supérieur, Renji saisit son épée, et s'approcha d'un mur. Prenant son courage à deux mains, il fit bruyamment crisser la lame contre la pierre, émettant ainsi un son strident dont l'écho se répercuta à travers les salles du donjon comme une invitation à croiser le fer. Deux ou trois secondes plus tard, plusieurs bruits de pas se mirent à résonner lourdement au-dessus de lui.

Coinçant ses lames là où la clé de la porte l'avait précédemment été, il saisit son arc, encocha une flèche, recula de deux mètres, et attendit que le premier ennemi s'avance à sa merci, dissimulé dans l'angle du tournant.
L'argonien fut le premier à jaillir dans la salle circulaire. Il fit mine de poursuivre sa descente, ignorant sans doute l'origine exacte du raffut causé par la recrue, puis l'aperçu enfin, et s'immobilisa en ouvrant de grands yeux.

Cette seconde d'arrêt scella son destin. La flèche quitta l'arc du félin sans émettre le moindre son, comme si l'air lui-même avait redouté de lui faire face, puis fila avec une précision mortelle. Un gargouillis sanglant étouffa l'exclamation du reptile lorsque sa gorge s'orna d'une fleur pourpre à la tige fichée sous son menton, et il s'écroula lourdement avant de basculer le long des marches.
Un second trait paré à l'envoi, Renji recula de deux pas supplémentaires, armant son second tir avec une concentration redoublée.

Cette fois, deux nordiques apparurent au même instant, rangés l'un derrière l'autre dans une masse de chair en furie. Le premier fit un écart pour éviter son tir, tandis que le l'autre piqua en avant, le prenant de court. Sa flèche manqua sa cible, et vint se planter dans l'épaule du nordique en retrait.
Déjà, l'autre était sur lui, vif et sanguinaire.

D'une feinte du pied droit, il fut capable de tromper le malfrat, qui dévia légèrement de sa trajectoire. D'un agile bond en arrière, il échappa de justesse à la morsure effilée d'une hache de fer, dont la lame siffla à quelques centimètres de sa poitrine. Déséquilibré, il se rattrapa d'une main, tandis que l'autre faisait déjà jaillir l'acier de son épée au clair.
Leurs lames s'entrechoquèrent avec une violence qui lui coupa le souffle. Le nordique avait mit toute sa force dans le coup, repoussant brutalement la lame de la recrue, dont le cuir de l'armure écopa d'une longue lacération au pectoral.

Lorsqu'il fut de nouveau sur pied et en garde, le second hors-la-loi avait rejoint son camarade, et les deux hommes n'eurent aucun mal à l'acculer dans un coin de la pièce.
Ses idées filaient à toute allure. Pas question de mourir ici. Le premier qui l'avait attaqué était grand. Fort. Précis. Son épaule vibrait encore du choc précédent. Combien d'autres frappes de ce genre pouvait-il encaisser ? Deux, peut-être, à condition d'être assez chanceux pour parer correctement. Le second individu avait toujours le trait fiché dans la chair du bras gauche. Dans sa main droite brillait une épée en tout point semblable à celle qu'il possédait lui-même. L'homme était clairement handicapé et ralenti dans ses mouvements. Pouvait-il bondir entre ses adversaires et espérer échapper simultanément à deux lames ? Où devait-il ruser et se ruer sur la gauche en longeant le mur pour rester hors d'atteinte de l'un d'eux, quitte à s'exposer à la main d'épée d'un nordique qui, bien qu'affaibli, demeurait un danger certain ?

Ses assaillants coupèrent court à ses réflexions. S'avançant d'une même impulsion, ils se ruèrent sur lui. Avec horreur, Renji vit le métal fuser comme au ralenti dans sa direction, cherchant désespérément à discerner une faille dans la trajectoire de ces deux arcs meurtriers.
Puis il l'aperçu. Afin d'éviter d'entraver ou de blesser son camarade, le nordique de droite avait été forcé de frapper de haut en bas, lui faisant prendre une fraction de seconde de retard par rapport à son allié.

Le khajiit se courba, puis bondit de toutes ses forces, et s'engouffra entre les deux assaillants avec une rapidité qu'il ne se connaissait pas. Pivotant avec vivacité, il balança le fil de sa lame contre l'omoplate du nordique blessé, couvrant le sol d'une éclaboussure pourpre. L'homme hurla en tombant à genoux sous le coup de la douleur, alors que l'autre chargeait en avant, plus furieux que jamais.
Ayant bondit en arrière, la recrue avait ce coup-ci vu venir l'assaut. Une nouvelle fois, les lames se croisèrent dans une pluie d'étincelle, sans couvrir de rouge la moindre once de chair. Le regard bestial du malfrat fit frémir Renji, qui se campa sur ses appuis en attendant l'assaut suivant, les deux mains vissées avec insistance sous la garde de sa lame.

La hache fila dans les airs à l'instant où il se baissa, manquant de peu son crâne. Il frappa d'estoc en se relevant, mais le poing ganté de l'homme le cueillit en pleine mâchoire, le précipitant au sol dans un concert de tâches colorées.
Galvanisé par un flot d'adrénaline monstrueusement puissant, il se releva avant même que son ennemi ne puisse s'avancer pour l'achever.
À deux pas de lui, son second adversaire, impuissant, se relevait tout juste. S'il faisait vite, il était en mesure d'égaliser les forces en présence.

Alors qu'il bondissait hors de portée de son opposant le plus féroce, Renji fit monter sa lame haut dans les airs, avant d'amorcer une frappe en direction de la nuque du blessé.
Le nordique valide se jeta sur lui pour tenter de protéger son camarade, omettant ainsi un léger détail.
Car tandis que la main gauche du félin tenait son épée dressée vers les cieux, l'autre restait religieusement dissimulée contre son flanc. Trop tard, le malfrat réalisa que le khajiit ne regardait pas sa cible. Non, il le regardait, lui, attendant qu'il commette cette erreur fatidique.
Puis, tel un serpent d'acier, le poignard jaillit de l'ombre.

La dague perça l'abdomen du bandit avec un son sourd, coupant d'un coup l'élan de celui-ci. Aussitôt, le coutelas jaillit de la plaie dans un geyser écarlate, et se ficha à nouveaux, cette fois dans la poitrine de l'homme. Au son de son hémoglobine se déversant au sol, il tituba, livide.

Ayant tout contemplé de la scène, le premier blessé ramassa son épée au même instant, et bâtit l'air avec un grognement rauque. La recrue s'écarta, mais pas assez vite.
Une ligne froide s'imprima contre son ventre à travers le cuir de sa protection, tranchant avidement sa chair.
Prit d'une fureur guerrière, Renji fut sur son ennemi en un clin d'œil. D'un violent coup de tibia, il repoussa le bras de l'homme, fauchant son seul appui et envoyant valser sa lame. Puis, emporté par la rage, il leva son poignard rougi de sang, et l'abattit sur sa victime, encore et encore, jusqu'à ce que les hurlements de sa victime se muent en gémissements, puis en suppliques éteintes. Enfin, le silence retomba, plus lourd qu'un millier de chappes de plomb.

Sujet : [Fic] Au coeur de la tempête
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